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Full text of "Mémoires sur la cour de Louis XV, 1735-58"

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MÉMOIRES 


DU 


DUC  DE  LUYNES 


ANNÉE    4  759. 


AOUT. 


Retour  de  la  Cour  à  Chantilly,  puis  à  Versailles.  —  Brouillerie  entre  M.  le  Duc 
et  M"*'  la  Duchesse.  —  Observation  de  M.  de  Cha?igny  sur  le  caractère  du 
roi  de  Danemark.  —  On  montre  le  linge  de  Madame;  plaisanterie  du  Cardi- 
nal à  ce  sujet.  —  Chapitre  de  l'ordre  du  Saint-Esprit.  —  Difficulté  entre  le 
duc  de  Chartres  et  le  comte  de  Chaiolois  au  coucher  du  Roi.  —  Froideur  du 
Roi  envers  le  cardinal  de  Fleury.  —  Mariage  de  M.  de  Tréville  avec  M"e  de 
Rannes.  —  Mort  de  TarcheTèque  de  Narbonne.  —  Le  Roi  visite  M"'^  de 
Mailly  ;  luxede  sa  toilette  pour  dormir.  —  Arrangements  pour  les  Kançailles 
de  Madame,  préparatifs  de  la  fête  à  Versailles  et  à  Paris;  difficultés  qu'elle 
provoque.  —  Voyage  du  Roi  à  Rambouillet.  —  Continuation  des  bruits  sur 
M.  le  Duc  et  W^  la  Duchesse.  Mort  du  prince  de  Hesse-Rheinfels.  —  For- 
mation d'un  régiment  corse.  —  Arrivée  des  galions  en  Espagne;  contesta- 
tions entre  l'Espagne  et  l'Angleterre.  —  Mort  du  duc  de  la  ValKère.  —  Le 
comte  de  Tessin  présenté  an  Roi  et  à  la  Reine.  —  M.  de  la  Mina  fait  la  de- 
mande de  Madame  Infante.  —  nouveaux,  règlements  pour  la  fête  du  mariage. 
Observation  sur  les  carreaux  des  ducs.  —  Mort  du  vicomte  de  Melun.  — 
Fiançailles  de  Madame  Infante.  —  Mariage  de  Madame  Infante.  ^  Fête  don- 
née par  M.  de  la  Mina.  -^  Difficulté  sur  une  visite  à  la  reine  d'Espagne.  — 
Causes  des  contestations  entre  l'Espagne  et  l'Angleterre.^  —  Détail  de  la 
fête  de  M.  de  la  Mina.  —  Préparatifs  de  départ  de  M.  de  la  Mina.  »  Feu 
de  la  ville  de  Paris;  le  Roi  y  assiste.  —  Bal  de  la  Ville;  anecdote  sur 
W^  de  Mailly.  —  Départ  de  Madame  Infante.  --  Le  Roi  va  à  Rambouillet. 
—  Audience  de  congé  du  nonce  Lercari. 

Du  samedi  V*  août  1739,  Compiégnê.  —  La  Reine,  qui 
part  lundi  3  de  ce  mois,  a  permis  aux  damés  qui  auront 
T.  m.  1 


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MÉMOIRES 


DU 


DUC  DE  LUYNES 


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MÉMOIRES 


DU 


DUC  DE  LUYNES 


ANNÉE    4  759. 


AOUT. 


Retour  de  la  Cour  à  Chantilly,  puis  à  Versailles.  —  Brouillerie  entre  M.  le  Duc 
et  M"®  la  Duchesse.  —  Observation  de  M.  de  Chavigny  sur  le  caractère  du 
roi  de  Danemark.  —  On  montre  le  linge  de  Madame;  plaisanterie  du  Cardi- 
nal à  ce  sujet.  —  Chapitre  de  l'ordre  du  Saint-Esprit.  —  Difficulté  entre  le 
duc  de  Chartres  et  le  comte  de  Charolois  au  coucher  du  Roi.  —  Froideur  du 
Roi  envers  le  cardinal  de  Fleury.  —  Mariage  de  M.  de  Tréville  avec  M'i^  de 
Rannes.  —  Mort  de  Tarchevéque  de  Narbonne.  —  Le  Roi  visite  M""^  de 
Mailly  ;  luxe  de  sa  toilette  pour  dormir.  —  Arrangements  pour  les  Kançailles 
de  Madame,  préparatifs  de  la  fête  à  Versailles  et  à  Paris  ;  difficultés  qu'elle 
provoque.  —  Voyage  du  Roi  à  Rambouillet.  —  Continuation  des  bruits  sur 
M.  le  Duc  et  M*"'  la  Duchesse.  Mort  du  prince  de  Hesse-Rheinfels.  —  For- 
mation d'un  régiment  corse.  ^  Arrivée  des  galions  en  Espagne;  contesta- 
tions entre  l'Espagne  et  l'Angleterre.  —  Mort  du  duc  de  la  Vallière.  —  Le 
comte  de  Tessin  présenté  au  Roi  et  à  la  Reine.  —  M.  de  la  Mina  fait  la  de- 
mande de  Madame  Infante.  —  nouveaux,  règlements  pour  la  fête  du  mariage. 
Observation  sur  les  carreaux  des  ducs.  —  Mort  du  vicomte  de  Melun.  — 
Fiançailles  de  Madame  Infante.  —  Mariage  de  Madame  Infante.  ~  Fête  don- 
née par  M.  de  la  Mina.  —  Difficulté  sur  une  visite  à  la  reine  d'Espagne.  — 
Causes  des  contestations  entre  l'Espagne  et  l'Angleterre.^  —  Détail  de  la 
fête  de  M.  de  la  Mina.  —  Préparatifs  de  départ  de  M.  de  la  Mina.  »  Feu 
de  la  ville  de  Paris;  le  Roi  y  assiste.  —  Bal  de  la  Ville;  anecdote  sur 
M""«  de  Mailly.  —  Départ  de  Madame  Infante.  -—  Le  Roi  va  à  Rambouillet. 
^^  Audience  de  congé  du  nonce  Lercari. 

Du  samedi  1''  août  1739,  Compiègne.  —  La  Reine,  qui 
part  lundi  3  de  ce  mois,  a  permis  aux  damés  qui  auront 
T.  m.  1 


2  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

l'honneur  de  suivre  S.  M.  d'être  dès  aujourd'hui  en  man- 
teau et  en  jupe;  c'est  l'usage,  et  je  l'ai  déjà  marqué  pour 
d'autres  voyages. 

Du  dimanche  2,  Compiègne.  —  Le  Roi  fut  hier  courre 
le  cerf;  il  partit  à  l'ordinaire  dai^s  sa  gondole  avec  les 
deu3^  princesses,  m""*  de  Me^Uy  e^  M^**  dq  ffesl^.  S.  M. 
avoit  donné  une  calèche  et  dès  relais  à  M"*  de  Chalais, 
qui  mena  M™'  de  Chàtillon  et  M.  de  Chalmazel.  Le  premier 
cerf  fut  pris  dans  la  rivière  d'Aisne.  Le  Roi  en  attaqua 
un  second  sur  les  cinq  heures;  c'étoit  un  jeune  cerf  qui 
fit  une  grande  refuite,  et  tout  le  monde  perdit  la  chasse, 
même  le  Roi,  qui  crut  le  cerf  manqué  ;  mais  les  calèches 
avoient  trouvé  le  cerf,  qui  venoit  d'être  pris ,  et  Made- 
moiselle avec  la  compagnie  de  sa  calèche  arriva  par- 
dessus la  terrasse  àlafenêtre.duRoi,  qui  se  déshabilloit,  et 
M™*  de  Mailly  présenta  au  Roi  le  pied  du  cerf.  La  conver- 
sation à  la  fenêtre  dura  environ  un  quart  d'heure.  Il  y 
eut  souper  dausles  cabinets,  mais  seulement  des  hommes, 
à  cause  du  maigre.  Mademoiselle  soupa  chez  M'^*"  de  Cler- 
mont  ;  il  n'y  avoit  d'autres  dames  que  M""*  de  Mailly  et 
M^'*-  de  Nesle.  On  joua  à  cavagnole  après  souper,  et  le 
Roi  après  souper  descendit  chez  M"^  de  Clermont ,  y  joua 
à  cavagnole  et  y  resta  jusqu'à  deux  heures. 

Du  jeudi  6,  Chantilly.  —  Le  Roi  arriva  ici  lundi  sur 
les  neuf  heures  du  soir,  après  avoir  été  de  Compiègne 
courre  le  c^rf  dans  des  buissons  du  côté  de  la  Picardie. 
La  Reine  étoit  arrivée  un  peu  auparavant.  Tout  s'est  passé 
à  l'ordinaire  pendant  le  séjour  de  la  Reine  ;  deux  tables 
de  dames  seulement  le  soir  et  une  le  matin.  M"*  de  Cler- 
mont et  M"^  de  la  Roche-sur- Yon  ont  tenu  alternativement 
la  seconde  table.  Le  Roi  le  matin  a  mangé  en  bas  avec 
quatre  ou  cinq  hommes.  M.  le  Duc  y  a  presque  toujours 
mangé.  M'^'^de  Luynes,  qui  au  dernier  voyage  avoit  tou- 
jours mangé  à  la  table  du  Roi  et  de  la  Reine,  a  mangé  un 
jour  ici  à  la  seconde  tablent  qui  est  dans  la  même  pièce. 
C'est  par  défaut  d'attention  de  la  part  de  M.  le  Duc ,  la 


AOUT  i75».  3 

dame  cl'honneur  ne  devant  jamais  être  séparée  de  la 
Reine  et  ayant  le  droit  de  manger  tous  les  jours  avec 
S.  M.  à  Harly,  et  étant  toujours  en  carrosse  ou  en  ca- 
lèche avec  la  Reine.  La  Reine  alla  se  promener  ici  le 
mardi)  et  pour  faire  honnêteté  à  H**^  les  Duchesses^  elle 
les  mena  avec  elle  et  M*^^  de  Clermont ,  ce  qui  fit  que 
H'"'^  de  Luynes  alla  dans  une  seconde  calàdie  ;  mais  il 
s'a^ssoit  d'aller  à  cent  pas.  La  Reine  alla  au  jeu  d^oie , 
qui  est  un  bosquet  fait  depuis  un  an  ou  deux  ^  où  il  y  a 
une  course  de  bagueci  assis  sur  des  ohais^ ,  ou  monté 
sur  des  oies.  La  Reine  se  mit  dans  une  de  ces  chaises  et 
prit  même  grand  nombre  de  bagues. 

Le  Roi  tira  mardi  et  courut  hier  le  sanglier  dans  le 
j^arc  avec  les  chiens  de  H.  le  Duc.  Avantrhier  il  lut  au 
rendez-vous  de  sa  chasse  e^véc  un  attelage  de  chevaux 
tigrés  dont  la  robp  est  fort  belle  ;  cet  attelage  est  acheté 
depuis  peu ,  et  le  Roi  parut  assea  occupé  de  le  faire  voir. 
Hier,  M"^  de  Mailly  avec  M.  le  comte  de  ClermoQtatM.  de 
Gesvres  se  servit  de  cet  attelage  pour  se  promener  un 
moment  autour  du  château  avant  le  départ  de  la  Reine. 
W^  de  Hailly  a  toujours  dîné  dans  sa  chambre  ici  avec 
^.  le  comte  de  Clermont  et  M.  de  Gesvres.  M*  le  duc  de 
Villeroy  soupe  aussi  toujours  dans  sa  chambre  en  bas. 
Pendant  le  séjour  de  la  H^ine^  M.  le  comte  de  Clermont 
tenoit  la  seconda  table  dans  la  même  galerie  que  celle  de 
H.  le  Duc.  Il  y  a  eu  ce  voyage-ci  quelques  retranchements 
sur  les  fruits.  M.  le  Duc  remarqua  au  passage  du  Roi  que 
les  fruits  étoient  fort  chers  ;  il  n'a  pas  voulu  que  le  I(oi 
eât  à  payer  ces  frais  extraordinaires»  et  a  ordonné  plus 
de  simplicité  dans  les  fruits.  J'ai  déj4  marqué  que  ces 
voyages  du  Roi  étoient  aux  dépens  de  S.  M,^  qui  Ta  voulu 
absolument^  malgré  les  représentations  de  M.  le  Duc;  cela 
est  ainsi  depuis  Tannée  passée. 

Du  lundi  10,  Versailles.  —  Je  n'ai  rien  écrit  depuis 
Chantilly,  ayant  été  depuis  ce  temps  à  Paris,  d'où  je  ne 
revins  qu'hier.  J'ai  trouvé  en  arrivant  ipi  que  Ton  y  par- 

t. 


4  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

loi!  beaucoup  d'une  brouillerie  que  Ton  dit  être  entre 
M.  le  Duc  et  M"**  la  Duchesse  jeune.  J'avois  déjà  entendu 
tenir  beaucoup  de  discours  qui  pourroient  bien  n'avoir 
guère  de  fondement.  Il  est  certain  que  M"^  la  Duchesse 
jeune  a  paru  assez  sérieuse  à  Chantilly  ;  on  dit,  outre 
cela  y  qu'elle  change  d*appartement  à  Paris.  C'en  est  as- 
sez pour  avoir  doniié  occasion  de  parler. 

H.  de  Chavigny  arriva  hier  ici  (il  vient  de  Danemark), 
et  fit  sa  révérence  au  Roi  dans  son  cabinet;  ce  fut  H.  le 
Cardinal  qui/ avant  le  travail^  le  présenta  à  S.  H.  M.  de 
Chavigny  me  disoit  hier  au  soir  qu'il  avoit  été  extrême- 
ment satisfait  de  la  façon  dont  le  Roi  Tavoit  reçu;  qu'il 
avoit  remarqué  avec  plaisir  toutes  Içs  questions  que  le 
Roi  lui  avoit  faites^  et  qu'il  avoit  trouvé  S.  H.  si  disposée 
à  l'entendre  que  s'il  n'avoit  pas  craint  de  prendre  trop 
de  temps  sur  le  travail  ayec  M.  le  Cardinal  y  il  seroit  en- 
tré en  détail  sur  les  affaires  de  Danemark.  Ilparolt,  parce 
que  dit  M.  de  Chavigny^  que  l'on  a  été  fort  content  à 
Copenhague  de  H.  le  marquis  d'Ântin,  qui  y  a  resté  quel- 
ques jours  avec  une  escadre  de  quatre  vaisseaux  y  et  que 
le  projet  est  d'y  en  envoyer  tous  les  ans  y  même  en  plus 
grand  nombre^  pour  accoutumer  peu  à  peu  les  couron- 
nes du  Nord  à  connoltre  qu'elles  ne  sont  pas  assez  éloi- 
gnées de  nous  pour  n'en  avoir  pas  besoin. 

M.  de  L'Hôpital  a  remercié  ce  matin  pour  l'ambassade 
deNaples;  il  compte  partir  dans  le  mois  de  janvier . 

J'oubliois  une  observation  de  M.  de  Chavigny  sur  le 
caractère  du  roi  de  Danemark .  Il  dit  que  ce  prince  ne 
hait  point  les  François ,  et  que  son  caractère  est  assez  la 
douceur  et  la  bonté  y  mais  en  même  temps  la  foiblesse  ; 
que  la  Reine  a  plus  d'esprit;  qu'elle  est  assez  dans  le 
goût  de  la  reine  d'Espagne^  aimant  à  gouverner,  mais 
qu'il  y  a  dans  ce  pays-là  peu  d'hommes  capables  du  gou- 
vernement. Il  ajoute  que  le  prince  royal  de  Danemark , 
qui  a  quinze  ou  seize  ans,  donne  beaucoup  d'espérance. 
Hier  et  aujourd'hui ,  on  a  montré  le  linge  et  les  habits 


i 


AOUT  1759  5 


achetés  pour  Madaaie;  il  n'y  a  rien  de  choisi  avec  autant 
de  goût,  autant  de  magnificence  et  en  aussi  grande 
quantité.  Je  ne  sais  point  à  quoi  monte  le  total;  mais  il 
paroltque  le  linge  seul  doit  aller  à  plus  de  100^000  écus. 
M.  le  Cardinal  le  vit  hier,  et  dit  en  badinant  que  c'étoit 
apparemment  pour  marier  toutes  Mesdames.  M"®  de  TaU 
lard  répéta  cette  plaisanterie  au  Roi,  qui  voulut  voir  en 
détail  toute  cette  emplette ,  et  la  plaisanterie  parut  ne  pas 
plaire  à  S.  M. 

Du  mardi  11,  Versailles,  —  Avant-hier,  il  y  eut  cha- 
pitre de  l'Ordre.  Il  y  avoitcinqou  six  jours  que  M.  de 
Maurepas,  par  ordre  du  Roi,  avoit  écrit  pour  la  convo- 
cation de  ce  chapitre  ;  c'étoit  pour  l'examen  des  preuves 
de  M.  de  la  Mina ,  à  qui  le  Roi  a  permis  de  porter  le  cor- 
don de  l'Ordre  ,  quoiqu'il  ne  soit  pas  reçu.  Il  y  a  même 
des  difficultés  sur  sa  réception.  Premièrement,  à  cause 
du  serment ,  et  secondement ,  à  cause  du  rang  qu'il 
pourroit  prétendre  comme  ambassadeur  et  qu'on  pour- 
roit  lui  disputer  n'étant  pas  grand  d'Espagne. 

M.  le  comte  de  Charolois  étoit  au  chapitre;  il  vint  au 
lever  du  Roi.  M.  le  duc  de  Chartres  y  vint  aussi.  Le  pre- 
mier valet  de  chambre ,  qui  n'avoit  pas  vu  M.  le  duc  de 
Chartres ,  donna  la  chemise  à  M.  de  Charolois  pour  la 
présenter  au  Roi.  M.  le  duc  de  Chartres  se  montra  et  s'ap- 
procha de  M.  de  Charolois  pour  prendre  la  chemise; 
M.  de  Charolois  ne  voulut  pas  la  lui  donner;  de  manière 
que  le  Roi ,  s'en  étant  aperçu ,  demanda  à  M.  de  Charo- 
lois s'il  ne  connoissoit  pas  M.  le  duc  de  Chartres.  M.  de 
Charolois  dit  qu'à  cause  de  la  petite  vérole  il  ne  l'avoit 
pas  reconnu  :  cela  prouve  combien  il  vient  peu  dans  ce 
pays-ci. 

Le  Roi  fut  chasser  samedi  dans  la  plaine  de  Grenelle , 
où  il  tua  environ  deux  cent  cinquante  pièces  de  gibier  ; 
il  en  fut  tué  en  tout  près  de  quinze  cents.  On  dit  que  dans 
la  plaine  de  Creteil,  où  le  Roi  doit  aller  ces  jours-ci,  l'on 
aconnoissance  de  douze  cents  compagnies  de  perdreaux. 


6  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYJNES. 

Le  Roi  partit  hier  pour  la  Meutte;  il  tire  demain  dans  la 
plaine  de  Saint-Denis^  et  revient  après-demain  après  avoir 
couru  lô  cerf.  Le  même  arrangement  qu'à  Tordinaire  ; 
Mademoiselle  àMadridet  soupant  lesdeuxjoursàlaMeutte. 
Les  dames  sont  M"*  de  Clennont,  M*"*  de  Mailly,  M"«  de 
Nesle ,  M"'  la  maréchale  d'Estrées  et  M"*'  de  Ségur. 

Du  mercredi  12,  Versailles.  —  Le  jour  delà  demande, 
qui  devoit  être  le  2â  ,  est  remis  au  â3.  Il  y  a  deux  ou  trois 
jours  que  M.  le  Cardinal ,  étant  venu  travailler  avec  le 
Roi  et  ignorant  ce  changement,  demanda  à  S.  H.  quelle 
heure  ilvouloit  donner  le  21  à  M.  de  la  Mina.  Le  Roi  ne 
répondit  autre  chose ,  sinon  :  u  Je  n'y  serai  pas  » ,  sans 
entrer  dans  aucun  détail.  M.  le  Cardinal  ne  jugea  pas  à 
propos  de  pousser  plus  loin  les  questions ,  et  dit  à  H.  de 
Gesvres ,  qui  étoit  présent  :  «  On  prendra  le  jour  qtie  II» 
Roi  sera  ici  »  ;  le  Roi  kie  répondit  autre  chose ,  sinon  : 
((  apparemment»,  et  entra  tout  de  suite  dans  sa  garde- 
robe.  Le  travail  avant  celui-là,  le  Roi  ayant  dit  à  M.  de 
Gesvres  d'en voyet  quérir  M.  le  Cardinal,  entra  aussitôt 
dans  sa  garde-robe,  et  H.  le  Cardinal  étant  arrivé  attendit 
une  demi-heure  ou  trois  quarts  d'heure.  Ces  deux  faits 
sont  certains. 

On  ne  sait  point  encore  si  le  Roi  ira  au  feu  de  la  Ville 
avec  la  Reine,  ou  dans  ses  carrosses. 

Hier,  M***  de  Rannes,  nièce  de  M.  le  lieutenant  civil  et 
de  M™*^  la  duchesse  d'Estrées,  épousa  M.  de  Tréville  ;  il  a 
servi  longtemps  dans  les  mousquetaires ,  et  seroit  à  la 
place  de  M.  de  Jumilhac  (1)  si  sa  mère  ne  l'avoit  pas 
obligé  de  quitter;  il  a  45^000  livres  de  rente  en  Béarn, 
et  quarante-six  ou  quarante-sept  ans;  il  a  été  marié  deux 
fois,  et  n'a  eu  qu'une  fille  de  sa  première  femme,  qui 
est  morte.  Le  mariage  s'est  fait  chez  M*"^  la  duohesse 
d'Esttées. 


(1)  Capitaine-lieutenant  de  la  première  compagnie  ^es  Mousqttef aires  de  la 
Garde. 


AOUT  1739,  7 

Du  vendredi  14,  Versailles.  —  M"*''  d'Avéjan  fit  sa 
révérence  il  y  a  quelques  jours;  elle  n'est  plus  en 
deuil;  elle  a  attendu  que  le  deuil  de  son  mari  fût  fini 
pour  paroltre  ici  ;  ce  n'ëtoit  pas  autrefois  Fusage. 

On  a  appris  ces  jours-ci  la  mort  de  M.  Tarchevêque 
de  Narbontte  (1)  ;  il  étoit  Beauvail^  frère  du  lieutenant 
général  dont  la  fille  avoit  épousé  feu  M.  le  duc  de  Ro- 
chechouart^  frère  aîné  de  celui  d'aujourd'hui. 

M.  Farchevêque  d'Alby  (2),  qui  est  ici  depuis  deux 
mois,  présenta  il  y  a  toois  ou  quatre  jours  ses  neveux, 
fils  de  H.  de  Castries,  qui  ont  toujours  été  élevés  chez  lui. 

M.  de  Puysieux  a  fait  hier  et  aujourd'hui  ses  révé- 
rences; il  arrive  de  Naples.  Le  Roi  Ta  reçu  avec  bonté 
et  lui  parla  beaucoup  hier. 

Le  Roi  fut  mardi  tirer  dans  la  plaine  de  Saint-Denis,  où 
il  y  eut  douze  cents  pièces  de  gibier  de  tuées,  S.  H.  soupa 
le  lundi  et  le  mardi  avec  les  dames  que  j'ai  nommées 
ci-dessus.  Le  mercredi,  il  partit  de  la  Meutte  sur  le 
midi  ;  il  alla  à  Madrid,  où  il  entra  chez  Mademoiselle, 
qui  dormoit  ;  ne  s'étant  point  réveillée,  le  Roi  alla  chez 
M"^  de  Clermont,  qui  se  réveilla,  mais  la  visite  ne  fut 
pas  longue.  Le  Roi  passa'  ensuite  à  Tappartement  de 
H"''  de  Hailly  ;  elle  étoit  éveillée  ^  mais  dans  son  lit, 
toute  coiffée  et  la  tète  pleine  de  diamants;  mais  elle 
couche  toujours  ainsi;  elle  avoit  sur  son  lit  la  jupe  de 
son  habit  pour  le  mariage  de  Madame,  et  dans  sa 
chambre  un  joaillier  nommé  Lemagnan,  qui  a  beau- 
coup de  pierreries  et  qui  prête  des  pal'ures  valant  deux 
ou  trois  millions*  Il  y  avoit  aussi  des  marchands  de 
Paris  de  parures  d'habits  que  Ton  appelle  de  charpes(3)  et 
que  M"®  de  Mailly  appelle  ses  petits  chats.  Le  Roi  entra 
dans  la  plaisanterie  et  les  appella  de  même,  examina 


(1)  René-François  de  Beauvaudu  Rivau. 

(2)  Armand-Pierre  de  la  Croix  de  Ga»tries. 

(3)  Ou  de  parpes.  (  Note  du  duc  de  tuynes.  ) 


8  MÉMOIRES  DV  DUC  DE  LUYNtS. 

la  jupe  et  les  pierreries  du  sieur  Lemagn^n  fort  en  détail  ; 
et  lorsque  les  dames  furent  prêtes^  il  partit  pour  la 
chasse  menant  dans  sa  gondole  les  six  dames  que  j'ai 
nommées  plus  haut.  Il  y  avoit  deux  calèches  à  la  chasse  ; 
dans  chacune,  une  des  deux  princesses  avec  deux  dames 
et  deux  places  remplies,  l'une  par  H.  du  Bordage  et 
l'autre  par  M.  de  Luxembourg,  qui  ne  va  plus  à  la 
chasse  à  courre  depuis  une  chute  qu'il  fit  il  y  a  deux 
ou  trois  ans^  dont  il  a  un  doigt  estropié. 

Les  arrangements  pour  la  fête  se  décident  tous  les 
jours.  Les  fiançailles  se  feront  dans  la  pièce  où  est  Toeil- 
de-bœuf  ;  les  dames  attendront  dans  la  galerie,  passant 
ou  par  l'œil-de-bœuf  ou  par  chez  la  Reine.  M.  de 
Gesvres  fait  garder  toutes  les  portes  de  tout  '  ce  qui 
est  appartement;  à  la  porte  qui  donne  sur  l'escalier 
de  marbre,  il  y  aura  des  huissiers  en  dedans^  auxquels 
M.  de  Noailles  donnera  des  Suisses  pour  les  secourir^ 
qui  seront  en  dehors  de  la  porte.  Le  jour  du  mariage^ 
toutes  les  dames  qui  ne  seront  point  habillées  en  grand 
habita  pourvu  qu'eUes  soient  en  mantilles^  pourront 
attendre  dans  la  galerie  pour  voir  passer  le  Roi. 
Madame  n'aura  point  de  manteau  royal,  mais  seule- 
ment une  mante  de  sept  aunes  de  long.  Le  jour  du 
mariage^  le  Roi  entrera  à  six  heures  dans  la  galerie  où 
il  y  aura  une  table  de  lansquenet  dans  le  milieu ,  deux 
tables  de  cavagnole  aux  deux  bouts  ^  et  beaucoup  d'autres 
tables  de  jeu.  Après  le  feu,  le  Roi  ira  se  mettre  à  table 
chez  la  Reine.  Madame  Infante,  M"*  Henriette  et  toutes 
les  princesses  du  sang  souperont  avec  LL.  MM.  Cependant 
cela  n'est  point  censé  festin  royal  (1) ,  car  les  grands 
officiers  de  la  couronne  ne  serviront  point.  Les  dames 
ne  seront  point  en  grandes  boucles  si  elles  ne  l'aiment 


(1)  H  me  semble  que  Ton  distingue  banquet  royal  et  festin  royal ,  et  qu'on 
regarde  ceci  comme  festin  et  non  comme  banquet.  (  Note  du  duc  de  Luynes,) 


AOUT  1759.  9 

mieux  ;  le  Roi  a  décidé  que  ce  seroit  à  leur  volonté  ; 
lui-même  sera  en  bourse. 

Le  jour  du  feu  de  la  Ville^  le  Roi^  la  Reine,  M.  le 
Dauphin  et  Mesdames  iront  tous  dans  leurs  carrosses 
séparément.  Ceux  qui  veulent  se  présenter  pour  suivre 
S.  M.  dans  son  carrosse  se  font  écrire  chez  M.  de 
Gesvres,  de  même  que  cela  est  établi  pour  les  voyages 
de  la  Meutte  et  pour  les  chasses  à  tirer.  M.  de  Gesvres 
a  donné  les  ordres  à  M.  de  C!otte  pour  le  balcon  que 
l'on  a  construit  à  Paris  pour  le  Roi  et  la  Reine  (  et 
que  M.  le  contrôleur  général  vient  de  faire  abattre  pour 
en  faire  un  plus  grand);  mais  M.  de  Gesvres  n'a  point 
donné  ces  ordres  comme  en  ayant  droit;  il  déclara  au 
contraire  à  M.  de  Cotte  que  c'étoit  en  l'absence  de  H.  le 
contrôleur  général,  qui  étoit  en  campagne,  qu'il  l'aver- 
tissoit  des  intentions  du  Roi  par  ordre  exprès  de  S.  H. 
Il  y  aura  sur  la  petite  terrasse,  à  Versailles,  qui  est  immé- 
diatement devant  la  galerie,  des  bancs  pour  les  dames 
de  Paris  qui  ne  sont  point  en  grand  habit.  Le  Roi  de- 
manda hier  à  M.  de  Gesvres  sll  prétendoit  que  ce  fût 
à  lui  à  donner  les  places  sur  ces  bancs.  M.  de  Gesvres  lui 
répondit  que  cela  n'étant  point  de  Tappartement  de 
S.  M.,  il  ne  pouvoit  y  rien  prétendre,  que  d'ailleurs  ce 
n'étoit  point  un  échafaud,  ce  qui  en  ce  cas  pourroit  le  re- 
garder (tout  ce  qui  s'appelle  échafaud  se  fait  par  ordre  du 
premier  gentilhomme  de  la  chambre,  et  sous  lui  par 
ceux  de  l'intendant  des  Menus;  par  exemple  l'on  fait 
des  échafauds  dans  la  chapelle  en  bas,  et  ce  sera  M.  le 
duc  de  Villeroy  qui  donnera  les  places)  ;  M.  de  Gesvres 
ajouta  qu'à  l'égard  de  la  terrasse,  il  supposoit  toujours 
que  c'étoient  les  bancs  du  jardin  que  Ton  rassembleroit 
en  cet  endroit,  et  que  par  conséquent  cela  ne  le  re- 
gardoit  point. 

Le  salon  que  l'on  appelle  de  la  Guerre,  qui  est  au 
bout  de  la  galerie,  du  côté  de  la  chapelle,  est  destiné 
pour  les  ambassadrices. 


10  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Le  Roi  a  déclaré  qu'il  n'iroit  point  au  feu  de  H.  de 
la  Mina  ni  à  sa  fête;  M.  de  la  Mina  le  désiroit  beau* 
coup^  et  demandoit  même  que  la  décoration  du  feu  fût 
conservée^  offrant  de  faire  tirer  un  second  feu  si  le  Roi 
vouloit  le  voir;  mais  il  a  été  décidé  que  la  déeot*ation 
seroit  abattue  aussitôt  que  le  feu  seroit  tiré,  parce 
qu'elle  feroit  tort  au  coup  d'œil  du  feu  de  la  Ville. 
Madame  Infaûte  ira  chez  M.  de  la  Mina  au  feu  et  au  bal 
paré  qui  sera  après  le  souper,  et  auquel  toutes  les 
dames  seront  en  grand  habit.  Il  lue  semble  que  l'on 
compte  que  Madame  ne  soupera  point  chea  M.  de  la 
Mina. 

Du  fMitdi  18>  Vermilles. —  La  décoration  qui  est  en  face 
de  la  galerie,  au  bord  de  la  terrasse  et  au-dessus  de'  Latone, 
est  composée  de  plusieurs  portiques  qui  ressemblent  ou  à 
la  colonnade  (1)  ou  à  Trianon.  Les  boites  de  fusées  sont  aux 
deux  côtés  au-dessus  de  Latone  et  sur  les  deux  rampes 
qui  descendent  vers  le  canal.  Toute  cette  dépense  est 
faite  pai'  les  Menus;  c'est  MM.  de  Bonne  val  et  de  Selle» 
intendants  des  Menus^  qui  en  sont  chargés.  Les  inten- 
dants des  Menus  sont  aux  ordres  du  premier  gentil-' 
homme  de  la  chambre;  ce  sera  le  capitaine  des  gardes 
qui  donnera  les  places  sur  la  petite  terrasse  vis-à-vis 
l'appartement  de  M.  le  Dauphin  et  celui  de  M"**  la  com- 
tesse de  Toulouse  ;  aux  deux  côtés,  il  y  aura  deux  écha- 
fauds,  dont  Tun  est  censé  être  pour  le  premier  gentil- 
homme de  la  chambre;  mais  M.  de  Gesvresne  s'est  point 
soucié  de  l'embarras  d'y  donner  des  places ,  et  a  laissé 
ce  détail  aux  intendants  des  Menus.  L'échafaud  de 
l'autre  côté  sera  pour  MM.  des  B&timents>  qui  en  ont  de- 
mandé la  permission  à  M.  de  Gesvres. 

Il  y  a  eu  quelques  difficultés  par  rapport  à  la  ga- 
lerie dans  les  fêtes;  c'est  le  premier  gentilhomme  de  la 


•■-  ■ 


(1)  Bosquet  des  jardins  de  Versailles.  Cette  décoration  a  été  gravée  par 
Cochin  fils. 


AOUT  1759.  Il 

chambre,  et  par  conséquent  les  Mentis  qui  sont  chargés  de 
faire  fournir  les  bougies,  et  le  profit  des  bougies  qui  res- 
tent se  partage  dans  la  chambre  et  donne  lieu  ordinaire- 
ment à  plusieurs  contestations,  quoique  Tobjel;  soit  peu 
considérable.  Lorsque  c'est  appartement,  c'est  legouver- 
nementqui  fournit  les  bougies  et  ce  sont  les  garçons  bleus 
qui  en  ont  le  profit,  comme  dans  le  salon  de  Marly  ;  c'est 
aussi  dans  ce  cas  que  les  garçons  bleufi  donnent  les  cartes , 
les  tables,  et  qui  en  ont  le  profit  ;  au  lieu  qu'en  cas  de 
fête,  ce  sont  les  valets  de  chambre  du  Roi.  La  déci- 
sion de  ce  point  étoit  incertaine.  M.  de  Gesvres  en 
parla  à  M.  le  Cardinal,  qui  lui  dit  qu'il  croyoit  que  ce 
de  voit  être  fête.. M.  de  Gesvres  représenta  ensuite  au 
Roi  que  les  garçons  bleus  étoient  J)lils  accoutumés  à 
cette  sorte  de  service,  et  qu'il  y  auroit  moins  de  disputes 
en  le  décidant  appartement^  et  cela  a  été  ainsi  décidé. 
La  décoration  de  l'hôtel  de  ville  pour  le  bal  sera  au 
plus  magnifique  ;  c'est  dans  la  cour  même  de  l'hôtel  de 
ville  où  l'on  dansera  ;  on  Fa  parquetée  et  couverte  avec 
beaucoup  d'ornements;  outre  cela  il  y  aura  plusieurs 
autreis  pièces  encore  pour  danser  et  plusieurs  chambres 
où  l'on  pourra  s'assembler  et  voir  le  bal  par  les  fe- 
nêtres. Il  y  a  une  de  ces  chambres'que  l'on  réserve  pour 
le  Roi  en  cas  qu'il  veuille  y  aller,  ce  qui  parolt  sur. 
Toutes  ces  chambres  sont  meublées  de  meubles  neufs, 
et  l'on  n'y  a  rien  oublié  de  ce  qui  pourroit  être  pour  la 
commodité  des  dames  (1).  On  dit  que  MM.  de  la  Ville 
n'ont  point  été  contents  de  n'être  pas  priés  par  M.  de 
la  Mina  d'aller  à  son  feu;  ils  font  faire  un  échafaud 
pour  eux  sur  le  quai  des  Théatins. 


(1)  M.  Hérault  me  dit  hier  qu'il  croyoit  que  la  dépense  de  la  Ville  en  feu , 
illuminatioh,  bal,  etc.,  à  Toccasiondu  mariage  de  Madame,  pouvoit  aller  au\ 
environs  de  360,000  livres.  Il  me  confirma  aussi  ce  que  j'ai  marqué  ci-devant, 
que  les  revenus  de  la  ville  montoient  à  peu  près  à  800,000  livres,  quelque 
chose  de  plus.  (Addition  du  16  septembre.) 


IJ  MÉMOIRKS  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Le  Roi  alla  avant-hier  à  Rambouillet  et  en  revient 
aujourd'hui;  il  doit  y  trouver  ses  ordres  exécutés  pour 
un  entresol  qui  est  dans  la  pièce  qui  sépare  l'apparte- 
ment du  Roi  d'avec  celui  qu'occupoit  Mademoiselle. 
Cet  entresol  est  à  côté  d'un  autre  qui  servoit  pour  le 
premier  valet  de  chambre  et  que  le  Roi  a  pris  pour  un 
cabinet^  et  le  nouvel  entresol  sert  pour  le  premier  valet 
de  chambre;  ces  deux  pièces  n'ont  point  de  commu- 
nication en  haut,  comme  on  Tavoit  dit.  M"**"  la  comtesse 
de  Toulouse  ne  s'est  point  mêlée  de  cet  arrangement; 
c'est  M.  Gabriel  qui  y  a  été  par  ordre  du  Roi  et  qui  l'a 
fait  faire. 

On  a  ici  d'assez  mauvaises  nouvelles  de  la  santé  de 
rinfante  Marie-Thérèse;  c'est  celle  que  Ton  regarde 
comme  destinée  à  M.  le  Dauphin,  et  dont  on  dit  beau- 
coup de  bien  tant  du  caractère  que  de  la  figure. 

On  a  continué  ces  jours-ci  à  parler  beaucoup  sur  ce 
qui  regarde  M.  le  Duc  et  M"*  la  Duchesse;  comme  elle 
a  changé  d'appartement  et  qu'elle  loge  présentement  en 
haut;  on  a  jugé  que  les  bruits  (1]  n'étoient  pas  sans 
fondement.  Cependant  tout  étoit  arrangé  et  elle  devoit 
venir  ici  à  la  fête;  mais  l'on  vient  d'apprendre  depuis 
peu  la  mort  du  prince  de  Hesse-Reinfels ,  son  frère;  il 
avoit  été  blessé,  à  ce  que  l'on  dit,  légèrement ,  dans 
une  défaite  des  Impériaux,  sous  la  conduite  du  général 
Walis  (2) ,  par  les  Turcs,  aux  environs  de  Belgrade ,  et 
il  est  mort  de  sa  blessure.  M"*®  sa  sœur  en  est  extrême- 
ment affligée  ,  et  n'ira  à  aucune  des  fêtes. 

Le  Roi  vient  de  lever  un  régiment  d'infanterie 
composé  des  habitants  de  l'Ile  de  Corse  ;  tous  les  capi- 
taines et  officiers  inférieurs  sont  aussi  de  cette  lie;  il  n'y  a 


(1)  Voy.  Barbier,  t.  HI,  p.  187  et  suiv.,  et  d'Argenson,  t.  II,  p.  99. 

(2)  On  l'accuse  d'avoir  attaqué  avec  imprudence;  ce  combat  a  duré  depuis 
la  pointe  du  jour  jusqu'à  neuf  heures  du  soir.  On  dit  qu'il  a  eu  sa  reTanche 
et  qu'il  a  battu  un  corps  de  trente  mille  hommes.  (Note  du  duc  de  Luynes.) 


AOUT  1759.  13 

que  raide-major^  major,  lieutenanl^colonel  et  le  colonel 
qui  soient  François.  Le  régiment  sera  comme  Royal- 
Italien  sur  le  pied  étranger.  Le  Roi  en  a  donné  le  com- 
mandement à  M.  le  chevalier  de  Vence^  lieutenant  aux 
gardes  françoises.  Ce  sont  des  gentilshommes  de  Pro- 
vence; M.  le  chevalier  de  Vence  est  un  ôadetet  étoit  sans 
biens. 

Le  Roi  est  arrivé  de  Rambouillet  ce  soir  vers  les  dix 
heures.  Il  y  avoit  sept  dames  à  ce  voyage  :  Mademoiselle, 
W  d'Antin,  M"^  de  Mailly,  M»«  de  Nesie,  M™^  la  du- 
chesse de  Ruffec,  M  *"*  de  Haillebois  et  M"*  de  Sourches  ; 
ces  deux  dernières  étoient  priées  par  M™*  la  comtesse  de 
Toulouse.  Elles  ont  toutes  été  à  la  chasse^  hors  M™*  de  Sour- 
ches^ hier  et  aujourd'hui,  dansune  des  calèches  à  quatre  du 
Roi.  Hier  c'étoit  M"^«  de  Mailly,  M'"''  d'Antin,  M"*'  de  Nesle 
et  M""*"  deMaillebois  ;  aujourd'hui,  c'a  été  Mademoiselle, 
M"*^  de  Mailly,  M"*  de  Nesle  et  M"*  de  Ruffec.  Ces  quatre 
dames  sont  revenues  avec  S.  M.  etsoupentdans  ses  cabi- 
nets. M"'  d'Antin  est  arrivée  devant  parce  qu'elle  est  de 
semaine  ;  elle  soupe  avec  la  Reine.  H"**^  d'Antin  a  fait 
avertir  M"**  de  Chalais  et  de  Talleyrandpour  souper  dans 
les  cabinets.  La  Reine  soupe  avec  des  dames ,  ce  qui  lui 
arrive  présentement  assez  souvent;  mais  c'est  son  souper 
ordinaire.  On  passe  seulement  la  table  dans  le  cabinet 
qui  est  avant  sa  chambre. 

Du  dimanche  23,  Versailles.  —  Le  Roi  revint  hier  de 
Rambouillet,  où  il  étoit  depuis  jeudi.  Les  dames  qui 
étoient  à  ce  voyage-ci  sont  :  M°**  de  Sourches,  qui  y  a  resté 
du  dernier  voyage.  Mademoiselle,  M°'  de  Mailly ,  M***  de 
Nesle,  M""  de  Ségur,  M"'»  de  Chalais  et  deTalleyrand. Les 
cinq  dernières  revinrent  hier  avec  le  Roi.  Il  y  eut  souper 
dans  les  cabinets,  mais  avec  des  hommes  seulement,  à 
cause  du  maigre. 

On  apprit  hier  une  nouvelle  qui  fait  grand  plaisir  :  c'est 
l'arrivée  des  assobes  ou  galions;  nous  y  avons  un  intérêt 
considérable  ;  on  dit  qu'il  y  a  dessus  vingt  millions  ap- 


14  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYJHES. 

partonant  àdes  François.  La  situation  présente  de  F  Angle- 
terre avec  FEspagne  faisoit  craindre  que  les  galions  ne 
pussent  pas  arriver,  et  ils  n^auroient  pu  effectivement  en-^ 
trer  à  Cadix  ;  mais  ils  ont  abordé  dans  un  autre  port.  On 
leur  avoit  envoyé  avis  du  danger  qu'ils  couroient  et  ils 
en  ont  profité. 

Les  Espagnols  reprochent  depuis  longtemps  aux  Angloia 
qu^ils  font  tort  à  leur  commerce  par  une  contrebande 
continuelle;  il  y  a  eu  quelques  vaisseaux  marchands  an- 
glois  pris  par  les  Espagnols,  Cet  événement  avoit  donné 
lieu  aux  Anglois  de  demander  des  dédommagements  dont 
on  étoit  convenu  par  un  écrit  signé  et  revêtu  de  toutes 
les  formes  ;  cependant  le  payement  ne  se  faisant  point, 
les  Anglois  ont  renouvelé  leurs  plaintes  et  menacé  de 
représailles.  Mais  de  leur  côté  ils  n'ont  p^  exécuté  la  pa- 
role qu'ils  avoîent  donnée  de  faire  rentrer  dans  leurs  ports 
la  flotte  de  Famiral  Haddock.  Les  Anglois  disent  pour 
leur  justification  que  le  gouvernement  n'a  pas  été  le 
maître  d'exécuter  sa  parole,  et  que,  quoique  les  ordres 
eussent  été  envoyés,  la  nation  a  exigé  que  Ton  envoyait 
de  nouveaux  ordres  contraires  aux  premiers.  Ce  qui  est 
certain,  c'est  que  Walpole,  qui  est  le  n^inistre  en  qui  le 
Roi  a  le  plus  de  confiance,  est  détesté  par  1^  nation,  et 
quHl  paroit  que  la  supériorité  de  crédit  que  le  Roi  s'étoit 
toujours  conservée  jusqu'à  présent  diminue  tous  les 
jours.  Il  y  a  eu  aussi  un  de  nos  vaisseaux  marchands 
portant  pavillon  françois  insulté  par  les  Anglois,  c'est-à-^ 
dire  fouillé  (i)  ;  ce  qui  est  contre  les  traités. 

M.  le  duc  de  laVaUière  mourut  hier  matin  entre  huit  et 
neuf  heures  ;  il  avoit  environ  soixante-dix  ans  ;  c'est  le 
neuvième  des  gendres  de  M"*  la  maréchale  deNoaiUes 
qu'elle  voit  mourir.  Elle  a  eu  neuf  filles,  dont  une  reli- 
gieuse, et  huit  mariées  dont  deux  mariées  deux  fois  : 
M"*  la  comtesse  de  Toulouse,  qui  a  été  M™*  de  Gondrin, 

(i)  Visité. 


AOUT  1789.  15 

et  M^  de  Mapcini,  qui  a  été  M^^  de  Louvois.  Il  ne  reste 
plus  des  dix  gendres  que  M.  de  Mancini. 

M.  le  eomie  de  Tessin  fut  présenté  avani-hier  au  Roi  et 
à  la  Reine.  C'est  un  homme  de  grande  oondition  de 
Suède  ;  il  est  purinteqdant  des  bft.timents  ;  il  est  déjà  venu 
plusieurs  fois  en  France;  on  croit  qu'il  y  prendra  dans 
peu  la  qualité  d'ambassadeur.  Ce  fut  M.  le  Cardinal  qui  le 
présenta  au  lever,  à  Tentrée  du  balustre  en  dehors. 
M^**  la  comtesse  de  Tessin  a  été  présentée  au.io«rd'hui  au  Roi 
et  à  la  R^ine  par  W^*  de  Luynes,  Elle  est  fille  du  baron  de 
Spa,  qui  a  été  ici  ambassadeur  ;  elle  a  amené  avec  elle  sa 
nièce^  M"^  de  Spa^  qui  a  été  présentée  à  la  Reine  en  même 
temps  qu'elle,  et  ne  Ta  pas  été  au  Roi  en  même  temps; 
elle  l'a  été  c^  soir  chez  la  Reine.  On  dit  que  c'est  Tusage 
pour  les  filles  ;  et  M"^  de  Maz^rin  dit  qu^  M"^  de  Flava- 
court  étant  M"^  deMailly,  a  été  présentée  de  même  au  Roi 
chez  la  Reiue. 

Aujourd'hui,  M.  de  la  Mina,  conduit  par  M.  de  Mai*sfm,  est 
venu  fa  ire  la  demande .  Outre  les  carrosses  de  Tintroducteur 
(M.  deSainctot),celuideM.  de  Marsan,  celui  du  Roi  et  celui 
delà  Reine,  l'ambassadeur  a  cinq  carrosses  fort  beaux,  sur- 
tout un  de  velours  vert  par  dedans  et  par  dehors,  avec 
beaucoup  de  broderie  or  et  argent.  Il  a  eu  Thonneur  des 
armes  et  s'est  couvert  chez  le  Roi.  Je  n'ai  point  été  à  cette 
audience.  LesDucsnes'y  trouventpoint,  à  cause  qu'ils  n'ont 
pas  droit  de  se  couvrir  ;  par  la  même  raison,  les  grands 
d'Espagne,  qui  en  Espagne  se  couvrent  devant  le  Roi. 
ChezlaReine,ramb?issadeur  a  été  accompagné  desgrands 
d'Espagne  françois  ;  il  n'a  pas  même  fait  semblant  de  se 
couvrir  che?  la  Reine  ;  la  Reine  s'est  levée  et  a  resté  debout 
pendant  la  demande  ;  il  n'y  a  voit  que  M.  de  Nangis  der- 
rière le  fauteuil.  L'ambassadeur  a  parlé  espagnol  au  Roi 
et  à  la  Reine.  11  loge  depuis  plusieurs  jours  à  Tbôtel  des 
ambassadeurs,  où  il  est  traité  à  dineretà^ouper  aux  dé- 
pens du  Roi  (je  crois  cependant  qu'il  couche  dans  sa 
maison,  mais  il  est  censé  loger  à.  l'hôtel  des  ambassa- 


16  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

deurs)  ;  il  y  mange  et  y  prie  à  dîner  et  à  souper.  C'est  un 
maître  d'hôtel  du  Roi  qui  fait  les  honneurs  de  cette  table 
et  qui  y  mange.  Tous  les  officiers  qui  servent  ceux  qui 
sont  à  table  servent  le  chapeau  sur  la  tète  ;  c'est  l'usage. 

M.  de  la  Mina  a  été  chez  Madame^  qu'on  appelle  présen- 
tement Madame  Infante^  après  avoir  été  chez  H.  le  Dau- 
phin. Madame  Infante  loge  présentement  dans  l'apparte- 
ment vis-à-vis  d'ici  qu'occupoit  S.  A.  R.  M"'  la.  duchesse 
d'Orléans.  Madame  Infante  n'étoit  point  chez  la  Reine 
dans  le  moment  delà  demande,  et  de  même  H"**^  Henriette 
et  Adélaïde  n'étoient  point  chez  Madame  Infante  dans  le 
temps  que  M.  de  la  Mina  y  est  venu  pour  le  même  sujet.  Il 
y  avoit  M"«  de  Tallard,  M"*^  et  W  de  Montauban,  sa  fille 
ainée,  et  grand  nombre  d'autres  dames.  M.  de  la  Mina  a 
été  ensuite  chez'  M™**  Henriette  et  Adélaïde.  J'oubliois  de 
marquer^  qu'après  avoir  fait  son  compliment  à  Madame, 
il  lui  a  remis  un  portrait  de  don  Philippe  pour  mettre  à  son 
bras.  Elle  a  eu  aussi  aujourd'hui  un  présent  du  Roi  et  de 
la  Reine.  C'est  le  portrait  deLL.  MM.  enrichi  de  diamants 
pour  mettre  à  son  bras.  M.  le  Cardinal  étoit  à  l'audience 
de  la  Reine  avec  un  pliant  derrière  lui  ;  mais  il  ne  s'est 
point  assis.  M"*  de  Nangis  y  étoit  avec  un  carreau  devant 
elle.  La  Reine  a  pleuré  après  avoir  répondu  à  l'ambassa- 
deur. 

Du  mardi  25,  f^ersailles.  —  Il  y  a  eu  ces  jours-ci  plu- 
sieurs choses  de  réglées  par  rapport  à  la  fête.  Première- 
ment, la  coiffure  comme  il  est  déjà  marqué  au  Ib. 
Secondement,  toutes  les  princesses  veuves  et  toutes  les 
veuves  titrées  auront  des  voiles.  Troisièmement,  on  a  été 
incertain  pendant  plusieurs  jours  s'il  y  auroit  en  bas 
d'autres  dames  que  celles  du  service;  il  a  été  réglé 
qu'outre  le  service  de  la  Reine,  de  Mesdames  et  des  prin- 
cesses,, et  les  dames  du  palais,  il  y  auroit  dix -huit  dames 
qui  suivroienl?  la  Reine.  La  Reine  a  nommé  ces  dix- 
huit  dames,  qui  sont  titrées  et  non  titrées.  Quatrième- 
ment ,  il  a  été  aussi  réglé  que  les  dames  du  palais  (  il 


AOUT  1759.  17 

n'en  manquera  qu'une,  qui  est  H"*^  de  Gontaut  )  auront 
un  banc  séparé  et  ne  sont  point  derrière  les  dames  d'hou- 
neur  des  princesses.  Cinquièmement,  que  la  Reine  seroit 
suivie  immédiatement  par  Mesdames  et  les  princesses^ 
après  lesquelles  marcheront  la  dame  d'honneur  de  la 
Reine  et  sa  dame  d'atour,  et  ensuite  ses  dames  du  Palais. 
Cet  arrangement  est  contraire  à  celui  que  j'ai  marqué  ci- 
dessus^  qui  avoit  été  réglé  par  la  Reine  pour  que  son 
service  ne  soit  point  coupé  même  par  Madame.  Sixième- 
ment^ l'affaire  des  carreaux  a  été  fort  traitée  ces  jours-ci; 
ila  été  décidé  qu'outreles  ducs  en  service ,  qui  sans  contre- 
dit ont  des  carreaux^  il  y  auroit^  pour  marquer  le  droite 
quatre  ducs  qui  en  auroient  derrière  le  Roi^  et  de  ma- 
nière qu'ils  ne  pussent  être  vus  par  S.  M.  M.  le  Cardinal, 
qui  craint  toujours  que  les  ducs  ne  veuillent  faire  un 
corps,  a  fort  recommandé  que  ces  ducs  ne  fussent  pas 
même  ensemble  ;  et  quoiqu'on  lui  eût  rapporté  les  der- 
niers exemples  du  mariage  de  M^'^la  princesse  de  Conty, 
du  baptême  de  M.  le  Dauphin,  etc.,  où  les  ducs  avoient 
des  carreaux,  ce  que  M.  de  Dreux  lui-même  a  certifié^  et 
que  l'on  ait  en  outre  représenté  à  S.  Ém.  le  long  usage 
de  cette  prérogative,  on  a  eu  assez  de  peine  à  obtenir  qu'il 
y  en  eût.  M.  le  Cardinal  dit  que  le  Roi  ne  veut  point  auto- 
riser ce  droit  par  une  décision  formelle.  M.  le  duc  de  Vil- 
leroy,  qui  apparemment  a  craint  de  déplaire  au  Roi  en 
faisant  quelqu  es  démarches  favorables  aux  ducs,  ne  s'est 
pas  contenté  d'un  mot  que  M.  le  Cardinal  lui  avoit  dit  par 
rapport  aux  quatre  carreaux;  il  alla  hier  au  soir  chez 
M.  le  Cardinal  pour  avoir  un  ordre  positif,  et  il  avoit  en- 
core quelqu' envie  malgré  cela  de  demander  l'ordre  du 
Roi  ;  cependant  il  se  contenta  de  celui  de  M.  le  Cardinal. 
Ces  quatre  ducs  n'auront  aucun  de  leurs  gens  pour  porter 
lesdits  carreaux  ;  ce  seront  les  ducs  de  service  qui  feront 
porter  par  leurs  gens  deux  carreaux  au  lieu  d'un.  Cet 
ordre  est  pour  conserver  quatre  places  de  plus  que  cela 
occuperoit  dans  la  chapelle. 

T.  m.  2 


18  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

A  propos  des  carreaux  je  dois  placer  ici  une  converva* 
tion  que  M.  de  Chaulnes  eut  avec  le  Roi^  à  Compiègue^ 
au  sujet  d'une  affaire  concernant  raide-m^jor  des  che- 
vau-légers»  dont  j'ai  parlé  ci-dessus,  et  qui  me  parolt 
entièrement  décidée  contre  les  ehevau-légers.  La  con* 
versation  tomba  sur  l'article  des  carreaux,  H.  de  Chaulnes 
crut  remarquer  par  la  réponse  du  Roi  que  ce  n'étoit  pas 
le  temps  favorable  de  traiter  de  cet  article.  Comme 
c'étoit  dans  le  temps  du  travail  de  M.  de  Chaulnes 
avec  le  Roi  sur  les  chevau^légers^  M.  le  Cardinal  étoit 
en  tiers  à  ce  travail,  suivant  Tusag'e.  Au  sortir  de  chez 
le  Roi^  M.  de  Chaulnes  étant  allé  chez  M.  le  Cardinal 
lui  parla  de  la  réponse  du  Roi,  qui  lui  avœt  paru  peu  fa- 
vorable. M.  le  Cardinal  dit  et  répéta  même  plusieurs  fois 
ÙL  M.  de  Chaulnes,  qui  me  Ta  dit,  qu'il  (M.  de  Chaulnes) 
avoit  mal  compris  la  réponse  de  S.  M.,  que  le  Roi  ne 
vouloit  ni  ne  prétendoit  point  ôter  les  carreaux  aux  ducs« 

On  apprit  il  y  a  deux  jours  la  mort  de  M.  le  vicomte  de 
Melun;  il  étoit  lieutenant  général  et  avoit  le  gouvernement 
d^Abbeville.  Ce  gouvernement  lui  valoitlO  ou  12, 000  li- 
vres de  rente  ;^mais  il  y  avoit  eu  sur  cela  une  augmenta* 
tion  faite  en  sa  faveur,  que  l'on  retranchera  vraisembla- 
blement. 

On  a  eu  de  meilleures  nouvelles  ces  jours-ci  de  l'infante 
Marie-Thérèse,  du  17  du  mois  et  du  26  de  sa  maladie. 

J'ai  oublié  de  marquer,  à  l'occasion  du  mariage,  que 
toutes  les  dames  qui  seroient  aux  travées  en-  haut  seront 
en  grand  habit. 

Le  Roi  doit  faire  demain  la  liste  de  ceux  qui  doivent  le 
suivre  au  feu  de  la  Ville;  comme  il  restera  peu  de  places 
dans  les  carrosses  de  S.  M.,  à  cause  des  princes  et  du 
grand  nombre  de  service,  le  Roi  trouvera  bon  que  ceux 
à  qui  il  permettra  de  le  suivre  aillent  dans  leurs  voitures 
et  qu'ils  l'attendent  au  Louvre  pour  y  entrer  avec  lui. 

J'ai  marqué  ci-dessus  que  les  grands  d'Espagne  n'a- 
voient  point  accompagné  M.  de  la  Mina  chez  le  Roi;  ils 


AOUT  1759.  10 

ne  raccompagnèrent  pas  non  plus  chez  M.  le  Dauphin, 
par  la  môme  raison  qae  chez  le  Roi,  ne  pouvant  se  cou* 
vrir  ni  chez  Vun  ni  chez  l'autre,  quoique  Tambassadeur 
en  ait  le  droit. 

Du  Mercredi  26 ,  Versailles*   —  Hier    se  firent  les 
fiançailles  de  Madame  ;  Theure  étoit  donnée  à  six  heures 
et  demie.  Toutes  les  princesses  et  les  grandes  d'Esp^^gne 
s'assemblèrent  chez  Madame.  M^^*'  de  CJermont  et  toutes 
les  autres  dames  étoient  chez  la  Reine.  H.  le  Dauphin 
doanoit  la  main  4  Madame,  et  la  conduisit  chezla  Reine, 
où  tout  étant  réuni ,  on  passa  chez  le  Roi,  où  étoient  tous 
les  princes  et  tous  les  hommes  de  la  Cour.  U  y  a  ici  de 
princesses  :  M"*  la  Duchesse  mère ,  M"*  la  princesse  de 
Couty,  Mademoiselle,  M"*  de  Clermont,  M"^  de  Sens, 
M"®  de  la  Roche-sur-Yon,  et  de  légitimée  :  M"*  (Ju  Maioe. 
De  princes  ;  M.  le  duc  d'Orléans,  M.  le  duc  de  Chartres, 
M.  le  Duc ,  Jtf«  le  comte  de  Charolois,  M.  le  comte  de  Cler- 
mont, M.  le  prince  deConty,  et  de  légitimés  ;  M.  le  prince 
de  Dombes,  M-    le  coiute  d'Eu  et  M,  de  Penthièvre. 
Presque  toutes  les  dames  restèrent  dan»  le  cabinet  de  la 
Reine,  qui  est  le  salou  du  bout  de  la  galerie  (i).  Un  peu 
avant  huit  heures ,  la  Heine  se  init  en  marche  ^  suivie 
immédiatement  de   Madame,   de  M*"^  Henriette  et  de 
M'"*^  Adélaïde  ;  ensuite  M"®  U  Duchesse ,  les  princesses 
de  suite^  eusuite  M'"^''  de  Luyues  et  de  Maz^^rin,  les  dames 
du  palais,  les  dames  d'honneur  des  princesses  ;  toutes  les 
autres  dames  suivoient.  {^a  Reine  entra  par  la  porte  de 
glac^s  dans  le  cabinet  de  l'œil-^de-bœuf .   (La  pièce  4e 
l'œil-de-bœuf  est  d'ordinaire  l'antichambre  du  Roi  ;  mais 
pour  ce  moment-là  elle  devint  ca^binet  du  Roi,  les  huissiers 
et  les  flambeaux  de  ]&.  Reine  p'y  pouvant  entrer).  Toute 
la  galerie  étoit  éclairée  par  des  girandoles  ;  les  lustres 
n'étaient  point  allumés  ;   (à  l'occasion  de  cette  fête  on  a 
acheté  pour  le  roi  un  grand  nombre  de  chandeliers  de 


(1)  Le  salon  de  la  Paix. 

2. 


50  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Bohême  ;  on  étoit  obligé  d'en  louer  dans  de  pareilles 
occasions);  rœil-de-bœuf  étoit  fort  bien  éclairé.  Dans 
le  fond^  auprès  de  la  cheminée^  étoit  une  grande  table, 
au  bout  de  laquelle  le  hoi  se  mit  à  droite  et  la  Reine  à 
p:auche;  ensuite  M.  le  Dauphin  et  Mesdames  et  tous  les 
princes  et  princesses,  suivant  leur  rang ,  les  hommes  du 
côté  du  Roi ,  les  femmes  du  côté  de  la  Reine.  Les  ambas- 
sadrices de  Vienne  et  de  Madrid  étoient  immédiatement 
après  les  princesses.  Les  courtisans ,  sans  distinction ,  le 
long  des  murailles  des^deux  côtés.  Il  n'y  avoit  ni  sièges, 
ni  banquettes ,  de  sortç  que  Tarrangement  put  ne  pas 
paroitre  aussi  régulier  qu'il  auroit  dû  Tètre;  mais  il  y 
avoit  beaucoup  de  place,  et  le  Roi  (1)  eut  lui-même 
grande  attention  à  faire  reculer  les  hommes  pour  faire 
place  aux  dames. 

M.  de  la  Mina  étoit  venu  ce  même  jour  dans  les  car^ 
rosses  du  Roi  avec  M.  de  Marsan  ;  il  s'en  retourna  hier  au 
soir  dans  ses  carrosses  et  est  revenu  encore  aujourd'hui 
dans  les  carrosses  du  Roi  avec  M.  de  Marsan.  Il  est  tou- 
jours à  l'hôtel  des  ambassadeurs,  défrayé  aux  dépens 
du  Roi;  et  quand  il  vient  ici,  il  dine  dans  la  salle  des 
ambassadeurs  aux  dépens  de  S.  M. 

M.  de  la  Mina  étoit  hier  dans  le  milieu  de  Fœil-de-boBuf 
avec  les  princes  du  sang,  et  M.  de  Marsan  à  côté.  M.  le 
duc  d'Orléans  avoit  un  grand  manteau  d'étoffe.  Madame 
avoit  un  grand  habit  noir  et  or,  comme  c'est  l'usage  le 
jour  des  fiançailles ,  et  une  mante  de  réseau  d'or,  de  sept 
aunes  de  long  (2) .  Cette  mante  étoit  portée  par  M"*  Hen- 
riette, sa  sœur.  Le  Roi  étoit  entré  par  sa  chambre. 
Les  quatre  secrétaires  d'État  étoient  auprès  de  la  table , 
et  M.  le  cardinal  de  Fleury  auprès  du  Roi, 


(1)  Le  lendemain,  le  Roi  dit  à  son  souper  que  du  temps  du  feu  Roi  les  hom- 
mes avoient  bien  plus  de  politesse  pour  les  femmes ,  et  que  si  un  homme 
s*étoit  mis  devant  une  dame,  le  Roi  l'auroittrouTé  fort  mauTais.  (Noie  du  duc 
de  Luynes,  ) 

(2)  Celle  de  la  Reine  doit  en  av(Ar  nf uf.  (  Note  du  duc  de  Luynes.) 


AOUT  1739.  21 

Tout  le  monde  étant  assemblé  ,  la  cérémonie  com- 
mença par  la  lecture  que  fit  M.  Amelot  de  la  procuration 
du  roi  d'Espagne  et  ensuite  du  contrat  de  mariage,  Tun 
et  Tautre  dans  le  même  acte.  Ensuite  ^  H.  le  cardinal  de 
Rohan  entra  par  la  chambre  du  Roi  (1);  il  étoit  conduit 
par  M.  Desgranges  ,  maître  des  cérémonies ,  précédé  par 
H.  le  curé  de  Notre-Dame  y  devant  lequel  marchoient 
deux  prêtres  et  devant  eux  M.  Fabbé  d'Oppède,  aumânier 
du  Roi,  et  un  clerc  de  chapelle.  M.  le  cardinal  de  Rohan 
fit  les  fiançailles,  comme  à  l'ordinaire ,  après  lesquelles 
le  Roi  et  la  Reine  signèrent ^  ensuite  M.  le  Dauphin, 
Madame  Infante,  Mesdames,  M.  le  duc  d'Orléans,  tous  les 
princes  et  princesses  et  légitimés ,  suivant  leur  rang  (2). 
Les  signatures  ^aites,  et  après  M"^8u  Maine,  H.  de  la  Mina, 
accompagné  de  M.  de  Marsan,  avança  et  signa.  M.  le  Dau- 
phin donna  la  main  à  Madame  Infante,  qui  retourna  chezla 
Reine  et  ensuite  chez  elle.  Le  Roi  rentra  dans  son  appar- 
ment ,  suivi  des  princes  du  sang.  Le  spectacle  étoit  fort 
beau  par  la  magnificence  des  habits  et  le  nombre  des 
dames  (3). 

Le  roi  soupa  au  grand  couvert ,  à  l'ordinaire. 

Du  jeudi  27,  Versailies.  —  Hier,  l'heure  étoit  donnée 
pour  le  mariage  à  midi.  Les  princes  s'assemblèrent  chez 
le  Roi.  Les  princesses  et  les  grandes  d'Espagne  se  rendi- 


(1)  II  avoit  passé  par  la  galerie,  mais  il  n'entra  dans  le  cabinet  qu'après  le 
contrat  lu,  et  les  signatures  faites.  [Noie  du  duc  de  Luynes,  ) 

(2)  MJie  du  Maine  signa  la  dernière  de  toutes,  quoique ,  suivant  la  préroga- 
tive attachée  à  la  branche  aînée ,  elle  eût  dû  signer  avant  M.  de  Penthièvre. 

On  sait  qu'il  est  fort  question  depuis  longtemps  d'accorder  des  honneurs 
encore  plus  grands  aux  légitimés  et  à  leurs  enfants.  M.  le  Duc  est  aujourd'hui 
presque  le  seul  prince  qui  s'y  oppose.  Il  fait,  à  ce  qae  j'ai  appris,  deux  obser- 
vations principales  :  l'une ,  que  la  branche  atnée  doit  avoir  le  rang  devant  la 
cadette  et  par  conséquent  M"*'  du  Maine  avant  M.  de  Penthièvre  ;  l'autre  que 
dans  l'acte  qui  seroit  dressé ,  il  y  sera  dit  que  les  légitimés  auront  les  mêmes 
honneurs  et  prérogatives  que  les  princes  du  sang  ont;  il  ne  faut  pas  ajouter,  et 
pourront  avoir.  Ce  mot  de  pourront  est  celui  qui  lui  déplaît  et  auquel  il  ne 
veut  point  consentir.  (Note  du  duc  de  Luynes.) 

(3)  On  en  compta  cent  quinze.  (Note  du  duc  de  luynes.) 


2Î  MÉMOIRES  DtJ  DUC  DE  LUYNES. 

rent  cheas  Madame  Infante,  comme  la  veille^  pour  la 
suivre.  M.  le  Dauphin  alla  la  prendre  chez  elle^  et  la  mena 
chez  la  Heine.  La  galerie  et  tous  les  appartements 
étoient  extrêmement  remplis  ;  mais  il  y  avoit  un  si 
grand  ordre  que  le  passage  étoit  fort  aisé  (1).  M.  le  duc 
d'Orléans  étoit  en  manteau  d'étoffe ,  mais  c'étoit  un  man- 
teau court ,  et  Madame  n'avoit  point  de  mante.  Le  Roi 
descendit  par  le  grand  escalier  de  marbre,  qui  faisoit 
un  spectacle  admirable  par  la  grande  quantité  de  monde 
qui  y  étoit  placé.  L'on  entroit  dans  la  chapelle  en  haut 
et  en  bas  avec  la  même  facilité  que  l'on  traversoit  l'ap- 
partement. Jamais  ordres  n'ont  été  donnés  avec  plus  de 
soins  ni  exécutés  avec  plus  d'exactitude.  La  chapelle 
étoit  garnie  dans  toutes  les  ti^avées^  en  bas^  de  gradins, 
dont  celui  du  milieu  auprès  de  la  chaire  du  prédicateur 
avoit  été  donné  aux  ambassadeurs.  Ce  gradin  étoit  celui 
de  tous  qui  faisoit  le  plus  bel  effet  à  cause  de  la  magnifi- 
cence des  habits.  Les  autres  étoient  bien  remplis,  mais 
pas  assez  décorés.  Le  prie-Dieu  du  Roi  étoit  beaucoup 
plus  reculé  qu'à  l'ordinaire ,  ce  qui  laissoit  un  grand 
espace  du  côté  de  l'autel,  lequel  étoit  rempli  par  plusieurs 
évéques  et  archevêques,  en  rochet  et  en  camail ,  et  i>ar 
les  aumôniers  du  Roi.  H.  le  duc  d'Orléans  et  Madame  In- 
fante étoient  chacun  sur  un  carreau  sur  la  première 
marche  du  chœur.  H.  de  la  Mina  étoit  en  bas,  sans 
carreau,  parce  qu'il  étoit  devant  le  Roi,  M.  le  Dauphin, 
M"*^  Henriette ,  qu'on  appelle  présentement  Madame , 
et  M""  Adélaïde  étoient  sur  des  carreaux  sur  le  drap  de 
pied  ,  suivant  la  règle  et  suivant  leur  rang.  Les  princes 
et  princesses  à  droite  et  à  gauche,  sur  des  carreaux  au 
bord  du  drap  de  pied ,  suivant  leur  rang,  M.  le  duc  de 


(1)  On  avoit  cloué  des  banquettes  depuis  l'apparlemeiit  de  la  Reine  jusqu'au 
degré  de  marbre,  des  deux  côtés ,  en  laissant  un  passage  dans  le  milieu ,  d'en- 
viron huit  piexis ,  sans  quoi  il  eut  été  impossible  d'arrêter  la  foule  quoiqu'on 
n'entrdt  dans  l'appartement  que  par  billets.  Les  gens  de  la  Cour  y  entrofent 
sans  billets.  {Aoledu  duc  de  Luptns.) 


AOUT  i739.  23 

Chartres  à  droite ,  tf"^  la  Duchesse  ^  gauche  et  ainsi  de 
suite;  les  quatre  légitimés  eu  seconde  ligne.  Suivant  la 
règle ,  M.  de  DomboM  devoit  être  à  droite  avec  M"*"  du 
MainC;  et  M.  le  comte  d'Eu  et  M.  de  Penthièvre  à  gauche  ; 
cependant  c'étoit  M.  le  comte  d'£u  et  M^^''  du  Maine  qui 
étoient  à  gauche.  Gela  est  peu  important  ;  mais  ce  qui  est 
à  remarquer,  c'est  la  seconde  ligne^  suivant  Tétiquette  de 
pareilles  cérémonies.  Les  onze  dames  du  palais  (1)  étoient 
toutes  de  suite  du  côté  de  la  Reine  depuis  la  première 
marche  du  chœur  jusqu'à  la  chaire  (^u  prédicateur^  et 
au-dessous  de  la  dite  chaire  étoient  deux  ou  trois  dames 
d'honneur  des  princesses.  Les  autres  dames  d'honneur 
étoient  du  côté  du  Roi  ;  H"*"*  de  Luynes  et  Af*'  de  Mazarin^ 
à  leurs  places  avec  leurs  carreaux  derrière  la  Reine.  Les 
dix-huit  qui  avoient  suivi  la  Reine  étoient  à  droite  du 
côté  du  Roi.  Au  bout  du  carrée  du  côté  de  la  porte  à 
droite 9  MM.  deChalais^  de  Luxembourg,  de  Soubise  et  de 
Rohan  étoient  avec  leurs  carreaux.  C'étoient  les  quatre 
qui  avoient  été  nommés  ;  c'esirà-dire ,  M.  de  Noailles  de- 
voit être  un  des  quatre  ;  mais  M.  de  Chalais  avoit  repré- 
senté le  droit  des  grands  d'Espagne  et  avoit  même  engagé 
M.  de  la  Mina  à  en  parler  à  M.  le  Cardinal  très-fortement. 
Cette  affaire  avoit  été  traitée  devant  le  Roi ,  qui  dit  que 
pourvu  qu'il  n'y  eût  que  quatre  carreaux ,  outre  le  ser- 
vice, qu'il  fermeroit  les  yeux.  M.  le  maréchal  de  Noailles 
offrit  lui-même  sa  place  à  M.  de  Chalais^  et  l'affaire  fut 
terminée.  Il  y  avoit  deux  éohafauds  dans  la  tribune  du 
Roi  à  droite  et  à  gaucbe.  Aux  travées  d'en  haut  ^  toutes 
les  dames  qui  y  étoient  étoient  en  grand  habit  ;  les  deux 
travées  plus  près  de  l'autel^  à  droite  et  à  gauche ,  étoient 
données  à  M"^  de  la  Mina  et  à  M*"®  de  Lichtenstein  ;  il  y  avoit 


(1)  La  douzième  est  M""'  de  Gontiiit  qui  ne  s'y  est  point  trouvée  parce 
qu'elle  est  malade.  Min«s  de  l'Hôpital  et  d'Andelot,  attachées  à  Mesdames, 
étoient  avec  les  dames  du  palais.  (  Motc  du  duc  de  Luynes.) 


34  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

un  si  grand  ordre  que  Ton  entroit  avec  la  plus  grande 
facilité  en  haut. 

Il  y  eut  une  difficulté  que  j'appris  hier  au  sujet  de 
M.  Tabbéde  Franchini,  qui  depuis  quinze  ouseiase  ans  est 
ici  envoyé  du  grand  duc  ;  on  avoit  donné  un  banc  aux 
ambassadeurs  et  un  aux  envoyés  ;  il  prétendoit  être  dans 
Tusage  de  se  mettre  toujours  avec  les  ambassadeurs. 
M.  de  Sainctot  prétendit  la  place  y  de  préférence,  comme 
introducteur  des  ambassadeurs.  L'affaire  fut  traitée 
devant  M.  le  Carénai;  elle  fut  décidée  en  faveur  de 
M.  de  Sainctot.  L'abbé  de  Franchini  s'en  alla  aussitôt 
à  Paris. 

\jd  poêle  fut  tenu  par  deux  aumôniers  du  Roi ,  Fabbé 
d'Aydie  et  Fabbé  de  La  Fare,  et  deux  clercs  de  chapelle; 
au  reste  ^  les  cérémonies  du  mariage  à  l'ordinaire  ^  une 
messe  basse  avec  la  musique.  Après  le  mariage ,  on  signa 
Tacte  de  célébration,  dans  la  chapelle,  sur  le  prie-Dieu  du 
Roi  :  le  Roi ,  la  Reine ^  les  Enfants  de  France,  M.  le  duc 
d'Orléans ,  M.  le  duc  de  Chartres  et  M""*  la  Duchesse  la 
mère  seulement,  et  ensuite  M.  de  la  Mina.  On  revint  dans 
le  même  ordre.  La  Reine  étoit  suivie  immédiatement  par 
Madame  Infante,  Madame,  et  ensuite  les  princesses; 
immédiatement  après  elles  ^  M*"'  de  Luynes,  M*"*"  de 
Mazarin,  et  ensuite  les  dames  du  palais;  M""**  de  Tallard 
seule  derrière  Madame  Infante ,  et  les  dames  d'honneur 
des  princesses  marchoient  les  dernières  de  toutes. 

On  alla  le  mèmejour,  depuis  quatre  jusqu'à  six  heures, 
faire  des  compliments  à  Madame  Infante.  Mesdames  s'é- 
tant  rendues  chez  Madame  Infante  à  six  heures,  elles 
allèrent  chez  la  Reine;  toutes  les  princesses  y  étoient,  et 
les  dames  vêtues  magnifiquement.  On  avoit  6té  la  sépara- 
tion du  salon  de  la  Paix ,  et  il  étoit  entièrement  ouvert 
comme  celui  de  la  Guerre.  Le  Roi  vint  prendre  la  Reine 
dans  son  appartement;  ils  entrèrent  dans  la  galerie. 
Le  Roi  commença  aussitôt  le  lansquenet,  qui  fut  assez 
beau;  il  y  avoit  quinze   coupeurs.    M.   le  Dauphin  et 


AOUT  1759.  25 

Mesdames  jouèrent  à  cavagnole  ;  et  il  y  avoit  une  table 
du  même  jeu  de  l'autre  côté.  La  Reine  jouoit  au  lans- 
quenet avec  le  Roi^  et  outre  cela  grand  nombre  de  tables 
de  quadrille  et  de  brelan.  A  huit  heures  ^  on  alluma. 
Le  coup  d'œil  de  la  galerie  étoit  admirable  à  voir.  On 
avoit  commencé  des  sept  heures  à  allumer  la  décoration  ; 
les  deux  côtés  étoient  éclairés ,  les  deux  parterres  à 
droite  et  à  gauche  et  la  terrasse.  A  neuf  heures  ,  le  lans- 
quenet fini  y  le  Roi  et  la  Reine  se  mirent  à  un  balcon  de 
la  galerie;  le  Roi  ayant  donné  lui-même  le  signal  avec 
une  lance  à  feu ,  on  commença  à  tirer  le  feu  ;  il  dura 
un  quart  d'heure  et  demi;  il  fut  parfaitement  bien 
servi;  il  y  eut  cependant  quelques  moments  un  peu  lan- 
guissants. Le  total  de  ce  spectacle  étoit  d'une  grande  ma- 
gnificence. Dès  que  le  feu  fut  tiré ,  le  Roi  passa  chez 
la  Reine  et  fut  suivi  par  Mesdames  et  par  les  princesses. 
M.  le  Dauphin  alla  souper  chez  lui.  La  table  étoit  mise 
dans  Fantichambre  delà  Reine  ;  elle  étoit  en  fer  à  cheval. 
Madame  Infante  étoit  à  la  droite  du  Roi^  comme  Ma- 
dame étoit  à  la  gauche  de  la  Reine ,  Tune  et  Tautre  à 
Fangle  arrondi  de  la  table  ^  et  par  conséquent  assez 
éloignées  de  LL.  MM.  M"*^  la  Duchesse  mère  étoit  à  la 
droite  de  Madame  Infante ,  mais  entièrement  sur  le  re- 
tour de  la  table ,  cependant  plus  près  de  Madame  In- 
fante que  Madame  Infante  n'étoit  du  Roi;  c'étoit  la 
même  chose  de  l'autre  côté  pour  M"'"'  la  princesse  de 
Conty.  Du  côté  de  M"*"  la  Duchesse  mère  y  à  sa  droite , 
étoient  Mademoiselle,  M"**  de  Sens  et  M^^**  du  Maine; 
du  côté  de  M*"^  la  princesse  de  Conty ^  à  sa  gauche^ 
M"'  de  Clermont  et  M"*  de  la  Roche-sur- Yon.  La  table 
servie  à  l'ordinaire  par  les  gentilshommes  ordinaires 
du  Roi.  Après  le  souper ^  il  n'y  eut  rien.  Le  Roi  rentra 
chez  la  Reine,  à  l'ordinaire^  et  chacun  se  retira. 

C'est  aujourd'hui  la  fête  de  M.  de  la  Mina.  M.  de  la 
Mina  a  été  lui-même  chez  les  princesses  du  sang  les 
prier  à  cette  fête  où  Mesdames  se  trouveront;  il  avoit 


26  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUyJNES. 

envoyé  un  gentilhomme  chez  les  princes  da  sang  ;  mais 
ils  ont  prétendu  que  M.  de  la  Hina  de  voit  y  aller  lui- 
même  ,  et  comme  il  a  répondu  que  ce  n^étoit  que  par 
galanterie  qu'il  avoit  été  chez  les  princesses  du  sang  et 
qu'il  ne  devoit  qu'envoyer  chez  les  princeâ^  ils  ont  pris 
le  parti  de  n'y  point  aller  et  même  d'engager  les  prin- 
cesses à  n'y  point  aller  non  plus ,  quoi  qu'elles  eussent 
promis. 

Je  viens  d'apprendre  aussi  une  autre  difficulté.  On 
avoit  cru  convenable  que  Madame  Infante  allât  rendre 
visite  à  la  reine  d'Espagne  (1),  suivie  par  les  gardes  du 
Roi  ;  nulle  difficulté  que  les  gardes  du  Roi  doivent  avoir 
la  droite  sur  les  gardes  de  la  reine  d'Espagne  ;  mais  la 
reine  d'Espagne  a  représenté  que  c'étoit  lorsqu'ils 
aocompagnoient  le  Roi^  mais  que  lorsqu'ils  accompa* 
gnoient  Madame  Infante ,  ses  gardes  ne  pouvoient  leur 
oéder  la  droite;  ce  qui  fait  croire  qu'il  n'y  aura  point  de 
visites  (3) . 

M.  de  Cambis  part  ces  j  ours-ci  pour  retourner  en  Angle^ 
terre;  ilparoit  que  les  esprits  y  sont  toujours  dans  la  même 
commotion;  et  il  est  difficile  de  croire  qu'il  n'y  ait  pas 
guerre  bientôt  entre  l'Angleterre  et  l'Espeigne.  Par  le 
traité  fait  en  1719  ou  20  il  avoit  été  stipulé  que  les  Anglois 
rendroient  Gibraltar  et  Port^Hahon;  ils  ont  toujours 
évité  l'exécution  de  cette  condition,  disant  que  la  nation 
s'y  étoit  opposée.  Il  avoit  aussi  été  stipulé  dans  un  autre 
traité  que  les  Anglois  auroient  la  liberté  de  faire  le 


.^4  «M 


(1)  Loaise-Élisabeth  d'Orléans  ,  fille  du  Régetit,  mariée  en  172^  à  Louis, 
prince  des  ÂstoHés ,  depuis  roi  d*Ë8pagne.  Après  son  veotage,  elle  revint  en 
France»  résida  au  palais  du  Luxembourg  et  31  mourut  en  1742. 

(2)  Il  a  été  décidé  qu'il  n'y  auroit  point  de  visites.  L'écuyer  de  quartier  du 
Roi ,  qui  suit  Madame  au  voyage ,  fut  chargé  de  la  part  de  Madame  Infante , 
dimanche  31,  d'aller  chez  la  reine  d'Espagne ,  M  Mre  des  compliments  de  la 
part  de  Madame  Infante.  Cet  écuyer  m'a  dit  que  le  compliment  n'avoit  pas  été 
trop  bien  reçu  et  que  la  reine  d'Espagne  lui  dit  pour  toute  réponse  :  «  Je  lui 
suis  bien  obligée  »,  et  lui  tourna  le  dos  dans  le  moment.  (  Addition  du  2  sep- 
tembre 1739.) 


i 


ii- 


y 


i< 


AOUT  1759  27 

commerce  avec  un  vaisseau  dans  la  Nouvelle-Espagne. 
Ils  oftt  abusé  et  abusent  tous  les  jours  de  cette  permis- 
sion ,  ce  vaisseau  étant  devenu  un  magasin  qui  se 
remplit  et  se  vide  à  tout  moment  ;  ce  qui  fait  un  grand 
tort  au  commerce.  Les  Espagnols  ont  souffert  pendant 
longtemps  patiemment,  quoiqu'en  se  plaignant.  La 
contrebande  ayant  augmenté ,  les  Espagnols  ont  pillé 
plusieurs  vaisseaux  anglois,  et  les  Angloîs  se  plaignent 
d'autant  plus  qu'il  y  en  avoit  plusieurs  dans  ce  nombre 
qui  n'étoient  point  chargés  de  contrebande.  La  flotte 
d'Espagne  brûlée  en  Sicile  par  les  Anglois ,  avec  beau- 
coup de  cruauté,  étoit  encore  un  sujet  de  plaintes  bien 
graves  de  la  part  de  l'Espagne.  Est  intervenu  en  dernier 
lieu  le  traité  qu'on  appelle  Convention.  J'ai  expliqué 
ci-dessus  les  motifs  de  plaintes  de  part  et  d'autre  sur  le 
manque  d'exécution  de  ce  traité.  Nous  en  avons  aussi  de 
personnels  contre  l'Angleterre ,  comme  je  l'ai  marqué. 
Dans  ces  circonstances,  M.  de  Cambis  croit  assez  ne  pas 
rester  longtemps  en  Angleterre.  Mais  comme  la  Hollande , 
dont  les  affaires  sont  en  assez  mauvais  état,  ne  se  joindra 
sûrement  pas  à  l'Angleterre ,  il  y  a  lieu  de  croire  que 
cette  guerre  ne  sera  pas  favorable  aux  Anglois. 

Dh,  Vendredi  28,  Versailles.  —  Hier,  la  fête  de  M.  de 
la  Mina.  Mesdames  y  arrivèrent  à  six  heures  et  demie. 
J'étois  arrivé  un  moment  auparavant ,  et  je  trouvai  qu'il 
étoit  question  d'une  proposition  qu'avoit  faite  M.  de  la 
Minaj  que  les  grands  et  grandes  d'Espagne,  suivant 
Tusage  de  cette  cour,  baisassent  la  main  à  Madame  In* 
faute  à  son  arrivée.  Ce  fut  à  M'"'  la  maréchale  de  Villars 
que  la  proposition  fut  adressée  ;  elle  est  grande  d'Es- 
pagne. Elle  dit  qu'elle  ne  le  pouvoit  pas  sans  un  ordre 
de  M.  le  Cardinal  ;  elle  pria  M.  de  Maurepas  de  l'aller 
demander  à  M.  le  Cardinal,  qui  étoit  chez  M.  de  la  Mina 
et  qui  ne  vint  point  à  l'arrivée  de  Mesdames.  M.  le  Car- 
dinal répondit  que  les  grands  d'Espagne  feroient  ce  qu'ils 
voudroient  par  galanterie  ,  mais  que  M™^  la  maréchale  de 


28  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Villars  avoit  eu  raison  de  refuser.  M.  de  la  Mina  a  voit 
été  piqué  des  difficultés  de  M""*  la  maréchale  de  Y îUars 
et  avoit  marqué  sa  peine  assez  vivement;  il  fut  fort  peiné 
de  la  décision  ^  et  dit  que ,  cela  étant ,  il  valait  mieux 
que  ni  grands  ni  grandes  ne  baisassent  la  main,  et 
personne  ne  Fa  baisée.  M.  de  la  Mina  avoit  fait  percer 
une  porte  de  communication  avec  la  maison  voisine^ 
appartenant  à  M.  Glucq,  qui  ne  la  lui  avoit  prêtée  que  parce 
que  M.  le  Cardinal  la  lui  avoit  demandée.  Dans  le  cabinet 
du  bout  de  la  maison  de  M.  de  la  Mina  il  y  avoit  un  balcon 
garni  d'un  tapis^  et  sur  ledit  tapis  un  carré  un  peu  plus 
élevé  que  le  reste ,  garni  d'un  drap  dé  pied  de  velours 
avec  un  dais  au-dessus  ;  c'étoitpour  Mesdames,  qui  avoient 
chacune  un  fauteuil.  A  droite  étoit  un  grand  balcon 
en  galerie^  que  Ton  avoit  fait  exprès  avec  des  arcades  où 
étoient  toutes  les  dames  sur  des  chaises  et  des  pliants,  et 
les  hommes  sur  des  gradins.  Il  n'y  avoit  ni  princes  ni 
princesses.  Il  est  certain ,  et  je  le  sais  de  M.  de  la  Mina, 
qu'il  avoit  été  chez  les  princesses  lui-même  et  qu'il  n'a- 
voit  pas  cru  devoir  aller  chez  les  princes  ;  il  dit  qu'il  avoit 
consulté  ce  qui  avoit  été  fait  par  ses  prédécesseurs,  M.  de 
Santa-Cruz  et  M.  de  Bernachea,  à  la  fête  qu'ils  donné* 
rent  sur  le  quai  ;  qu'il  avoit  trouvé  qu'ils  n'avoient  point 
été  chez  les  princes  du  sang;  qu'il  avoit  ordre  de  sa 
cour  d'en  user  de  même;  que  cependant,  si  le  Roi  vou- 
loit  lui  donner  un  ordre  contraire ,  il  l'exécuteroit.  On 
dit  que  le  dais  pour  Mesdames  fut  une  des  principales 
raisons  qui  déterminèrent  les  princesses  à  ne  point  s'y 
trouver  et  à  prendre  pour  prétexte  qu'elles  prenoient 
fait  et  cause  pour  les  princes.  Cela  et  l'obligation  d'être 
en  grand  habit,  à  cause  de  Mesdames,  fit  qu'il  n'y  eut 
pas  autant  de  monde  que  l'ambassadeur  comptoit.  Je 
comptai  quatre-vingt-quatre  couverts  en  haut ,  et  il  y 
avoit  beaucoup  de  tables  en  bas  ;  il  y  eut  quatre  tables 
qui  ne  furent  point  remplies.  Il  n'y  avoit  point  de  garde 
françoise  ni  suisse  pour  Mesdames  ;  M.  le  Cardinal  l'avoit 


n 


AOUT  1759.  29 

jugé  inutile.  Mesdames^  un  moment  après  leur  arrivée 
et  après  avoir  été  sur  leur  balcon^  revinrent  dans  la  pièce 
d'auparavant  où  sont  les  portraits  du  Roi  et  de  la  Reine 
d'Espagne  et  des  Infants;  il  y  avoit  une  table  de  ca- 
vagnole,  où  elles  jouèrent  jusqu'à  près  de  neuf  heures  ;  et, 
pendant  le  jeu,  il  y  eut  un  grand  cercle  de  dames  assises, 
titrées  et  non  titrées.  Il  n'y  eut  point  d'autres  tables  de 
jeu  avant  souper;  après  souper  on  joua  au  pharaon. 
M.  le  Cardinal  resta  toujours  dans  une  chambre ,  au  bout 
de  l'autre  maison,  et  ne  vint  point  du  tout  où  étoient 
Mesdames.  A  neuf  heures,  Mesdames  vinrent  sur  le 
balcon  ,  et  peu  de  moments  après ,  sans  attendre  de  si^ 
gnal,  les  artificiers  commencèrent  à  tirer.  Le  feu  dura  un 
quart  d'heure,  et  fut  beau  et  bien  servi;  il  fut  aussi  rempli 
que  celui  de  Versailles,  et  même  encore  mieux  tiré,  mais 
la  décoration  vilaine;  elle  représentoit  le  chemin  des 
Pyrénées,  et  des  tours  dans  le  milieu  ,  mais  nulle  illu- 
mination. Je  ne  restai  point  au  souper;  on  m'a  dit  qu'a- 
près souper  on  éclaira  cette  décoration  et  que  l'illumi- 
nation fut  assez  bien ,  quoique  médiocre  ;  on  m'a  dit 
aussi  qu'il  y  avoit  eu  un  bal  comme  de  hasard  après 
souper;  il  vint  quelques  violons,  et  l'on  dansa. 

Du  samedi  ^9 y  Versailles.  — Hier  il  n'y  eut  rien.  Le  Roi 
soupa  dans  ses  cabinets  avec  des  hommes  seulement.  Le 
Roi  ne  fut  point  du  tout  au  feu  de  M.  de  la  Mina.  J'ai  ou- 
blié démarquer  que  Mesdames  partirent  immédiatement 
après  le  feu.  Avant  leur  départ,  H.  de  la  Mina  leur  pré- 
senta quelques  corbeilles  de  fruits,  à  genoux,  et  M^^'de  la 
Mina  donnala  serviette  à  Madame  Infante,  aussi  à  genoux^ 
M.  de  la  Mina  vouloit  aussi  présenter  à  genoux  à  M"*  Hen- 
riette; mais  M"^de  Tallardluidit  que  ce  n'étoit  point  l'u- 
sage de  France.  En  arrivant,  M.  delà  Mina  avoit  baisé  à 
genoux  la  main  à  Madame  Infante,  laquelle  ne  l'a  voit 
point  salué,  et  au  haut  de  l'escalier  M"*  de  la  Mina  avoit 
aussi  baisé  la  main  à  Madame  Infante,  qui  lui  avoit  fait 
rhonneur  de  la  saluer .  M"*  de  Tallard  fit  tout  cet  arran- 


30  MÉMOIRES  OU  DUC  DE  LUYNES. 

gement  suivle--champ  ea  disant  à  Madame,  en  badinant, 
qu^elle  arrivoit  en  terre  espagnole,  et  que  pour  se  con^ 
former  aux  usageselle  devoit  donner  sa  main  à  baiser.  A 
leur  départ^  Madame  Infante  salua  et  baisa  H""' de  la  Mina, 
laquelle  lui  baisa  la  main ,  que  Madame  Infante  laissa 
baiser.  M*"*" Henriette  salua  aussi  M*"'  de  la  Mina,  qui  voulut 
aussi  lui  baiser  la  main,  mais  M""*  Henriette  ne  le  voulut 
pas  permettre.  Ce  qui  avoit  fait  la  difficulté,  o'est  que 
Fambassadeur  avoit  proposé  à  H.  le  Cardinal  ce  cérémo- 
nial de  baiser  la  main  pour  les  grands  d'Espagne,  et  que 
S.  Ém.  Ta  voit  agréé.  H*"^  la  maréchale  de  Yillars  avoit 
voulu  avoir  un  ordre  du  Roi  ou  de  M.  le  Cardinal,  qui 
étoitdans  la  maison.  C'est  de  M*""  de  Tallard  même  que 
je  sais  tout  ce  détail. 

Du  Dimanche  30,  Versailles.  — M.  de  la  Mina  devait  ve^ 
nir  ici  ce  matin  en  grande  cérémonie  prendre  son  au- 
dience de  congé.  Il  part  effectivement  demain  pourcon" 
duire Madame  Infante  jusqu'à  Orléans;  mais  le  Roi  a  bien 
voulului  éviter  un  cérémonial  inutile,  et  même  trouva  bon 
qu'il  quittât  dès  jeudi  l'hôtel  des  ambassadeurs.  Cela  avoit 
donné  occasion  de  tenir  des  discours  dans  Paris,  parce 
que  Tusage  est  contraire  ;  mais  ici  c'est  un  cas  particulier. 
Un  ambassadeur  ordinaire  à  qui  l'Espagne  donne  la  qua- 
lité d'ambassadeur  extraordinaire  pour  la  demande,  et 
qui  d'ailleurs  est  militaire,  ne  fait  cas  du  cérémonial  que 
quand  il  est  absolument  nécessaire.  Celui  de  Thôtel  des 
ambassadeurs  est  honorable,  mais  assez  importun; il  faut 
y  tllner  et  souper  tous  les  jours  ;  il  faut  avoir  attention  d'y 
rassembler  compagnie  pour  remplir  lal^ble  ;  cette  table 
est  aux  ordres  d'un  maître  d'hôtel  du  Roi,  qui  y  mange 
avec  rambassadeur,  et  compliments  continuels  à  chaque 
service.  Le  maître  d'hôtel  ne  veut  point  faire  desservir 
sans  un  ordre  de  l'ambassadeur,  et  l'ambassadeur  ne 
veut  point  donner  cet  ordre.  Il  y  a  un  maître  d'hôtel  ser- 
vant sur  table,  et  ce  sont  tous  officiers  du  Roi  qui  don- 
nent à  boire,  et  tous  le  chapeau  sur  la  tête.  U  y  a  trente- 


AOUT  175».  31 

quatre  des  Gent-Suisses^  trente  pour  le  service  de  la  table^ 
et  quatre  pour  la  porte. 

C^étoit  hier  le  feu  de  la  Ville.  Ons'étoit  fçiit  écrire,  non 
chez  M.  le  Premier^  mais  chez  M.  deGesvres  pour  les  car- 
rosses du  Roi,  comme  pour  Rambouillet;  la  Meutte  et  la 
chasse  à  tirer.  Le  Roi  avoit  trois  carrosses,  savoir  ;  une 
berline  et  deux  grands  carrosses.  Il  y  avoit  outre  cela 
vingt-trois  personnes  à  qui  le  Roi  avoit  bien  voulu  donner 
des  places  au  Louvre  dans  le  balcon  quUl  avoit  fait  faire 
dans  environ  le  quart  de  la  terrasse  du  jardin  de  Tlnfante. 
Le  Roi  monta  à  quatre  heures  et  demie  dans  sa  berline 
avec  M.  le  comte  de  Clermont^  à  côté  de  lui,  M.  le  prince 
de  Dorabeset  M.  le  comte  d'Eu  sur  le  devant  (1).  Dans  le 
second  carrosse  M.  le  prince  Charles,  H.  le  Premier^  M.  le 
duc  de  Villeroy,  M.  de  Bouillon^  M.  de  la  Rochefoucauld, 
M.  de  Maillebois» 

S.  11.  vit  en  passant  dans  Tavenue  les  équipages  pour 
le  départde  Madame  Infante;  il  y  a  deux  carrosses  du  corps , 
une  gondole  et  plusieurs  berlines,  chaises  et  surtouts  (2). 
Madame  Infante  part  demain  pour  aller  coucher  à  Châ- 
tres (3).  Le  Roi  la  conduisit  jusqu'au  Pont-Colbert,  et  dit 
en  montant  en  carrosse  :  «à  Madrid.  »  J'ai  entendu  dire 
au  Roi  et  à  M,  de  Dreux  que  cette  étiquette  n'étoit  pas  né-^ 
cessai re^  mais  le  Roi  se  souvient  fort  bien^  au  départ  de 
M""^  de  Modène,  d'avoir  dit  au  cocher  :  a  à  Hodène.  » 


(1)  J'ai  marqué  ci-dessus  la  dispute  aon  décidée  entre  le  grand  et  le  premier 
éciiyer  lorsqu'il  reste  une  place  dans  le  carrosse  du  Roi.  Je  ne  sais  si  ce  ne 
lut  point  pour  l'éviter  que  le  Roi  iit  l'arraoeement  que  j'ai  marqué. 

Le  second  carrosse  reippli  piir  ie  service  marchoit  devant  le  Roi;  nous 
étions  six  dans  le  troisième  carrosse,  y  compris  M.  le  duc  d'Ayen;  nous  mar- 
chions derrière  le  Roi.  (  JVofe  ôm  duc  de  Luynes.  ) 

(2)  11  y  4  environ  900  cbavaux,  ou  appartenant  au  Roi  ou  de  louage  pour  le 
voyage  de  Madame.  Il  y  a  50  gardes  du  corps  et  12  des  Cent-Suisses.  (Note 
du  duc  de  Luynes,) 

(3)  Châtres  ou  Arpajon,  sur  la  route  d'Orléans.  —  Voy.  le  tableau  général 
des  postes ,  dressé  par  ordre  de  M,  Rigoley,  baron  d'Ogny,  intendant  général 
des  postes  et  relais  de  France. 


32  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Le  Roi  entra  dans  Paris  par  la  porte  Saint*Honoréy  fut 
presque  toujours  dans  Paris  au  pas^  et  arriva  au  Louvre^ 
par  la  rue  du  Chantre^  un  peu  après  six  heures,  dans  le 
cabinet  de  Flnfante  qui  donne  dans  le  jardin.  On  avait 
fait  un  balcon  donnant  sur  la  rivière  soutenu  par  des  co- 
lonnes entourées  de  girandoles.  L'ouverture  du  milieu  où 
étoit  le  drap  de  pied  étoit  garnie  d^un  rideau  de  damas 
cramoisi  relevé  en  baldaquin  (1).  Le  Roi^  la  Reine,  M.  le 
Dauphin,  Mesdames  étoient  sur  le  drap  de  pied,  sur  des 
pliants  à  droite  et  à  gauche,  suivant  le  rang  des  deux  fau- 
teuils du  Roi  et  de  la  Reine.  Derrière  la  Reine,  l'officier 
des  gardes,  la  dame  d'honneur  et  la  dame  d'atour.  Der- 
rière le  Roi,  M.  de  Villeroy,  H.  de  Bouillon,  M.  de  la 
Rochefoucauld.  La  Reine  avoit  mené  dans  son  carrosse 
M""*  de  Glermont,  M""*  de  la  Roche-sur-Yon,  M"*  de  Sens, 
M""*'  de  Luynes  et  de  Hazarin,  et  dans  les  deux  autres, 
M"^  de  Fleuri  et  les  onze  dames  du  palais  (  car  M"*  la 
duchesse  de  Gontaut  ou  plutôt  de  Biron  n'en  fait  plus 
aucune  fonction  depuis  longtemps  par  sa  mauvaise  santé). 
Les  dames  du  palais  étoient  à  droite  et  à  gauche  du  balcon  ; 
M"'  de  Mailly  la  première  de  toutes  et  la  plus  près  du  Roi, 
son  pliant  touchoità  celui  de  M.  le  Dauphin  et  de  M"*  de 
Glermont.  Toutes  les  femmes  étoient  assises  sans  distinc* 
tion  de  titres.  A  gauche  de  ce  balcon  étoit  celui  destiné 
pour  la  suite  du  Roi.  Il  y  avoit  beaucoup  de  places  qui  ne 
furent  point  remplies.  Lorsque  le  Roi  arriva,  il  y  avoit 
sur  la  rivière  différents  bateaux  avec  des  matelots,  vêtus 
de  différentes  façons,  qui  joûtoient.  Il  y  avoit  longtemps 
que  ces  joutes  étoient  commencées;  elles  durèrent  jus- 
qu'après dehuitheures.  Pendant  ce  temps  on  commença 
l'illumination.  Il  y  avoit  dans  le  milieu  de  la  rivière,  vis- 
à-vis  le  balcon  du  Roi  un  bateau  à  pans,  en  forme  d'Ile 


(1)  Voir  le  recueil  des  Fêtes  données  par  la  ville  de  Paris  à  Voccasion  du 
mariage  de  Louise-Elisabeth  de  France  et  de  don  Philippe,  infant  d'Es* 
pagne;  14  planclies  graTées  par  J.  F.  Blondel. 


AOUT  1759.  33 

OU  dech&teau^  ou  plutôt  détour,  dans  le  milieu  duquel  étoit 
une  nombreuse  musique  d'instruments  seulement^  vio- 
lons, trompettes,  cors  de  chasse,  jouant  et  sonnant  alterna- 
tivement. Ce  château  fut  long  à  éclairer;  mais  l'illumina- 
tion en  étoit  fort  agréable.  Il  étoit  éclairé  par  derrière,  ce 
qui  le  faisoitparoltre  transparent.  La  décoration  qui  étoit 
autour  du  cheval  de  bronze  représentoit  un  château  de 
pierre  de  taille  soutenu  par  des  colonnes  ;  ce  château  fut 
éclairé  le  dernier.  De  l'autre  côté  du  Pont-Neuf,  il  parut 
de  petits  bateaux  fort  joliment  éclairés  -de  petites  lan- 
ternes suspendues  qui  formoient  différents  dessins.  Il  y 
avoit  soixante  de  ces  petits  bateaux  qui  sortoient  des 
deux  côtés  de  la  décoration,  par-dessous  les  arches  du 
Pont-Neuf,  et  venoient  se  ranger  au-dessus,  au-dessous  et  à 
côté  du  château  transparent.  M.  Turgot,  ayant  alors  (il 
étoit  huitheures)  pris  l'ordre  du  Roi,  ordonna  que  Ton 
donnât  le  signal  du  feu.  Ce  signal  fut  un  jet  d'eau  de  feu 
dans  la  rivière.  On  tira  d'abord  les  boites  et  ensuite  le 
canon,  Tun  et  l'autre  mal  servis;  ensuite  il  partit  des  deux 
côtés  du  Pont-Neuf  une  grande  quantité  de  fusées  et  de 
pétards,  pendant  un  petit  demi-quart  d'heure  ;  après  quoi 
on  ne  tira  plus  que  de  grandes  fusées  Tune  après  l'autre 
pendant  presque  autant  de  temps,  et  l'on  cessa  ensuite  en- 
tièrement de  tirer*  Le  prévôt  des  marchands  étoit  dans 
une  grande  inquiétude  du  succès  avant  le  commencement, 
d'autant  plus  que  le  Saxon  (1),  qui  étoit  un  lieutenant-co- 
lonel des  troupes  de  Saxe,  et  qui  adans  ce  pays-ci  une  prin- 
cipale inspection  sur  l'artillerie,  avoit  toujours  dit,  en  se 
chargeant  de  faire  faire  une  partie  de  l'artifice  de  la  fête 
qu'il  seroit  mal  servi  par  les  artificiers françois  par  jalou- 
sie. M.  le  prévôt  des  marchands  étoit  furieux  de  voir  la 
prédictions'accomplir.  Cependant  après  environ  un  quart 
d'heure  de  retardement,  il  partit  du  château  du  Pont- 


(1)  Voir  plus  loin,  aa  7  septembre,  ce  qu^était  ce  Saxon,  nommé  Olric. 
T.  m.  3 


34  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Neuf  une  prodigieuse  quantité  d'artifices.  Au  haut  du  chA* 
teau  il  parut  un  rond  de  feu  fort  brillant  et  ensuite  un 
grand  et  beau  soleil ,  une  girandole  magnifique  qui  de-^ 
voit  être  la  fin^  mais  qui  fut  suivie  d'un  grand  nombre  de 
pétards  et  de  fusées.  Il  y  avoit  eu  aussi  des  jets  de  feu 
dans  la  rivière  et  des  gerbes  de  feu  tout  le  long  du  Pont-* 
Neuf.  Il  y  avoit  sur  la  rivière  deux  bateaux  de  dragons 
transparents  qui  jetèrent  des  pétards;  de  Fautre  côté  du 
château  transparent  on  jetoit  aussi  des  pétards  et  des  fu- 
sées. Le  tout  auroit  été  fort  beau,  s^il  avoit  été  tiré  comme 
il  devoit  Tètre.  La  mauvaise  foi  des  artifioiers  fut  cause 
du  dérangement,  et  le  prévôt  des  marchands  ayant 
demandé  au  Roi  permission  de  les  punir  en  les  faisant 
mettre  au  cachot  et  les  privant  de  leur  maîtrise,  le  Roi 
eut  bien  de  la  peine  à  dire  oui.  Cependant  à  la  fin  il  le 
permit,  et  Madame  Infante  étant  venue  ensuite  demander 
au  Roi  leur  gr&x^e,  le  Roi  ne  voulut  jamais  rien  répondre. 
Lorsque  cet  artifice  fut  tiré^  la  nuit  étant  plus  avancée^ 
rillumination  du  château  du  Poni-Neuf  parut  encore  plus 
belle;  il  y  avoit  sur  la  colonne  du  milieu  en  bas  unecou^ 
ronne  qui  paroissoitde  pierres  précieuses  et  faisoit  un  très^ 
bel  effet.  Les  maisons  dePautre  côté  du  quai  assez  bien  il- 
luminées et  lafacadedu  Louvre  etdes  Tuileries.  LeRoiresta 
jusqu^à  près  de  neuf  heures.  11  y  avoit  eu  une  collation  pour 
M.  le  Dauphin  et  Mesdames,  et  des  rafraîchissements  pour 
les  dames.  M.  le  Dauphin,  qui  alloit  souper  (1)  et  de  là  cou- 
cher à  la  Meutte,  sortit  un  peu  avant  le  Roi  pour  aller  se 
mettre  à  table  ;  mais  il  ne  sortit  du  Louvre  qu'après  le  dé- 
part du  Roi.  Mesdames^  après  le  souper,  revinrent  à  Vej^ 
sailles.  Le  Roi,  au  sortir  du  Louvre,  prit  à  droite  dans  la 
rueSaini'Honoréqui  étoit éclairée  parles  corps  des  mar- 
chands et  qui  faisoit  un  bel  effet.  Le  Roi  alla  jusqu'à  la 
rue  de  la  Féronnerie  au  bout  de  laquelle,  tout  au  fond, 


(1)  Dans  un  appartement  à  côté,  qui  est  celui  de  M.  le  cardinal  de  Rohan  ;  il 
n'y  avoit  à  table  que  M.  le  Dauphin  et  Mesdames.  (  Note  du  duc  de  Luynes,  ) 


AOUT  17TO.  u 

était  une  espèce  d'arc  de  triomphe  fort  éclairé.  On  a  fait 
la  remarque  que  le  nom  de  cette  rue  étoit  bien  odieux  à 
la  nation  et  au  sang  de  Bourbon  pour  y  donner  un  spec- 
tacle de  réjouissance  (1).  Le  Roi  tourna  devant  l'arc  de 
triomphe^  passa  Paris  au  pas,  et  revint  souper  ici  à  son 
petit  couvert  en  maigre.  Une  voulut  pas  attendre  un  quart 
d'heure  pour  manger  gras.  La  Reine  fit  le  môme  chemin, 
et  arriva  à  la  fin  du  souper  du  Roi.  Mesdames  arrivèrent 
à  peu  près  en  même  temps  que  la  Reine,  et  M.  le  Dauphin 
est  revenu  ce  matin. 

J'ai  oublié  de  marquer  que,  jeudi  dernier,  le  Roi  soupa 
chez  Mademoiselle ,  où  il  joua  à  oavagnole  après  sou- 
per (il  n'y  avoit  que  cinq  dames  :  Mademoiselle,  M"*  de 
Clef  mont,  M™''  de  Mailly,  M"*  de  Nesle  et  M""^  de  Ségur;  c'é- 
toit  un  mystère  que  ce  souper),  et  que  le  même  jeudi  matin 
M.  le  prévôt  des  marchands,  avec  les  échevins  en  robes, 
vint  iéi  apporter  à  Madame  Infante  le  présent  ordinaire 
de  la  Ville,  qui  est  d'étiquette.  C'est  douze  douzaines  de 
flambeaux  de  poing  que  Ton  dit  être  parfumés  (  ils  ne  le 
paroissent  pas  cependant  lorsqu'ils  ne  sont  pas  allumés  ) 
et  douze  douzaines  de  boites  de  dragées  dans  des  espèces 
de  mannes  peintes  d'assez  bon  goût,  garnies  de  toi- 
lettes de  mousseline  en  dehors  et  en  dedans,  et  le  tout 
renoué  d'une  infinité  de  rubans  bleus. 

Du  lundi  31,  Versailles.  —  f  allai  hier  voir  Thôtel  de 
ville  sur  les  neuf  heures  du  soir  ;  le  bal  ne  de  voit  com- 
mencer que  sur  les  dix  ou  onze  heures.  Le  coup  d'œil  de 
la  salle  est  admirable  ;  j'en  ai  fait  la  description  ci-dessus  ; 
c'est  la  cour  couverte  et  garnie  de  planches  en  bas,  par- 
faitement bien  éclairée.  Le  plafond  peint  et  la  muraille , 
et  beaucoup  d'ornements  dorés.  Toutes  les  fenêtres  qui 
donnent  sur  la  cour  sont  les  fenêtres  de  plusieurs  salles 
où  Ton  dansera  ;  à  chacune   une  pièce  pour  les  rafrai- 


(t)  C'est  dans  ceUe  rue  que  Henri  TV  avait  été  assassiné. 


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AOUT  1759.  37 

M.  le  Dauphin  a  pleuré  beaucoup,  et  surtout  lorsqu'il  l'a 
embrassée  dans  le  moment  qu'elle  a  monté  en  carrosse. 
Le  Roi  a  descendu  avec  elle^  le  visage  fort  triste^  et  a 
monté  dans  le  carrosse  de  Madame  Infante,  qui  s'est  mise 
à  côté  de  lui,  M'»'^"  de  Tallard,  d'Antin,  de  Tessé  et  de 
Huys^  celle-ci  à  une  portière.  Dans  le  second  carrosse, 
il  n'y  aura  pendant  le  voyage  que  Fécuyer  de  quartier 
et  M.  Desgranges^  maître  des  cérémonies.  Mais  comme 
les  calèches  du  Roi  sont  allées  attendre  S.  M.  au  Plessis- 
Picquet,  M.  le  duc  de  Villeroy,  M.  le  prince  Charles,  M.  de 
Bouillon,  M.  de  Gesvres  et  M.  de  Maillebois  ont  monté 
dans  le  second  carrosse  avec  M.  Desgranges.  L'écuyer  de 
quartier  a  été  jusqu'au  Plessis-Picquet  dans  une  autre 
voiture.  M.  de  Bouillon  s' étant  trouvé  seul  dans  le  cabinet 
du  Roi  après  son  souper,  le  Roi  lui  dit  :  a  Vous  trouverez 
bon  que  M.  Desgranges  monte  dans  le  carrosse  avec 
vous  (1).  »  H.  de  Bouillon  ne  répondit  que  par  des  res- 
pects. Au  Plessis-Picquet,  le  Roi  a  descendu  et  Ma- 
dame Infante  aussi  ;  il  Ta  embrassée  deux  fois  mais  sans 
pleurer.  Madame  Infante  n'a  pleuré  qu'à  la  seconde 
fois;  et  dès  que  le  Roi  fut  parti,  elle  fondit  en  larmes, 
ce  qui  dura  fort  longtemps  (2).  Le  Roi  est  revenu  dans 
une  calèche  à  quatre  en  cinquième  avec  M.  le  prince 
Charles,  M.  de  Bouillon,  M.  le  duc  de  Villeroy  et  M.  de 
Gesvres.  M.  de  Maillebois  étoit  seul  dans  la  seconde  ca- 
lèche. 

Le  Roi  est  arrivé  ici  à  deux  heures;  il  n'a  point  été 
chez  la  Reine  en  arrivant  ni  en  partant  pour  Ram- 
bouillet. Le  Roi  voulut  aller  embrasser  M"'  Henriette 
avant  que  de  partir;  son  dessein  étoit  d'aller  chez  elle; 


(1)  Cette  marque  de  bonté  du  Roi  étoit  pour  tous  ceux  qui  dévoient  monter 
dans  le  carrosse,  et  le  Roi  adressa  la  parole  à  M.  de  Bouillon  parce  qu*il  se 
trouva  seul  dans  ce  moment.  (  Note  du  duc  de  Luynes.) 

(2)  Lorsque  Madame  Infante  est  remontée  dans  le  carrosse,  le  Roi  a  dit  au 
cocher  :  n  marchez  »  et  n'a  point  dit  :  «  à  Madrid  ».  C'est  M.  de  Bouillon  qui 
à  son  retour  m'a  conlé  ce  délail.  (  x^^^e  du  duc  de  Lwjnes.  ) 


88  MÉMOIRES  DU  DUC  DK  LUYNES. 

OU  lui  dit  qu'elle  étoit  chez  la  Reine  ;  il  ne  voulut  point 
y  aller,  craignant  apparemment  que  cette  entrevue  ne 
renouvelât  la  douleur  de  Tune  et  de  Tautre ,  et  qu'il  ne 
s'attendrit  lui-même.  Il  attendit  quelque  temps ^  et  enfin 
il  manda  à  M*'  Henriette  de  le  venir  trouver  dans  son 
cabinet  ;  il  Tembrassa,  et  il  partit  à  cinq  heures  dans  sa 
gondole  avec  Mademoiselle ,  M"*  de  Glermont ,  M"*  de 
Mailly  et  M"^  de  Ségur  et  des  hommes.  M"*"  de  Nesle  fut  à 
Rambouillet,  mais  elle  partit  après  le  Roi.  Il  ne  s'est 
point  fait  écrire  d'autres  dames  pour  ce  voyage.  Les 
dames  se  font  écrire  comme  les  hommes  chez  M.  de 
Gesvres;  c'est  un  usage  nouveau.  Du  vivant  de  H.  le 
comte  de  Toulouse  y  c'était  M'"''  la  comtesse  de  Toulouse 
qui  les  nommoit;  mais  depuis  sa  mort  elle  n'a  plus 
voulu  être  chargée  de  choisir  celles  qui  seroient  plus 
agréables  au  Roi. 

M*"""  la  princesse  de  Léon  demanda,  il  y  a  quelques 
jours,  l'agrément  du  Roi  pour  le  mariage  de  sa  seconde 
fille  avec  M.  Fernando  Nunnès ,  Espagnol  et  général  des 
galères  d'Espagne  ;  il  est  grand  d'Espagne  de  la  première 
classe  ;  il  parolt  avoir  soixante  ans  au  moins  ;  on  dit  cepen- 
dant qull  n'en  a  que  cinquante-cinq. 

M.  Tarchevôque  de  Toulouse  (1)  (Grillon)  a  remercié 
aujourd'hui  le  Roi;  il  est  nommé  à  l'archevêché  de 
Narbonne,  Toulouse  n'est  pas  encore  donné. 

Il  y  a  quelques  jours  que  M.  l'abbé  de  Ventadour, 
étant  venu  comme  recteur  de  l'université  présenter  un 
livre  au  Roi ,  étoit  dans  la  chambre  de  S.  M.  auprès  du 
balustre  en  dehors,  attendant  que  H.  le  Cardinal,  au 
sortir  de  la  prière  du  Rioi,  le  lui  présentât.  Je  fus  asse^ 
étonné  de  voir  M.  le  Cardinal  dire  à  M.  Tabbé  de  Venta- 
dour d'entrer  dans  le  cabinet  du  Roi;  ce  fut  là  que  le 
livre  fut  présenté. 


(1)  Je;in-Louis  de  Bertons  de  Grillon. , 


SEPTKMfiRK  1759.  39 

Hier  M.  le  Cardinal  présenta  au  Roi^  à  la  porte  du  ca- 
binet en  dehors^  U.  Lercari,  qui  prit  congé;  il  étoit  resté 
chargé  des  affaires  de  Borne  dopais  le  départ  de 
M.  Delci;  il  va  vie6^1é|^a|.  à  Avigoo».  J^eot^adia  dire 
fiur-le-champ  à  M.  da  V^rneuil  qu'il  avolt  fait  des  re- 
présentations à  M.  la  Cardinal  Bans  succès ,  sur  cette 
manière  de  faire  prendre  congé.  M.  Larcaiî  prit  congé 
sans  plus  de  cérémonie  qu^un  colonel  qui  va  &  son 
régiment. 


Conseils  du  Roi  à  Madame  Infante.  ^  Anecdotes  sur  Madame,  —  M")e  de 
Mailly  va  voir  à  Paris  la  salle  du  bal.  —  La  Ville  présente  au  Roi  le  scru- 
tin. -*  Le  Roi  fait  donner  500  louis  à  la  Reine  i  l^inerie  du  Cardinal.  — 
Voyage  du  Roi  à  Ramboaillet.  —  M"^'  de  Fleury  déclarée  dai^e  du  palais 
surnuméraire.  —  Mariage  de  M"*'  de  Nesleavec  M.  du  Luc.  —  Mort  du  mar- 
quis de  Ménars.  —  Mort  de  la  princesse  de  Soubise.  —  L'abbé  de  Chamron 
nommé  trésorier  de  la  sainte  Chapelle.  —  Mort  du  duo  d^Hostun.  —  Projet 
de  marier  M^^  de  Nesle  au  oomte  de  Noailies.  -^  Voyages  du  Roi  à  Rambouil- 
let et  à  la  Meulte.  —  Le  Roi  achète  Choisy,  —  Mariage  de  MUe  de  Nesle  ;  le 
Roi  assiste  à  la  toilette  et  au  coucher  de  la  mariée.  —  Audiences  de  MM.  de 
Solar  et  Venier. 

Du  mercredi  isepien^re,  Versailles,  —  La  Reine  fit  hier 
souper  Madame  avec  elle  ;  les  trois  damas  du  palais  de  se- 
maine (M*^  de  Gontaut  ne  servant  point) ,  les  deuji^ damas  de 
Madame  et  M*"""  da  la  Toumelle  curant  Thounaur  de  souper 
avec  la  Reine. 

On  m'a  dit  aujourd'hui  que  le  Roi  avoit  parlé  à  mar- 
veille  à  Madame  Infante  pendant  tout  le  chemin  d'ici 
au  Plesaish'Picquet  ;  qu'il  lui  avoit  dit^  qu'elle  devoit  re- 
garder le  roi  d'Espagne  comme  son  onde  et  comme  son 
père ,  qu'ayant  l'humeur  aussi  douce  qu'elle  l'avoit,  il 
avoit  lieu  d'espérer  qu'elle  plairoit  au  roi  d'Espagne , 
et  que,  pour  son  propre  bonheur,  elle  ne  devoit  avoir 
d'autre  application  et  d'autres  soins  que  de  chercher  à 
lui  plaire,  il  lui  parla  avec  tant  d'amitié  et  de  tendresse 


que  tout  ce  qui  étoit  daBs>  Je  carrosse  &màoit  ea  loirmes^ 
U  ajouta  qu  il  lui  ordottnoit  esfcessëai«iit  de  i»?  de- 
riicuider  au  coi  dlEspagne  aucune  grâce  y,  quelque  petite 
qu  elle  puisse  être ,  jusqu'à  ce  qu^elIe  ait  ningt-einq  aiœ^ 
U  lui  dit  aussi  dans*  la  couversatioo  qu'elle  tâchât  «ie 
bien  se  souvenir  de  tout  ce  qu'elle  avoit  vu  à  VexsuUe», 
parce  que  le  roi  d'Espagne,  qui  connoissoit  Verasillesy 
lui  teroit  sûrement  beaucoup  de  questions^ 

Après  le  départ  du  Roi,  lorsqu'il  eut  quitté  Madame  In- 
fante^ .H"*'  de  Tallard  se  mit  à  côté  d'elle  dans  le  fond^ 
suivan  t  le  droit  de  la  gouvernante  ;  M"^  d' An  tin  et  de  Tessé 
dans  le  fond  de  devant  et  M**  de  Hfuysà  la  portière  du  côté 
de  Madame  Infante.  Cet  arrangement  ne  dura  pas-  loi^- 
temps;  Madame  Infante  dit  à  M"^  de  Muys  de  passer  à 
l'autre  portière  parce  qu  elle  Fineommodoit.  C'est  pour- 
tant l'usage  et  la  règle  que  le  sous-gouvemewr  ou  la 
sous-gouvernante  soit  à  la  portière  du  côté  du  prince  ou 
princesse  à  qui  il  a  l'honneur  d'appartenir.  M.  de  Po- 
lastron  me  disoit  hier  qu  il  lui  arrivoit  souvent  dan»  le 
carrosse  de  M.  le  Dauphin  d'être  à  la  portière  du  cèté 
de  M.  le  Dauphin  ,  pendant  que  son  fils  étoit  sur  le  de- 
vant. Le  sous-gouverneur  n'a  pas  le  droit  d'être  assab^ 
en  l'absence  du  gouverneur^  à  côté  de  M.  le  Dauphin. 

Ce  que  je  viens  de  dire  ici  de  Madame  n  est  pas  le 
premier  exemple  qu'elle  ait  donné  d'une  volonté  aassB 
décidée.  Elle  n'a  jamais  aimé  flP*  de  Tallard  ,  et  lorsque 
^me  ^^  Tallard  entroit  par  hasard  chez  elle  à  des  heures 
extraordinaires,  elle  lui  demandoit  avec  un  air  de 
surprise  et  de  sécheresse  quelle  étoit  donc  la  raison  qui 
l'avoit  engagée  à  venir  chez  elle?  Madame  Infante  est 
extrêmement  timide ,  mais  elle  parolt  avoir  de  la  ih>- 
blesse  et  de  la  dignité.  Ce  qui  a  donné  cette  avernon 
pour  M'"'*  de  Tallaiil  à  Madame  Infante ,  c'est  sa  nounriee, 
(|ui  est  devenue,  suivant  la  rèiile,  su  première  femme 
de  chamluv  ri  qui  Ta  oativteuue  dans  ces  sentiments]. 
Addition  duduade  Luynes,  datée  du  12  septembre  1730. 


SEPTEMBRE  1750.  41 

Du  jeudi  3,  Versailles.  —  Le  Roi  part  aujourd'hui  pour 
Marly  pendant  lequel  il  fera  trois  voyages  à  Rambouillet. 
J'ai  déjà  marqué  que  M"'  de  Mailly  avoit  en  haut  les  deux 
logements  du  huitième  et  du  neuvième  numéro.  Le 
dixième  étoit  vacant  ;  le  Roi  a  trouvé  bon  qu'elle  le  gard&t 
pour  M""  de  Nesle,  qui  viendroit  y  coucher  les  veilles  de 
Rambouillet  et  le  jour  des  retours  du  Roi,  qui  souperoit 
avec  le  Roi  dans  ses  cabinets  et  verroit  le  coup  d'œil  du 
salon  d'un  des  balcons  d'en  haut. 

Du  samedi  5 ,  Marly.  —  Le  Roi  fut  hier  courre  le  daim 
à  Sàint-Germain.  M™*  de  Mailly  fut  à  cette  chasse  avec 
M°*  la  duchesse  de  Ruffec  dans  une  calèche  ;  elles  menè- 
rent M.  de  Luxembourg  et  M.  de  Tallard.  Il  n'y  a  point 
eu  de  lansquenet  jusqu'à  présent.  Le  Roi  joue  après 
souper  au  brelan  et  àl'hombre;  il  joua  hier  aux  petits  pa- 
quets. Mademoiselle  joue  à  quadrille  avec  M"""  de  Mailly 
contre  la  porte  du  salon  du  billard;  cette  place  n'est  se* 
parée  que  par  la  cheminée  de  celle  où  le  Roi  joue.  C'est 
ici  l'usage,  comme  j'ai  déjà  marqué,  que  les  dames 
aillent  au  coucher  de  la  Reine.  Cet  usage  n'a  pas  été  fort 
suivi  jusqu'à  présent;  aucune  des  princesses  n'y  a  été, 
et  fort  peu  dç  dames. 

Je  vis  avant-hier  M.  de  Lujac,  qui  a  été  page  du  Roi, 
qui  lui  avoit  donné ,  comme  j'ai  marqué  ci-dessus ,  une 
lieutenance  dans  son  régiment.  J'ai  appris  hier  que  le  Roi 
vient  de  lui  donner  une  compagnie  de  dragons  dans  le 
régiment  de  la  Suze  ;  c'est  dans  l'intention  de  lui  donner 
incessamment  un  bâton  d'exempt  des  gardes  du  corps , 
parce  qu'il  faut  avoir  été  dans  les  dragons  ou  la  cavalerie, 
ou  bien  dans  les  gardes  du  corps,  pour  avoir  un  de  ces 
bâtons. 

Du  lundi  7,  Marly.  —  M"'  de  Mailly  fut  avant-hier 
à  Paris  exprès  pour  voir  la  salle  du  bal;  ellen'étoit 
éclairée  que  par  plusieurs  flambeaux  de  poing.  M""*^  de 
Mailly  m'a  dit  qu'elle  avoit  vu  les  boites  de  quadrille 
et  la  bourse  de  jetons  d'or  qui  étoient  destinés  pour  le 


W  \U  MtMHfS  m    DIT.  im  11  VNfi;. 

i^'îi  .  <if  |V»nr  <î'atVHÎ^n<c  il  «4  XT^rseml^liàijle  qutm  mh 

«voo  e]]e  H'''  <î<  N<^slo.,  <jm  r'ii  |v>in1  pWD  ilfot^  If^aluB^ 
rr-^niv  eu.  Vh  vu  cVnti  <^e^  halooTK^  n >n  haot. 

I  N  W])c  on  o^rnv  vînt  hwr  présentoir  «n  Roi  it-^arotin. 
<  Vsl  nn  irsaer  on.  ^'  TVtnouvelk-  ti  citfujue  élefîtiuB  def^ 
<^i^h<viiis.  H.  H<  tri^^vres.  oui  «  <1**miinfir  cim^t  pom-  le 
voMico  (\(  H«rh .  vînt  i^i  oxorès  en  cére.nioiiu>.  La  Villt 

«  •  » 

ov  Mr  HViV'»»;  «Va  r.hrttel<^i  .  r(    tu;  H.  lu^ro;.  avocat  au 

t^lbrUotc^i  (^\  liK  ik;  nrÔMM  d/*v  mftri*ham1>.  oui  poat^  la 

<ir  ^f^  ipr*'>ninv».Vittv  (],  îh  oontt^  |i,  T«r^v>:  présent  eu 
p^'.n^,  tf^'inv 'ïi.  K»  l(    ^i,-n:Olnv.  rauitaiiit  saxou  .  qui 

hr'-  ^  ^  ni  f'Miv  tV^T'^>tir»(  Oi  n^^teni;  ai  i.  BTûoloie  le> 
Ir.^îv  4^TiarN  momv  r)j  r^oudroon*  If^  artitiner-  dv  î*An>. 
I  (  H:»,  nn;  )•  honti  Hi  In  flirt  nui.  sav<Mi  hieii  ifav 
n    î  '^^Mi    p?iv   (\i   S5-    tf^rtr  >.  1(    tei.   lî  avoi*  pa>  nùeiix 

Or  aonr^rt...  hin:-  :>  !;•  Hnini  500  laui>  an--  it  iiOi  lui  a 
♦  •n     ,ïr>nn/.i     i  .^v    î^r^ititloationv  (nh    I.    He.iH(    avoi;  étt 

.^^li.-^r^,^  8;  t.oi»v  :.  roninif^iriic  .  t«n,  ;j  l' ternie  d  artillerie 
4^.^'f>r\    '^rini^Mnnnn^'^s  .    (■.   .:  î  occ?ï<ini    ri'  tous  li*s  petitf 

^>^;iî  ,-^o*^ni>^  .^r'^i  f>v*  .  M-.^K  '""'  ri-  TiiMif^s  lui  «m- 
v-'îMî.  ,-1     Y\«i'^i"^.ï.    V-  <îfiio<-'^'.      V    i  '  <:?)r«iiTial  :  mats  ta 


J 


Septembre  1759.  4â 

un  mot  à  M.  le  Cardinal ,  et  enfin  la  Reine  lui  en  parla 
elle-même.  Toute  cette  affaire  duroit  depuis  la  fin  de 
Compiègne.  M.  le  contrôleur  général,  à  qui  M.  le  Cardinal 
enavoit  parlé  (i),  vint  trouver  la  Reine  lui  demander  ses 
ordres  et  ce  qu'elle  vouloit.  La  Reine  lui  répondit  d'abord 
qu'elle  n'avoit  besoin  de  rien  ;  enfin  Bt.  le  contrôleur 
général  lui  di^manda  si  elle  seroit  contente  de  12,000 
livres ,  et  La  Reine  lui  dit  qu'elle  ^roit  fort  contente  de 
cette  somme.  Il  y  avoit  déjà  cinq  ou  six  jours  que  Tordre 
verbal  du  Roi  étoit  donné ,  mais  l'ordonnance  n'étoit 
point  signée;  elle  le  fut  il  y  a  trois  ou  quatre  jours,  et 
l'argent  fut  remis  ici  à  }d  Reine.  Elle  joua  hier  dans  le 
salon  après  souper  à  cavagnole. 

M.  le  cardinal  de  Fleury  futun  peu  incommodé  la  nuit 
d'avant-hier  à  hier  ;  il  est  mieux  et  reste  ici  pendant  l'ab- 
sence du  Roi. 

Le  Roi  est  parti  ce  matin  pour  Rambouillet  où  il  va  en 
chassant  ;  Mademoiselle  et  M'^*"  de  Clermont  sont  de  ce 
voyage  ;  mais  elles  ne  sont  point  parties  avec  le  Roi, 
parce  qu'il  étoit  de  trop  bonne  heure,  et  S.  M.  n'a  em- 
mené avec  lui  que  M™*'  de  Mailly,  M^^  de  Nesle,  M""^  la 
duchesse  de  Ruffec  et  des  hommes.  M*"^^  de  Chalais  et  de 
Talleyrand  y  vont  aussi  et  sont  parties  depuis  le  Roi. 

Le  logement  de  M™^  de  Jlailly,  ce  voyage-ci,  dans  le 
château  n'est  pas  le  même  quele  dernier  voyage  ;  c'est  un 
logement  joignant  celui-là  que  le  Roi  s'é toit  réservé  au- 
dessus  de  ses  cabinets. 

Du  vendredi  il,  Marly.  — Le  Roi  revint  assez  tard 
avant- hier  de  Rambouillet;  il  y  avoit  sept  dames  à  ce 
voyage  :  Mademoiselle,  M^^®  de  Clermont,  M""*^  de  Mailly, 
M"*^  de  Nesle,  M"»^  de  Ruffec,  M"'  de  Chalais,  M"'^  de  Talley- 


(1)  M.  ie  Cardinal  avoU  d'ahord  proposé  lOOixNiis,  luaisM.  Orry  Jui  repré- 
senta que  cette  somme  a'étoit  pas  convenaUe.  M.  le  Cardinal  consentit  à  250, 
et  enfin  M.  le  contrôleur  général  le  détermina  aux  500  louis.  (Noie  du  duc  de 
Luynes,  ) 


44  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

rand.  Les  deux  princesses  ne  furent  point  à  la  chasse  ;  il 
n'y  eut  que  M"*  de  Mailly,  M^^MeNesle  et  M'"^  de  Ruffec 
qui  y  allèrent  ;  elles  furent  avec  le  Roi  et  coururent  en 
calèche.  Le  mardi,  jour  de  la  fête,  il  y  eut  le  déjeuner 
du  Roi,  qu'on  appelle  le  petit  pot-royal^  qui  ne  dura  pas 
longtemps.  S.  M.  fut  à  vêpres  et  au  salut  à  la  paroisse  ; 
aprèsquoi  il  jouaàcavàgnole  et  à  Thombre  après  souper. 
Avant-hier,  M"«  de  Clermont,  M*"'  de  Mailly,  M"^  de  Nesle 
et  M™®  de  Ruffec  furent  à  la  chasse,  et  revinrent  avec 
S.  M.  Ces  quatre  dames  soupèrent  dans  les  cabinets  avec 
Mademoiselle  et  des  hommes.  La  table  du  Roi  fut  servie  à 
l'ordinaire  dans  le  salon  qui  sépare  les  deux  apparte- 
ments du  Roi  et  de  la  Reine  ;  la  Reine  y  soupa  (1)  avec  le 
nombre  accoutumé  de  dames  ;  il  n'y  avoit  de  princesses 
que  M"*  de  Sens.  La  Reine  va  toujours  se  coucher  à  mi- 
nuit ou  une  heure.  Le  Roi  vint  à  trois  heures  du  matin 
dans  le  salon  ;  il  envoya  réveiller  Courson,  qui  étoit  allé 
se  coucher,  pour  jouer  aux  petits  paquets.  M"*®  de  Mailly 
tenoit  aussilamain,  etle  Roi  tenoit  pour  elle.  Elle  est  allée 
encore  aujourd'hui  à  la  chasse  du  daim  avec  M"' de  Ruffec, 
M"*  de  Chalais  et  M"*^  de  Talleyrand.  Hier  elle  joua  aux 
petits  paquets  avec  le  Roi  ;  elle  tenoit  la  main  et  le  Roi 
tenoit  pour  elle. 

Ilparoltque  les  choses  sont  plus  aigries  que  jamais  entre 
l'Espagne  et  l'Angleterre.  Les  deux  ambassadeurs  de  part 
et  d'autre  ont  eu  ordre  de  se  retirer  sans  prendre  congé. 
On  prétend  que  les  Anglois  font  tout  ce  qu'ils  peuvent 
pour  engagerdans  leurs  intérêts  le  Portugal,  la  Hollande 
et  même  l'Empire. 

L'on  attend  tous  les  jours  la  nouvelle  de  la  prise  de 
Belgrade,  que  les  Turcs  assiègent  depuis  le  combat  dont 
nous  avons  parlé. 


(1)  Le  lundi  7,  comme  la  Reine devoit  faire  ses  dévotions  le  lendemain,  elle 
ne  Alt  dans  le  salon  ni  devant  ni  après  souper;  elle  soupa  seule  dans  sa 
chambre  servie  par  ses  ofliciers,  et  il  n'y  eut  point  de  souper  dans  le  salon  ce 
jour-là.  (Note  du  duc  de  Luynes,  ) 


SEPTEMBRE  1759.  45 

J'ai  oublié  de  marquer  que  quand  le  Roi  arriva  avant- 
hier,  la  Reine  se  mettoit  à  table  ;  le  Roi  n'alla  pas  la  voir, 
et  passa  au  travers  du  grand  salon,  et  de  là  par  le  salon  du 
côté  delà  chapelle. 

Hier  M.  le  Dauphin  vint  ici;  il  y  étoit  déjà  venu  di- 
manche et  Mesdames  aussi.  C'est  Tappartement  de  M""^  la 
Duchesse  que  Ton  a  réservé  pour  M.  le  Dauphin,  pour  le 
temps  qu'il  demeure  ici.  Dimanche,  comme  M.  le  Dau- 
phin arrivoit.  M"'  de  Mailly  étoit  à  la  fenêtre  en  pet-en- 
l'air  ;  elle  appela  M.  le  Dauphin  etensuite  Mesdames  pour 
leur  demander  de  leurs  nouvelles. 

Du  samedi  12,  Marly.  —  La  nouvelle  du  jour  est  que 
]l|ne  ^Q  Fleury  a  été  déclarée  dame  du  palais  surnumé- 
raire. La  Reine  l'a  envoyé  quérir  ce  matin  à  neuf  heures 
pour  lui  apprendre  cette  nouvelle.  Tout  le  monde  a  été 
faire  des  compliments  à  M.  le  Cardinal. 

Le  Roi  soupa  hier  dans  le  salon  avec  la  Reine  et  les 
dames  à  l'ordinaire .  M"®  la  princesse  de  Conty,  M""  de  Cler- 
mont  soupèrentavec  le  Roi.  Mademoiselle  étoit  sur  la  liste, 
mais  elle  ne  se  trouva  pas  à  l'heure  du  souper;  elle  de- 
voit  être  à  la  gauche  de  la  Reine  comme  M"*  la  princesse 
de  Conty  à  la  droite  du  Roi,  et  par  conséquent  la  place 
de  M"*  de  Clermont  étoit  à  la  droite  de  M*"®  la  princesse  de 
Conty.  M"*  de  Clermont  voyant  que  Mademoiselle  n'arrivoit 
point ,  voulut  passer  à  la  gauche  de  la  Reine;  le  Roi  l'en 
empêcha,  de  sorte  qu'à  la  droite  du  Roi  étoit  M"®  la  prin- 
cesse de  Conty  et  M'^^  de  Clermont,  et  à  la  gauche  de  la 
Reine  M™*  de  Luynes  et  M"®  de  Mazarin.  Après  le  souper, 
le  Roi  joua  au  brelan  et  ensuite  aux  petits  paquets.  M'"'' de 
Mailly  étoit  à  côté  du  Roi,  et  tint  la  main. 

Du  dimanche  13,  Marly.  —  Le  Roi  a  accordé  12,000  li- 
vres d'augmentation  sur  les  appointements  du  comman- 
dement de  Languedoc;  ces  12,000  livres  seront  prises 
sur  ce  qui  revient  au  Roi  de  ladite  province.  M.  delà  Fare 
avoit  demandé  seulement  10,000  livres  et  n'avoit  pu 
les  obtenir.  Ce  qui  le  détermina  à  quitter,  comme  il  est 


44  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

rand.  Les  deux  princesses  ne  furent  point  à  la  chasse  ;  il 
n'y  eut  que  M"*  de  Mailly,  M"«deNesle  et  M*""  de  Ruffec 
qui  y  allèrent;  elles  furent  avec  le  Roi  et  coururent  en 
calèche.  Le  mardi,  jour  de  la  fête,  il  y  eut  le  déjeuner 
du  Roi,  qu'on  appelle  le  petit  pot-royal,  qui  ne  dura  pas 
longtemps.  S.  M.  fut  à  vêpres  et  au  salut  à  la  paroisse  ; 
aprèsquoi  iljouaàcavàgnole  et  à  Thombre  après  souper. 
Avant-hier,  M"^  de  Clermont,  VL^'  de  Mailly,  M"*  de  Nesle 
et  M™®  de  Ruffec  furent  à  la  chasse,  et  revinrent  avec 
S.  M.  Ces  quatre  dames  soupèrent  dans  les  cabinets  avec 
Mademoiselle  et  des  hommes.  La  table  du  Roi  fut  servie  à 
l'ordinaire  dans  le  salon  qui  sépare  les  deux  apparte- 
ments du  Roi  et  de  la  Reine  ;  la  Reine  y  soupa  (1)  avec  le 
nombre  accoutumé  de  dames  ;  il  n'y  avoit  de  princesses 
queM"*^  de  Sens.  La  Reine  va  toujours  se  coucher  à  mi- 
nuit ou  une  heure.  Le  Roi  vint  à  trois  heures  du  matin 
dans  le  salon  ;  il  envoya  réveiller  Courson,  qui  étoit  allé 
se  coucher,  pour  jouer  aux  petits  paquets.  M"*®  de  Mailly 
tenoit  aussilamain,  etleRoi  tenoit  pour  elle.  Elle  estallée 
encore  aujourd'hui  à  la  chasse  du  daim  avec  M™*  de  Ruffec, 
M"*  de  Chalais  et  M"*^  de  Talleyrand.  Hier  elle  joua  aux 
petits  paquets  avec  le  Roi  ;  elle  tenoit  la  main  et  le  Roi 
tenoit  pour  elle. 

Ilparoltque  les  choses  sont  plus  aigries  que  jamais  entre 
l'Espagne  et  l'Angleterre.  Les  deux  ambassadeurs  de  part 
etd'autre  ont  eu  ordre  de  se  retirer  sans  prendre  congé. 
On  prétend  que  les  Anglois  font  tout  ce  qu'ils  peuvent 
pour  engagerdans  leurs  intérêts  le  Portugal,  la  Hollande 
et  même  l'Empire. 

L'on  attend  tous  les  jours  la  nouvelle  de  la  prise  de 
Belgrade,  que  les  Turcs  assiègent  depuis  le  combat  dont 
nous  avons  parlé. 


(1)  Le  lundi  7,  comme  la  Reine  devoit  faire  ses  dévotions  le  lendemain ,  elle 
ne  Alt  dans  le  salon  ni  devant  ni  après  souper  ;  elle  sonpa  seule  dans  sa 
chambre  servie  par  ses  officiers,  et  il  n'y  eut  point  de  souper  dans  le  salon  ce 
jour-lè.  (I^ote  du  duc  de  Luynes.  ) 


SEPTEMBRE  1759.  45 

J'ai  oublié  de  marquer  que  quand  le  Roi  arriva  avant- 
hier,  la  Reine  se  mettoit  à  table  ;  le  Roi  n'alla  pas  la  voir, 
et  passa  au  travers  du  grand  salon  ^  et  de  là  par  le  salon  du 
côté  delà  chapelle. 

Hier  M.  le  Dauphin  vint  ici;  il  y  étoit  déjà  venu  di- 
manche et  Mesdames  aussi.  C'est  l'appartement  de  M""^  la 
Duchesse  que  Ton  a  réservé  pour  M.  le  Dauphin^  pour  le 
temps  qu'il  demeure  ici.  Dimanche^  comme  M.  le  Dau- 
phin arrivoit,  M"**  de  Mailly  étoit  à  la  fenêtre  en  pet-en- 
l'air  ;  elle  appela  M.  le  Dauphin  et  ensuite  Mesdames  pour 
leur  demander  de  leurs  nouvelles. 

Du  samedi  12,  Marly.  —  La  nouvelle  du  jour  est  que 
jl«e  ^g  Fleur  y  a  été  déclarée  dame  du  palais  surnumé- 
raire. La  Reine  l'a  envoyé  quérir  ce  matin  à  neuf  heures 
pour  lui  apprendre  cette  nouvelle.  Tout  le  monde  a  été 
faire  des  compliments  à  M.  le  Cardinal. 

Le  Roi  soupa  hier  dans  le  salon  avec  la  Reine  et  les 
dames  à  l'ordinaire .  M"®  la  princesse  de  Conty,  M"*  de  Cler- 
mont  soupèrentavec  le  Roi.  Mademoiselle  étoitsur  la  liste^ 
mais  elle  ne  se  trouva  pas  à  l'heure  du  souper;  elle  de- 
voit  être  à  la  gauche  de  la  Reine  comme  W^  la  princesse 
de  Conty  à  la  droite  du  Roi,  et  par  conséquent  la  place 
de  M"*  de  Clermont  étoit  à  la  droite  de  M*"®  la  princesse  de 
Conty.  M"*  de  Clermont  voyant  que  Mademoiselle  n'arrivoit 
point ,  voulut  passer  à  la  gauche  de  la  Reine;  le  Roi  l'en 
empêcha,  de  sorte  qu'à  la  droite  du  Roi  étoit  M"^  la  prin- 
cesse de  Conty  et  M"*  de  Clermont,  et  à  la  gauche  de  la 
Reine  M™*^  de  Luynes  et  M"®  de  Mazarin.  Après  le  souper, 
le  Roi  joua  au  brelan  et  ensuite  aux  petits  paquets.  M'^'^de 
Mailly  étoit  à  côté  du  Roi,  et  tint  la  main. 

Du  dimanche  13,  Marly.  —  Le  Roi  a  accordé  12,000  li- 
vres d'augmentation  sur  les  appointements  du  comman- 
dement de  Languedoc;  ces  12,000  livres  seront  prises 
sur  ce  qui  revient  au  Roi  de  ladite  province.  M.  delà  Fare 
avoit  demandé  seulement  10,000  livres  et  n'avoit  pu 
les  obtenir.  Ce  qui  le  détermina  à  quitter,  comme  il  est 


46  [MÉMOIRES  DU  trUC  1m  LUTNES. 

dit  ci-devant,  fut  no nnseulemeiit  le  refus  de  ces  10,000  li- 
vreSy  mais  parce  qu'on  vouloit  Ini  ôter,  la  dernière  année^ 
la  paye  de  lieutenant  général  dont  il  avoit  joui  plusieurs 
années.  Comme  M.  de  Richelieu  n'est  que  maréchal  de 
camp,  les  12,000  livres  sont  pour  lui  tenir  lieu  de  la  paye 
d^e  lieutenant  général. 

Du  mercredi  16,  Marly,  —  On  murmuroit  dès  avant* 
hier  au  soir  du  mariage  de  M"*  de  Nesle  avec  M.  de  Vin^ 
timille,  fils  de  M.  du  Luc  et  petit-neveu  de  Farchevôque 
de  Paris.  M""^  de  Mailly  me  dit  le  soir  qu'elle  comptoit 
la  chose  faite  ;  elle  nous  dit  même  les  conditions,  mais 
cela  n  étoit  point  public;  ce  soir-là  même  elle  en  dit  un 
mot  à  la  Reine,  et  lui  demanda  permission  d'aller  le 
lendemain  à  Paris.  Hier,  le  mariage  fut  déclaré;  le  Roi 
donne  200,000  livres  d^argent  comptant,  Teipectative 
d'une  place  de  dame  du  palais  de  M"'''  la  Dauphine,  et  en 
attendant  6,000  livres  de  pension,  et  outre  cela  un  loge- 
ment dans  Versailles  qu'on  croit  qui  sera  celui  de  M.  de 
Guise  ;  c'est  dans  l'aile  neuve  auprès  de  M.  de  Chalais, 
au  bout  de  ce  que  l'on  appeloit  autrefois  la  rue  de 
Noailles.  On  compte  que  M"*^  de  Nesle  aura  outre  cela 
100,000  livres  de  ses  partages  avec  M"®  de  Durefort,  que 
Ton  travaille  à  faire  incessamment. 

Le  Roi  soupa  hier  dans  ses  cabinets  en  arrivant  de 
Rambouillet  ;  il  n'y  avoit  de  dames  quand  il  se  mit  à 
table  que  M"®  de  Clermont  et  M"''' de  Ruffec:  mais  une 
heure  après  arrivèrent  Mademoiselle  et  M"^''  de  Mailly,  qui 
s'y  mirent.  Mademoiselle  étoit  partie  dès  le  matin  de 
Rambouillet  pour  aller  à  Paris  à  l'occasion  du  mariage 
de  M"*^  de  Nesle,  pour  lequel  elle  s'est  donné  beaucoup  de 
mouvement. 

Le  Roi  s'étoit  trouvé  un  peu  mal  avant-hier  matin  à  la 
messe,  à  Rambouillet  ;  il  eut  envie  de  vomir  et  quitta  la 
messe  même  au  moment  de  l'élévation  ;  cela  ne  l'em- 
pêcha pas  d'aller  à  lâchasse  et  de  souper  comme  à  son 
ordinaire  ;  il  prend  médecine  demain. 


Aujourd'hui,  M"*  de  MaîUy  a  été  donner  part  du  ma- 
riage à  tons  les  princes  et  princesses  qui  sont  ici.  M.  l'ar- 
chevêque de  Paris  est  venu  aujourd'hui  demander  l'a- 
grément du  Roi  avec  M.  du  Luc,  M.  de  Yintimille  et 
M.  de  Nicolal.  M.  le  comte  du  Luc  est  malade  à  Savigny. 
Ce  soir  Mademoiselle  a  mené  M"*  de  Mailly,  M™«  de  Flava- 
court  et  M"*  de  la  Tournelle  chez  le  Roi  pour  le  remercier, 
et  chez  la  Reine.  M"**  de  Mailly  parolt  extrêmement  tou- 
chée de  l'amitié  que  Mademoiselle  lui  a  marquée  en  cette 
occasion. 

Du  samedi  19,  Marly,  —  Le  Roi  joua  hier  au  brelan 
avant  et  après  souper;  il  a  joué  dé  même  tous  les  jours 
qu'il  n'a  point  soupe  dans  ses  cabinets,  et  les  jours  de 
travail  avec  M.  le  Cardinal,  il  n'a  joué  ordinairement  qu'a- 
près souper,  d'abord  le  brelan  et  ensuite  les  petits  pa- 
quets. La  Reine  a  toujours  jouéàcavagnole,  hors  les  deux 
premiers  jours.  M"*®  de  Mailly  étoit  hier  avant  le  souper 
toute  seule  de  femme  assise  auprès  de  la  table  du  brelan  ; 
toutes  les  autres  dames  jouoient  avec  la  Reine  ouétoient 
autour  de  la  table. 

J'ai  oublié  de  marquer  que  M"**  de  Soubise  accoucha  le 
12oule  13  d'un  garçon;  elle  estsœurdeM.  leducdeBouil- 
Ion;  ils  ont  déjà  une  fille.  Ces  enfants  sont  la  cinquième 
génération  que  M"''  de  Ventadour  voit  :  sa  fille,  M"*^  la 
princesse  de  Rohan  ;  son  fils,  feu  M.  le  prince  de  Soubise; 
M.  de  Soubise  d'aujourd'hui,  et  ses  deux  enfants. 

Le  13,  mourut  à  Ménars,  près  de  Blois,  M.  le  marquis 
deMénars;  c'est  celui  qui  étoit  interdit  et  qui  avoit  épousé 
M^^^  de  la  Rivière  ;  il  avoit  le  gouvernement  du  château 
de  Blois  et  la  capitainerie  des  chasses.  Le  gouvernement 
vaut  900  livres  et  la  capitainerie  1,500  livres;  il  y  a  des 
chargesattachées  àces  places  qui  se  vendent  et  qui  donnent 
des  exemptions;  c'est  ce  que  l'on  appelle  des  privilèges; 
il  y  en  a  huit  pour  le  seul  château  et  une  vingtaine  pour 
la  capitainerie,  concierges,  portiers,  gardes,  etc.  M.  de 
Ménars  avoit  servi  et  étoit  l)rigadier;  il  étoit  fils  du  pré- 


48  MËMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

sident  de  Ménars  ;  il  avoit  mal  gouverné  ses  affaires  et 
étoit  interdit;  il  avoit  épousé  en  secondes  noces  M"^  de 
la  Rivière,  dont  il  a  plusieurs  enfants.  M*"'  de  Ménars  est 
venue  elle-même  ici  solliciter  pour  son  fils  aîné,  qui  a 
quinze  ouseizeans}  le  gouvernement  et  la  capitainerie  ;  il 
n'y  a  encore  rien  de  décidé.  Cette  capitainerie  n'a  jamais 
eu  une  existence  réelle.  Blois  étoit  à  Monsieur  Gaston,  qui 
y  faisoit  conserver  la  chasse  pour  lui.  M.  Charron  de  Mé- 
nars, dont  la  terre  étoit  voisine  de  Blois,  s' étant  attaché 
àMonsieurGaston,  fut  chargé  de  veiller  à  la  conservation  de 
la  chasse;  depuis,  ayant  marié  sa  fille  à  M.  Colbert,  cette 
protection  fit  qu'en  1669  il  y  eut  une  déclaration  en  fa- 
veur de  Blois  pour  Texcepter  de  la  règle  faite  pour  les 
autres  capitaineries.  En  1695,  nouvel  arrangement;  il  y 
eut  quatre-vingt-douze  capitaineries  supprimées;  Blois 
fut  encore  excepté  par  une  déclaration  ;  mais  comme  le 
Roi  n'y  a  pointd'habitation,  ilyalieu  de  croireque  S.  M. 
profitera  de  cette  occasion-ci  pour  supprimer  la  capitai- 
nerie, parce  que  c'est  toujours  une  charge  pour  tous  les 
seigneurs  voisins  ;  c'enseroit  même  une  pour  la  terre  de 
Ménars  qui  est  dans  la  capitainerie  si  quelqu'autre  Tobte- 
noit.  On  croit  que  le  Roi  laissera  aux  privilégiés  qui  ont 
acheté,  l'exercice  de  leurs  privilèges  et  la  jouissance  de 
leurs  gages  leur  vie  durant ,  et  que  les  charges  et  les  pri- 
vilèges seront  supprimés  à  mesure  qu'ils  vaqueront.  La 
seule  charge  de  grand  veneur  donnoit  cent  douze  privi- 
lèges; à  la  mort  de  M.  le  comte  de  Toulouse,  ils  furent 
tous  supprimés,  quoique  la  charge  fût  donnée  à  M.  le  duc 
de  Penthièvre.  C'est  de  M.  de  Maurepas  de  qui  je  sais  tout 
ce  détail.  H.  de  Ménars,  qui  vient  de  mourir,  avoit  vendu 
à  M.  Dodun  la  survivance  du  gouvernement  et  de  la  ca- 
pitainerie avec  l'agrément  du  Roi;  la  mort  de  M.  Dodun , 
longtemps  avant  M.  de  Ménars,  donne  aujourd'hui  toute 
liberté  au  Roi  de  faire  cette  suppression. 

Le  Roi  se  purgea  avant-hier  comme  j'ai  marqué;  lors- 
qu'on lui  proposa  la  purgation,  il  dit  qu'il  le  vouloit 


^--  — .—  -  ■ 


SEPTEMBRE  1759.  49 

bien  à  condition  que  cela  pourroit  s^accorder  avec  le 
maigre. 

Le  Roi  est  parti  ce  matin  pour  la  chasse  et  Rambouillet. 
Mademoiselle  et  M""  de  Clermontne  sont  point  du  voyage. 
Les  dames  sont  M""  de  Ru£fec  (duchesse),  de  Sassenage, 
de  Maillebois  et  deMailly.  Mais  comme  M'^'^de  Mailly  est 
de  semaine,  elle  retourne  à  Versailles  avec  la  Reine  et 
partira  ensuite  pour  Rambouillet. 

Du  dimanche  20,  Versailles.  —  M"®  la  princesse  de 
Soubise  mourut  hier  à  Paris,  vers  midi.  • 

Du  mercredi  23.  —  M.  le  Cardinal  vient  de  mander  à 
M"®  de  Luynes  que  le  Roi  avoit  nommé  son  neveu, 
M.  l'abbé  de  Ghamron  (l),àla  trésoreriede  la  saintecha- 
pelle  ;  cette  place  donne  un  très-joli  logement  dans  Paris 
et  vaut  7  à  8,000  livres  de  rente;  elle  étoit  vacante  de- 
puis longtemps  comme  j'ai  marqué  ci-dessus. 

M.  le  duc  d'Hostun  est  tombé  malade  d'une  grande  hé- 
morragie à  Poitiers  en  suivant  M"*  sa  mère  au  voyage  de 
Madame  Infante  ;  il  est  fort  mal  et  l'on  n^attend  plus  que 
Ja  nouvelle  de  sa  mort  (2) . 

Le  Roi  est  parti  pour  Rambouillet  ;  je  ne  sais  point  en- 
cordes dames  de  ce  voyage. 

Le  mariage  de  M"*  de  Nesle  se  fera  dimanche  à  Tar- 
ehevêché,  à  midi.  De  là,  les  mariés  iront  coucher  à  Ma- 
drid chez  Mademoiselle,  et  il  parolt  certain  que  le  Roi 
ira  ce  jour  coucher  àla  Meutte,  et  viendra  à  Madrid  donner 
la  chemise  au  marié,  et  Mademoiselle  à  la  mariée. 

Il  avoit  été  question  du  mariage  de  M"® de  Nesle  pour   l."^ 
M.  le  comte  de  NoaiUes.  MM.  de  Noailles  le  nient  forte- 
ment; mais  le  fait  qui  parolt  certain,  c^est.que  Ton 


(1)  U  est  fils  de  feu  M.  le  marquis  de  Chamron  et  de  la  sœur  de  Mid«  de 
Luyues.  M.  l'abbé  de  Chatnron  a  un  frère  aîné  qu'on  nomme  M.  le  marquis 
de  Vichy  et  deux  sœurs  :  Tune,  mariée  à  M.  d'Aulan  qui  demeure  à  ATÎgnon, 
et  l'autre,  à  M.  le  marquis  du  Deffaad  (Lalaade).  (Note  du  duc  de  Luynes.) 

(2)  On  a  appris  le  25  qu'il  est  mort  le  19,  le  même  jour  que  M'»c  de  Sou- 
bise. (  Note  du  duc  de  Luynes.  ) 

T.  III.  4 


SO  MÉMOIRRS  DU  DUC  DB  LUYNKS. 

avoit  voulu  engag^er  le  oomte  de  Noailles  à  désirer  ce  odft- 
riage,  et  que  Ton  n'avoit  pas  consulté  M.  le  maréchal 
de  Noaillasqui  n'a  point  approuvé  le  projet  et  a  été  blessé 
qu'on  ne  se  fût  pas  adressé  à  lui.  H  y  a  lieu  de  croire  aussi 
que  H.  le  Cardinal  a  éloigné  le6  idées  de  ce  mariage, 
croyant  apparemment  que  c'étoit  mettre  la  faveur  entre 
des  mains  trop  avantageuses.  Dans  cette  situation  S.  Ém. 
a  donné  avec  plaisir  son  agrément  au  mariage  avec  M.  de 
Vintimille. 

Du  dimanche  27^  Venailles,  ^^  Le  Roi  revint  veadredi 
de  Rambouillet^  où  il  étoit  allé  mercredi  ;  c'est  son  der- 
nier voyage.  11  y  avoit  à  ce  voyage  M'"*  de  Mailly»  M"**  la 
duchessede  Ruffec,  H*"'  de  Maillebois  et  M*"'  de  Fervaques  ; 
iln'yavoitque  M'^'de  HaillyetM'"'  deRuffec  qui  étoient 
parties  avec  le  Roi.  M'""^  de  Montauban  étoit  aussi  du 
voyage. 

lia  été  réglé,  il  y  a  trois  ou  quatre  ans^  quelesQUpi- 
taines-lieutenants  des  gendarmeset  des  cbevau-légers, 
ainsi  que  le  capitaine  des  Cen  t-Suisseset  celui  des  gardes 
de  la  porte^  et  le  grand  prévôt,  seroient  regardés  comme 
service  à  ces  voyages  et  ne  se  feroient  point  écrire  ;  ils 
doivent  avertir  quand  ils  n'y  vont  points  à  moins  qu'ils 
n'aient  demandé  congé  pour  aller  chess  eux. 

Le  Roi  va  aujourd'hui  à  la  Meutte  après  le  salut  ;  le  m&r 
riage  deM'^^  de  Nesle  aété  fait  ce  matin  à  l'archevêché  ^et 
le  Roi  doit  donner  la  chemise  ce  soir  au  mariée  comme  il 
est  marqué  ci-dessus. 

Le  Roi  vient  de  supprimer  la  capitainerie  des  chasses 
de  Rlois  ;  mais  il  a  donné  le  gouvernement  du  château 
au  ûls  de  M.  de  Ménars,  et  pour  lui  tenir  Ueu  des  appoin- 
tements de  la  capitainerie  on  a  joint  aux  appointements 
dudit  gouvernement  900  livres  d'augmentation.  On  con- 
serve aux  officiers  de  la  capitainerie  leurs  appointements 
leur  vie  durant.  Cela  fait  1,500  livres  pour  M.  de  Ménars 
de  ces  deux  articles.  Outre  cela  il  avoit  une  charge  de 
lieutenant  de  la  capitainerie  qui  lui  est  conservée  sa  vie 


SEPTEMBRE  17319.  ftl 

durant  avec  les  appointements.  En  conséquence  de  l'aiv 
rangetnent  général^  cette  capitainerie  coÀtoit  11   ou 
12^000  livres  au  Roi,  qui  s'éteindront  par  la  mort  de  ceux* 
qui  sont  pourvus  des  différentes  charges. 

Le  Roi  part  mercredi  pour  Yilleroy.  Il  y  a  une  liste  pour 
ce  voyage  ;  on  se  fait  écrire  chec  le  premier  gentilhomme 
delà  Q^iambre,  et  tout  le  monde  sans  distinction  se  fait 
écrire. 

Bu  mardi  29^  Vmailhê.  —  Le  Roi  part  demain  matin 
dans  le  carrosse  d^  M,  le  Dauphin.  M.  le  Dauphin  va 
dîner  à  Risi  QÙ  S*  M.  prendra  ses  carrosses  pour  aller  à 
Villeroy ,  et  U  en  repartira  vendredi  pour  aller  chasser  et 
coucher  4  Fontainebleau*  La  Reine  part  samedi.  U  passe 
pour  constant  que  le  Roi  a  acheté  Cboisy- Mademoiselle 
qu'avoit  feu  M""®  la  princesse  de  Conty,  première  douai- 
rière, fille  du  Roi*  S,  M.  achète  50,000  écus  la  maison,  et 
50,000  écus  les  meubles*  Cette  nouvelle  n'est  point  enoore 
publique,  et  Ton  ne  sait  pas  môme  si  c'est  au  nom  du  Roi 
que  cette  acquisition  doit  être  faite* 

Tout  s'est  passé  à  la  Meutte  à  peu  près  comme  il  est 
marqué  ci-dessus.  Après  le  mariage  et  le  dîner  àTarche- 
vécbé,  1(1  UQce  vint  à  BCadrid.  M.  rarcbevé^ue  n'y  étoit 
point  ;  ils  soupèrent  che^s  Mademoiselle.  N'^^  de  Clermont 
étoit  venue  de  Paris  à  Madrid  avec  M"*^  la  duchesse  de 
Ruffeci  W^^  de  Chalais  et  de  Talleyrand  ;  elles  allèrent 
toutes  quatre  souper  à  la  Meutte  avec  le  Roi.  Immédiate- 
ment ^prèsle  souper,  S.  M.  monta  dans  une  gondole  avec 
cei^  quatre  dames,  et  alla  4  Madrid  chez  Mademoiselle,  où 
étoient  plusieurs  dames  qui  n'ont  jamais  été  présentées  au 
Roi,  comme  JI"^  du  Luc,  M"™*  de  Nicolaï.  Le  Roi jouaà  cava- 
gaole.  Les  mariés  couchèrent  chez  Mademoiselle  à  Ma- 
drid, et  le  Roi  ût  Thonneur  à  M.  de  Vintimille  de  lui 
donner  sa  chemise.  C'est  la  première  fois  que  le  Roi  ait 
fait  cet  honneur  à  qui  que  ce  soit.  On  dit  qu'il  y  en  a  eu 
plusieurs  exemples  du  temps  de  Louis XIV.  Le  Roi  assista 
au  coucher,  et  revint  ensuite  prendre  ses  voitures  pour 

4. 


62  mi<:moires  du  duc  de  luynes. 

venir  coucher  à  la  Meutte.  M"'''  la  maréchale  d'Estrées 
coucha  à  Bagatelle^  maison  qu'elle  a  au  bout  du  jardin 
.de  Mademoiselle,  et  elle  y  donna  une  chambre  à  BI^  la 
duchesse  de  Ruffec. 

Hier  matin ,  la  toilette  de  la  mariée  se  fit  à  Madrid.  Le 
Roi  y  vint^  y  resta  quelque  temps  -  et  retourna  dîner  à  la 
Meutte.  Toute  la  noce  et  même  M.  Tarchevèque  de  Paris 
avoient  dîné  à  Madrid.  Au  sortir  du  dîner  du  Roi,  Made- 
moiselle amena  à  la  Meutte  M"^  de  Yintimille  et  M^  de 
Mailly  ;  elles  étoient  toutes  trois  en  grand  habit.  Mademoi- 
selle présenta  M'"''  de  Yintimille  dans  le  cabinet  du  Roi  ; 
M.  Tarchevèque  étoit  à  cette  présentation,  M.  le  marquis 
du  Luc,  M.  de  Yintimille  et  plusieurs  autres.  Immédiate- 
ment après  la  présentation,  le  Roi  changea  d'habit  et  fui 
courre  le  daim  dans  le  bois  de  Boulogne.  M"^  de  Mailly 
et  M"**  de  Yintimille  partirent  l'après-dlnée  pour  aller 
à  Savigny,  d'où  elles  reviendront  demain  à  Yilleroy. 
M.  l'archevêque  s'en  alla  à  Conflans.  Le  Roisoupaàla 
Meutte  avec  les  quatre  dames  qui  y  avoient  soupe  la  veille, 
et  outre  cela  Mademoiselle  et  M""^  la  maréchale  d'Estrées . 
Le  Roi  revint  ici  après  le  souper. 

Aujourd'hui,  il  y  a  eu  deux  audiences  ;  une  audience 
particulière  de  M.  de  Solar  pour  le  Roi  seulement;  c'est 
pour  présenter  une  lettre  du  roi  et  de  la  reine  de  Sar- 
daigne  en  réponse  de  celles  que  le  Roi  leur  a  écrites  pour 
leur  faire  partdu  mariage  de  Madame.  Il  y  a  eu  audience 
publiquede  M.  Yenierou  Yeniers, ambassadeur  de  Yenise, 
qui  a  pris  congé  ;  il  est  venu  dans  les  carrosses  du  Roi 
conduit  par  H.  le  prince  de  Lambesc  etparM.  deSainctot. 
Les  gardes  françoise  et  suisse  ont  pris  les  armes  et  ont 
rappelé.  M.  le  duc  d'Harcourt,  capitaine  des  gardes, 
qui  sert  ces  deux  jours-ci  pour  M.  le  duc  de  Yilleroy,  a 
été  le  recevoir  à  la  porte  de  la  salle  des  gardes. 

J'ai  appris  à  cette  occasion  de  M.  deSainctot,  ce  matin, 
une  circonstance  de  ces  réceptions.  La  règle  est  que  le 
capitaine  des  gardes  doit  recevoir  l'ambassadeur  à  la 


OCTOBRE  1759.  53 

première  sentinelle;  mais  comme  la  première  sentinelle 
chez  le  Roi  est  à  la  première  porte  du  côté  de  l'escalier 
de  marbre  et  qu'entre  ledit  escalier  et  la  salle  il  y  a  une 
petite  pièce^  on  fait  retirer  la  sentinelle  à  la  porte  de  la 
salle  des  gardes,  et  lorsque  l'ambassadeur  est  arrivé  mar- 
chant entre  le  prince  lorrain  à  sa  droite  et  l'introducteur  à 
sa  gauche,  le  capitaine  des  gardes  marche  à  côté  de  lui 
partageant  la  droite  avec  le  prince  Lorrain.  M.  Venier  a 
harangué  le  Roi  et  la  Reine  en  italien  ;  mais  il  commence 
ces  harangues  par  le  mot  :  «  Sire,  »  et  à  la  Reine  :  a  Ma- 
dame. »  L'audience  chez  la  Reine  a  été  dans  le  grand  ca- 
binet; un  valet  de  chambre  seul  derrière  le  fauteuil  delà 
Reine. 

M.  le  prince  de  Nassau  étoit  ici  ce  matin  ;  c'est  Nassau- 
Weilbourg.  C'est  un  homme  âgé  ;  il  est  cousin  du  petit 
prince  de  Nassau  qui  a  eu  le  régiment  de  Quadt. 

MM.  les  comtes  de  Stolberg  ont  été  présentés  au  Roi  au- 
jourd'hui ;  ils  sont  parents  des  princes  de  Deux-Ponts,  les- 
quels sont  encore  en  Hollande ,  où  ils  sont  depuis  un  an. 
Les  princes  de  Stolberg  comptent  passer  l'hiver  à  Paris; 
ce  sont  deux  jeunes  gens.  Us  ont  avec  eux  un  chevalier 
de  Tordre  Teulonique  qui  n'est  guère  plus  âgé  qu'eux. 


OCTOBRE. 


Voyage  du  Roi  à  Villeroy  et  à  Fontainebleau.  —  M*"^  de  Vintimille  présentée 
à  la  Reine.  —  Mort  de  la  maréchale  de  Noailles.  —  Régiments  donnés.  — 
Deuil  da  prince  de  HesM-Darmstadt.  —  Audience  du  nonce  Crescenzi.  — 
Présentation  des  princes  des  Deux-Ponts.  — -  Lettre  deM"^^'  des  Deux-Ponts 
à  M"*^  de  Luynes.  —  Particularités  sur  le  gouvernement  de  l'Espagne.  — 
Mort  du  duc  d*Âncenis.  —  Lettre  du  Roi  à  M"*  de  Ventadour.  —  Difficulté 
à  la  comédie.  —  Règlement  des  affaires  du  marquis  de  Nesie  et  son  exil.  — 
Régiment  de  M.  d'Ancenis  donné  an  marquis  de  Brancas;  équité  du  Roi.  — 
Changement  dans  les  gendarmes  de  la  garde.  —  Soumission  de  la  Corse  et 
description  de  cette  lie. 

Du  lundi  5  octobre ^  à  Fontainebleau.  —  Le  Roi   partit 
le  mercredi  30,  comme  il  est  dit  ci-dessus,  pour  Villeroy. 


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OCTOBRE  1759.  55 

différentes  parties  de  jeux^  mais  le  Roi  arriva  un  instant 
après;  il  joua  à  oavagnole;  le  jeu  ne  dura  qu'environ 
une  heure.  M"*® de  Hailly  étoitauprèis  du  Roi.  Le  Roi  alla 
se  couiâher  de  fort  bonne  heure. 

Avant-hiet*8amedii  8.  M.  futà  laGhanse;  il  n'y  avoitdô 
dames  que  M"*  de  Mailly  et  M"*^de  Vintimille  dans  une 
des  calèches  du  Roi« 

La  galerie  d'Ulysse  est  entièrement  abattue  et  le  bâti- 
ment que  le  Roi  fait  faire  à  la  place  est  fait  à  moitié^  et 
il  n'y  aplusque  la  oharpente  et  la  couverture  à  mettre  sur 
cette  moitié.  Le  vendredi  au  soir,  les  ouvriers  donnèrent 
une  petite  illumination  sur  le  haut  de  ce  bâtiment  et  tiré- 
rentdes  boites^  Le  samedi  matin^  ils  se  mirent  tous  en 
haie  dans  la  galerie  des  Réformés  lorsque  le  Roi  alla 
à  la  messe  et  lui  présentèrent  un  bouquet.  Le  Roi  donna 
ce  bouquet  à  M"^  de  Mailly .  Je  le  vis  à  M""®  de  Mailly  à  la 
chasse^  et  elle  me  dit  que  c'étoit  le  Roi  qui  le  lui  avoit 
donné*  Le  Roi  soapa  dans  ses  cabinets  comme  il  avoit  fait 
la  veille  ;  il  quitta  seulement  son  souper  pour  venir  voir 
la  Reine  dans  le  moment  qu'elle  fut  arrivée. 

J'ai  oublié  dans  l'arrangement  du  voyage  de  mettre 
que  H.  le  Premier  et  M.  de  Gbalais  étoient  aussi  dans  le 
carrosse  du  Roi.  Dans  le  second  carrosse,  il  y  avoit 
M.  l'évèque  de  Hirepoix,  M.  de  Polastron^  M.  de  Huys, 
M.  de  Puyguion  et  M«  le  chevalier  de  Créquy  et  le  petit 
d'Estaing.  Ceux  qui  étoient  à  la  suite  du  Roi  pour  le 
.voyage  de  Villeroy^  outre  ceu^cd^j^  nommés,  étoient  dans 
le  troisième  carrosse. 

Du  jeudi  8,  Fontainebleau.  —  Dimanche  dernier  se  fit 
.ici  la  présentation  de  M*"^  de  Vintimille  à  la  Reine^  dans 
son  cabinet|  par  Mademoiselle.  Il  y  avoit  d'un  côté  Uade- 
moiselle  et  M"''  de  Mailly,  et  de  l'autre  M™*  de  Maaarin, 
«"^de  Flavacourt  et  M"^  de  la  Tournelle.  La  Reine  les 
reçut  d'abord  assez  bien,  mais  à  la  fin  il  parut  du  froid. 

On  apprit  hier  matin  la  mort  de  M""®  la  maréchale  de 
Noailles;  elle  est  morte  à  Pari»  delà  petite  vérole;  elle 


56  MKMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

étoit  nièce  de  H"^de  Haintenon.  Elle  a  fait  un  testament 
dont  je  marquerai  le  détail  quand  je  le  saurai . 

Le  Roi  vient  d^accorder  à  M.  de  l'Hôpital  la  permission 
de  céder  son  régi  ment  de  dragons  à  M.  de  Sainte-Mesme^ 
son  parent^  qui  sert  dans  [ce  même  régiment]. 

Le  Roi  a  donné  le  régiment  de  feu  M.  le  duc  d'Hostun 
à  M.  de  Monaco^  lequel  en  payera  le  prix  &  H.  de  Tallard. 
Ce  régiment  est  un  des  petits  vieux. 

Du  lundi  12^  Fonlainehleau.  —  Aujourd'hui  la  Cour  a 
pris  le  deuil  pour  jusqu'à  jeudis  au  sujet  de  la  mort  du 
prince  deHesse-Darmstadt. 

Du  mercredi  ik,  Fontainebleau.  —  On  ne  sait  si  le  deuil 
finira  jeudi  ou  vendredi.  11  est  de  la  règle  que  le  premier 
gentilhomme  de  la  chambre  avertisse  la  dame  d'honneur 
du  jour  et  de  la  durée  des  deuils.  M''*'  de  Luynes  n'en 
ayant  pas  été  avertie  y  la  Reine  a  pensé  manquer  de  ce 
qui  lui  étoit  nécessaire  pour  ce  deuil.  M"*^  de  Luynes  en 
a  fait  des  reproches  en  plaisantant  à  Bachelier^  premier 
valet  de  chambre  en  quartier,  qui  a  dit  pour  s'excuser 
que,  n'y  ayant  point  de  premier  gentilhomme  de  la 
chambre^  le  Roi  avoit  donné  l'ordre  lui-même  à  la 
garde-robe ,  et  qu'il  n'en  avoit  rien  su. 

Du  jeudi  15^  Fontainebleau.  —  Hardi  dernier^  le 
nonce  y  évêque  de  Nazianze ,  nommé  Crescenzi ,  eut  au- 
dience particulière  du  Roi  et  de  la  Reine.  Les  tambours 
battirent. 

Du  lundi  19,  Fontainebleau.  — Je  n'ai  point  écrit  avec 
la  même  régularité  depuis  quinze  jours ,  ayant  toujours 
été  malade  depuis  que  je  suis  ici.  11  ne  s'est  passé  rien  de 
fort  considérable  :  les  soupers  dans  les  cabinets  trois  ou 
quatre  fois  la  semaine;  toujours  après  souper,  le  Roi 
va  chez  Mademoiselle  jouer  à  cavagnole;  les  jours 
maigres  il  n'y  a  point  de  dames  dans  les  cabinets,  et  le 
Roi  passe  de  même  chez  Mademoiselle  en  sortant  de 
table  ;  M"*'  de  Mailly  et  M""  de  Vintimille  y  sont  tous  les 
soirs  et  M.  de  Vintimille  est  tous  les  jours  à  la  chasse  sur 


OCTOBRE  1759.  67 

les  chevaux  du  Roi  ^  et  presque  de  tous  les  soupers  des 
cabinets  ;  W^""  la  maréchale  d'Estrées  et  M"*  de  Ségur  y 
sont  aussi  presque  tous  les  jours  depuis  le  commencement 
du  voyage. 

On  a  présenté  au  Roi  aujourd'hui  les  princes  des  Deux- 
Pon  ts.  Ils  sont  fils  du  prince  et  de  la  princesse  de  Birken- 
feld  (1) .  Ce  sontdeux  jeunes  gens  ;  Tainé  a  environ  dix-huit 
ou  dix-neuf  ans  et  le  cadet  quinze.  Le  cadet  est  colonel 
du  régiment  d'Alsace ,  et  comme  étant  au  service  du  Roi, 
il  a  été  présenté  à  la  porte  du  cabinet  chez  le  Roi.  Ce 
devoit  être  par  le  premier  gentilhomme  de  la  chambre, 
mais  c'est  M.  le  cardinal  de  Fleury  qui  Ta  présenté, 
et  chez  la  Reine  par  M""*"  de  Luynes;  mais  Palné  a  été  pré- 
senté dans  le  cabinet  par  M.  de  Sainctot ,  lequel  Fa  aussi 
présenté  à  la  Reine.  L'ainé  s'appelle  le  Duc  des  Deux-Ponts; 
et  comme  il  prétendoit  en  cette  qualité  de  grands 
honneurs  ici,  que  Tonne  voudroit  pas  lui  accorder,  il 
a  pris  le  parti  de  l'incognito  et  s  appelle  depuis  sa  pré- 
sentation le  comte  de  Sponern  ;  ainsi  il  n'a  nuls  honneurs 
ici.  Son  carrosse  même  n'entre  point  dans  la  cour  du 
Roi  ;  mais  S.  M.  a  accordé  au  prince  des  Deux-Ponts,  son 
frère,  les  mêmes  honneurs  qu'avoit  eus  le  prince  de 
Birkenfeld,  leur  père;  ainsi  le  carrosse  du  cadet  entre 
dans  lacour  du  Louvre.  H.  le  duc  des  Deux-Ponts  a  le  rang, 
à  la  diète  de  TEmpire,  immédiatement  après  les  électeurs 


(i)  M*^'  de  Birkenfeld,  qai  est  Nassaa-Sarrebrock,  est  une  personne  de  beau- 
coup de  mérite.  H  me  paroit  que  le  gouvernement  ici  est  fort  content  d'elle  et 
Ton  marque  beaucoup  de  considération  à  ses  enfants  ;  elle  n'a  que  trente-sept 
ans  et  s'est  entièrement  occupée  de  leur  éducation.  Elle  a  écrit  ici  à  tous  les 
gens  qu'elle  connoissoitetquisont  en  place  pour  leur  recommander  ses  enfants, 
et  j'ai  joint  dans  cet  article  la  lettre  qu'elle  a  écrite  à  M"'*'  de  Luynes.  MM.  les 
princes  des  Deux-Ponts  ont  ici  deux  gentilshommes  avec  eux,  dont  l'un  est 
sur  le  pied  de  gouverneur,  qui  se  nomme  M.  de  Lantensthausen  et  l'autre 
M.  Desbech  ;  ces  deux  gentilshommes  les  suivent  partout  et  mangent  avec  eux 
dans  toutes  les  maisons. 

Les  comtes  de  Stolberg,  qui  sont  ici,  ont  de  même  avec  eux  un  gentilhomme 
qu^on  nomme  M.  de  Birkenfeld;  il  est  gentilhomme,  mais  point  de  la  maison 
de  Birkenfeld.  {Note  du  duc  de  Luynes,) 


58  MÉMOIRKS  DU  DUC  DE  LUYNKS. 

et  passe  avant  les  cinq  maisons  alternantes.  Il  n'y  a  entre 
lui  et  rélecteur  palatin  que  le  prince  de  Salzhach;  si 
celui-ci  mouroit,  M.  le  duc  des  Deux-Ponts  succéderoit 
audit  électeur  palatin.  Le  duché  des  Deux*Ponts  vaut 
ao  moins  5  ou  600^000  livres  de  rente. 

A  l'audience  de  M.  le  duc  des  Deux^PontB  dans  le  ca- 
binet, il  y  a  eu  une  difficulté.  L'usage  est  qu'à  ces  au- 
diences particulières  dans  le  cabinet ,  tout  le  monde  sort^ 
hoi*s  lé  service  immédiat  de  la  chambre  du  Roi  ^  comme 
le  grand  chambellan^  le  premier  gentilhomme  de  la 
chambre ,  le  grand  maître  de  la  garde-robe ,  etc.  En  con- 
séquence de  cet  usage,  tous  les  ministres  sortirent; 
même  M.  le  duc  d'Orléans^  qui  a  les  entrées  familières > 
se  tint  à  la  porte  du  cabinet  en  dehors.  L'introducteur 
des  ambassadeurs  a  droit  d*ètre  dans  le  cabinet  ;  c'est  lui 
qui  est  censé  présenter.  M.  le  duc  d'Harcourt  (1)  ae  trouva 
dans  le  cabinet,  incertain  de  savoir  s'il  devoit  demeurer; 
il  le  demanda  au  Roi,  le  Roi  le  demanda  à  M.  de 
Sainctot ,  qui  lui  répondit  qu'il  falloit  qu'il  consultât  ses 
registres  et  qu'il  ne  le  s^voit  pas  (j'ai  su  depuis  que 
M.  de  Sainctot  ne  croit  pas  que  le  capitaine  des  gardes 
doive  rester);  enfin  M.  d'Harcourt  demeura  dans  le  ca- 
binet dans  une  croisée^  non  pas  derrière  le  Roi,  qui 
étoit  debout.  Je  sais  que  M.  le  duc  de  Charost  dit  qu'étant 
de  quartier  et  à  une  audience  que  le  feu  Roi  donna  à 
l'électeur  de  Bavière,  le  Roi  lui  dit  qu'il  vouloit  qu'il 
y  restât. 

Copie  de  la  lettre  de  M^^  des  Deux-Ponts  écrite  à  M^  la  duchesse 

de  Luynes, 

Madame, 

Je  me  rappelle  avec  une  douce  satisfaction  f  honneur  que  j'eus  de 
profiter  de  votre  connoissance  pendant  le  séjour  que  je  fis  autrefois 


(1)  Capitaine  ()es  g^rdçs  du  corps. 


OCTOBRE  1759.  59 

avec  iéu  le  prince  mon  époux  h  Pai*is  ;  permettez ,  Madame ,  qu'à  la 
faveur  de  cet  avantage  j'ose  prendre  la  liberté  de  recommander  à  vos 
bontés  mes  ûls,  qui  auront  l'honneur  de  vous  faire  leur  cour  et  vous 
demander  votre  protection.  Ils  vous  conserveront  avec  moi  une  très- 
parfdite  iPeconnoiSSéûce  des  bontés  que  vous  aurez  pour  eux ,  et  je 
Bouhaiterois,  Madame,  que  je  fusse  assez  heureuse  d'avoir  les  occasions 
de  vous  prouver  mon  dévouement  zélé  avec  lequel  j^ai  rhonneor  d'être. 

Madame^ 

Votre  très-humble  et  très-obéissante  servante , 
La  princesse  palatine  duchesse  douairière  des  Deux-t^onts. 

Aux  Detix-PontSf  le  7  septembre  It39. 


J'ai  parlé  ci'-dessiis  du  prince  de  Nassau,  qui  a  fait  sa 
révérence  au  Roi  à  Versailles;  il  est  ici  depuis  plusieurs 
jours  ;  il  est  Nassau- Weilbourg,  cousin  du  petit  prince  de 
Nassau- Sarrebrûck  qui  a  eu  le  régitnent  de  M.  de  Quadt. 
Le  prince  de  Nassau- Weilbouf g  a  au  moins  100,000 
é<iusdei*ente. 

Du  mardi  20 ,  Fontainebleau.  —  Le  Roi  a  coUrtt  le  cerf 
aujourd'hui  et  a  mené  dans  sa  gondole.  M""  de  Mailly, 
de  Vintimille ,   de  Chalais  et  de  Ségut*.  La  Reine  a  été 
datïs  ses  carrosses  jusqu'à  l'assemblée  istiivant  le  Kol. 
M"*  de  Luynes  comptoit  suivre  l'a  Reine ,  et  la  Reine  avoit 
fait  Soti  arrangement  pour  n'avoir  que  deux  princesses 
du  sang.  M*"^    la  Duchesse    la  jeune,    qu'elle   envoya 
avertir  hier  pour  la  chasse ,  lui  ayant  mandé  qu'elle 
avoii  la  fièvre,  que  cependaut  cela  ne  l'empêcheroit  pas 
d'aller,  la  Reine  lui  manda  qu'elle  ne  vouloit  poiiit  qu'elle 
fût  â  la  chasse,  et  envoya  avertir  M'"*  la  princesse  de 
Conty.  Ce  matin  M"'  la  Ducheêse ,  M"*  de  Clerraont  et 
M"**  la  princesse  de  Conty  se  sont  trouvées  en  habit  de 
chasse  chez  la  Reine.   Comme  par  cet  arrangement ,   la 
calèche    de    la   Reine    se    trouvoit   remplie ,    et    que 
M"^  de  Luynes  par  cette  raison  auroit  été  obligée  d'aller 
dans  la  seconde  calèche,  la  Reine,   quand  elle  a   vu 
W^^  de  Luynes ,  lui  a  dit  qu'elle  étoit  un  peu  embarrassée 


ç:t  MÉMOIRES  PU  DUC  DE  LUYNES. 

bien  instruit  m'a  dit  quQ  c'étoit  par  cette  i^isoci  (1). 
J'appris  hier  qu'il  y  avoit  ^i^  il  y  a  quelque^  jours/  une 
difficulté  à  la  comédie.  Quoi  que  le  Roi  n'aille  jamais  en 
baSy  son  fauteuil  y  est  toujours^t  et  les  officiers  des  gardes 
môme  se  mettent  derrière.  A  droitedu  fauteuil  du  Roi  est 
an  banc  pour  les  princes  du  sang  et  un  à  gauche  pour  la9 
ambassadeurs.  Les  ambassadeurs  font  usage  de  ce  b«|iic^ 
mais  les  princes  du  sang  n'en  font  aucun  de  l9ur  banc 
Les  princes  du  sang  prétendent  être  en  droit  de  donner 
des  places  à  qui  ils  jugent  à  propos  sur  ledit  banc;  il  ar» 
rive  souvent  que  ce  banc  se  trouvant  vide,  Fofiicier  d^ 
gardes  qui  place  à.  la  comédie  donne  de^  places  sur  le  banc 


(1)  Le  duc  de  Luynes  rapporte  à  la  fia  de  Pannée  1739  une  lettre  du  Roi  è 
M*"*  de  Ventadour  que  nous  croyons  devoir  reproduire  ici. 

Copie  d'tme  Uttre  du  Roi  écrUe  à  H^«  de  Ventadour  dm»  ^  temps  4ê  la 

mort  de  M.  d'AncenU, 

A  PpnUifiebleM),  m  Sll  eotobra  iTfly. 

Jti  ftuii  trèi-aise  de  la  bonne  santé  de  mes  filles  et  encore  plus  de  oe  que 
vous  me  mandez  en  être  contente.  Nous  âommes  ici  daps  l'afïUctioQ  du  piuiTre 
M.  d'Anceais  ;  tout  le  monde  le  regrette  intinimenl  et  admire  au-dessus  de 
tout  le  courage  de  son  père.  C'est  ce  qui  s'appelle  un  honnête  homme  j  pour 
moi  je  le  regrette  pins  qu'aucun  autoe  ;  j'avois  finit  connoissance  aveo  lui  dans 
son  premier  et  dernier  quartier,  et  je  ne  lui  avois  rieji.  trouvé  que  de  iHUli  |1 
est  mort  aussi  avec  beaucoup  de  courage  et  en  vrai  saint,  ce  qui  fait  que  je  Q^ 
doute  pas  qu'il  ne  soit  beaucoup  mieux  que  partout  où  il  eût  pu  être  en  ce  bas 
monde.  Voilà  une  pauvre  âimille  bien  tourmentée  et  désolée.  U  est  venu  des 
nouvelles  d'Espagne  qui  disent  qu'on  attendoit  ma  (il|e  h  Alcalu  le  %^.  ^'espère 
que  mes  parents  eq  seront  contents  ;  dans  huit  jours  nous  en  saurons  davan>> 
tage.  M.  de  Taliard  sera  ici  à  la  fin  de  ce  mois  et  M™»  de  Tallard  vers  la 
Saint^Martia.  L'on  ne  peut  étra  plus  content  d'eux  qu^  je  suis  et  principale* 
ment  de  9A^*  de  Tallard ,  ce  qui  ne  me  donne  point  de  repentir  mii  le  ellPÛt 
que  j'ai  fait  d'elle;  c'est  vous,  maman,  qui  me  l'avez  donnée,  ^nsi  elle  ne  pour- 
roit  être  guère  autrement ,  à  moins  qu'elle  ne  se  fSt  ftirieusement  démentie , 
et  de  pins  c'est  votre  même  saiig,  A  l'égard  d'un  moins  important,  qui  est  celui 
de  filleul  »  je  suis  charmé  d'avoir  trouvé  un  pareil  sujet  daos  une  famiUe  que 
vous  protégez,  par  tout  le  bien  qu'on  m'en  dit,  ainsi  que  de  sa  femme,  et 
par  ce  que  j'en  connois,  j'espère  que  j'en  serai  content.  Adieu,  maman,  ména- 
gez vous  bien,  car  nous  avons  encore  longtemps  besoin  de  vous.  Je  vous 
embrasse  de  tout  mon  cœur. 


OCTOBRE  I7S9.  6| 

L'état  de  M.  d^Ancenris^  qui  est  à  la  dernière  extré- 
mité (1)  y  et  la  douleur  de  H.  de  Béthune  occupent 
ici  généralement  tout  le  monde  ;  c'est  le  çlemier  de  trois 
garçons  qu'avoit  M.  le  duc  de  Béthune,  et  toute  l'espé- 
rance de  la  famille  n'est  fondée  que  sur  un  fils  de  M.  d'An- 
cenis  qui  a  environ  quinze  mois. 

M.  l'ambassadeur  d'Espagne  vint  hier  me  voir  et  nous 
raisonnâmes  sur  quelques  particularités  du  gouverne- 
ment de  ce  royaume.  L'Espagne  est  composée  comme  Ton 
sait  de  plusieurs  petits  royaumes  qui  ne  font  aujourd'hui 
qu'une  seule  monarchie;  cependant  il  reste  encore  quel- 
ques vestiges  de  ces  royaumes,  et  l'on  distingue  le  gou- 
vernement d'Espagne  en  plusieurs  couronnes,  entre  autres 
la  couronne  d'Aragon  qui  est  séparée  de  Castille,  et  qui 
comprend  la  Catalogne^  Valence  et  May  orque.  Les  privilè- 
ges de  l' Aragon  et  de  la  Catalogne  ne  subsistent  plus  ;  mais 
Tusage  étoit  que  le  Roi  d'Espagne  n'étoit  point  reconnu 
souverain  de  Catalogne,  qu'il  ne  se  fût  présenté  dans  la 
ville  de  Barcelone  devant  les  jurats  de  cette  ville,  les- 
quels étoient  assis  sous  un  dais;  et  là  le  roi  d'Espagne 
prétoit  serment  de  conserver  les  privilèges  de  la  province 
(  ce  serment  a  encore  été  prêté  par  le  Roi  d'aujourd'hui 
Philippe  V  )  ;  aussitôt  que  le  Roi  avoit  prêté  serment,  les 
jurats  se  retiroient  de  dessous  le  dais,  y  conduisoient  le 
Roi  et  lui  prêtoient  serment  de  fidélité  au  nom  de  la  na* 
tion»  L'usage  de  l' Aragon  n'étoit  pas  moins  singulier;  il 
falloit  que  le  Roi  allât  à  Saragosse  à  l'assemblée  des  nota- 
bles du  royaume,  et  là  on  lui  disoit  :  «  Nous  qui  ne  va- 
lons pas  moins  que  vous,  nous  vous  reconnoissons  pour 
notre  Roi.  » 

Du  lundi  26,  Foniaineblmu.  —  M.  le  duc  d'Ancenis 
est  mort  ce  matin  à  quatre  heures.  I^  Roi  a  paru  fort 
touché  de  la  situation  de  M.  de  Béthune,  et  quelqu'un  de 


(1)  Voy.  d*Argenson,  t.  If,  p.  110. 


$4  MÉMOIRES  DU  mSC  DE  LUTIIES. 

Bélhnne  le  prixda  riment,  qui  est  deSS^IiOO  livres.  M.  le 
Cardinal  me  dûoit  hier  une  remarque  de  justice  et  d'équité 
du  Roi,  lorsqn^ilfdt  question  de  cette  grâce.  M.  le  Cardinal 
lui  ayant  proposé  de  Faccorder  à  M.  de  Béthune^  le  Roi 
lui  dit  qu^il  sembloit  que  cela  n^étoit  pas  absolument 
juste  puisque  le  régiment  avoit  été  acheté  des  deniers  de 
M.  d'Ancenîs  ;  sur  quoi  S.  Ém.  lui  répondit  qu'il  ne  pou- 
voit  y  avoir  d'injustice^  puisque  le  régiment  étant  absolu- 
ment perdu  pour  la  famille^  tout  étoit  de  pure  grftce.  Ce 
régiment  avoit  été  créé  pour  M.  le  chevalier  de  Grignan^ 
après  lequel  il  fut  accordé  à  son  neveu,  le  marquis  de  Gri- 
gnan.  Après  lui,  il  fut  donné  à  M.  de  Flèche,  major  dudit 
régiment,  duquel  je  Tachetai  et  Pai  eu  pendant  quinze 
ans;  et  après  moi.  mon  fils  qui  Pavoit  vendu  à  M.  d'An- 
cenis. 

M«  le  chevalier  d'Apchier  a  demandé  au  Roi  per- 
mission de  se  retirer  ;  sa  charge  de  sous-lieutenant  des 
gendarmesest  de  200,000  livres;  c'est  H.  de  Wargemont  (1) 
qui  est  lepremier  à  monter  et  qui  paye  pour  cela  50,000  li- 
vres; les  autres  50,000  écus  sont  payés  par  proportion 
parles  officiers  qui  montent,  ou  bien  à  leur  refus  par  un 
étranger. 

DuMmedi  31,  Fontainebleau.  —  M.  le  duc  de  Tallard 
est  arrivé  depuis  deux  jours  de  la  conduite  de  Madame. 
J'ai  marqué  ci-dessus  que  le  Roi  avoit  donné  le  régiment 
qu'a  voit  M.  d'Hostun  à  M.  le  prince  de  Monaco.  Le  prix 
de  ce  régiment  est  de  55,000  livres.  Le  Roi  en  a  donné 
40,000  livres  &  M.  le  duc  de  Tallard  pour  payer  les  dettes 
de  M.  d'Hostun,  et  les  15,000  livres  ontété  donnéesà  des 
officiers. 

C'est  M.  le  chevalier  de  Marcieuqui  achète  la  charge  de 
premier  enseigne  des  gendarmes  et  qui  donne  pour  cela 
50,000  écus  ;  renseigne  donne  50,000  livres,  ce  qui  fait 


(1)  Le  duc  àe  Luynes  écrit  comme  on  prononçait  :  Daché  pour  jd'Apchier, 
Donargemont  pour  de  Wargemont. 


AriMh^iaMp. 


OCTOBRE  I7S9.  65 

les  200,000  francs  de  M.  d'Apchier,  et  le  second  sous- 
lieutenant  devient  le  premier  sans  rien  donner. 

M.  deLussan  arriva  hier;  il  vient  de  Corse,  où  est  son 
régiment;  il  apporte  la  nouvelle  que  l'Ile  est  entièrement 
soumise.  Il  est  vrai  que  cette  soumission  n'est  point  pour 
les  Génois,  car  ilsy  sont  toujours  extrêmement  haïs  ;  mais 
ils  demandent  que,  s'ils  rentrent  sous  la  domination  de 
Gênes,  que  ce  soit  sous  la  garantie  de  la  France,  et  qu'il 
demeure  des  troupes  françoises  dans  leur  pays  pour 
être  à  portée  de  les  soutenir  au  cas  qu'il  y  ait  quelqu'in- 
fractionau  traité;  ils  ajoutent  que  si  les  troupes  françoises 
les  abandonnent,  ils  chasseront  dans  le  moment  les  Gé- 
nois,  ce  qu'ils  seront  toujours  en  état  de  faire,  quoiqu'ils 
aient  remis  leurs  armes,  parce  qu'il  ne  leur  faut  que  des 
pierres  pour  combattre  contre  cette  nation.  M.  de  Lussan 
dit  que  l'Ue  est  à  peu  près  aussi  grande  que  le  Dauphiné; 
il  y  a  cinq  évêchés  dont  le  revenu  est  assez  considérable; 
l'évêché  de  Bastia,  par  exemple,  est  de  18,000  livres  de 
rente.  Cette  lie  est  divisée  en  différentes  pièves,  c'est-à- 
dire  une  distribution  en  petit  comme  nos  généralités;  une 
piève est  composée  de  huit,  dix,  douze,  jusqu'à  vingt-deux 
paroisses;  un  curé  d'une  de  ces  paroisses  a  inspection  sur 
toute  la  piève.  11  y  a  beaucoup  de  gibier  dans  l'Ile  ;  M.  de 
Lussan  dit  que  cela  est  aussi  vif  que  la  plaine  de  Saint- 
Denis,  surtout  une  grande  quantité  de  perdrix  rouges,  fort 
grosses,  mais  qui  n'ont  point  de  fumet;  il  y  a  aussi  une 
grandequantité  de  sangliers;  il  n'y  a  point  de  chevreuils, 
mais  un  animal  dont  il  m'a  dit  le  nom  et  que  j'ai  oublié, 
qui  est  plus  petit  que  le  chevreuil,  le  pied  fait  comme 
une  chèvre,  les  cornes  recourbées  de  manière  qu'ils  ne 
peuvent  faire  de  mal,  et  qui  s'apprivoise  fort  aisément, 
M.  de  Lussan  dit  que  cet  animal  est  bon  à  manger,  qu'il 
a  la  chair  plus  noire  quele  chevreuil  et  un  goût  différent. 
Les  chevaux  du  pays  sont  petits  et  vilains,  mais  ils  ont  les 
jambes  fortbonnes  et  fortsûrespour  aller  dans  les  monta-* 
gnes.  L'usage  du  pays  est,lorsque  les  chevaux  arrivent, 

T.    ÏII.  5 


§6  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LU YM ES. 

de  lés  envoyer  sur-le-champ  à  lapàture^oùTon  va  les 
reprendre  quand  on  en  a  besoin  ;  de  sorte  que  les  habi- 
tants ne  songent  point  à  avoir  ni  foin  ni  avoine  pour  les 
nourrir. 

Le  Roi  soupa  hier  et  avant-hier  dans  ses  cabinets  après 
la  chasse.  H"""  la  duchesse  de  Ruffec  y  soupa  lundi;  il  y 
avoit  longtemps  qu^elle  n'y  avoit  soupe  ;  cependant  elle 
est  toujours  comprise  dans  ce  que  le  Roi  appelle  c(  la  so- 
ciété »  et  à  la  santé  de  laquelle  il  boit  et  fait  boire  en  dé- 
tail quelquefois.  Cette  société  est  :  Mademoiselle^  M^^""  de 
Clermont,  M*"'  la  duchesse  de  Ruffec,  M""'  la  maréchale 
d'Est  rées,  M"''*  de  Mailly,  de  Chalais,  de  Talleyrand  et 
de  Ségur. 

Le  Roi  a  entendu  les  premières  vêpres  aujourd'hui,  en 
baSy  chantées  par  les  chantres  de  la  chapelle,  suivant  Tu- 
sage.  C'est  M.  l'abbé  d'Argentré,  évêque  de  Tulle,  qui  a 
officié  et  qui  officiera  encore  demain.  C'est  le  P.  Ponce, 
jésuite,  prédicateur  de  TAvent,  qui  prêchera  demain  de- 
vant le  Roi.  Le  sermon  de  la  Toussaint  est  toujours  le 
premier  sermon  de  l'Avent^  et  Noël  le  dernier. 


NOVEMBRE. 

Suite  du  séjour  de  la  Cour  à  Fontainebleau.  —  Acquisition  de  Choisy  pour  le 
Roi.  —  Travaux  à  Fontainebleau.  —  Mort  de  Mme  de  Beuvron.  —  Prédiction 
<le  Mme  de  Noailles  à  sa  fille.  ~  Arrivée  de  Madame  en  Espagne  et  mariage. 

—  Prétention  du  maréchal  de  Coigny  pour  entrer  chez  la  Reine.  —  Pré- 
sents donnés  à  Madame  Infante.  —  Maladie  de  Mmcs^e  Mailly  et  d'Antin.— 
Bénéfices  donnés.  — Le  duc  de  Luynes  ne  marque  pas  dans  son  journal  les 
événements  publics  que  l'on  apprend  par  la  gazette  ;  nouvelles  étrangères. 

—  Voyage  du  Roi  à  Choisy.  —  Retour  delà  Cour  à  Versailles.  —  Détail  sur 
la  maison  de  Choisy.  —  Meuble  neuf  dans  la  nouvelle  chambre  du  Roi  ; 
richesse  de  Tétoffe.  —  Consommation  du  bois  et  du  Wé  à  Paris. 

Du  mardi  3  novembre,  Fontainebleau.  —  J'ai  parlé  ci- 
dessus  de  l'acquisition  que  l'ondisoit  avoir  été  faite  pour 
le  Roi  de  la  maison  qii'avoit  M™'  la  princesse  de  Conty  à 


y 


NOVEMBRE  1759.  67 

Choisyet  que  Ton  appelle  Choisy-Mademoiselle;  il  y  a 
déjà  assez  longtemps  que  l'on  sait  que  cette  acquisition 
est  certaine  et  que  le  prix  est  100^000  écus,  dont  la  moitié 
pour  les  meubles.  Le  Roi  vient  de  donner  le  gouverne- 
ment de  cette  maison  à  M.  de  Coigny  le  fils;  on  ne  dit 
point. encore  s'il  y  a  des  appointements  attachés.  Il  y  a 
déjà  quatre  ou  cinq  ans  que  le  Roi^  en  allant  ou  revenant 
à  Fontainebleau^  parla  de  la  situation  d'Ablon ,  qui  est 
assez  près  de  Choisy-Mademoiselle  etdu  projet  qu'il  avoit 
quelque  jour  d'y  bâtir  une  maison.  Le  Roi  tenoitce  discours 
comme  en  plaisanterie  ou  au  moins  comme  une  vue  très- 
éloignée.  M.  de  Coigny  le  fils,  pour  qui  le  Roi  a  beaucoup 
de  bonté,  et  qui  étoit  alors  dans  le-carrosse  de  S.  M.,  ré- 
pondit aussi  en  badinant  au  Roi  que^  si  ce  projet  s  exécu- 
toit,  il  lui  demandoit  le  gouvernement  de  ce  château;  et 
le  Roi  lui  dit  qu'il  le  vouloit  bien.  Toute  cette  conversa- 
tion n'a  point  été  oubliée  ;  mais  beaucoup  de  gens  la  re- 
gardoient  comme  une  pure  plaisanterie  et  croyoient  que 
M.  le  ducde  Villeroy  avoit  plus  lieu  d'espérer  ce  gouver- 
nement que  qui  que  ce  soit,  d'autant  plus  que  Je  Roi  l'a  * 
toujours  extrêmement  aimé,  qu'ilestcapitainedes  chasses 
de  la  capitainerie  deSénart,  et  que  la  forôt  de  Sénart,  qui 
est  belle  et  bien  percée  n'est  qu'à  un  pas  de  Choisy  et  a 
été  vraisemblablement  un  des  principaux  motifs  qui  a 
déterminé  le  Roi  à  désirer  dans  ce  lieu  un  établissement. 
H.  Gd,briel,  le  fils^  a  déjà  été  par  ordre  du  Roi  voir  les 
bâtiments  qu'il  seroit  nécessaire  d'ajouter  pour  les 
écuries. 

Le  lieu  de  l'exil  de  M.  de  Nesle  est  changé;  ce  n'est 
plus  à  Lisieux,  c'est  à  Évreux  qu'il  va  ;  le  mémoire  qu'il 
adonné  au  public  n'est  pas  absolument  rempli  d'injures 
grossières  contre  M.  Maboul,  son  rapporteur;  mais  il  se 
plaint  de  la  mauvaise  administration  de  ses  revenus  etde 
la  £aveur  et  protection  qu'il  dit  avoir  été  accordées  par 
M.  Maboul  à  quelques-uns  de  ceux  qui  sont  chargés  de 
cette  administration.  Au  reste,  le  raisonnement  de  son  mé- 


6g  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTINES. 

moire  est  simple  et  séduisant,  d'autant  plus  quUl  est  écht 
avec  esprit. 

Il  parcitque  les  projets  du  Roi*  pour  les  bâtiments  à 
faire  à  Choisy-Mademoiselle  ne  sont  que  pour  une  écurie 
de  trente  chevaux  et  point  de  logements.  Tout  le  service 
est  logé.  Lé  Roi  prend  tout  le  bas  de  la  maison^  où  il  fera 
mettre  un  lit  du  garde-meuble,  et  outre  cela  il  y  a  vingt- 
six  logements  à  donner,,  dont  quelques-uns  même  sont 
fort  beaux.  M.  Gabriel  y  va  demain  pour  plusieurs  petites 
réparations  qui  seront  faites  dans  quinze  jours,  afin  que 
le  Roi;  qui  en  partant  d'ici  compte  passer  àChoisy^  trouve 
tout  cela  fini. 

Les  appointements  du  gouverneur  sontfixés  à  3^000  li- 
vres; mais  outre  cela  ily  a  grand  nombre  d'officiers  payés 
par  le  Roi  qui  peuvent  être  d'un  usage  continuel  pour 
le  gouverneur,  n'étant  destinés  au  service  du  Roi  que 
lorsqu'il  habitera  Choisy.  On  compte  que  tous  ces  dif- 
férents gages  extraordinaires,  y  compris  les  appointe- 
ments du  gouverneur,  iront  environ  à  30,000  livres 
par  an. 

On  continue  lesbâtiments de  Fontainebleau;  on  fera  le 
second  tiers  de  la  grande  écurie  et  on  finit  les  dedans  de 
la  moitié. du  bâtiment  de  la  galerie  d'Ulysse,  et  l'on  fera 
le  pavillon  du  milieu.  M.  le  contrôleur  général  compte 
que]  a  grande  écurie  coûtera  en  total  environ  500,000  li- 
vres et  la  galerie  d'Ulysse  en  total  600,000  livres. 

Aujourdhui,  grande  chasse  de  cerf  et  grand  souper 
dans  les  cabinets.  11  y  avoit  quatre  dames  à  la  chasse  qui 
ont  été  avec  le  Roi,  et  ont  ensuite  monté  en  calèche.  Made- 
moiselle n'y  a  point  été;  c'étoientM"*deClermont,  M"*' de 
Mailly,  de  Vintimille  et  de  Ségur.  Elles  soupent  toutes 
quatre  dans  les  cabinets,  et  outre  cela  Mademoiselle, 
M'"*'  de  Tallard,M"'*^  d'Antin  et  M"*  de  Saint-Germain  ;  c'est 
la  première  fois  que  M™''  de  Tallard  soupe  dans  les  cabi- 
nets. 

Le  Roi  a  donné  à  Vei*sailles  le  logement  de  M™^  d'Alin- 


NOVEMBRE  1759.  C9 

court  à  M.  de  Soubise  ;  ce  logement  étoit  vacant  depuis 
longtemps.  S.  M.  a  donné  à  M.  de  Maillebote^  le  fils^  le 
petit  logement  qu'avoit  H.  de  Soubise  et  qui  étoit  aupa- 
ravant à  M"*^  de  Conflans. 

On  vient  d'apprendre  la  mort  de  M™*  de  Beuvron;  elle 
est  morte  de  la  petite  vérole  aujourd'hui  à  sept  heures  du 
matin  ;  elle  étoit  petite-fille  du  bonhomme  Saint-Âulaire 
qui  a  quatre-vingt-seize  ou  quatre-vingt-dix-sept  ans  ; 
elle  étoit  belle-sœur  de  M.  le  duc  d'Harcourt.  Elle  crai- 
gnoit  beaucoup  la  petite  vérole,  et  malgré  celaavoit  voulu 
demeurer  auprès  de  son  fils  qui  vient  de  Tavoir. 

M"®  de  Noailles  est  hors  d'affaire  de  la  même  maladie, 
quoiqu'elle  eût  pu  être  frappée  de  la  prédiction  de  M"®  sa 
mère,  lamaréchalede Noailles,  qui  deux  ou  trois  mois  avant 
que  d'avoir  cette  maladie,  dont  elle  est  morte^  dit  à  sa 
fille  :  «J'aurai  la  petite  vérole,  j'en  mourrai  ;vousraurez 
aussi  et  vous  en  mourrez.  »  On  prétend  cependant  que 
cette  prédiction  n'est  pas  absolument  vraie;  mais  on  dit 
que  les  mêmes  gens  qui  disent  qu'elle  n'est  pas  telle  qu'on 
la  redit  présentement,  convenoient,  il  y  a  huit  jours, 
qu'elle  étoit  réelle. 

Du  jeudi  5,  Fontainebleau.  -^  On  a  reçu  ces  jours-ci  des 
nouvelles  de  l'arrivée  de  Madame  à  Âlcala  où  s'est  fait  le 
mariage.  J'avois entendu  dire  que  l'usage  d'Espagne  étoit 
dans  les  mariages  faits  par  procureur  de  ne  plus  faire  au- 
cune cérémonie  lorsque  la  mariée  étoit  arrivée;  tout  au 
plus  un  renouvellement  d'affirmation  qu'un  tel  prend 
une  telle  pour  sa  femme.  M.  l'ambassadeur  d'Espagne  ]e 
disoit  de  même.  Le  Roi  disoit hier  qu'il  y  avoit  en  outre  de 
ce  renouvellement  d'affirmation  la  bénédiction  donnée 
aux  mariés  par  le  patriarchedeslndes.il  est  vrai  que  l'on 
n'ajouta  point  à  cette  cérémonie  celle  de  dire  la  messe, 
mais  S.  M.  ajouta  que  cela  s' étoit  pratiqué  de  même  ici  au 
mariage  de  M.  le  Dauphin,  feu  Monseigneur,  avecia  prin- 
cesse de  Bavière;  qu'il  y  avoit  eu,  en  arrivant,  renouvel- 
lement d'affirmation  et  bénédiction,  et  le  lendemain  seu- 


70  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUYINES. 

lement  la  messe  pendant  laquelle  ils  furent  rais  sous  le 
poêle.  Le  roi  d'Espagne  parolt  transporté  de  joie  du  ma- 
riage eten  a  écrit  au  Roi  dans  les  termes  les  plus  touchants. 
On  dit  que  Madame  Infante  réussit  fort  bien  dans  ce  pays, 
et  que  l'on  est  extrêmement  content  de  son  maintien  et  de 
sa  figure.  Je  ne  ferai  point  ici  la  relation  du  voyage  ;  elle 
se  trouvera  partout.  De  toutes  les  fêtes  qui  ont  été  données  à 
Madame  Infante,  celle  de  Bordeaux  a  été,  à  ce  que  Ton  dit,  la 
plus  magnifique.  Madame  s'embarqua  dans  un  assez  grand 
bâtiment  que  l'on  appelle  Maison  navale,  que  la  ville  de 
Bordeaux  fait  construire  exprès  pour  ces  occasions;  cette 
maison  étoit  couverte  et  il  y  avoit  une  chambre  pour  Ma- 
dame avec  un  dais^  un  fauteuil  et  un  balustre.  La  Maison 
navale  étoit  remorquée  par  quatre  autres  bâtiments  remplis 
de  musique  et  autres  amusements,  et  trouva  en  arrivant  à 
Bordeaux  deux  lignes  de  vaisseaux  dont  l'artillerie  fit  plu- 
sieurs décharges.  Le  coup  d'œil  du  port  de  Bordeaux, 
très-beau  par  lui-même,  étoitencore  enrichi  par  unequan- 
tité  prodigieuse  de  peuple,  et  le  lendemain  on  donnaà  Ma- 
dame lespectacledelancer  devant  elle  un  vaisseau  à  la  mer. 

Le  lieu  où  Madame  Infante  fut  remise  entre  les  mains 
des  Espagnols  n'apoint  été  rile-des-Faisans,  parce  que  le 
chemin  du  côté  de  l'Espagne  n'est  pas  si  beau  que  par 
Roncevaux  ;  ce  fut  à  trois  ou  quatre  lieues  de  Saint-Jean- 
pied-de  Port,  dans  une  plaine  où  l'on  avoit  construit  une 
maison  de  bois  composée  d'un  salon  et  de  deux  petits  ca- 
binets, le  salon,  tout  au  plus  aussi  grand  qu'un  des  petits 
salons  deMarly.  Cette  maison  [a  été]  bâtie  sur  les  confins 
des  deux  royaumes  et  aux  dépens  des  deux  rois.  Lacons- 
truction  de  cette  maison  a  coûté  1&',000  livres  ;  je  ne  suis 
pas  sûr  absolument  de  cefte  somme  ;  car  le  Roi  m'a  dit 
7,000  livres,  mais  je  ne  sais  pas  si  c'est  pour  sa  part,  ou 
en  total  seulement. 

Il  devoit  y  avoir  dans  le  salon  un  fauteuil,  mais  il  y  eut 
une  dispute  pour  savoir  s'il  seroit  du  côté  de  la  France  ou 
du  côté  de  l'Espagne,  et  pour  obvier  à  toutes  ces  contesta- 


NOVEMBRE  1759.  71 

tioiisiln'y  eut  nifauteuilnidais,  et  Madame  resta  toujours 
debout  pendant  trois  quarts  d'heure  que  dura  la  cérér 
monie.  Elle  commença  par  une  harangue  de  M.deTallard 
qui  fut  fort  approuvée,  à  laquelle  répondit  en  espagnol 
M.  de  Solfarino,  majordome  mayor  de  Madame  Infante  ;  il 
parla  fort  bas,  et  il  parut  que  son  discours  n'avoit  pas  eu 
la  même  approbation  parmi  les  Espagnols.  Madame  em- 
brassa ensuite  M"*  de  Tallard  avec  de  grandes  marques 
d'amitié  et  salua  M""  d'Antin  et  de  Tessé  ;  après  quoi  elle 
passa  du  côté  des  Espagnols,  M.  Descajeuls,  chef  de  bri- 
gade, ayant  remis  la  queue  de  sa  robe  entre  les  mains  des 
Espagnols.  Pendant  ce  temps,  M.  de  Solfarino  remit  les 
présents  du  roi  d'Espagne  :  à  M.  de  Tallard,  une  épée  en- 
richie de  diamants;  à  M™^  de  Tallard,  un  portrait  du  roi 
d'Espagne  enrichi  d'assez  beaux  diamants  ;  à  M°***  d'Antin 
et  de  Tessé,  deux  tables  de  portraits  aussi  du  roi  d'Espagne 
avec  beaucoup  de  diamants,  mais  d'un  moindre  prix  que 
ceux  de  M"®  de  Tallard;  à  M.  Descajeuls,  un  diamant;  et 
aux  deux  autres  deux  diamants  ;  aux  gardes  du  corps  et 
à  la  maison  du  Roi,  des  présents  en  argent.  On  compte 
que  chaque  garde  du  corps  peut  avoir  eu  aux  envi- 
rons de  100  écus.  11  n'y  eut  aucun  présent  de  fait  de  la 
part  de  la  France  aux  Espagnols  ;  ce  n'est  pas  l'usage.  On 
regarde  le  présent  que  nous  faisons  de  la  princesse  comme 
devant  tenir  lieu  de  tout.  Ce  fut  M.  de  Verneuil,  comme 
secrétaire  du  cabinet,  de  notre  part,  et  M.  de  Solfarino, 
de  celle  d'Espagne,  qui  signèrent  l'acte  de  délivrance  de 
Madame,  et  il  ne  fut  signé  que  par  eux.  Madame,  avant  de 
partir  de  Roncevaux  où  elle  avoit  couché,  étoit  entrée 
dansun  des  cabinets  du  salon  où  elle  fut  déshabillée  sui- 
vant l'usage.  M.  de  Solfarino  est  celui  qui  étoit  connu  en 
France  sous  le  nom  d'abbé  de  Castiglione,  qui  étoit  toujours 
avec  M"*  la  duchesse  d'Albe.  La  surveille  de  la  remise  de 
Madame,  M™^  de  Leyde,  sa  camarera  mayor,  étoit  venue 
àSaint-Jean-pied-de-Port  faire  sa  révérence  à  Madame  et 
lui  présenter  ses  caméristes.  Madame  lui  fît  l'honneur  de 


72  .  MÉMOIRES  J}U  DUC  DE  LUYNES. 

la  saluer.  H'"'  de  Leyde  est  grande  d'Epagne;  elle  a  tout, 
au  plus  quarante  ans  ;  elle  n^est  point  jolie^  mais  rien  de 
désagréable  et  un  très-bon  maintien. 

M.  le  maréchal  de  Coigny,  étant  entré  hier  chez  la 
Reine  au  moment  du  café,  qui  est  un  temps  où  il  n^y  a 
que  les  entrées  de  la  chambre  qui  entrent^  j'appris  à  cette 
occasion  ce  qui  s'étoit  passé  au  sujet  de  ladite  entrée. 
H.  le  maréchal  deCoigny  prétendit  il  y  a  deux  ans  avoir 
parole  de  M.  le  Cardinal  pour  l'entrée  du  cabinet  que 
Ton  appelle  Feutrée  des  quatorze.  C'est  Feutrée  que  don- 
nent les  charges,  laquelle  entre  lorsque  Fhuissier  est  en 
dedans.  H.  de  Gesvres  représenta  alors  que  le  Roi  pou- 
voit  donner  des  entrées  beaucoup  plus  considérables  à 
M.  le  maréchal  de  Coigny^  mais  que  Feutrée  des  quatorze 
étant  de  charges  ne  devoit  appartenir  qu'à  ceux  qui 
auroient  lesdites  charges.  M.  de  Gesvres  en  parla  au  Roi, 
qui  approuva  cette  représentation,  et  en  conséquence 
donna  à  M.  de  Coigny  seulement  les  entrées  delà  chambre. 
M.  le  maréchal  de  Coigny ,  peu  content  de  cette  grâce, 
a  été  long-temps  sans  en  vouloir  faire  usage. 

Du  Vendredi  6,  Fontainebleau.  —  Hier,  le  Roi,  après 
la  chasse,  partit  pour  aller  souper  à  la  Rivière  ;  il  y  alla 
seul  d'homme  dans  son  carrosse  avec  cinq  dames  : 
c'étoient  Mademoiselle ,  M"*  de  Clermont ,  M"^  de  Mailly, 
M"*»  de  Vintimille  etde  Talleyrand.  M"''  la  maréchale d'Es- 
trées  et  M"*  d'Antin  dévoient  y  aller,  mais  elles  se  trou- 
vèrent toutes  deux  incommodées. 

Du  mardi  10,  Fontainebleau.  — J'ai  oublié  de  marquer 
ci-dessus  ce  que  c'étoit  que  les  présents  que  Madame  In- 
fante a  reçus  sur  la  frontière  ;  ils  étoient  peu  considé- 
rables; c'est  un  nœud  de  diamants  d'une  grandeur  pro- 
digieuse où  il  y  a  de  fort  beaux  diamants ,  deux  petites 
attaches  de  diamants  pour  mettre  sur  ses  manches ,  et 
un  petit  nœud  pour  mettre  au  cou  ;  mais  en  arrivant  à 
Alcalaelle  a  dû  recevoir  des  présents  très-considérables; 
car,  suivant  l'usage,  don  Philippe  a  dû  lui  faire  un  présent 


NOVEIVIBRE  1759.  73 

le  lendemain  de  son  arrivée;  le  roi  et  la  reine  d'Es- 
pagne chacun  un  ;,  et  elle  a  du  en  recevoir  aussi  de 
chacun  des  Infants. 

On  a  appris  ces  jours-ci  que  le  roi  d'Espagne  avoit 
fait  trois  grands  :  Fun  est  M.  de  Saint-Jean,  gentilhomme 
de  la  chambre  de  S.  H.  C.^  qui  lui  est  fort  attaché  depuis 
longtemps  et  qui  est  le  seul  qui  le  sert.  C'est  Fusage 
d'Espagne  que  ce  soit  toujours  le  même  gentilhomme 
de  là  chambre  qui  serve  le  Roi ,  mais  leur  service  est 
beaucoup  plus  étendu  qu'en  France.  Les  deux  autres 
grands  d'Espagne  sont  M.  le  prince  de  la  Torella  et  M,  le 
comte  de  la  Marck. 

11  n'y  a  point  eu  de  dames  à  la  chasse  ces  jours-ci  > 
hors  hier.  M"""  de  Mailly  ayant  été  malade  d'un  rhume  ^ 
elle  a  été  pendant  deux  jours  dans  son  lit.  Le  jour  que 
M"%de  Tallard  a  séjourné  ici,  elle  lui  donna  un  grand 
souper,  ou  plutôt  Mademoiselle  y  fit  apporter  son 
souper.  Pendant  le  temps  que  M'"°  de  Mailly  a  demeuré 
dans  son  lit  ^  Mademoiselle  y  a  passé  les  après-dinées, 
et  il  y  a  toujours  eu  beaucoup  de  monde.  Hier,  M"®  de 
Mailly  fut  à  la  chasse  en  calèche  avec  M"*  de  Vintimille 
seulement.  Le  soir,  il  n'y  eut  point  de  grand  couvert  ni 
d'ordre  pour  les  cabinets.  Le  souper  étoit  chez  Made- 
moiselle ,  laquelle  avoit  fait  fermer  la  porte  dès  quatre 
heures  après  midi. 

M"®  d' Antin,  quia  été  incommodée  d'une  fluxion  ces  jours- 
ci,  ayant  eu  un  accès  de  fièvre  hier,  a  été  saignée  du  pied  ; 
tout  le  monde  jugea  dès  ce  moment  qu'elle  alloit  avoir 
la  petite  vérole  ;  et,  comme  elle  loge  dans  l'escalier  au- 
dessus  de  Mademoiselle,  on  fit  fermer  toutes  communi- 
cations. M.  le  prince  de  Dombes  envoya  quérir  M.  d'Ântin 
pour  l'exhorter  à  presser  M"*®  d'Antin  de  se  faire  trans- 
porter à  la  ville;  et  cette  maladie,  quoiqu'elle  n'ait 
point  eu  de  suite^  faisoit  hier  une  grande  nouvelle  ici. 

Duvendredi  13,  Fontainebleau.  —  Le  Roi  alla  hier  souper 
à  la  Rivière  ;  il  y  fut  en  carrosse  seul  d'homme  avec  six 


74  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUYJNES 

ddtiies,  les  quatre  sœurs  (c'est  Mademoiselle,  M"®. de 
Clermont,  M""  de  Mailly  et  de  Vintimille) ,  M"*  la  maré- 
chale d'Estrées  et  M"'*  la  duchesse  de  Ruffec  qui  n'avoit 
point  été  de  ces  voyages  depuis  longtemps  et  qui 
n'avoit  soupe  avec  le  Roi  qu'une  fois  depuis  qu'elle  est 
ici.  ' 

Tai  marqué  ci-dessus  que  le  Roi  avoit  donné  16,000 
livres  à  M"*^*  d'Antin  et  de  Tessé  pour  le  voyage  de  la  fron- 
tière d'Espagne  avec  Madame.  J'ai  appris  aujourd'hui  que 
S.  M.  avoit  donné  75^000  livres  à  M.  et  à  M"*^  de  Tal- 
lard ,  et  outre  cela  leurs  carrosses  et  surtouts  menés  par 
le  capitaine  des  chariots  aux  dépens  du  Roi. 

La  liste  des  bénéfices  a  paru  ces  jours-ci.  Je  vais  en 
jpindre  ici  la  copie.  L'archevêché  de  Toulouse  n'est 
point  encore  donné,  au  moins  on  ne  le  dit  pas.  Le  Roi 
paroit  occupé  de  trouver  quelqu'un  qui  soit  à  portée  de 
remplir  dignement  la  place  que  cet  archevêché  donne 
aux  États  et  qui  puisse  être  propre  à  devenir  dans  la  suite 
archevêque  de  Narbonne. 

H.  l'abbé  de  la  Bastie,  grand  vicaire  de  Chartres, 
nommé  à  l'évêché  de  Saint-Malo  ;  Tabbé  de  Tavannes  à 
l'abbaye  de  la  Creste;  l'abbé  de  Hontesquiou,  à  l'abbaye 
de  Saint-Martial;  il  est  grand  vicaire  de  Saintes;  l'abbé 
Terrisse,  l'abbaye  de  Saint-Victor-en-Caux  ;  l'abbé  de 
Fontanges,  l'abbaye  de  Chalivoy;  l'abbé  Baudouin, 
l'abbaye  de  Mauzac  ;  l'abbé  de  Gouyon  de  Vaudurant, 
l'abbaye  deFineterre;  le  P.  Grisard,  Fabbaye  d'Abbe- 
court;  l'abbé  Houllier,  aumônier  des  mousquetaires, 
le  prieuré  de  Vausse. 

Du  mercredi  18,  Fontainebleau,  r—  Samedi  dernier  ik , 
le  Roi  fut  courre  le  cerf  ;  il  n'y  avoit  de  dames  à  cette 
chasse  que  M"""  de  Mailly  et  de  Vintimille  ,  toutes  deux 
dans  une  petite  voiture  fermée  qui  appartient  à  Made- 
moiselle, mais  avec  les  chevaux  du  Roi.  Il  y  avoit  plu- 
sieurs jours  que  M""*  de  Mailly  étoit  enrhumée  ;  elle  avoit 
même  gardé  son  lit  pendant  deux  ou  trois  jours  ;  elle  a 


NOVEMBRE  1739.  75 

toujours  vu  pendant  ce  temps  tout  le  monde ,  et  Made- 
moiselle ne  Ta  point  quittée  ;  mais  il  n'a  pas  paru  que  le 
Roi  ait  été  chez  elle. 

Dimanche,  le  Roi  fut  souper  à  la  Rivière;  les  dames 
étoient  les  quatre  sœurs,  M"^  de  Talleyrand  et  M"'  la  du- 
chesse de  Ruffec. 

Comme  je  ne  mets  guère  ici  les  événements  publics 
que  Ton  apprend  parla  gazette,  ]e  n'ai  point  marqué  la 
déclaration  de  guerre  de  l'Angleterre  à  TEspagne^  ce 
qui  fait  pourtant  beaucoup  de  bruit  depuis  huit  ou  dix 
jours.  La  paix  (i)  de  la  Porte  avec  la  Russie  et  avec  l'Em- 
pereur sont  encore  deux  événements  importants  dans 
l'Europe.  Il  y  a  encore  quelques  difficultés  du  côté  de  la 
Russie ,  et  on  dit  aussi  quelques-unes  de  la  part  de  l'Em- 
pereur ;  mais  il  y  a  lieu  de  croire  qu'elles  n'arrêteront 
point  ces  traités ,  surtout  entre  l'Empereur,  parce  que 
Belgrade  est  cédé  aux  Turcs,  et  les*  fortifications  de  cette 
place  déjà  presqu'entièrement  démolies.  Un  événement 
qui  a  rempli  aussi  les  gazettes,  c'est  le  mécontentement 
de  l'Empereur  contre  les  généraux  de  Wallis  et  de  Neu- 
perg,  ses  plénipotentiaires  pour  la  paix,  et  l'on  a  été  assez 
surpris  de  voir  ce  prince  faire  publier  un  manifeste 
contre  un  de  ses  sujets. 

Il  y  a  eu  quelque  changement  par  rapport  au  départ 
du  Roi  et  à  son  arrivée  à  Versailles.  M.  le.  Dauphin  part 
toujours  samedi,  et  la  Reine  lundi.  Le  Roi  part  mardi 
et  va  coucher  à  Choisy-Mademoiselle;  et,  au  lieu  de  re- 
tourner jeudi  à  Versailles,  comme  c'étoit  le  premier 
projet,  S.  M.  ira  déjeuner  et  souper  à  Ivry  chez  M.  le 
Premier;  il  reviendra  coucher  à  Choisy  et  vendredi  à 
Versailles. 

Du  samedi  2t,  Fontainebleau,  —  Le  Roi  a  soupe  hier 
et  aujourd'hui  dans  ses  cabinets  au  retour  de  lâchasse; 
il  n'y  a  point  eu  de  "dames. 


(I)  Signée  à  Belgrade. 


76  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Demain  le  Roi  soupe  au  grand  couvert  avec  la  Reine  ; 
c'est  le  Roi  qui  donne  à  souper.  Le  Roi  soupera  lundi  chez 
Mademoiselle  ;  Mademoiselle  a  soupe  chez  elle  presque 
tous  les  jours  pendant  le  voyage  et  a  eu  toujours  beau- 
coup de  monde.  Presque  toutes  les  fois  que  le  Roi  a  soupe 
dans  ses  cabinets^  il  est  descendu  après  souper  chez  Ma- 
demoiselle^ où  il  jouoit  à  cavagnole. 

Les  dames  du  voyage  de  Choisy-Mademoiselle  sont  les 
mêmes  que  celles  qui  ont  été  à  Villeroy  en  venant  : 
Mademoiselle,  M"*  deMailly,  M™*  de  Vintimille,  M"*  la 
maréchale  d'Estrées,  M"'  de  Ségur. 

Du  lundi  23,  Fontainebleau.  —  Il  y  avoit  hier  grand 
souper  chez  Mademoiselle.  Le  Roi  y  joua  Taprès-dlnée 
deux  parties  d'hombre  avec  M.  le  comte  d'Estrées  et  M.  de 
Soubise.  M"*  de  Mailly,*qui  étoit  fort  ajustée,  jouoit 
pendant  ce  temps-là  à  cavagnole  avec  Mademoiselle.  Le 
Roi  sortit  à  neuf  heures  pour  aller  souper  au  grand 
couvert  et  ne  joua  point  après  souper  ;  il  se  retira  de 
bonne  heure.  M'"*'  de  Mailly  ne  se  mit  point  à  table  chez 
Mademoiselle;  elle  continua  son  cavagnole;  elle  quitta  à 
dix  heures,  et  ne  reparut  plus. 

Du  samedi  28,  Versailles.  —  La  Reine  arriva  ici  le 
23.  M"*  de  Clermont  étoit  avec  S.  M.  et  repartit  mardi 
de  bonne  heure  pour  aller  à  Choisy-Mademoiselle  où  le 
Roi  arrivoit  le  même  jour.  Les  dames  de  ce  voyage  sont 
les  mêmes  qui  étoient  à  Villeroy  lorsque  le  Roi  y  passa 
en  allant  à  Fontainebleau,  comme  il  est  marqué  au 
21  novembre. 

Le  Roi  arriva  de  bonne  heure  le  mardi  à  Choisy. 
Mademoiselle  y  arriva  trois  ou  quatre  heures  après  avec 
les  dames.  Le  Roi  leur  montra  la  maison ,  ensuite  on 
joua  à  cavagnole,  et  le  Roi  à  Thombre  avec  M.  du  Bor- 
dage  et  M.  le  comte  d'Estrées.  A  souper,  M.  le  comte  de 
Coigny  s'étant  mis  en  devoir  de  servir  le  Roi  comme 
M.  le  Premier  fait  à  la  Meutte ,  le  Roi  ne  voulut  pas  ab- 
solument qu'il  le  servit,  et  le  fit  mettre  à  table.  Le  lende- 


NOVEMBRE  173».  77 

main  mercredi^  le  Roi  se  promena  beaucoup  dans  le 
jardin  et  dans  la  maison  ;  il  fut  rendre  visite  aux  dames 
dans  leurs  appartements ,  comme  auroit  fait  un  seigneur 
de  château.  Le  soir, ,  jeu  comme  la  veille.  J'oubliois  de 
marquer  que  le  lundi  le  Roi  trouva  en  arrivant  un  feu 
d'artifice,  petit  mais  bien  exécuté.  Ce  feu  fut  donné  par 
les  habitants  de  Choisy;  il  étoit  de  l'autre  côté  de  la  ri- 
vière, parce  que  M.  le  comte  de  Coigny  (à  qui  ils  avoient 
demandé  la  permission)  jugea  qu'en  deçà  de  la  ri- 
vière il  n'y  avoit  point  de  place  pour  tirer  le  feu. 

J'oubliois  aussi  de  marquer  qu'au  défaut  de  M.  de 
Coigny,  ce  fut  le  concierge  qui  servit  le  Roî  à  Choisy. 
C'est  un  appelé  Filleul^  qui  étoit  garçon  de  château  à  la 
Meutte. 

Le  Roi  parolt  fort  content  de  sa  nouvelle  acquisition . 
Les  meubles  en  sont  fort  honnêtes,  à  ce  que  j'ai  ouï 
dire ,  la  salle  à  manger  fort  jolie  et  la  vue  admirable. 

Le  jeudi,  le  Roi  fut  de  bonne  heure  à  Ivry  avec  les 
dames  ;  il  se  promena  beaucoup  dans  la  maison,  et  voulut 
tout  voir  :  cuisine ,  office ,  et  trouva  partout  un  ordre , 
un  goût  et  une  magnificence  singulière  ;  tous  les  meubles 
sont  doubles  dans  la  maison,  meubles  d'été,  meubles 
d'hiver.  Ceux-ci  sont  tous  de  velours  à  parterre  ou  de  ve- 
lours cramoisi',  galonnés  d'or,  ou  de  damas  aussi  ga- 
lonnés d'or.  Le  souper  fut  servi  avec  autant  de  délicatesse 
que  de  magnificence.  M.  le  Premier  avoit  fait  faire  une 
douzaine  d'assiettes ,  de  vermeil  doré,  et  de  couverts, 
exprès  pour  le  Roi.  11  y  a  une  quantité  immense  de  por- 
celaine ancienne  dans  la  maison  et  entre  autres  un  service 
d'assiettes  blanches  de  porcelaine  de  l'ancien  (1);  tout  le 


(1)  Le  conservateur  du  Musée  céramique  de  Sèvres,  M.  Riocreux,  auquel 
nous  nous  sommes  adressés  pour  avoir  Texplication  de  ces  termes ,  a  bien 
voulu  nous  répondre  que  la  porcelaine  ancienne  devoit  être  delà  porcelaine 
de  Chine  décorée  et  que  la  porcelaine  de  l'ancien  étoit  aussi  une  porcelaine 
de  Chine,  mais  de  la  catégorie  de  celles  dites  d'ancien  blanc,  rares  alors, 
comme  elles  le  sont  encore,  et^Vin  très-liaut  prix. 


78  MÉMOIRE»  DU  DUC  DE  LUYNES. 

fruit  fut  servi  en  porcelaine.  Après  souper,  il  y  eut  iiu 
cavagnole.  H.  le  Premier  avoit  lait  faire  une  tableexprès 
de  bois  des  Indes  avec  des  ornements  de  bronze  doré. 
M.  le  Premier  ne  donna  ni  feu  ni  illumination  ;  mais  il 
avoit  fait  éclairer,  par  des  lampions ,  de  distance  de  trois 
ou  quatre  pieds  de  Fun  à  l'autre,  tout  le  chemin 
des  deux  côtés  d'Ivry  à  Cboisy.  Le  Roi  revint  ici  hier  de 
bonne  heure  ;  il  ne  fut  point  chez  la  Reine  en  arrivant  ; 
il  n^y  fut  qu'à  neuf  heures ,  et  il  soupa  dans  sa  chambre, 
au  petit  couvert. 

Le  Roi  trouva  ici  en  arrivant  un  meuble  neuf  dans  sa 
nouvelle  chambre.  C'est  une  étoffe  cramoisi  et  or,  i  la- 
quelle on  travaille  à  Lyon  depuis  cinq  ou  six  ans  ;  le 
goût,  le  dessin  et  la  fabrique  de  cette  étoffe  sont  admi- 
rables; elle  coûte  400  livres  Taune.  La  tapisserie  est  de 
velours  cramoisi  avec  une  broderie  d'or  fort  large,  fort 
épaisse  et  d'un  fort  beau  dessin ,  dans  laquelle  il  y  a  des 
fleurs  etdes  ornements  d'or  vert,  comme  dans  Torfévrerie . 
M"**"  de  Mailly  a  trouvé  en  arrivant  ici  son  apparteknent 
accommodé  tout  à  neuf;  elle  y  va  faire  mettre  un 
meuble  neuf. 

J'ai  vu  ce  matin  chez  elle  M.  Turgot,  prévôt  des 
marchands  ;  il  me  disoit  que  la  consommation  de  bois  à 
Paris,  qui  ne  mon  toit  il  y  a  cinquante  ans  qu'à  200 ,  000  voies 
par  an  avoit  monté  l'année  passée  à  460,000;  que  la  con- 
sommation de  blé,  en  comptant  le  blé  réduit  en  pain, 
alloit  à  environ  100,000  muids,  et  celle  d'avoine  à  20  ou 
22,000. 

Le  Roi  a  ét^  aujourd'hui  tirer,  mais  le  vilain  temps  l'a 
fait  revenir  de  bonne  heure.  Il  soupe  à  cinq  heures  dans 
les  cabinets  et  recommence  demain  à  diner  au  grand  cou- 
vert. 


DECEMBRE  1759.  7» 

DÉCEMBRE. 

NiB«  de  Sottbiae  n'arrivoit  jamais  qu^à  la  moitié  du  dtner  du  feu  Roi  ;  obKerva- 
tion  à  ce  siû^.  —  La  Reine  preod  le  cavagoole  en  grande  affection  et 
pourquoi  ;  règles  sur  le  jeu  de  la  Reine^  —  Rappel  de  M.  de  la  Mina.  ^- 
Conduite  remarquée  de  M*"'  dé  Mailly  au  jeu  de  la  Reine.  —  Détail  sur  le 
rappel  d^.  de  la  Mina.  —  Affaire  de  M.  le  Duc  au  sujet  du  mariage  de 
M.  de  la  Guiche  avec  une  bâtarde  de  M.  le  Duc.  —  Le  Roi  très-satisfait  de 
Tacquisition  de  Choisy.  ^  Commission  de  raestre  de  camp  à  M.  de  Pres- 
sure. —  Présentation  de  Tabbé  de  Chamron.  —  Voyage  du  Roi  à  Choisy.  — 
*  Titre  que  prennent  les  seigneurs  d'Angleterre  dans  leurs  adresses  au  Roi. 
—  Audience  du  duc  de  Gastropignano.  — Légitimatiop  de  M"^  de  Yemeuil , 
bâtarde  de  M.  le  Duc.  ^  La  Tour  fait  le  portrait  de  M*"*"  de  Mailly.  —  Mort 
de  M.  de  Brossoré.  ^  Dettes  de  TEspagne  euvers  la  France.  «-  Anecdote 
sur  Marion  Delorme.  —Le  Roi  se  trouve  mal  à  la  messe,  quitte  la  chapelle 
et  va  à  la  chasse.  —  Le  Roi  va  à  la  Meutte  sans  y  conduire  M*"®  de  Mailly  ; 
menaces  de  cette  dame  pour  obliger  le  Roi  à  la  mener  à  Choisy.  —  Histoire 
d'une  fille  sauvage.  ^  Mort  de  M.  de  Hariay.  —  Étrennes  de  M(d«  de 
Mailly  au  Roi.  —  Mariage  de  M"«  de  Guiche  avec  le  comte  de  Brionne.  — 
Lettre  de  Louis  XV  à  Mme  de  Ventadour. 

Du  mardi  V\  décembre  ,  Versailles.  — '  Dimanche  29, 
le  Roi  dîna  au  grand  couvert;  il  y  eut  musique  audiner, 
c'étoitles  vingt-quatre  violons.  C'est  l'usage,  comme  je 
l'ai  déjà  marqué^  qu'ils  donnent  un  concert  au  Roi  lors- 
qu'il arrive  de  quelque  voyage.  Cette  musique  est  fort 
bonne,  maiscomme  elle  est  tout  auprès  de  la  table  du  côté 
du  Roi,  du  côté  de  la  Reine  elle  est  fort  incommode  pour 
les  dames  assises  de  ce  côté-là,  et  trop  près  même  de  la 
Reine  pour  être  agréable  à  entendre. 

Uy  eut  sermon  l'après-dlnée.  C'est  le  P.  Ponce,  jésuite, 
le  même  qui  a  prêché  la  Chandeleur  et  la  Toussaint  ;  on 
trouve  qu'il  prêche  bien,  mais  que  ses  sermons  sont  un 
peu  longs  pour  ce  pays-ci.  Il  fut  près  d'une  heure  en 
chaire.  Le  lundi30,  le  Roi  dina encore  au  grand  couvert. 
Il  y  avoit  du  côté  du  Roi  M""  les  duchesses  de  Duras  et  de 
Durfort  assises.  Comme  le  Roi  arrive  par  l'appartement 
de  la  Reine,  où  les  dames  sont  déjà  à  faire  leur  cour,  elles 
entrent  aussi  par  le  même  côté  que  le  Roi  pour  se  mettre 
à  leurs  places.  Je  crois  que  l'usage  autrefois  étoit  de  faire 


.1 


DÉCEMBRE  1759.  81 

'iiole de  pouvoir  choisir  les  personnes  qui ontrhon-^ 
de  lui  faire  leur  cour  à  ce  jeu.  M.  de  Guébriant  parla 

•  à  M""^  de  Luynes  et  lui  dit  qu'il  avoit  appris  qu'on  ' 
dità  Fontainebleau  qu'ilnepouvoit  pas  avoir  Thon-^ 

•  (le  jouer  avec  la  Reine,  qu'il  ne  pouvoit  croire  que' 
•iteau  qu'il  portoit  Texclût  d'un  honneur  qu'il  auroit 
»  la .  Il  paroissoit  même  avoir  envie  d'avoir,  une  ex- ' 
■ion  etd'en  faire  parler  à  la  Reine  ou  de  lui  en  parler; 

♦  nie;  maisM™'^  de  Luynes  lui  conseilla  de  laisser 
'  r  cette  affaire,  d'autant  plus  que  je  n'en  ai  pas  en- 
1  parlera  Fontainebleau,  et  que  d'ailleurs  la  Reine, 
liant  à  cavagnole,  comme  au  quadrille,  =  ceux  ou 

-^  qu'elle  veut  qui  aientl'honneur  déjouer  avec  elle* 

aque  fois  (au  lieu  qu'au  lansquenet,  il  suffit  d'y  avoir 

•nnefoispour  se  présenter  quand  on  le  juge  à  propos),. 

Ire  pas  nommé  n'est  pas  être  exclu.  M""®  de  Luynes  ne 

Livoit  répondre  autrement;  cependant  il  y  a  apparence 

leM.  de  Guébriant  ne  seroit  pas  plus  nommé  pour  le 

,  .ladrille  que  pour  le  cavagnole. 

La  Reine  jouoit  dans  sa  chambre  au  cavagnole  les  pre^ 
.niers  jours  qu'elle  est  venue  ici.  Lorsque  la  Reine  joue  à 
jnadrille  ou  au  piquet  dans  sa  chambre,  les  dames  n'ont 
pas  droit  d'être  assises  devants.  M.  et  ne  s'assoient  point. 
L-n  de  ces  premiers  jours.  M"®  de  Clermont  arriva,  suivie 
de  M"®  de  Villeneuve  (1),  pendant  que  la  Reine  étoit  au 
cavagnole.  M*^®  de  Villeneuve  s'assit  tout  d'un  coup;  cela 
l'ut  remarqué.  La  règle  est  si  incontestable  sur  cet  ar- 
ticle, que  la  Reine  a  même  la  bonté,  ordinairement,  de 
permettre,  même  d'x)rdonner  que  les  femmes  qui  n'ont 
pas  le  droit  d'être  assises  fassent  une  partie  de  piquet  ou 
de  quadrille  pendant  que  S.  M.  joue  au  piquet  ou  à 
quadrille;  et  souvent,  lorsqu'il  y  a  des  dames  qui  n'ont 
pas  beaucoup  d'argent,  elles  ne  jouent  point  d'argent  ; 


(1)  Fille  d*honnenr  dé  M"^  de  Clermont.  (Note  du  duc  de  luynes.  ) 

T.    ITÎ.  6 


82  MÉMOIRES  DU  DUG  DiE  LUYNES. 

celle  qui  perd  paye  les  cartes.  Lorsque  la  sarintondante, 
la  dame  d'honneur  ou  la  dame  d'atours  sont  dans  la 
chambre^  c'est  à  elles  que  les  dames  s'adressent  pour 
demander  à  la  Reine  permission  de  jouer^  ou  elle  a  V  at- 
tention elle-même  de  proposer  à  la  Reine  de  permettre 
aux  dames  de  faire  un  jeu  pour  pouvoir  être  assises.  Ces 
derniers  jours-ci  la  Reine  a  pris  le  parti  de  jouer  à  cava- 
gnole  sur  la  table  de  lansquenet,  dans  le  cabinet  du  bout 
de  la  galerie;  alors  toutes  les  dames  sont  assises  indiffé- 
remment, comme  au  lansquenet. 

On  sait  depuis  deux  jours  que  M.  de  la  Mina  est  rap- 
pelé ;  on  n'en  dit  pasla  raison.  Il  donne,  à  ceque  j'ai  oui 
dire,  pour  prétexte^  que  la  guerre  étant  déclarée  entre  l'Es- 
pagne et  l'AngleteiTe,  il  demande  à  servir,  l'ayant  tou- 
jours fait,  qui  est  ce  qu'il  aime  fort.  Mais  j'ai  entendu 
dire  qu'il  n'étoit  pas  content  d'être  rappelé  et  que  M"*  de 
la  Mina  en  est  extrêmement  affligée.  On  prétend  qu'il  a 
parlé  ici  trop  fortement  et  que  c'est  M.  le  Cardinal  qui  a 
demandé  son  rappel  ;  ce  qui  est  certain  c'est  qu'il  s'en  va^ 
et  on  croit  même  que  ce  sera  bientôt. 

On  parle  fort,  et  cela  depuis  longtemps,  d'un  arrange- 
ment dans  les  finances  d'Espagne  ou  plutôt  d'un  projet 
d'arrangement  par  lequel  le  roi  d'Espagne,  sans  rien 
rayer  des  pensions,  gages  et  appointements  de  sa  maison^ 
de  celle  de  la  Reine  ni  de  sa  mère,  a  seulement  déclaré 
qu'il  ne  payeroit  point  les  années  qui  étoient  dues. 

Du  jeudi  3,  Versailles.  —  Le  Roi  alla  hier  à  la  Meutte  et 
en  est  revenu  aujourd'hui.  Les  dames  de  ce  voyage  sont 
les  quatre  sœurs,  M""^  de  Chalais  et  M"*'  de  Talleyrand. 

Le  Roi  a  donné  des  appointements^  à  ce  que  j'ai  ouï 
dire,  à  M.  le  cardinal  de  Tencin;ilme  semble  que  c'est 
12,000  écus;  on  ne  dit  pas  cependant  que  M.  deSaintrAi- 
gnan  revienne. 

Dumardi  8,  Versailles.  —  Le  Roi  soupa  hier  dans  ses 
cabinets  au  retour  de  la  chasse  Les  dames  étoient  Made- 
moiselle, M"*"  de  Clermont,  M"*'   de  Vintimille,  M""*  de 


PËCEMBRE  i7MI.  a» 

Maurepas  et  M"*"  deSéguF.  M"*  de  IbâUy  est  de  semaine; 
elle  resta  au  souper  de  laReine^  après  lequel  elle  alla  chez 
le  Roi ,  Il  n'y  a  point  eu  de  voyages  cette  semaine,  et  il  n'y 
en  aura  point;  il  est  aisé  d'en  voir  la  raison  ;  mais  le  Roi 
ira,  à  ce  que  Ton  dit,  dimanche  ou  lundiàChoisy.  Il  n'est 
plus  question  ici  du  tout  de  lansquenet.  La  Reine  joue  à 
cavagnole  quand  elle  ne  va  point  à  la  comédie  ou  qu'il 
n'y  a  point  de  musique,  et  c'est  toujours  dans  le  grand 
salon  du  bout  de  la  galerie  (i)  ;  et  les  jours  même  de  co- 
médie et  de  musique,  S.  H.  yjoue  après  l'une  ou  l'çiutre.  La 
Reine  y  joue  même  souvent  après  souper  avec  les  dames  du 
palais  qui  reviennent  à  cette  heure-là;  le  plus  souvent,  il  n'y 
en  a  qu'une,  et  la  Reine  joue  tète  à  tète.  Avant-hier  au  soir, 
comme  la  Reine  finissoit  son  jeu,  le  Roi  arriva  ;  il  y  avoit  eu 
grand  couvert  à  dîner  et  par  conséquent  point  desouper 
pour  le  Roi.  M""®  de  Mailly  jouoit  aveclaReine  ;  le  Roi  étoit 
entré  par  la  porte  delà  galerie  dans  le  salon.  Tout  le  monde 
étoit  debout  en  cercle  ;  M*^^  de  Mailly  fut  la  seule  qui  alla 
se  placer  près  de  la  porte  par  où  le  Roi  étoit  ei^tré  et  par 
où  ildevoit  sortir;  elle  y  fut  toujours  à  faire  la  conversa- 
tion avec  ceuxqui  étoient  venus  àla  suite  du  Roi.  J'entendis 
que  le  Roi  en  sortant  lui  dit  quelque  chose,  mais  il  me 
parut  que  c' étoit  chose  très- indifférente.  M°*  de  Luynes 
alla  reconduire  le  Roi  jusqu'à  la  porte  de  la  galerie.  Ce 
salon  estle  bout  de  l'appartement  delaReine,  comme  l'an- 
tichambre en  est  le  commencement. 

Ce  même  jour  (avant-hier),  il  y  avoit  eu,  comme  je 
viens  de  dire,  grand  couvert  suivant  l'usage  ;  il  fut  ques- 
tion de  faire  tirer  un  rideau  parce  que  le  soleil  incommo- 
doit  le  Roi.  M.  de  Gesvres  étoit  debout,  à  côté  du  fau- 
teuil du  Roi  et  M""^  de  Luynes  assise  du  côté  de  la  Reine. 
LeRoi  avoitdit  d'abord  qu'il falloit  tirer  le  rideau;  M.  de 
Gesvres  eut  grand  soin  de  dire  :  «  Mais  il  faudroit  dire 
à  M'°^  de  Luynes  de  faire  tirer  le  rideau  »,  et  comme  il  y 

(I)  Le  salon  <K»  la  Paix. 

G. 


S4  MÉMCMRES  DU  DUC  DE  LUTTES. 

eat  plnsieiirs  petHschahgementsdaiislafiiçoade  tirerceri* 
dean^  M.  de  Giesvres/qai  étoit  plus  à  portée  de  la  fmètre^ 
dit  plàaîears  fois  :  «  Messieurs^  M^  de  Lny nés  dit  qu'il 
fianit  £sire  •  telle  chose  >:toat  ce  détail  n'est  qae  pour 
prouver  ce  qui  compose  Tappartement  de  la  Reine  sans 
difficulté. 

Hier^Un  y  eut  point  de  jeu,  et  la  Reine  ne  vit  personne 
qu'à  rentrée  de  son  souper.  Ce  matin,  la  Reine  a  fait  ses 
dévotions.  CestM.  le  cardinal  de  Fleury  qui  a  dit  la  messe  ; 
il  n'est  qu'une  demi-heure  à  dire  sa  messe  et  il  lit  sans 
lunettes.  Cette  après-dlnée,  sermon.  11  n'y  en  eut  point 
pour  cette  raison  dimanche  dernier. 
,  Comme  le  successeur  de  M.  de  la  Mina  n'est  point  en« 
core  nonmié,  quelquesgensavoient  cru  qu'il  pourroit  y 
avoir  du  changement  dans  son  rappel,  mais  cela  ne  pa- 
rôit  pas  fondé.  On  m'a  dit  qu'il  y  avoit  environ  sûl  mois 
que  M.  le  Cardinal  avoit  demandé  ce  rappel.  Je  sais  hien 
que  S.  ÉoL.  étoit  extrêmement  fatiguée  de  la  vivacité  et 
de  l'importunité  de  M.  de  la  Mina  ;  peut-être  s'est-il  joint 
à  cela  quelque  demande  indiscrète.  Je  n'avois  point  vu 
M.  delà  Mina  depuiscette  nouvelle  ;  jele  vis  avant-hier;  il 
me  parut  affligé,  regardant  cependantcet  événement  avec 
philosophie,  et  disant  que  Ton  doit  s'attendre  dans  les 
cours  à  voir  des  changements  et  des  fstçons  de  penser  dif- 
férentes. Il  m'ajouta  que  ceci  étoit  affaire  purement 
personnelle  pour  lui  et  qui  ne  regardoit  nullement  les 
intérêts  de  son  maître.  Effectivement  on  peut  dire  qu'il 
a  bien  servi  la  cour  d'Espagne.  Il  y  a  lieu  de  croire  qu'il 
n'apas  été  content  de  voirM.  de  la  Torella  être  fait  grand 
d'Espagne  et  lui  ne  l'être  pas;  cependant  ce  n'est  sûre- 
ment pas  son  mécontentement  personnel  qui  est  la  seule 
cause  de  cet  événement-ci.  Il  est  certain  que  M.  le  Car- 
dinal et  lui  ne  sont  pas  contents  l'un  de  l'autre,  et  ils  se 
voient  peu  présentement. 

J'appris  hier  que  M.  le  prince  de  Lichtenstein  avoit  été 
fait  chevalier  de  la  Toison  d'or  par  l'empereur. 


DÉCEMBRE  1759.  85 

-  On.  a  beaucoup  parlé  ces  jours^ci  ,de  Taffaipe  .de .  M.  ,1e 
Duc.  Je  ne  ci»ois  point,  en  avoir. parlé. ci-dessus;  c'est  au 
sujet  du  mariage  de  M.de  la  Guiche,  neveu  de  M.j^de.Lassay , 
iLvecune  bâtarde  de  M.'le  Duc.  Cette  /bâtarde  est  fille  ;de 
M";^  deNesle,  et  M.  le  Duc  youloit  la  reconnoltre  et  la  faire 
légitimer^  mais  sans  nommer  la  mère.  H*"®  la  Duchesse  et 
M.  de  Lassay  ayoient  cette, affaire  fortà  cœur^  mais  il  étoit 
question  de  lafaire  passer  au  Parlement.  On  avoit  persuadé 
àM.  le  Duc  qu'il  en  viendroit  à  bout;  cependant  on  lui  repré- 
sentsTà  Compiègne  que  cette  entreprise  ne  réussiroit  pas 
et  n'étoit  convenable  en  aucune  façon.  J'ai  ouï  dire .  qu'il 
fut  frappé  des  raisons  qu'on  lui  donnà^  mais  comme  Taf- 
faIre~ëtoit  entreprise  il  a  voulu  la  soutenir;  Enfin^  jeudi 
dernier,  il  alla  lui-même  chez  M.  le  procureur  général 
pour  savoir  quelles  étoient  ses  conclusions  ;  H.  le  procu- 
reur général  les  lui  montra,  et  comme  elles  étoient  con- 
traires à  ce  qu'il  désiroit  et  qu'il  savoit  d'ailleurs  que  le 
Parlement  ne  passeroit  jamais  cette  affaire  sans  des  let- 
tres de  jussion,  M.  le  Duc  a  prisle  parti  de  l'abandonner. 
On  prétend  qu'il  avoit  espéré  que  M.  le  Cardinal  écriroit 
4e  la  part  du  Roi  à  M.  le  procureur  général  d'une  ma- 
nière qui  pût  le  déterminer  ;  on  dit  même  que  M.  le  Car- 
dinal le. lui  avoit  promis;  ce  qui  est  certain  c'est  que  la 
lettre  de  M.  le  Cardinal  à  M.  le  procureur  général  lui  a 
laissé  la  liberté  tout  entière,  et  au  Parlement,  de  faire  ce 
qu'ils  jugeroient  à  propos.  On  dit  que  M.  de  Lassay  compte 
donnejî-ôO^O  écus  à  son  neveu. 

Du  mercredi  9,  Versailles.  —  Le  Roi  a  déclaré  qu'il  iroit 
lundi  àChoisy  jusqu'à  jeudi.  Il  parplt  fort  occupé  et  fort 
satisfait  de  cette  nouvelle  acquisition . 

MTde  Rocozel,  frère  de  M.  de  Pérignan, .  aujourd'hui 
duc  de  Pleury,  et  par  conséquent  neveu,  de  H.  le  Car- 
dinal, ;  qui  commandoit  en  Roussillon ,  a  demandé  à  se 
retirer;  ïTêtoît  aussi  lieutenant  général  de  cette  pro- 
vince et  gouverneur  de  Mont -Louis  ;  il  remet  la /lieute- 
nance  générale  ;  elle  fut  donnée  hier  au  soir  à  M.  de. 


86  MKMOIRES  DU  DUC  DE  LUIJNES. 

Chasteius^  gendre  de  H.  le  chancelier ,  avec  le  comumii- 
dement  dans  la  province.  On  dit  que  ces  deux  places  va- 
\J    ^^Jeut  environ  10, WK)  francs  chacune. 

Le  Roi  a  donné  à  K.  de  Pinessure  ^  lieutenani-colonel 
du  repaient  de  cavalerie  (aujourd'hui  Brancas)  qui  est 
^celuique  ttion  fils  a  eu  et  moi  auparavant ,  10,000  francs 
de  gratification  et  la  commission  de  tnestre  de  camp.  Ce 
régiment  avoit^té  donné  àtt.  d'Anceni^  lorsque  mon  fils 
^ai^ta  la  mestre  de  camp  générale  des  dragons.  A  la  mort 
de  M.  d'Ancenis,  M.  de  Pressure  vint  ici  pour  demander  le 
régiment  ou  tout  au  moins  d'être  traité  comme  M.  le 
chevalier  de  Pçaig^ie^  qui  fut  fait  brigadier  eu  pareil 
cas,  comme  j'ai  marqué  ci-dessus.  De  tous  temps  les 
Jkutenants-colonels  d'infanterie  ont  été  brigadiers  sans 
être  mestres  de  camp  ;  cet  usage  n'étoit  pas  de  même 
daris  l'infanterie  ;  cependant  il  y  en  a  quelques  exemples 
j^fip^  ^eu.  M.  de  Pressure  demandoit  la  même  grâce 
que  M.  le  chevalier  de  PraigUe  et  auroit  même  été  très* 
content  d'être  fait  brigadier  sans  avoir  les  22^500  francs 
jgçoùr  le  prix  du  régiment  que  M.  de  Praigue  avoit  eus,  et 
que  Itf.  de  Pressure  ne  poUvoit  demaUdet,  puisqu'ils  ont 
été  dojinés  à  M.  deBéthune.  Il  y  a  plusieurs  exemples  de 
lieutenants-colonels  qui  ont  eu  les  régiments  à  la  mort 
descolonels.  Il  y  a  aussi  trois  ou  qUatte  exemptes  de  lieu- 
tenants^colonels  qui,  à  la  mort  des  colonels,  n'ont  eu  ni  le 
jrégimpnt  ni  aucune  grèce ,  entre  autre  celui  du  régiment 
Royal-Pologne,  à  la  mort  du  chevallier  de  Wils,  qui  fut 
donné  à  M.  de  Chàtellerault ,  aujourd'hui  prince  de  ïal- 
mond,  et  celui  de à  la  taioH  du  colonel  lorsque  le  ré- 
giment fut  donné  àM^  d'Andelot,  geûdre  de  M.  de  P^las- 
tnoh.  M.  de  Pressure  est  homme  de  mérite  ;  il  a  étiè  bien  re- 
commandé; il  a  remercié  aujourd'hui  M.  leCeii^dindl.  Ce 
ii^eSt  pas  l'usage  en  pareil  cas  qu'ils  remercient  le 
Roi. 

M.   l'abbé  de  Chamron ,  neveu  de  M"'  de  Luynes ,  a 
été  aujourd'hui  présenté  au  Roi  par  M.  le  Cardinal.  Il  y 


bÉCEMBRE  1759.  87 

a  une  difficulté  au  sujet  de  cette  place.  Il  dépend 
de  la  trésorerie  une  grande  maison  à  Paris;  il.  y  a  des 
réparations  considérables  à  cette  maison.  Dans  tous  les 
bénéfices ,  c'est  la  succession  du  défunt  qui  est  chargée 
des  réparations  ;  cependant  on  prétend  que  Tusage  est 

^ue_ç'est  au  Roi  à  qui  l'on  s'adresse  en  pareil  cas.  Le 
trésorier  de  la  sainte  Chapelle  se  prétend  commensal  de 
la  maison  du  Roi  et  prend  le  titre  d'archichapelain 
de  S.  M.  M.  le  contrôleur  général  et  M.  de  Maurepas  ne  me 
paroissent  pas  absolument  persuadés  que  ces  réparations 
soient  à  là  charge  du  Roi,  et  ce  n'est  pas  d'aujourd'hui 

^que  cette  demande  a  souffert  des  difficultés. 

Dùnundi  14,  Versailles.  —  Le  Roi  est  parti  ce  matin 
pour  Choisy,  où  il  restera  jusqu'à  vendredi,  pendant 
lejuel^temps  il  chassera  à  Verrières.  Les  dames  qui  vont 
à  Choisy  sont  les  quatre  sœurs  et  M""*  de  Chalais,  et 
M*''  la  maréchale  d'Estrées  y  va  de  Paris.  Le  Roi  a  soupe 

^deuxou  trois  fois  dans  ses  cabinets  pendant  la  semaine 
passée  et  n'a  fait  aucun  voyage.  S.  M.  a  descendu  plusieurs 
fois  aussi  chez  M"**  la  comtesse  de  Toulouse,  où  même  il 

^a_spugé-4^uxfois  les  jours  qu'il  a  dîné  au  grand  couvert. 
Le  Roi  y  descend  seul  et  les  dames  qui  sont  chez  M*"^  la 
comtesse  de  Toulouse  sont  :  Mademoiselle,  M"*  de  Mailly, 
M"' de  Vintimille.  M"®  de  Sourches,  qui  est  fort  amie  de 
M"''  la  comtesse  de  Toulouse,  s'y  est  trouvée  une  fois  ou 
deux.  Il  parolt  qu'il  y  a  eu  pendant  quelques  jours  un  peu 
de  froid_entre  Mademoiselle  et  M"®  de  Mailly.  M™*  de  Vin- 
timille  a  travaillé  au  raccommodement,  et  aujourd'hui 
c'est  Mademoiselle  qui  mène  M"**  de  Mailly  à  Choisy. 
_  Samedi^  le  Roi  soupa  dans  ses  cabinets ,  mais  avec  des 
hommes  seulement  ;  le  souper  dura  fort  longtemps  ;  on 

.  jouau.JL.dame  rose,  et  quelques-uns  de  ceux  qui  y 
étoient.  se  sentoient  un  peu  d'avoir  joué  malheureuse- 
ment à  ce  jeu. 

ILy  a.  deux  ou  trois  jours  que  je  reçus  des  nouvelles  de 
Londres  qui  me  sont  envoyées  en  droiture.  Le  titre  que 


88  MÉMOIRES  DU  DUC  D£  LUYI^tiS. 

prennent  les  seigneurs  dans  leurs  adresses  au  roi ,  d' An- 
gleterrem'a  paru  remarquable.  En  voici  la  copie. 

TRÈS-GRACIEUX  SOUVERAIN, 

i 

]\ous^  les  très-humbles  et  très-fidèles  sujets  de  V.  M.  les  seigneurs 
spirituels  et  temporels  assemblés  en  parlement,  supplions  V.  M.  de 
nous  permettre  de  lui  faire  nos  sincères  et  humbles  remerctments  de 
son  très-gracieux  discours  émané  du  trône. . 

• 

Du  samedi  19,  Versailles.  —  Le  Roi  revint  hier  de 
Choisy  après  y  avoir  dîné. .  Les  dames  dînèrent  avec 
S.  H.^  quoique  ce  fàt  maigre  à  cause  des  quatre 
temps  et  du  vendredi.  Les  deux  princesses  n'y  dînèrent 
cependant  point.  Elles  soupèrent  avec  le  Roi  mercredi 
dernier^  qui  étoit  aussi  maigre.  On  ne  sert  jamais  de  gras 
les  jours  maigres  à  la  table  du  Roi.  S.  M.  paroit  toujours 
fort  contente  de  sa  nouvelle  acquisition  ;  il  fait  arranger 
lui-même  sa  maison  devant  lui  comme  feroit  un  parti- 
culier/et  va  rendre  visite  à  toutes  les  dames  le  matin  à 
leur  toilette.  11  a  fait  deux  chasses  pendant  ce  séjour, 
l'une  le  lundi,  en  partant  d'ici ^  et  Tautre  le  mercredi  à 
Verrières.  J'allai  à  Choisy  mardi  dernier;  le  Roi; me 
l'avoit  permis  ;  il  étoit  fort  question  de  couper  des  bois 
pour:  donner  plus  de  vue.  Le  Roi  ne  sortit  point  ce 
jour-là.  M.  le  contrôleur  général  y  vint  de  Paris;  la 
question  fut  fort  agitée  et  il  me  paroit  que  la  décision  est 
remise  à  cet  été.  Les  jours  que  le  Roi  ne  sort  point  il  en- 
tend la  messe  à  midi  ou  midi  et  demi ,  et  lorsqu'il  ne 
dîne  pas  il  déjeune  à  une  heure  et  demie  ;  après  quoi  il 
va  chez  les  dames,  et  commence  à  jouer,  sur  les  trois 
heures,  à  rhombre,  au  brelan  ou  au  trictrac,  pendant 
que  :  les: dames  jouent  à  cavagnole.  Le  souper  est  sur  les 
sept  heures  et  demie  ou  huit.heures.  La  maison  de  Choisy 
est  belle  et  agréable.  Le  Roi  a  pris  pour  sa  personne  tout 
l'appartement  à  droite  en  bas,  où  il.  couche  ;  tout  le  bas 
à  gauche  est  pour  se  tenir  foute  la  journée  et  pour  jouer. 


DÉCEMBRE  1759.  89 

S.  M.  a  fait  ôter  un  lit  jaune  où  couchoit  M"®  la.  princesse 
de  Conly.  La  salle  à  manger  est  un  bâtimentfait  depuis 
peu  par  feu  M"^**  la  princesse  de  Cont'y  ;  c'est  une  des  piè- 
ces des  plus  agréables  de  la  maison;  au-dessus  est 
un  logement  qu'occupe  M.  le.marquis  de  Coigny;  ce  bâ- 
timent est  joint  au  corps  du  château,  qui  n'est  pas  fort 
large  et  que  M™^  la  princesse  de  Conty  fit  bâtir  en  même 
temps. 

Du  dimanche  20,  Yersailles,. —  Le  Roi  a  signé  aujour- 
d'hui le  contrat  de, mariage  de  M.  de  Puyguion  avec 
M"®  de  la  Bossière,  dont  le  père  a  été  fermier  général. 
Il  parolt  que  c'est  le  mauvais  état  des  affaires  de  M.  de 
Puyguion  qui  l'a  déterminé  à  ce  mariage.  Cette  fille  a 
trois  frères  qui  '  ne  sont  point  mariés  ou  qui  n'ont  point 
d'enfants.  Malgré  cela  M.  de  Puyguion  dit  qu'elle  a  au 
moins  100,000  écus  qui  ne  peuvent  lui  manquer,  et 
outre  cela  on  lui  donne  dès  à  présent  16,500  livres  de 
rente,  et  l'on  donne  à  M.  de  Puyguion  10,000  écus  pour 
les  frais  de  noces  qu'il  ne  sera  pas  obligé  de  rapporter, 
au  cas  qu'il ,  devienne,  veuf.  C'est  un  second  mariage  ; 
j'ai  marqué  ci-dessus  la  mort  de  sa  première  femme. . 

M.  le  duc  de  Castropignano ,  ambassadeur  du  roi. des 
Deux-Siciles ,  a  eu  aujourd'hui  audience  particulière  du 
Roi  et  de  la  Reine.  M.  de  la  Mina  vouloit  l'amener .  chez  la 
Reine  sans  aucun  cérémonial  ;  mais  la  Reine  ne  Ta  pas 
voulu  ;  elle  s*est  habillée  pour  lui  donner  audienjce. 

On  apprit  hier  que  M.  de  Harl'ay,  intendant  de  Paris, 
étoit  tombé  en  apoplexie. 

;    Du  lundi '21,  Versailles, Hier,. la  Reine  régla, que 

Mesdamesne.se  feroient  plus  porter. dans  leurs  chaises 
jusqu'au,  cabinet  qui  est.'avant  sa' chambre,  comme  .elles 
ont  toujours  fait  jusqu'à  présent  ;  mais  qu'elles  descen- 
droient  de  leurs  chaises  à  la  porte  de  l'antichambre  du 
côté  dudit "cabinet.         '  \  .' , 

Du  mardi  22,  Versailles.  —  J'ai  appris  aujourd'hui  que 
le  Parlement  avoit  enregistré  les  lettres  de  légitimation 


H8  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUÏiNES. 

pi>enneat  les  seigoeurs  dans  leurs  adresses  :■ 
gleterrem'a  paru  reoiarquable.  En  voici  l;i 


inp  acigucui^  uaiia  ii^iuia   oui 

'a  paru  reoiarquable.  En  vo 
TRÈS-GRACIEUX  SOUVEI' 


nous,  ks  très-iiuinbles  et  très-fidèles  sui 
xpirititels  et  temporels  assemhUs  en  pnv 
uous  permettre  de  lui  faire  nos  sincère? 
soD  très-gracieux  discours  émané  du  ti 

Du  samedi  19,   VersailU 
Choisy   après  y  avoir  d' 
S.  M.,    quoique   ce  tiV 
temps  et  du  vendred' 
cependant  point.  E)' 
dernier,  qui  étoit  ■ 
les  jours  maigre' 
fort  contente  d- 
lui-méme  sa 
culier,  et  v." 
leur  toile' 
l'unele  " 
Verri*' 
l'avr 
po. 

•i' 


59.  91 

S.  M.  a  fait  l*^  .  C'est  le  jour  de  Tannée 

de  Coaty.  i  ne  quêteuse ,  parce  qu'il 

peu  par  i»  messe  et  que  les  vêpres  se 

ces  de  cause  du  sermon. 

un  lo  tiui  à  M.  l'évêque  de  Die  (1) 

tiflû*  cet  évêché  en  1734,  il  trouva 

1^  iris  M.  le  curé  de  Saint-Paul, 

hui ,  lequel  contoit  à  M.  l'Ar- 
li  appelé  il  n'y  a  voit  pas  long- 
mort  d'une  vieille  femttie  ;  'tju'é- 
jtte  vieille  femme  lui  a  voit  dit 
ion  de  Lorme,  qu'elle  avoit   été 
iaint-Mars  et  de  M.  le  caï'dinal  de 
ivoit  été  sans  être  mariée  jusqu'à 
-huit  ans  ;  qu'ayant  trouvé  à  cet  âge 
it  du  bien  et  qui  étoit  devenu  amoa- 
'avoit  époUsé  ;  qu'elle  avoit  vécu  avec 
.ûte  ans  ;  qu'il  y  avoit  grand  nombre 
toit  mort  (  M.  l'évêque  de  Die  m'a  dit 
cela  parolt  difficile  à  croire  )  et  qu'elle 
uis  ce  temps-là  du  bieU  que  son  mari  lui 
ette  Marion  de  Lorme  racontoit  à  M.  le  curé 
i,  à  ce  que  m'a  dit  M.  l'évêque  de  Die,  que 
3s  que  le  cardiual  de  Richelieu  avoit  de  Ta- 
;  l'attachement  pour  elle ,  elle  avoit  pris  de 
u  gt)fit  pour  un  envoyé  de  Suéde  qui  étoit  fort 
que  dans  ce  temps-là  le  cardinal  de  Richelieu  lui 
ioursesélrennesdefort  belles  mules  sur  lesquelles, 
l'usage  du  temps,  il  y  aVoit  Un  nœud  dfe  ruban 
lilîeu  de  chaque  nœud  un  gros  diamant;  que  Ten- 
de Suède  arriva  chez  elle  daus  le  temps  que  ces 
js  étoient  sur   sa  toilette;  qu'ayant  jugé  d'où  pou - 
venir  ce  présent ,  il  lui  avoit  demandé  en  grâce  de 
prêter  pour  vingt-quatre  heures  uu  de  ces  nœuds  de 


(0  Daniel-Joseph  de  Cosnac. 


90  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYINËS. 

delà  fille  bâtarde  de  M.  le  Duc,  dont  j'ai  parlé  ci-dessus  ; 
elle  s'appelle  M"®  de  Verneuil. 

Du2S.  —  Hier  après  la  chasse,  le  Roi  soupa  dans  ses 
cabinets;  il  n'y  eut  point  de  dames,  quoique  ce  fût  un 
jour  gras.  Le  Roi  vouloit  se  coucher  de  bonne  heure  pour 
courre  aujourd'hui;  il  joua  après  soupei»  seulement 
une  partie  de  reversi.  Il  soupe  encore  aujourd'hui  dans 
ses  cabinets;  il  y  a  de  dames  ce  soir:  Mademoiselle, 
M"^  de  Mailly,  M""*^  de  Vintimille,  M"»«  la  maréchale 
d'Estrées ,  M"»*  de  Ghalais  et  M"»'  de  Talleyrand. 
y  L'on  peint  actuellement  M"''  de  Mailly  en  pastel  ;  c'est 
t/  un  nommé  la  Tour.  M"'  de  Mailly  disoit  ce  matin  que 
c'est'le  seizième  peintre  qui  a  fait  son  portrait. 

J'ai  appris  aujourd'hui  la  mort  de  M.  de  Brossoré  ; 
il  étoit  maître  des  requêtes  et  avoit  été  secrétaire  des 
commandements  de  la  Reine.  Il  étoit  en  grande  répu- 
tation potïr  aibier  la  bonne  chère  et  avoir  le  meilleur 
cuisinier  de  Paris. 

Il  paroit  certain  que  le  Roi  ira  dimanche  à  la  Heuttô 
pour  jusqu'à  mardi  ou  mercredi;  il  n'y  aura  de  voyage 
à  Marly  que  le  6  février  :  deux  voyages  de  Choisy  dans 
le  mois  de  janvier,  et  un ,  à  ce  que  l'on  dit ,  dans  les 
jours  gras. 

Il  paroit  que  Ton  n'est  pas  content  ici  de  TEspagne , 
du  moins  à  l'égard  de  plusieurs  sommes  considérables 
qu'elle  doit  à  la  France  ;  cela  va  à  quatre-vingts  millions  ; 
cela  est  certain,  et  il  n'est  pas  question  jusqu'à  présent 
d'entrer  en  payement. 

Du  jeudi  24,  Versailles,  —  Il  y  a  eu  aujourd'hui  des 
premières  vêpres;  c'est  M.  l'abbé  de  Cosnac,  évéque  dfe 
Die ,  qui  a  officié.  Le  Roi  et  la  Reine  étoient  en  bas  avec 
très-peu  de  courtisans.  Le  Roi  est  retourné  chez  lui  après 
les  vêpres,  et  la  Reine  est  remontée  dans  sa  tribune;  il 
y  a  eu  salut ,  à  cause  que  c'est  jeudi ,  et  le  Roi  qui  n'y 
va  point  ordinairement  le  jeudi  est  revenu  rentendi*c. 

La  Reine  a  nommé  ce  soir  la  quêteuse  ;  c'est  M™*^  de 


DECEMBRE  1759.  9t 

Vintimiile  qui  quêtera  demain.  C'est  le  jour  de  Tannée 
le  moins  embarrassant  pour  une  quêteuse ,  parce  qu'il 
y  a  peu  de  monde  à  la  grande  messe  et  que  les  vêpres  se 
disent  à  Tentrée  de  la  nuit^  à  cause  du  sermon. 

J'ai  entendu  dire  aujourd'hui  à  M.  l'évêque  de  Die  (1) 
que ,  lorsqu'il  fut  nommé  à  cet  évêché  en  1734,  il  trouva 
chez  M.  l'archevêque  de  Paris  M.  le  curé  de  Saint-Paul, 
qui  est  le  mêttie  d'aujouf  d'hui ,  lequel  contoit  à  M.  l'Ar- 
chevêque qu'il  avoit  été  appelé  il  n'y  avoit  pas  long- 
temps pour  assister  à  la  mort  d'une  vieille  femttie  ;  qu'é- 
tant allé  chez  elle,  cette  vieille  femme  lui  avoit  dit 
q\i'elle  s'appeloit  Marion  de  Lorme,  qu'elle  avoit  été 
maltresse  de  M.  de  Saint-Mars  et  de  M.  le  cardinal  de 
Richelieu;  qu'elle  avoit  été  sans  être  mariée  jusqu'à 
trente-sept  ou  trente-huit  ans  ;  qu'ayant  trouvé  à  cet  âge 
un  homme  qui  avoit  du  bien  et  qui  étoit  devenu  amou- 
reux d'elle ,  elle  l' avoit  épousé  ;  qu'elle  avoit  vécu  avec 
lui  environ  quarante  ans;  qu'il  y  àvoit  grand  nombre 
d'années  qu'il  étolt  mort  (  M.  l'évêque  de  Die  m'a  dit 
quarante  ans ,  cela  parolt  difficile  à  croire  )  et  qu'elle 
avoit  vécu  depuis  ce  temps-là  du  bieii  que  son  mari  lui 
avoit  laissé.  Cette  Marion  de  Lorme  racontoit  à  M.  le  curé 
de  Saint-Paul,  à  ce  que  m'a  dit  M.  Tévéque  de  Die,  que 
^  dans  le  temps  que  le  cardinal  de  Richelieu  avoit  de  l'a- 
mitié et  de  l'attachement  pour  elle ,  elle  avoit  pris  de 
son  côté  du  g'oût  pour  un  envoyé  de  Suède  qui  étoit  fort 
bien  fait;  que  dans  ce  temps-là  le  cardinal  de  Richelieu  lui 
envoya  poursesétrennesdefort  belles  mulessur  lesquelles, 
suivant  l'usage  du  temps,  il  y  aVoit  un  nœud  de  ruban 
et  au  milieu  de  chaque  nœud  un  gros  diamant;  que  l'en- 
voyé de  Suède  arriva  chez  elle  dAhs  le  temps  que  ces 
mules  étoient  sur  sa  toilette;  qu'Ayant  jugé  d'où  pou - 
voit  venir  ce  présent ,  il  lui  avoit  demandé  en  grâce  de 
lui  prêter  pour  vingt-quatre  heures  un  de  ces  nœuds  de 


(1)  Daniel- Joseph  de  Cosnac. 


I 


92  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

ruban  ;  et  que  Payant  mis  à  son  chapeau  il .  avoit  été 
rendre  visite  au  cardinal  de  Richelieu ,  lequel  irrité,  d'un 
tel  procédé,  n'avoil  songé  qu'à,  faire  rappeler  cet  envoyé 
au  plustùt;  mais  que  les  différentes  plaintes  qu!il  en. avoit 
faites  à  la  cour  de  Suède  n'ayant  pas  eu  l'effet  qu'il  sou- 
haitoit ,  avoit  pris  le  parti .  d'envoyer .  à  cette  cour,  un 
homme  capable  d'y  déplaire  promplement  au;  Roi:et  à 
ses  ministres  ;  il  avoit  choisi  pour  cela  Thomme,  de  ce 
pays-ci  le  moins  susceptible  de  ces  sortes  de  commissions^ 
et  que  sur  le  prétexte  de  mécontentement  de  la  cour  de 
Suède,  il  lui  avoit  donné  pour  instruction  secrète. de  ne 
ménager  ni  le  Roi  de  Suède  ni  ses  ministres;  que  Tenvofé 
ayant  suivi  exactement  les  intentions  du  cardinal,  la  cour 
de  Suède  avoit  promptement  demandé  son  rappel  ',  mais 
que  le  cardinal  n'avoit  pas  voulu  l'accorder  à  moins  que 
l'on  ne  fit  le  même  traitement  à  l'envoyé  de  Suède  par 
la  raison  que  je  viens  d'expliquer.  - 

Du  dimanche  2T y  Versailles.  —  La  Reine  nomma  le  24. 
au  soir  M'"*'  de  Vintimille  pour  quêter  le  lendemain.  On 
ne  quête  point  à  la  messe  de  minuit,  parce  que  le  Roi  et 
la  Reine  sont  toujours  en  haut  à  leur  tribune.  ' 

Madame  fut  pour  la  première  fois  de  sa  vie  à  la  messe 
de  minuit;  elle  étoit  sur  le  drap  de  pied.  Le  Roi  et  la 
Reine  vont  toujours  à;  matines  avant  les  trois  messes  et 
restent  à  laudes  après.  Le  Roi,  qui  a  coutume  de  se  mettre 
toujours  à  genoux  au  commencement  de  chaque  messe, 
s'assit  dans  son  fauteuil  à  la  troisième  ;  il  a  avoué  depuis 
qu'il  s'étoit  trouvé  un  peu  mal.  ^ 

Le  Roi  fut  le  matin  du  même  jour  à  la  grande  messe 
en  bas,  suivant  l'usage;  l'après-dinée,  S.  M.  fut  au 
sermon.  C'est  le  jour  du; compliment;  le  sermon  et  le 
compliment  furent  assez  .médiocres  l'un  et  l'autre.  M.  le 
Dauphin  étoit  au  sermon  ;  il  n'y  avoit  point  de  princesses^ 
et  à  droite  de  M.  le  Dauphin  étoit  M.  le  duc  de  Chartres, 
M.  le  prince  de  Dombes  et  M.  le  duc  de  Penthièvre.  Der- 
rière le  Roi  étoient  M.  le  due  d'Harcourt  et  M.  le  duc  de 


.     DÉCEMBRE  1759.  93 

Bouillon  ;  à  la  droite  de  M.  de  Bouillon  et  immédiatement 
derrière  M.  le  Dauphin,  M.  le  duc  de  Ch&tillon ,  à  la 
droite  dùquelétoit  le  chef  de  brigade  qui  est  en  quartier 
chez  M.'  le  Dauphin.  Derrière  la  Reine,  étoient  son  chef 
de  brigade,  M.  de  Nangis  et  M"^  de  Luynes.  Comme  il 
devoity  avoir  des  vêpres  après  le  sermon,  M.  le  duc 
d'Harcourt  avoit  fait  porter  son  carreau ,  et,  ne  sachant 
où  le  mettre  pendant  le  sermon ,  on  Tavoit  mis  à  côté 
de  lui,  non  pas  à  plat ,  mais  debout;  cependant  de  façon 
qu'un  des  coins  du  carreau  étoit  appuyé  contre  le  fauteuil 
du  Roi.  Le  Roi  le  remarqua,  et  dit,  avec  quelque  sorte 
de  vivacité  et  même  de  peine,  à  M.  d'Harcourt  :  «  Otez 
donc  votre  carreau  ;  »  ce  discours  n'a  pas  été  remarqué , 
je  le  tiens  de  W^  de  Luynes,  qui  étoit  présente. 

Hier  26,  jour  de  Saint-Étienne ,  le  Roi  alla  à  la  messe  à 
la  tribune  ;  Tordre  étoit  donné  pour  aller  courre  le  cerf 
après  la  messe  dans  les  bois  de  Fausse-Repose  aux  environs 
d'ici.  M.  le  cardinal  d'Auvergne  étoit  à  la  messe  du  Roi 
dans  la  tribune  (M.  le  cardinal  de  Rohan  n'est  point 
encore;  revenu  de  Saverne);  un  moment  après  l'offer- 
toire, dans  le  temps  que  le  prêtre  lavoit  ses  mains,  le  Roi 
commença  à  se  trouver  mal.  On  a  cru  depuis  que  c'étoit 
un  besoin  d'aller  à  la  garde-robe  qu'il  avoit  retenu  ou 
qui  l'avoit  pressé ,  mais  ni  l'un  ni  l'autre  ne  sont  vrais  ; 
ce  fut  une  espèce  de  vapeur  qui  lui  porta  à  la  tète  ;  il 
eut  peur  de  se  trouver  mal  (  ce  sont  les  termes  de  la 
Peyronie)  ;  il  demanda  assez  promptement  son  chapeau 
au  cardinal  d'Auvergne,  qui,  ne  pouvant  juger  par  quelle 
raison,  croyoit  même  avoir  mal  entendu;  dans  ce 
moment,  le  prêtre  s'étant  retourné  pour  V Orale  fraires , 
le  cardinal  d'Auvergne  lui  fit  signe  de  suspendre  la 
messe ,  la  musique  avoit  déjà  cessé.  Le  Roi  étant  sorti  de 
la  chapelle  brusquement,  alla  chez  lui  et  se  mit  sur  sa 
chaise,  mais  sans  aucun  succès  ;  on  lui  proposa  de  prendre 
un  remède  et  il  ne  le  voulut  pas.  Le  cardinal  d'Auvergne, 
qui  avoit  suivi  le  Roi  jusqu'à  sa  garde-robe,  lui  fit  de- 


94  MÉMOIRES  BU  DUC  DE  LUYNES. 

mander  si  Van  continueroit  la  messe ,  et  le  Roi  lui  fit 
dire  qu'il  falloit  la  continuer.  Le  cardinal  d'Auvergne 
revint  à  la  chapelle ,  et  trouva  la  messe  à  l'élévation  ; 
il  donna  ordre  aussitôt  qu'il  y  eût  un  autre  chapelain 
tout  prêt  en  cas  que  le  Roi  voulût  entendre  la  messe  à  la 
chapelle,  et  qu'en  cas  que  S.  M.  l'entendit  dans  sa 
chambre  y  que  l'autel  portatif  fût  aussi  en  état.  Le  pre- 
mier mouvement  de  H.  le  cardinal  d'Auvergne  fut  d'être 
fort  mécontent  de  ce  que  le  chapelain  avoit  continué 
sans  attendre  son  ordre  ;  }e  le  vis  dans  ce  premier  mo- 
ment où  il  soutenoit  qu'il  n'avoit  fait  que  ce  qu'il  avoit 
dû  faire;  il  avoit  pourtant  trouvé  grand  nombre^  pour 
ne  pas  dire  tous ,  d'avis  différent  du  sien.  Le  soir,  il  me 
parut  avoir  changé  de  sentiment;  il  convenoit  du  prin- 
cipe général  qui  est  que  dans  des  occasions  essentielles 
et  indispensables,  on  peut  suspendre  la  messe  lorsque  le 
canon  n'est  point  commencé;  il  n'est  pas  douteux  que 
l'application  ne  fut  pas  faite  exactement.  Le  Roi  avoit 
encore  d  autres  chapelains  ;  d'ailleurs  la  Reine  n'avoit 
point  encore  entendu  la  messe ,  et  outre  cela  il  y  avoit 
encore  des  messes  à  dire  à  la  chapelle.  Ainsi ,  supposant 
même  que  les  privilèges  que  peut  avoir  la  personne  du 
Roi  eussent  justement  autorisé  à  faire  suspendre  la 
messe ,  ce  ne  pouvoit  être  que  pour  le  temps  que  le  Roi 
restoit  à  la  chapelle ,  et  dans  le  moment  que  le  Roi 
sortoit  y  il  falloit  faire  continuer  la  messe.  La  nouvelle 
de  ce  qui  étoit  arrivé  au  Roi  fit  une  grande  rumeur  dans 
le  moment;  il  avoit  demandé  son  dîner;  la  table  étoit 
dans  sa  chambre;  les  chasseurs  en  uniformes  atten- 
doientune  décision;  ses  carrosses  étoient  dans  la  cour; 
dans  la  chapelle  un  prêtre  prêt  à  dire  la  messe  ^  et  les 
gardes  qui  y  attendoient  aussi.  J'arrivai  dans  ce  moment 
dans  la  chambre  du  Roi ,  et  je  fus  témoin  de  l'ordre 
donné  un  instant  après  aux  chasseurs  de  pai*tir  toujours; 
on  leur  dit  que  peut-être  le  Roi  iroit  à  la  chasse.  On 
jugeoit  bien  que  le  dîner  seroit  renvoyé  ,  et  il  le  fut  en 


DÉCEMBRE  1739.  95 

effet;  mais  on  ne  pou  voit  imaginer  que  le  Roi  partit  pour 
la  chasse  sans  retourner  à  la  messe;  cependant  je  n'eus 
que  le  temps  d'aller  de  chez  le  Roi  à  la  chapelle  et  d'y 
entendre  la  messe;  et  aussitôt  après ^  j'appris  que  le  Roi 
étoit  parti  dans  sa  calèche  seul  avec  M.  d'Harcourt.  M.  le 
Dauphin  fut  aussi  à  cheval  à  cette  chasse  ;  elle  ne  fut 
pas  rude  ;  le  Roi  y  courut  à  peu  près  comme  à  son  ordi- 
naire ,  mais  il  ne  prit  qu'un  cerf.  On  doutoit  fort  si  le 
projet  de  souper  dans  ses  cabinets  subsisteroit  y  mais  il 
voulut  absolument  y  souper;  il  mangea  peu;  il  n'y 
avoit  que  cinq  dames  ^  trois  des  quatre  sœurs  parce  que 
M"«  de  Clermont  est  à  Caiantilly,  et  M»«  de  Chalais  et  de 
Montmorin. 

La  nuit  n'a  pas  été  trop  bonne;  le  Roi  n'a  dormi 
que  trois  heures.  Les  médecins  auroient  fort  désiré  qu'il 
n'allât  pas  aujourd'hui  à  laMeutte,  mais  son  arrangement 
étoit  fait.  Seulement,  il  s'est  levé  tard  ;  il  a  été  entendre 
la  messe  à  la  chapelle^  et  a  pris  le  parti  de  ne  point  aller 
ausalut,  dans  la  crainte  apparemment  de  s'y  trouver  mal. 
On  a  été  un  peu  étonné  du  voyage  de  la  Meutte,  parce 
que  M"**  de  Mailly  est  de  semaine  ;  et  je  crois  qu'elle  au- 
roit  fort  désiré  que  le  Roi  ne  sortltpoint  d'ici,  puisqu'elle 
ne  peut  en  sortir  dle-même. 

Il  y  avoit  eu  déjà  quelques  petites  difficultés  à  l'occa- 
sion du  dernier  voyage  deChdisy.  Le  Roi  avoit  dessein  d'y 
aller  plus  tôt,  et  dans  la  semaine  même  de  M"*®  de  Mailly, 
mais  de  n'y  point  mener  de  femmes,  d'y  aller  seulement 
pour  donner  des  ordres  dans  sa  maison  et  son  jardin  et 
pour  faire  planter.  M"*''  de  Mailly  dit  que  si  le  Roi  ne  vou- 
loit  pas  la  mener,  elle  demanderoit  permission  à  la  Reine 
et  y  arriveroit  tout  d'un  coup;  cela  fit  retarder  le  voyage. 
Voilà  ce  que  j'appris  hier  au  soir;  apparemment  que  les 
mêmes  moyens  n'ont  pu  réussir  pour  ce  voyage-ci;  mais 

le  Roi  revient  aprè»-demain. 

J'oubliois  de  marquer  que  M"™^  la  comtesse  de  Toulouse, 

qui  étoit  allée  au  Chenil  pour  jusqu'aujourd'hui,  revint 


96  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

hier  au  soir  au  château^  apparemment  à  Foccasion  de  Tin-  • 
commodité  du  Roi,  et  le  Roi  descendit  chez  elle  ;  mais  ce 
ne  fut  qu'une  visite.       ... 

Je  vis  avant-hier  M.  du  Chàtelet,  major  de  la  gendar- 
merie^ qui  arrive  de  Chàlons  en  Champagne  ;  il  me  parla 
beaucoup  d'une  fille  sauvage  qui  fut  prise  dans  une  foret 
auprès  de  Châ.lons  vers  la  fin.de  1735;  elle  est: dans  un 
couvent  dans  la  ville  de  Chàlons,  où  M.  le  duc  d'Orléans 
paye  sa  pension.  M.  dnChàtelet  fut  environ  quatre  heures 
avec  elle.  M"*  l'Intendante  y  étoit  et  une  religieuse  ;  cette 
fille  est  brune,  les  yeux  vifs,  le  visage  rond,  petite,  en 
tout  sa  figure  n'est  point  désagréable  ;  elle  commence  à 
parler  assez  bien,  cependant  paroissant  occupée  à  cher- 
cher les  termes  dont  il  faut  qu'elle  se  serve  et  ignorant  les 
noms  de  beaucoup  de  choses.  Elle  est  d'une  si  grande  vi- 
vacité qu'elle  ne  parle  que  debout  ou  en  marchant,  et 
pendant  la  conversation  sautant  de  temps  en  temps  sur 
une  table  et  ayant  toujours  les  pieds  ou  les  mains  en  mou- 
vement. Elle  paroit  avoir  environ  vingt-trois  ans.  Elle 
dit  que  l'idée  la  plus  ancienne  qui  lui  reste  c'est  de  s'être 
trouvée  avec  une  compagne  qu'elle  avoit  dans  une  maison^ 
elle  ne  sait  où  ni  en  quel  temps;  que  dans  cette  maison 
il  y  avoit  une  dame  qui  leur  paroissoit  la  maltresse 
de  la  maison,  qui  lui  parut  grande  et  qui  avoit  une  es- 
pèce de  coiffure  ou  linge  blanc  sur  la  tète  assez  long  ; 
qu'on  voulut  lui  apprendre  dans  cette  maison  àtravailler 
et  qu'on  la  battoit  quand  elle  faisoit  mal  ;  elle  se  souvient 
encore  qu'après  cela,  elle  se  trouva  dans  une  grande 
maison  de  bois  (  ce  sont  ses  termes)  ne  voyant  que  le  ciel 
et  l'eau  ;  elle  ne  peut  dire  combien  elle  y  fut  de  temps, 
mais  elle  ajoute  qu'après  un  long  espace  s'étant  trouvée 
à  terre  et  ayant  jugé  par  des  signes,  elle  et  sa  compagne, 
qu'on  vouloit  encore  les  battre,  elles  s'étoient  enfuies  de 
toute  leur  vitesse  et  avoient  gagné  le  premier  bois  qu'elles 
avoient  trouvé  ;  que  depuis  ce  temps  elles  avoient  toujours 
vécu  dans  les  bois  où  elles  n'avoient  cherché  que  de  quoi 


J 


DECEMBRE  1759.  ^     97 

manger  pendant  le  jour  et  à  se  reposer  pendant  la  nuit^ 
se  nourrissant  de  lièvres  qu'elles  attrapoient  à  la  course, 
de  lapins  qu'elles  prenoient y  assez  souvent  decolimaçonset 
autres  petits  animaux,  et  d'herbes  pendant  Thiver  ;  c'étoit 
même  le  temps  où  elles  se  portoient  mieux,  à  ce  qu'elle  dit. 
Lorsqu'elles  aperce  voient  ou  des  hommes  ou  des  animaux 
redoutables  par  leur  taille,  elles  montoientsur  des  arbres 
avec  une  vitesse  et  une  adresse  inconcevables;  c'étoitsur  les 
arbres  aussiqu'ellescouchoient,  et  elle  prétend  encore  que 
cette  faconde  dormir  est  incomparablement  plus  agréable 
que  de  dormir  dans  un  lit,  et  qu'en  tout  cette  manière 
dévie  a  bien  des  charmes,  parce  qu'onyjouitdelaliberté; 
et  il  ne  parolt  pas  qu'elle  soit  embarrassée,  ni  affligée  à 
reprendre  la  même  vie.  Elleavoua  àH.  duChàtelet  qu'elle 
avoit  effectivement  mangé  de  petits  enfants,  c'est-à-dire, 
que,  les  trouvant  écartés  auprès  des  maisons,  elle  les  pre- 
noit^  leur  suçoit  une  veine  auprès  du  col  pour  se  nourrir  ; 
elle  dit  qu'elle  ne  savoit  pas  seulements'ils  enmouroient, 
mais  qu'elle  ne  croyoit  pas  leur  faire  du  mal.  D'ailleurs 
nulle  idée  de  religion,  pas  même  d'un  Ëtre-Suprème;  le 
tonnerre,  les  éclairs  ne  lui  fournissoient  point  cette  idée  ; 
elle  dit  qu'elle  n'avoit  pas  un  moment  à  elle;  cherchera 
manger,  à  se  cacher,  à  se  reposer,  les  occupoient  entière- 
ment. Sa  compagne  et  elle  s'entendoient  par  des  signes  ou 
par  des  espèces  de  cris^  mais  pas  assez  pour  faire  aucune 
conversation,  seulement  pour  se  proposer  d'aller  en  tel  et 
tel  endroit.  QuelquesgensdeChàlons  mal  instruits  préten- 
dent qu'elle  a  sucé  sa  compagne,  comme  le  enfants  dont 
je  viens  de  parler.  Cette  accusation  ne  parolt  pas  fondée, 
d'autant  plus  que,  quand  on  la  prit,  elles  étoient  encore 
deux.  Des  paysans  les  virent  dans  la  plaine  et  essayèrent 
de  lesjoindre  àla  course.  Dans  la  crainte  d'être  prises,  elles 
montèrent  promptement  sur  des  arbres,  d'où  à  coups  de 
pierres  on  les  obligea  à  descendre;  il  y  en  eut  une  qui  se 
sauva,  dont  on  n'a  jamais  eu  nouvelles  depuis.  Celle-ci 
fut  amenée  à  H.  de  Beaupré,  intendant  de  Champagne; 
T.  m.  7 


m  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

• 

eUe  n'avoit  auoun  lui^ge>  settlement  dm  caris  qui  dési- 
gooient  œ  qui  loi  faitoil  peine  ou  plaimr  ;  elle  a  été  deux 
ou  trois  attBsanspottvoir  manger  autre  nourriture  que  de 
la  viande  erudi  et  elle  trouve  sa  santé  dérangée  depuis 
qu'elle  a  quitté  cette  façon  de  vivre.  Elle  a  conservé  en- 
core une  adresse  à  aûoommodcr  avec  ses  doigts  un  lapin 
tout  crU|  et  à  n^en  prendre  que  oe  qui  ebt  bon  à  manger. 
Klle  court  avec  une  vitesse  extra<mlinaire;  etelle  montesnr 
le  haut  des  arbres  tout  le  plus  souvent  qu'elle  peut. 

JDtiffiardj  29,  Fsrsai7(es.  —  M.  de  Harlay  mourut  hier 
à  onse  heures  du  matin  ;  il  étoit  intendant  de  Paris  et 
conseiller  d'État;  il  a  voit  plusieurs  bureaux,  et  jouissoit 
d'environ  80,000  livres  de  rente  de  bienfaits  du  Roi. 
U  a  longtemps  porté  le  nom  de  Cély  ;  et,  comme  il  a  été 
longtemps  jeune»  il  est  peut-^tre  autant  connu  sous  oe 
nom  que  sous  oéLm  de  Harlay. 

L'intendance  de  Paris  est  donnée  à  M..  Hérault,  qui  étoit 
lieutenant  de  police. 

Les  dames  de  Madrid  et  par  conséquent  de  la  Meutte 
sont  :  Mademoiselle,  H'"^'de  Yintimille,  d'Anlin,  de  Saint- 
Germain,  de  Talleyrand  et  la  maréchale  d'Estrées.  Hier, 
la  Reine,  après  avoir  joué  à  cavagnole  descendit  à  sept 
heures  chez  M.  le  Dauphin,  où  il  y  avoit  bal  ;  c'est  le  pre- 
mier de  cet  hiver.  M""^  de  Mailly ,  qui  avoit  joué  à  caVa- 
gnole^  dès  que  la  Reine  fut  descendue  en  bas,  monta  dans 
une  chaise  de  poste  du  Roi,  qui  l'attendoit  avec  un  re- 
lais, et  alla  souper  à  la  Meutte,  où  le  Roi  fut  fort  gai.  S.  M. 
soupa  à  une  petite  table  avec  Mademoiselle,  M**^ de  Mailly 
et  de  Yintimille,  M.  le  comte  de  Clermoût  et  quelques  cour- 
tisans. Lesquatre  autres  dames  soupèrent  à  la  grande  table. 

On  servit  au  Roi  les  étrennes  qu'on  lui  a  données,  qui 
sont  deust  beaux  pots  à  cille  avec  leurs  plats  et  leurs 
couvercles,  et  une  terrine  de  même,  le  tout  de  Saxe, 
fort  beaux  et  singuliers  (1).  Personne  ne  sait  de  qui 

*  Il  ■11—^——^—^»^.—  I  III  ^ ^É  I  !■      ■  I  1  ■ 

(1)  Les  pois  à  oille  avaient  la  forme  àe  soupières  d'une  certaine  capacité 


DÉCEMBRE  1789.  99 

vient  ce  présent;  mais  je  sais  que  c'est  de  M"*  de  Mailly. 

Du  jeudi  31,  Versailles.  —  Avant-hier,  M.  Tabbé  du 
Bellay ,  évéque  de  Fréjus,  prêta  serment;  ce  qui  fit  que 
le  Roi  entendit  la  messe  en  haut  dans  la  chapelle  de  la 
Vierge.  Ce  serment  coûte  500  livres  ;  cela  se  partage  entre 
les  gardes  de  la  manche,  les  chapelains  et  la  musjque  ; 
Fenregistrement  se  fait  à  la  chambre  des  comptas  et 
coûte  1,200  livres. 

Hier^  M.  le  duc  de  Gramont  demanda  Tagrément  du  Roi 
pour  le  mariage  de  sa  seconde  et  dernière  fille ,  M"*  de 
Guiche ,  avec  M.  le  comte  de  Brionne,  fils  de  M.  le  prince 
de  Lambesc.  On  donne  à  M"'  de  Guiche  15,000  livres  de 
rente ,  comme  à  sa  sœur  M*"^  de  Lesparre ,  et  on  donne  à 
M.  de  Brionne  20,000  livres  de  rente  ;  il  a  quatorze  ans, 
et  H"^  de  Guiche  quelques  mois  de  plus.  H.  de  Gramont 
les  prend  chez  lui  ;  ils  y  seront  logés  et  nourris. 

J'ai  appris  hier  que  M.  de  Harville,  gendre  de  H.  Hérault, 
étoit  nommé  lieutenant  de  police. 


dans  lesquels  on  servait  une  sorte  de  macédoine  de  viandes  et  de  légumes 
divers,  assaisonnée  d'aromates  et  d'épices  et  analogue  à  VoUa^podrida  des 
Espagnols. 


7. 


* 


* 


■sr 


ANNÉE  4740. 


JANVIEfll, 

^^cepyon  de  M.  df)  la  Mina.  —  ikRines  de  jetons  (irésentéeft  tous  lea  ans  au 
Roi  et  à  la  famille  royale.  •—  Messe  des  inorts  de  l'ordre  da  Saint-Esprit. 
^-  ReTenns  de  la  famille  de  Gramont.  —  Étrennes  do  Roi  à  M"*^  de  Vinti- 
mille.  —  Voyages  de  Choisy.  —  Révérences  de  MM.  de  Fénelon  et  de  Bran- 
cas  à.  la  Reine.  —  Le  marquis  du  Guesclin  nommé  gentilhomme  ,de  la 

.     chambre  du  duc  d'Orléans.  —  Mariage  de  M.  d'Agénois  aVec  M"«  de  Plélo. 

—  Mariage  de  M"""  de  Guise  avec  M.  de  Brionne.  —  Retraite  de  Tabbé  de 
Brogtie.  —  MM.  de  Beringhen;  leur  charge  de  premier  écuyer.  —  S«)iipers. 
chez  la  comtesse  de  Toulouse.  —  Miliceade  Bretagne.  —  Mot  du  Da^f^in.^ 

—  Soupers  de  la  Reine.  —  GouTemeroent  de  Maubeuge  donné  au  chevalier 
«le  Givry.  —  Mort  de  Clairambanlt.  —  Promenades  en  traîneaux.  —  Rappel 
^e  M.  de  la  Mina.  —  Audience  de  M****  de  Gastropignano.  —  Mort  du  prince 
^  la  Tordla.  ^  Maladie  de^  M«  le  Duc  —  M.  de  Fénelon  reçu  conseiller 
rt'État  d*épée.  —  Apostrophe  du  cardinal  de  Fleury  à  M.  de  Bissy.  —  Moil 
oe  M.  le  Duc.  —  Le  duc  de  Penthièvre  reçu  chevalier  de  la  Toison  d*oi'. 

fî'i»    •  ^^^dredi  1,  Versailles.  —  Il  n'y  a  point  eu  aujour- 

^^  de  nouveaux  chevaliers  nommés  ;  M.  de  la  Mina  a  été 

^ue  I'      ^  «eux  chevaliers  qui  Faccompagnoient  (c'est  ce 

M.  ^    ^^  appelle  les  parrains]  étoient  M.  de  Goesbriant  et 

P^aae  /    ^^^^  ^-  ^®  1*  Mina,  après  avoir  été  reçu,  a  pris  sa 

-Ca  jJ^ ^^M^ràier  de  tous. 

®  ^^f .  ^^^o    «t^oit  hier  oublié  de  nommer  une  quêteuse; 

^^^^^  ^,  à  sa.  toilette,  elle  a  proposé  à  M»*  de  Rottem- 

l^  ^^e    •      g"c:a^ter;  mais  M"**  de    Rottembourg,  n'ayant 

ij     ^^j^'^^fjjstMS^     vu  de  quête,  S.  M.  a  accepté  ses  excuses. 

f^Q^^^  ^  «77o>i"fc  À  la  chapelle  sans  qu'il  y  eût  de  quêteuse 

a*^4  ^e^^3  coM:arM]^iBiTii  nommer  la  première  dame  qui  se 

^^ih^^t^^^   i^«^*>illée.  Effectivement    MT''  de  Chàtillon, 

t^f^9  i  ^Uv^^^     A.  la  travée  la  plus  près  de  la  tribune  de  la 

•  JJ^^  HoM  Mim,  ^3  Jui  a  mandé  de  quêter. 

^'  OM^»  "fc     <3il  né  au  grand  couvert;  il  y  a  eu  musique 


ce 


tOî  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

des  vingt-quatre  violons  pendant  le  dîner.  Le  Roi  a  été  à 

vêpres  cette  aprè9-4tllé9  9'^^  \^  Reîne. 

Du  dimanche  3,  Tenailles.  —  On  apporte  tous  les  ans 
au  Roi  du  trésor  royal  nn»  tuMirse  d'or  et  deux  bourses 
d'argent;  c'est  le  garde  du  trésor  royal  en  exercice 
qui  les  présente  à  S.  il.  |  il  en  présente  autant  à  la 
Reine ,  à  M.  le  Dauphin  et  à  M.  le  Cardinal  y  comme 
premier  minifitre;  il  B'y  a  qM  les  «nfuits  de  Fmnee 
auxquelii  on  présente  des  bourse^  d'or.  Lies  bourses 
soBt  da  ismi  j^to»»  «  et  les  jetons  valent  un  peu  plus 
d'un  louis  4  de  sorte  cpe  chaque  bourse  vaut  environ 
1,000  écus.  Le  Roi,  outre  cette  bourse  4*or,  en  reçoit  en- 
core deux  tous  te9  aos  :  Tu^q  des  parties  oasu^es  et 
Tautre  de  PextraoïdiBaire  des  guerres. 

Le  garde  du  trésor  royal  porte  des  bourses  d'argent, 
BOB-seolement  4  tous  les  priuqes  du  sang ,  maia  eucore 
à  tous  les  grands  officiers  de  la  maison.  Lorsque  M.  le 
Daupbiu  fut  mis  entre  les  mains  des  hommes,  il  n^  ^^^^^ 
que  le  gouverneur  à  qui  il  fut  d'usage  de  porter  une 
bourse  d'argent  du  trésor  royal,  M.  Gaudion ,  de  qui  je 
liens  ce  détail ,  demanda  que  Ton  en  mit  dans  Tétat  une 
pour  le  précepteur,  une  pour  chacun  des  sous-gouver- 
oeurs,  une  pour  le  sous-précepteur  et  une  pour  le  lecteur; 
ce  qui  s'est  toujours  fait  depuis.  Tous  les  gardes  du  trésor 
royal  ont  chacun  deux  bourses  d'argent  de  droit  ;  et 
celui  qui  est  en  exercice  «  dans  son  année,  a  quatorze 
bourses  d'argent  en  tout. 

Hier  il  y  eut  à  l'ordinaire  la  messe  poup  les  quorts  dç 
l'Ordre.  C'est  un  usage  établi  depuis  1733.  M.  Fabbédc 
Pomponne  me  dit  hier  que  c'est  sur  les  représentations 
qu'il  avoit  faites,  que  dans  toutes  les  confréries  il  y  avoit 
un  servie^  pour  les  morts,  et  quHl  étoit  indécent  que 
dans  l'ordre  du  Saiut-Esprit  il  n'y  en  eût  point. 

On  attend  l'agrément  de  H.  duc  de  Lorraine  pour  fairQ 
signer  le  contrat  de  mariage  de  M"*  de  Guiche  avec  JI.  le 
comte  de  Brionne.  H.  le  comte  de  Gramont  me  dit  hier 


-  V  ^  •"  ^   "-      *■      c        ' 


JANVIER  1740. 


109 


que  M""*  de  Lesparre  et  M^^  de  Guiohe  avoient  à  elles  deux 
1^393^000  livresdebien  substitué,  etque  H.  son  frère  avait 
eneore  outre  œla  dei  biens  libres  y  et  qu'il  doit  épargner 
eni/4ron  SO^QOOliTrospar  an  aur  son  revenu.  Il  m^ajoutaqna 
M.  le  duo  de  Gramont  joaiitoit  autre  autrea  bifina  de  tioîtj 
artieles  qui  fpnt  ehaoun  un  oh^t  aonsidérable  :  ia  r^ 
giinent  dai  gardes  qnî  monte  aux  anvirona  de  68,000 
livres ,  la  coutume  de  Bayonne  qui  an  vftut  80  et  le  goun 
vernement  de  Béarn  qui  en  vaut  9%,0(yO. 

Le  Roi  Revoit  aller  hier  alléchasse;  la  galte  l'eu  aysni 
empêché ,  il  ne  soupa  pas  moins  dana  les  cabinets,  lisi 
dames  étoient  :  las  quatre  sœurs ,  M*"^  la  4cniMràQhale  d'Rsh 
Irées  et  H**'  d'Antin.  Oe  sont  les  mèmas  qui  vont  demaiu. 
à  Ohoisy .  S.  M.  vi|  demain  oourre  le  cerf  4  Saiut-6erm^iu> 
où  il  doit  Élira  ohasser  ses  dew  meuttes  pour  le  cerf  pu 
même  temps  ;  de  là  il  va  à  Ghoisy  d'où  il  reviendra  ioi 
jeudi. 

Shi  lundi  ky  WÊrmlles.^^  VP"*  de  Viutimille  nous 
montra  hier  une  boite  d'or  inoruatée  que  le  Roi  lui  f^ 
donnée  pour  ses  étrennes;  oe  fut  le  jewii  v^ilte  du  jour 
de  Tan»  Le  Rm  lui.  fit  beaucoup  de  questious  ;  si  on  ue  lui 
avoit  jamais  donné  d'étneinnes,  si  elle  vouloit  qu'il  lui  eu 
donnât;  après  qucû  ou  se  mit  1^  table,  et  M  Roi  paqdaut 
le  souper  dounaàM.  la  duo  de  ViUeroy  la  tabf^tiàre  qu'il 
remit  sur  le  champ  à  M^^  de  Vintimills.  VM^  mi  1/1  seulo  A 
qui  la  Roi  a  donné  des  étrennes  (1).  Uu^p^roU  pas  mèine 
que  8.  M.  en  ait  donné  i  H"**  de  M^ly  ;  iiependant  il  y  s 
des  bras  de  porcelaine  obes  elle  qu'on  lui  a  donnés;  et 
eUe  ne  dit  point  qui  lui  a  fait  oe  présfsnti 

La  Reine^  apràs  la  musique^  a  joué  aujourd'hui  à  mr 
vagnole  dans  sa  ohambre  ;  il  y  avoit  plusieurs  dames 
non  titrées  ;  H***  de  Masarin  a  demandé  à  la  Reine  pi 


(1)  M(i«  <le  Neftleparatt  être  deveam  ta  maUrMie  de  Louto  XV  dès  le 
fl»  isin  173S,  4TMit  Hm  nuirMS^  a?0p  M,  de  Vmtnnilie. 


•  • 


••• . 


104  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

elle  ne  trouvoit  pas  bon  qu'elles  s'asseoient;  S.  M.  a  dit 
que  oui. 

Du  jeudi  7,  VenaiUes.  —  Dans  le  détail  que  je  marquai 
sur  le  nombre  des  bourses  du  trésor  royal,  j'oubliai  d'a- 
jouter ce  que  me  dit  M.  Gaudion  dans  le  même  temps, 
qui  est  que  le  Roi  n'a  pris  l'année  passée  que  55,000  li- 
vres d'extraordinaire  ;  ce  qu'il  ippenà  pour  sa  cassette^ 
c'est  50,000  livres  par  mois,  M.  le  Dauphin  n'a  toigours 
que  500  livres  par  mois. 

Le  Roi  devoit  revenir  aujourd'hui  de  Ghoisy ,  après  y 
avoir  dîné,  et  M.  le  Cardinal  devoit  revenir  ce  matin 
d'Issy.  Comme  S.  M.  avoit  compté  de  courre  demain  et 
après  demain  et  que  la  gelée  a  dérangé  ce  projet ,  il  a 
remis  son  retour  de  Choisy  à  demain  après  diner.  Il  pa- 
rolt  qu'il  continue  à  s'amuser  fort  dans  cette  maison.  Les 
jours  qu'il  ne  va  point  à  la  chasse ,  il  s'y  promène  or- 
dinairement après  la  messe  dans  son  jardin  et  dans  la 
maison ,  dans  laquelle  il  a  fait  plusieurs  projets  de  bâti- 
ments, dont  une  partie  va  s'exécuter  cette  année.  On 
a  même  suspendu  pour  cela  l'exécution  d'autres  projets , 
soit  à  Fontainebleau  ou  à  Compiègne.  Ensuite  S.  M.  va 
rendre  visite  aux  dames.  Hardi  dernier,  étant  chez 
H""'  d'Antin  et  son  déjeuner  lui  ayant  été  apporté,  il  voulut 
qu'elle  déjeun&t  devant  lui  ;  l'après-dlnée,  il  joua  àl'hom- 
bre  et  au  brelan  et  les  dames  à  cavagnole. 

J'ai  appris  qu'on  avoit  fait  un  arrangement  différent 
à  Choisy  dé  celui  de  la  Meutte.  Comme  il  y  a  des  dames 
à  ces  voyages  et  qu'il  n'y  en  a  point  à  la  Meutte,  il  y  a  une 
table  pour  les  femmes  de  chambre  des  dames,  à  laquelle 
mangent  aussi  les  valets  de  chambre  qui  servent  à  table  ; 
car  le  Roi  a  permis  à  quelques  valets  de  chambre  de  ceux 
qui  ont  l'honneur  de  le  suivre  de  servir  à  table  ;  mais  le 
Roi  nomme  ceux  qui  doivent  servir. 

Du  samedi  9,  Versailles.  —  Hier  la  Reine  joua  à  cava- 
gnole; et,  pendant  qu'elle  étoit  au  jeu,  M.  de  Fénelon,  qui 
arrive  de  Hollande,  et  M.  de  Bmncas,  qui  arrive  de 


*""  z    *r  *  •  •  * 


*  «t 


JANVIER  1740.  105 

Bretagne^  vinrent  faire:  leur  révérence  à  S.  M.  ;  ils 
firent  prier  H"*  de  Luynes  de  demander  permission  à  la 
Reine. 

J'ai  appris  aujourd'hui  que  M.  le  marquis  du  Guesclin 
avoit  été  nommé  premier  gentilhomme  de  la  chambre  de 
H.  le  duc  d'Orléans ,  à  la  place  du  vieux  H.  de  Clermont, 
dont  le  frère  avoit  été  évèque  de  Laon . 

Le  gouvernement  de  Maubeuge  est  vacant  depuis 
quelques  jours  par  la  mort  du  chevalier  de  Damas ,  lieu- 
tenant général  ^  frère  de  H.  de  Ruffey^  sous-gouverneur 
du  Roi. 

H.  de  Haurepas  et  M.  de  Saint-Florentin  sont  venus 
aujourd'hui  avec  M.  d'Aiguillon  demander  l'agrément  du 
Roi  pour  le  mariage  de  M.  d'Agénois  (à  qui  M.  son  père 
cède  son  duché  )  avec  H"""  de  Plélo ,  qui  est  la  seule  qui 
reste  de  feu  M.  de  Plélo^  qui  a  été  ambassadeur  en  Dane- 
marck  et  tué^  comme  il  a  été  dit  en  son  temps^  au  siège  de 
Dantzick. 

Le  Roi  arriva  hier  ici  sur  les  six  heures  ;  il  avoit  dîné 
à  Choisy.  Il  alla  chez  la  Reine  un  moment  après  qu'il  fut 
arrivé;  il  ne  sbupapoint,  et  a  dîné  ce  matin  à  son  petit 
couvert.  Son  projet  étoit  d'aller  tirer;  le  grand  froid  l'en 
a  empêché  ;  il  n'a  point  sorti ,  et  soupa  dans  ses  cabinets 
seulement  avec  des  hommes. 

Du  mercredi  13,  Vereailles,  —  C'est  M'^  la  duchesse  de 
Duras  qui  a  fait  le  mariage  de  M"*^  de  Guise  avec  M.  de 
Brionne;  rien  n'a  été  plus  facile  de  part  et  d'autre. 
M.  de  Brionne  est  entré  dans  le  ré^ment  des  gardes 
françoises  en  qualité  de  gentilhomme  à  drapeau;  il  est 
un  des  vingt-sept  que  le  Roi  vient  de  créer.  Il  y  avoit 
trente-trois  gentilshommes  à  drapeau  ;  comme  ces  places 
étoient  fort  recherchées  et  que  les  autres  emplois  du 
régiment  des  gardes  étoient  souvent  donnés  à  ses  pages, 
sans  qu'ils  fussent  obligés  de  passer  par  le  grade  de 
gentilhomme  à  drapeau ,  comme  d'ailleurs  ces  emplois 
ne  coûtent  rien  au  Roi,  parce  qu'ils  n'ont  aucun  appoin- 


106  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

teineiit ,  M.  de  Gramont  a  jugé  à  propoa  de  demander 
une  augmentation  de  vingt-sept  da  œe  emplois ,  et  ^  pour 
donner  rexemple^  y  a  mis  un  prince  lorrain,  son 
gepdre  futur.  U  a  été  réglé  &  oette  oooi^on  que  nul  ne 
pourroit  obtenir  d'être  offider  dans  les  gardes  qu'il 
n'^ùt  passé  par  le  grade  de  gentilhomme  à  drapeau. 

J'ai  marqué  ci-dessus  le  mariage  de  M.  d'Agénois 
aveu  M"""  de  Plélo,  La  démission  que  fait  M.  d'Aiguillon 
de  son  ducdié  a  été  une  gràœ  trèsnlifiioile  à  obtenir.  Dès 
le  temps  du  mariage  de  M.  de  BeauviUiers ,  ils  de  M.  de 
Saint-Aignan  avec  H"*^  de  Creil  y  le  Roi  vouloit  faife  la 
règle  que  les  démissions  des  duchés  ne  seraient  ptus  per- 
mises, M,  de  Saint^Aignan  représenta  qu'il  seroit  bien 
dur  pour  lui  que  l'instant  qu'il  demandoit  une  grâce  y 
qui  avoit  toujours  été  d^usage  y  fût  celui  où  l'cm  fit  la 
règle  contraire,  et  cela  passa  alors;  mais  dans  la  eiis 
oonstanee  présente^  M.  d'Aiguillon  a  eu  une  peine  extrême 
d'obtenir  ce  qu'il  demandoit. 

La  rotraité  de  M.  l'abbé  de  Broglie  a  failioi*  beaucoup 
de  bruit.  U  y  a  huit  ou  dix  jours  qu'il  partit  tout  d'un 
coup  pour  aller  à  son  abbaye  des  VauiCode*Geraay  ;  il  prit 
la  résolution  de  vmidre  ses  chevaux  ;  il  fit  6tar  les  meubles 
qu^il  avoit  à  Versailles^  et  il  est  actuellement  dans  la  maison 
abbatiale,  allante  l'office  avec  beaucoup  de  régularité. 
On  a  cru  que  cette  retraite  étoit  un  effet  des  conseils  de 
M'^^la  comtesse  de  Toulouse.  Il  me  parut  hier  que  II*  l'abbé 
de  Broglie  n'est  pas  trop  content  des  raisonnements  qu'on 
a  faits  sur  son  départ,  mais  il  est  bien  aise  que  l!ûn  dise 
qu'il  est  allé  passer  un  an  chez  lui  pour  payer  ses  dettes. 

On  parle  depuis  plusieurs  jours  du  dessein  qu'a  M.  le 
le  Premier  de  se  retirer  et  dé  donner  sa  chai^,  avec  W^ 
grément  du  Roi,  à  undeses  neveux;  on  assure  mêmeque 
la  seule  chose  qui  arrête  présentement,  c'est  le  choix  de 
Talné  ou  du  cadet.  H.  lePremiervoudroitqueceffttl'ainé, 
qu'on  appelle  marquis  de . Vassé  ;  lui  et  le  vidame ,  son  frère, 
font  tous  les  deux  leur  cour  au  Roi,  mais  le  vidame  y  es^ 


JANVIER  1740.  107 

plus  souvent.  Mademoiselle  paroU  le  protéger  beaucoup  ; 
M^'  de  Mailly  s'y  iu4ér«Me  aussi.  Cette  uo.uveUecependant 
demande  encore  confirmation;  mais  c^  qui  peut  la  rendre 
vraisemblable,  o'est  que  M.  le  Premier  est  ici  le  moins 
qu'il  peut^  qu'il.aimebeauooup  sa  maison  d'Ivry,  et  qu'il  est 
dans  la  grande  dévotion.  On  ne  peut  parler  de  cette  charge 
sans  86^  sooveniF  par  quel  événement  singulier  elle  est 
tombée  à  M.  }e  Premier.  M.  son  père  Vavoit  eue,  et  après  sa 
mort  son  frère^  lequel  avoit  épousé  une  Beaumanoir»  sœur 
de  M"**  de  Chaulnes.  H.  le  Premier  étœt  le  cbeyalier  de 
BeringboR  (1  )y  fort  aimable  et  fort  aimé  ;  il  étoit  amoureux 
alors  de  M^^^  deParabère,  et  M.  le  duo  d'Orléans,  qui  ai- 
moit  aussi  M"**  de  Parabère^par  principe  dejalousie,  exila 
M.  le  chevalier  de  Beringhen.  Son  frère  étant  venu  à 
mourir  à  peu  près  dans  ce  temps*là,  beaucoup  de  gens 
considérables  s'empressèrent  à  demander  cette  charge.; 
plusieurs  croyoient  se  flatter  de  l'obtenir  et  môme  d'en 


(i)  MM.  de  Beripgben  tirent  lear  origine  de  Pierre  de  Beringhen  qui  étoit  du 
duché  de  Clèves.  Son  petit-fils ,  Pierre  de  Beringhen ,  fut  grand  bailli  et  gou- 
verneur d'Étapies;  Henri  ,  son  fllg ,  fut  chevalier  des  ordres  du  Roi,  premÎM' 
éeuyer  et  gouverneur  des  citadelles  de  Marseille.  U  étoit  né  au  commencement 
du  dix-septième  siècle,  Louis  XIII  l'aimoit  beaucoup  ;  étant  tombé  dangereu- 
sement malade,  il  lui  confia  un  secret  qu'il  ne  devoit  révéler  qu'après  sa  mort. 
Le  cardinal  de  Richelieu  voulut  savoir  ce  secret  ;  Beiingben  refusa  de  lui  en 
faire  part;  le  Cardinal  en  fut  piqué,  et  après  la  guérison  du  roi  fit  chasser 
Beriqgbeii»  lequel  passa  au  service  de  Gustave-Adolphe ,  roi  de  Suède ,  et  se 
trouva  à  la  bataille  de  Lutzen,  en  1632.  Beringhen  f«t  depuis  capitaine  des 
cuirassiers  du  prince  Maurice  de  Nassau.  Après  la  mort  du  cardinal  de  Riche- 
lieu ,  en  1642,  il  fut  rappelé  par  Louis  Xlil  et  fait  alors  premier  éeuyer  de  la 
petite  écurie;  il  mounit  le 30  avril  1692,  âgé  de  quatre-vingt-douze  ans;  il  s'é- 
toit  retiré  de  la  Ceur.  Il  avoit  épousé  Anne  du  Blé,  fille  de  Jacques  du  Blé , 
marquis  d'Huxelles,  et  de  Claude  Pbélypeaux  de  la  YrilUère ,  dont  il  eut  plu- 
sieurs enfents,  entre  auti'es  Jaoqoes  Louis,  qui  eut  toutes  les  charges  de  son  père 
et  mourut  le  1*^  mai  172.%  âgé  de  soixante-onze  ans.  Jacques-Louis  avoit 
épousé  Marie-Elisabeth  Fare  d'Aumont,  fiUe  de  Louis  duc  d'Aumont ,  pair  de 
France,  et  de  Madeleine  Fare  Le  Tellier.  Jl  en  eut  deux  garçons  et  plusieurs 
filles.  L\atné  avoit  épousé  MH^  de  Beaumauoir,  et  mourut  peu  de  mois  après 
son  père.  Celui-oi  s'appelle  Henri-Camille.  Une  de  ses  sowrs  est  veuve  du 
marquis  de  Vassé;  une  autre  qui  est  morte  «voit  épousé  M.  de  Vieupont. 
(Moréri),  —  (  Note,  du  duc  de  Luyn^.) 


108  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

avoir paiH>le.Daus ces  circonstances,  H.  le  duc  d'Orléans 
vintà  mourir^  M.  le  chevalier  de  Beringhen  eut  permission 
de  revenir;  il  demanda  lachai^e  et  l'eut. 

Lundi  11  de  ce  mois,  le  Roi^  qui  avoit  diné  au  grand 
couvert^  descendit  à  dix  heures  chez  H"*  la  comtesse  de 
Toulouse.  Je  m'y  trouvai  dans  ce  moment.  M""*  de  Hailly 
venoit  d'y  arriver  et  on  alloit  servir  un  petit  souper  pour 
cinq  ou  six  personnes.  Le  Roi  arriva  par  un  petit  escalier 
de  communication,  dont  le  feu  Roi  se  servoit  pour  des- 
cendre chez  M""*  de  Hontespan  (1) .  Le  Roi  avoit  son  man- 
chon et  son  épée;  pour  son  épée^  il  ne  la  quitte  jamais^ 
pas  même  dans  sa  chambre,  mais  il  n'avoit  pas  de  cha- 
peau. Il  se  mit  à  table^  M"*^  de  Hailly  auprès  de  lui^  M*"^  la 
comtesse  de  Gramont,  M""^  de  Sourches,  H.  le  prince  de 
Dombes  et  M.  de  Meuse.  M*?'  la  comtesse  de  Toulouse,  qui 
ne  soupe  point,  servoit  le  Roi,  mais  elle  étoit  assise  et  se 
levoit  seulement  pour  lui  donner  à  boire.  H.  le  marquis 
d'Antin  étoit  derrière  le  Roi  qui  donnoit  les  assiettes  à 
M*"^  la  comtesse  de  Toulouse  pour  lesprésenter  à  S.  H.  Le 
souper  ne  fut  pas  fort  long^  mais  le  Roi  m'y  parût  fort  & 
son  aise.  Ce  fut  pendant  le  souper  qu'il  me  dit  qu'il  ve- 
noit de  donner  l'archevêché  de  Toulouse  à  M.  l'abbé  delà 
Roche-Aymon,  évéque  de  Tarbes.  Après  le  souper,  le 
Roi  nous  fit  tous  asseoir;  on  proposa  de  jouer  à  cavagnole. 
M"'  de  Mailly  ne  voulut  point  y  jouer  et  l'on  ne  joua 
point.  Le  Roi  neparoissoit  point  cependant  avoir  envie  de 


(0  MiB«  de  Montespan  occupait  à  Vei*ftailles,  an  raz-de-chaugsée,  ud  appar- 
tement qui  se  nommait  d'abord  appartement  des  bains»  Dangeau  dit,  à  la  date 
da  â  décembre  1684,  que  le  Roi  doiyia  à  M("«  de  Montespan  Tappartement 
des  bains  ,  dont  on  dta  beaucoup  de  marbre,  et  qiron  le  parqueta  pour  le 
rendre  logeable  en  hiver.  Le  comte  de  Toulouse,  fils  de  Louis  XtV  et  de 
M"*0  de  Montespan,  avait  occupé  cet  appartement  après  la  retraite  de  sa  mèi*e, 
et  la  comtesse  de  Toulouse  sa  veuve  avait  continué  d'y  demeurer.  L'escalier 
par  lequel  on  y  descendait  est  probablement  nn  petit  escalier  circulaire  qui 
exiflte  encore.  Les  pièces  de  cet  appartement  Torracnt  aujourd'hui  les  8*,  9^, 
10*  et  11'  salles  des  maréchaux  de  France. 


JANVIER  1740.  10» 

se  coucher  ;  il  se  retiraà  minuit  et  demi.  Il  étoit  venu  sans 
capitaine  des  gardes. 

Le  lendemain  S.  M.  retourna  encore  chez  H™^  la  com- 
tesse de  Toulouse^  le  soir^  et  y  soupa.  Après  le  souper^  il 
alla  chez  Mademoiselle^  qui  étoit  incommodée  depuis  quel- 
ques jours  et  gardoit  sa  chambre  ;  et  on  avoit  observé 
que  le  Roi  n'y  avoit  point  encore  été.  M™*de  Maillyyétoit, 
et  il  y  avoit  des  joueurs  de  cavagnole;  comme  H*"^  de  Mailly 
a  déclaré  qu'elle  ne  vouloit  point  jouer  à  ce  jeu  avec  le 
Roi^  elle  demeura  auprès  de  la  cheminée,  et  le  Roi  prit 
le  parti  de  faire  jouer  tout  lemondeet  de  ne  point  jouer. 
Il  fut  pendant  le  temps  du  jeu  à  causer  avecM'^Me  Mailly. 

L'on  me  contoit.ces  jours-ci  un  petit  événement  des 
soupers  des  petits  cabinets^  peu  considérable^  mais  assez 
singulier.  M""*"  la  comtesse  de  Toulouse  a  été  deux  ou  trois 
jours  à  Saint-Germain  chez  M.  le  maréchal  de  Noailles^  les 
derniers  jours  de  Tannée  passée  ;  M'^''  la  marquise  d'Antin 
y  étoit.  Le  Roi  étant  allé  à  la  chasse  à  Saint-Germain  alla 
voir  M"*  la  .comtesse  de  Toulouse;  il  y  vit  pour  la  pre- 
mière fois  M^'^a  marquise  d'An  tin,  qui  est  jolie  ;  il  parut 
qu'il  la  trouvoit  telle  et  qu'il  en  étoit  assez  frappé,  car  il 
en  parla  à  H.  le  Cardinal,  qui  a  dit  à  M""*  de  Luynes  que  le 
Roi  Tavoit  trouvée  fort  jolie.  Le  jour  même  ou  quelques 
jours  après,  àun souper  des  cabinets.  M"*  de  Mailly,  qui  sa- 
voit  que  le  Roi  avoit  vu  M"'  la  marquise  d'Antin  et  Ta- 
voit  trouvée  jolie,  adressa  la  parole  au  Roi  à  table  et  lui 
dit  :  «  Sire,  on  dit  que  vous  avez  vu  M"*'  la  marquise 
d'Antin  et  que  vous  l'avez  trouvée  charmante.  )>  Le  Roi 
répondit  :  ce  point  du  tout  :•»  ou  bien:  «  tout  au  con- 
traire. »  C'est  l'un  des  deux  termes  dont  il  se  servit.  C'est 
M*""  la  duchesse  d'Antin,  qui  étoit  à  table,  à  qui  je  l'ai  en- 
tendu conter.  Le  Roi  s'étant  tourné  ensuite  du  côté  de 
M™*  d'Antin  lui  dit  :  «  votre  belle-sœur  avoit  une  coif- 
fure de  telle  façon  qui  lui  seyoit  bien  mal.  » 

Le  Roi  partit  avant-hier  pour  la  Heutte.  On  avoitd'abord 
dit  qu'il  n'y  auroit  point   de  dames  à  ce  voyage,   mais 


110  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Mademoiselle^  quoiqu'elle  eût  été  incoinmodée  pendaai 
quelques  jours,  partit  cependant  le  même  jour  pour  aller 
à  Madrid.  Les  dames  sont  :  les  quatre  sœurs^M*"  de  Gha- 
lais  et  M"'  de  Ségur. 

H.  le  marquis  de  Branoas  me  contoit  il  y  a  quelques 
jours  que  les  milices  de  Bretagne  sont  au  nombre  de  oent 
mille  hommes,  dont  il  y  en  a  toujours  f  ingt-miUe  prêts 
à  servir  et  armés  ;  ces  vingt^mille  hommes  sont  assem- 
blés tous  les  dimanches  en  différents  lieux^  et  ces  troupes 
sont  en  très-bon  état. 

Je  me  fais  toujours  plaisir  d'écrire  ce  que  j'apprends  de 
traits  d'esprit  et  de  vérité  de  M.  le  Dauphin.  On  me  con- 
toit^ il  y  a  quelques  jours,  que  M.  le  Dauphin^  ayantlu.ily 
a  un  an  ou  deux,  le  voyage  de  Siam  de  M .  l'abbé  de  Ghoisy, 
le  hasard  ût  que  le  lendemain  M.  le  prince  de  Lichtens- 
tein  vint  faire  sa  cour  à  M.  le  Dauphin;  M.  de  Gencienne 
y  étoit  aussi;  c'est  un  capitaine  de  vaisseau  qui  étoità  ee 
voyage  et  dont  il  est  parlé  dans  ce  livre.  M.  le  Dauphin 
parloit  beaucoup  avec  M.  de  Gencienne  sur  le  voyage  de 
Siam  et  raisonnoit  avec  lui  d'unefaçon  à  surprendre  tous 
ceux  qui  étoient  présents.  M.  le  Dauphin,  ayant  remarqué 
l'étonnement  de  M.  de  Lichtenstein,  lui  dit  :  «Ne  soyez 
pas  si  surpris^  monsieur^  je  l'ai  lu  hier,  rt 

La  Reine  a  soupe  presque  tous  lesjours  de  cette  semaine* 
ci  avec  des  dames,  c'est-àt-dire  avec  M"**  d'Antin  et  de 
Montauban,  qui  sont  de  semaine  ;  c'est  sa  mèma  table  et 
son  même  souper  que  Ton  passe  seulement  dans  son  ca- 
binet qui  est  avant  sa  chambre  ;  et  après  souper  elle  joue 
àcavagnoleaveccesdeux  dames  seulement.  Hier  S*  M. 
soupa  seule  ;  elle  dit  à  ces  dames  qu'elle  avoit  des  af> 
faiies.  C'étoit  parce  que  M"*  de  Villars  (1)  de  voit  venir 
causer  avec  S.  M.  Ces  jours*lila  conversation  est  préférée 
au  jeu. 


(1)  Voy.  l'introduction,  t.  l,{p.  33  et  34. 


JANVmtl  It40.  m 

Dm  samedi  16,  fermât  {/es.  —  Le  Roi  donna  hier  le  gott- 
vernemetit  de  Maubeuge  à  M.  le  chevalier  de  Givry^  frère 
de  M.  de  Leuville  et  ancien  lieutenànt^'général  qui  n'a- 
voit  aucune  grâce  da Roi.  Ce  choix  paroU  fort  approuvé; 
cependant  Ton  croyoit  que  ce  seroit  H.  le  marquia  du  Luc, 
d'autant  plus  que  le  Roiparoissoitle  désirer  et  que  Made- 
moiselle en  avoit  parlé  très-fortement  à  M.  le  Cardinal; 
on  prétehd  même  qu'elle  lui  avoit  dif  comme  un  conseil 
d*amie,  qu'il  feroit  plaisir  au  Roi  de  lui  proposer  M.  du 
Luc  et  que  M.  le  Cardinal  avoit  toujours  répondu  qu*il  n'é- 
toit  pas  assez  ancien  lieutenant*général,  et  qu'il  ne  le  pro- 
poseroit  pas  ;  que  cependant  après  une  cbriversation  de 
deux  ou  trois  heures  que  Mademoiselle  a  eue  depuis  quel- 
ques jours  avec  M.  le  Cardinal,  elle  avoit  paru  sortir  fort 
contente.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  Mademoiselle  s'in- 
téressoit  fortement  pour  M.  du  Luc,  et  que  M.  le  Cardinal 
dit  qu'il  n'a  nulle  part  à  ce  choix  et  que  c'est  le  Roi  seul 
qui  Ta  fait.  On  m'a  dit  ce  soir  que,  dès  que  M.  le  Car- 
dinal avoit  représenté  au  Roi  les  services  et  la  situation 
de  M.  le  chevalier  de  Givry,  S.  M.  n*avoît  pas  balancé  un 
moment. 

La  Reine  soupe  ce  soir  avec  M*"  d'Antin,  de  Montau- 
ban,  de  Saint-Florentin  et  de  Matignon. 

M.  de  Verneuildoit  présenter  demain  matin  au  Roi  trois 
Napolitains  qui  sont  Venus  avec  M.  deCastropignàno;  l'un  . 
est  son  frère,  Tabbé  Dévoli,  l'autre  est  un  de  ses  parents 
nommé  le  duc  de  Monténégro,  et  le  troisième  est  un  H.  de 
Fardella,  capitaine  dans  le  régiment  de  dragons  de  la 
Reine. 

M,  de  Clairambault,  fameux  généalogiste,  mourut 
avant-hier  âgé  de  quatre-vingt-neuf  ans;  il  avoit  dans  sa 
bibliothèque  dix-Sept  cents  volumes  manuscrits.  11  finit,  il 
y  a  un  an  ou  deux,  une  table  contenant  cent  cinquante  vo- 
lumes qu'il  avoit  commencée  à  quatre-vingts  ans.  Cette 
table  contient  tous  les  noms  dont  il  est  parlé  en  particu- 
lier dans  chacun  de  ses  livres  ou  manuscrits  ou  imprimés. 


113  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

et  désigne  le  livre  et  la  page.  Il  appeloit  cela  son  testa- 
ment (1).  Il  laisse  un  nevea  qui  prend  son  nom  et  qui 
avoit  depuis  plusieurs  années  la  survivance  de  sa  charge 
de  généalogiste  des  ordres  du  Roi.  Cette  charge  ne  vaut 
que  2,700  livres  d'appointement  ;  mais  le  bonhomme  de 
Clairambault  avoit  d'autres  bienfaits  du  Roi,  comme  une 
pension  de  i  ,000  livres,  5,000  livres  pour  le  dépôt  de  la 
marine,  une  charge  dans  les  galères,  etc.;  en  tout  il 
avoit  14,000  livres  de  rente  de  bienfaits  du  Roi  et  6,000  li- 
vres de  rente.  Le  neveu  n'a  eu  jusqu'à  cette  heure  que 
600  livres  de  pension  du  Roi.  M.  de  Clairambault  avoit  été 
commis  de  M.  Colbert;  il  est  mort  avec  une  grande  tran- 
quillité d'esprit  et  beaucoup  de  religion. 

Le  Roi  n'a  point  diné  aujourd'hui  et  n'a  pu  aller  à  la 
chasse  à  cause  de  la  gelée  et  de  la  neige;  il  a  été  en  traî- 
neaux. S.  M.  menoit  Mademoiselle;  M.  le  comte  de  Coigny , 
M"*  de  Clermont  ;  le  vidame  de  Vassé,  M"*  de  Mailly .  M"'  de 
Yintimille  étoit  dans  un  autre  traîneau,  et  H""*  de  Ségur 
aussi  dans  un  traîneau.  J'oubliois  M*"*^  la  marquise  de 
Ruffec  et  M""*  de  Hontmorin,  qui  ont  aussi  été  en  traîneau 
avec  le  Roi.  Uyasouperdanslescabinets;  toutes  ces  dames 
en  seront,  hors  H"**  la  marquise  de  Ruffec. 

Demain  sera  l'audience  de  H"*'  Castropignano  chez  la 
Reine  ;  je  la  marquerai  ;  tout  doit  s'y  passer  comme  à  celle 
de  M""*  de  la  Mina  ;  elle  dînera  ensuite  ici. 

M.  de  la  Mina  étoit  ici  ce  matin  ;  il  me  parolt  qu'il 
compte  toujours  partir;  il  n'y  a  point  encore  cependant 
d*ambassadeur  nommé  pour  le  remplacer.  Il  parolt  fort 
mécontent  de  sa*  Cour  et  piqué  de  ce  que  M.  le  comte  de 
la  Marck,  arrivé  à  Madrid  après  que  M.  de  la  Mina  avoit 
ici  fait  tout  l'ouvrage,  a  été  fait  grand  d'Espagne  et  M.  delà 
Torella  aussi.  M.  de  la  Mina  dit  que  la  grandesse  qu'il  doit 
avoir  par  M""*  de  la  Mina  n'est  point  une  raison  et  n'em- 


(0  Voir  V Essai  historique  sur  la  Bibliothèque  du  Roi  par  Leprinoe, 
nouvelle  édition  donnée  par  M.  Louis  PAris. 


JANVIER  1740.  113 

pèchoit  pas  une  grâce  personnelle  qu'il  croit  avoir  mé- 
ritée. A  Tégard  de  la  Toison,  il  dit  qu'il  étoit  nommé 
avant  que  de  venir  ici.  La  cause  de  son  rappel  paroit  cer- 
taine ;  on  ne  doute  pas  que  ce  soit  parce  qu'à  un  débotter 
du  Roi  il  s'avisa  de  parler  directement  au  Roi  au  sujet 
d'un  traité  de  commerce  que  Ton  demande  depuis  long- 
temps à  l'Espagne  et  qu'elle  ne  veut  point  finir;  il  dit  au 
Roi  que  Ton  vouloit  faire  dépendre  l'amitié  du  Roi^  son 
maître^  de  la  fin  de  ce  traité  de  commerce  ;  qu'il  supplioit 
S.  M.  de  donner  ses  ordres  pour  que  l'on  ne  pressât  pas 
aussi  vivement  sur  cet  article.  Le  Roi  ne  lui  répondit 
autre  chose  sinon  d'en  parler  à  M.  le  Cardinal. 

Du  mardi  19,  Versailles.  —  Avant-hier  matin  M"*  l'am- 
bassadrice des  Deux-Siciles,  la  duchesse  de  Gastropi- 
gnano,  eut  son  audience;  elle  vint  dans  son  carrosse. 
J'ai  déjà  marqué  que  ce  n'étoit  point  l'usageque  ce  fût  dans 
les  carrosses  du  Roi.  EUe  vint  descendre  chez  M™'  de 
Luynes,  qui  n'étoit  point  encore  allée  chez  la  Reine  et 
qui  eut  le  temps  de  la  voir  un  moment.  M.  de  Castropi- 
gnano  étoit  arrivé  dans  cet  appartement-ci  environ  une 
demi-heure  avant  elle.  M*"'  de  Castropignano  fut  ici 
quelque  temps ,  après  quoi  M.  de  Verneuil  la  mena  chez 
H.  le  Carclinal;  cette  visite  ne  fut  pas  longue  et  M.  de 
Verneuil  la  ramena  ici  sur-le-champ  ;  elle  y  resta  jusques 
après  la  messe  de  la  Reine.  Elle  avoit  avec  elle  les  trois 
étrangers  dont  j'ai  parlé  ci-dessus  :  M.  l'abbé  Dévoli, 
M.  le  duc  de  Monténégro  et  M.  de  Fardella  ;  ils  avoient 
fort  envie  d'être  présentés  à  la  Reine;  mais  ils  n'a- 
voient  point  encore  vu  le  Roi,  parce  qu'ils,  avoient 
manqué  le  moment  que  M.  de  Verneuil  leur  avoit  donné 
après  la  messe  de  S.  M.  Pendant  l'audience  do  M"**  l'am- 
bassadrice, M.  le  duc  de  Castropignano  demanda  à  H.  le 
duc  de  la  Trémoille  s'il  ne  pourroit  pas  les  présenter  au 
Roi ,  au  retour  de  S.  M.  dans  son  appartement.  M.  de  la 
Trémoille  lui  dit  que  cela  étoit  extrêmement  facile,  etM.  de 
Verneuils'y  opposa.  Je  marquerai  la  suite  de  cette  affaire, 

T.  III.  8 


i  14  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

M.  de  Yerneuil  revint  dans  cet  appertement>  à  midi  et 
demi,  avertir  M"*  de  Cafitropignano  pour  l'aùdienoe  de 
la  Reine  et  lui  donna  la  main  (1)  jusques  dans  le  cabinet 
avant  la  chambre  de  la  Reine  ;  il  resta  toujours  avec 
elle  )  et  un  garçon  de  la  diambre  avertit  M"^  de  Luynes 
que  Tambassadrioe  étoit  là.  La  Reine  étoit  dans  son 
fauteuil ,  le  dos  tourné  à  la  cheminée  ;  et  les  dames  as- 
sises des  deux  côtés.  Les  dames  debout  étoient  dans  le 
haut  de  la  chambre ,  des  deux  côtés  de  la  Reine.  M"^  de 
Luynes  se  leva  ;  elle  fit  la  révérence  à  la  Reine  et  alla  à 
la  porte  de  la  chambre  en  dehors  au«  devant  de  Tambas- 
sadrice;  elle  Ta  salua ^  la  baisa;  elle  rentra  la  pre- 
mière; ensuite  M.   de  Verneuil^qui  donnoit  la  main  à 
M*"*"  de  Castropignano,  laquelle,  après  les  trois  révérences 
et  avoir  ôté  son  gant,  ce  qui  fut  assez  long,  s^avança 
auprès  de  la  Reine  et  baisa  le  bas  de  la  robe.  Ensuite  on 
apporta  un  pliant  à  M"^  de  Castropignano ,  vis^-vis  la 
Reine ,  et  un  à  gauche  de  M"'''  Vambassadrice.  Le  Roi 
étoit  au  conseil  et  avoit  dit  à  M.  de  Yerneuil  quUl  pouvoit 
l'avertir  au  conseil  même.  M.  de   Yerneuil  avoit  averti 
M.  de  la  Trémoille  de  l'ordre  qu'il  avoit  reçu  du  Roi. 
S.  M.  ayant  été  avertie  par  M.  de  Yerneuil  sortit  du  con- 
seil et  vint  par  la  galerie  et  le  salon  dans  la  chambre  de 
la  Reine.  Tout  le  monde  se  leva,  et  M"^'  rambassadrice 
s'avança  vers  le  Roi  qui  la  salua  et  baisa.  Elle  parut  croire 
que  l'usage  étoit  de  baiser  des  deux  côtés ,  mais  le  Roi  ne 
la  baisa  que  d'un  côté.  La  conversation  ne  fut  pas  vive;  car 
elle  ne  sait  presque  pas  un  seulmot  françois.  Elle  paroissoit 
assez  embarrassée,  et  elle  fit  même  deux  ou  trois  éclats  de 
rire  qui  surprirent  beaucoup,  et  qui  étoient  un  effet  de 
son  embarras.  Lorsque  le  Roi  s'en  alla,  M""®  de  Luynes 


(1)  MM.  les  ambassadeurs  d'Espagne  et  des  Deax-Skiles  {iréteBdent  qa>n 
qualité  d'ambassadeurs  de  fomille  ils  ne  d<Mvent  point  être  conduits  par  l'intro- 
ducteur. M.  de  la  Mina  avoit  soutenu  vivement  cette  prétention.  Cependant  on 
voit  ici  que  c'est  M.  de  Vemeuil  qui  a  donné  la  main  à  M***  de  Castropignano. 
{Note  du  duc  de  ÏMynti.) 


-*lV4I_i*. 


JAKTIER  1740.  lift 

ne  le  suivit  point  comme  à  son  ordinaire.  J'ai  déjà 
marqué  qn'en  pareil  cas  la  dame  d'honneur  ne  quitte 
point  l'ambassadrice.  La  Reine  se  rassit^  H"*^  l'ambassa- 
drice ,  H*"*  de  Luynes  et  toutes  les  dames  comme  aupa- 
ravant.  Pendant  ce  temps-là  ^  M.  de  Verneuil  alla  avertir 
M.  le  Dauphin^  lequel  arriva  par  l'antichambre  et  le  grand 
cabinet  de  la  Reine.  M.  le  Dauphin  y  entrant  dans  la 
chambre  de  la  Reine ,  alla  d'abord  saluer  l'ambassadrice 
(la  Reine  s'étoit  levée),  ensuite  il  alla  embrasser  la  Reine. 
Cette  visite  ne  fut  pas  longue;  H.  le  Dauphin  étant  sorti, 
M*"  de  Luynes  ne  le  reconduisit  point,  par  la  même 
raison  que  je  viens  de  marquer  par  rapport  au  Roi.  La 
Reine  ne  se  rassit  points  et  M"^  Tambassadrice  ayant  fait 
ses  trois  révérences ,  eomme  en  entrant ,  elle  se  retira  ; 
H*"*  de  Luynes  la  reconduisit  jusqu'à  l'endroit  où  elle 
Tavoit  reçue. 

J'étois  {«éseut  à  toute  cette  cérémonie,  et  j'allai  ensuite 
avec  W^  de  Castropignano  et  M.  de  Verneuil  chez  Mes- 
dames. M"*''  de  Tallard  vint  la  recevoir  à  la  porte  de  la 
chambre,  en  dehors  ;  mais  elle  ne  sortit  pas  cependant 
tout  à  fait.  Mesdames  étoient  assises  chacune  dans  un 
fauteuil,  Madame (1)  à  la  droite.  M"^  de  Castropignano , 
ayant  fait  les  révérences  comme  chez  la  Reine,  elle  s'ap- 
procha, baisalebasdelarobeetMadamenela  salua  point; 
elle  s^approcha  ensuite  de  Madame  Adélaïde,  baisa  le  bas 
de  sa  robe,  mais  elle  ne  la  salua  pas  non  plus.  On  ap* 
porta  un  pliant  à  il*"®  Tambassadrice  vis-àrvis  Madame , 
et  M"**  de  Tallard  s'assit  vis*à»vis  Madame  Adélaïde,  par 
conséquent  à  la  droite  de  MT  l'ambassadrice.  Tout  cela 
ne  dura  pas  longtemps.  M""  l'ambassadrice  sortit  avec 
les  révérences  ordinaires  ;  H^  de  Tallard  la  reconduisit 
jusqu'à  la  porte  de  la  chambre.  Je  revins  ensuite  avec 
elle  et  M.  de  Verneuil  chez  M"'  de  Luynes.  Un  moment 
après  qu'elle  y  fut  arrivée,  elle  alla  chez  M""*  Amelot.  Pen- 


(1)  Madame  Henriette. 

8. 


116  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

dant  oe  temps  ^  M.  le  Cardinal  vintici^  où  il  Fattendit  un 
instant;  elle  revint  recevoir  la  visite  de  S.  Ém.;  ensuite 
elle  dina  ici  avec  M.  de  Castropignano ,  VP"^  de  la  Mina , 
les  trois  Napolitains  que  j'ai  marqués  ci-dessus^  M.  et 
M"""*  Âmelot^  M.  de  Yerneuil  et  plusieurs  autres  per- 
sonnes ;  elle  s'en  retourna  aprèsnllner  à  Paris. 

Gomme  Ton  avoit  dit  ici  que  M"'^  de  Castropignano 
étoit  prodigieusement  laide ,  et  plus  laide  que  M""®  de  la 
Mina  y  ces  discours  ont  réussi  à  son  avantage  ;  elle  n'a  pas 
été  .trouvée  aussi  mal  ;  elle  parolt  vive ,  mais  on  peut 
croire  qu'elle  a  peu  été  dans  le  grand  monde ,  et  surtout 
peu  habité  la  Cour.  Comme  elle  ne  parle  qu'italien ,  il 
est  difficile  de  juger  de  son  esprit  lorsqu'on  n'entend 
point  cette  langue.  M.  de  Castropignano  est  d'une  belle 
figure;  il  ressembla  beaucoup  à  feu  M.  d'Arpajon;  il 
est  seulement  un  peu  moins  gros  et  le  visage  moins 
plein;  il  paroit  homme  sage ,  sensé  -et  fort  poli. 

Après  le  dlner^  M.  de  Verneuil  me  parla  beaucoup  de 
ce  que  M.  de  Castropignano  s'étoit  adressé  à  M.  de  la 
Trémoille  pour  la  présentation   des  trois  NapoUtains* 
M.  de  Yerneuil  prétend  que  l'introducteur  des  ambassa- 
deurs n'a  nui  besoin  du   premier  gentilhomme  de  la 
chambre  chez  le  Roi^  ni  de  la  dame  d'honneur  chez  la 
Reine  pour  présenter  les  étrangers  ;  il  prétend  qu'il  n'y  a 
pas  même  d'obligation  qu'il  les  avertisse.  Cette  dispute 
s'est  renouvelée  aujourd'hui  chez  la  Reine ,  à  l'occasion 
de  deux  étrangers  que  H.  de  Verneuil  a  voulu  présenter. 
H.  de  Sainctot ,  dans  son  semestre ,  a  toujours  attention 
d'amener  les  étrangers  à  M"'*'  de  Luynes  ou  au  moins  de 
les  lui  nommer.  M.  de  Verneuil  a  présenté  ceux  d'au- 
jourd'hui ;  elle  lui  en  a  parlé  et  lui  a  représenté  qu'il  lui 
paroissoit  indispensable  que  la  dame  d'honneur  connût 
les  étrangers^  afin  que,  lorsqu'ils  viennent  faire  leur  cour 
à  la  Reine^  elle  fût  en  état  de  faire  souvenir  la  Reine  de 
leur  nom ,  en  cas  qu'elle  l'eût  oublié,  et  de  faire  avoir 
pour  eux  dans  la  chambre  de  S.  H.  les  égards  et  atten- 


JANVIER  1740.  117 

lions  qui  conviennent.  M.  de  Verneuil  a  toujours»  sou- 
tenu que  Tintroducteur  n'étoit  point  dans  cette  obliga- 
tion j  et  que  même  il  n'avertissoit  la  dame  d'honneur 
pour  les  audiences  que  pour  qu'elle  donnât  ses  ordres  pour 
que  le  cabinet  et  la  chambre  fussent  en  état.  M*"*  de  Luynes 
a  parlé  sur-le-champ  à  M.  le  Cardinal  ;  et  S.  Ém.  lui  a  ré- 
pondu qu'il  étoit  sans  difficulté  que  la  dame  d'honneur 
connûtles  étrangers  ;  il  en  a  parlé  aussi  à  M.  de  Verneuil^ 
mais  il  ne  Ta  point  persuadé^  et  M.  de  Verneuil  a  dit  qu'il 
alloit  faire  un  mémoire. 

J'ai  oublié  de  dire  que  M.  de  Fardella,  qui  est, 
comme  je  l'ai  marqué,  capitaine  de  dragons  de  la  Reine 
de  Naples ,  étoit  habillé  de  l'uniforme  de  ce  régiment, 
qui  est  jaune;  c'est  l'usage  dans  presque  tous  les  pays 
étrangers  que  tous  les  militaires  mettent  les  jours  de  cé- 
rémonie Içùrs  uniformes. 

J'oublie  encore  par  rapport  à  la  prétention  de  M.  de 
Verneuil  que ,  le  jour  du  bal  pour  le  mariage  de  Ma- 
dame Infante,  il  étoit  en  qualité  d'introducteur  sur  le 
banc  des  ambassadeurs,  et  que  le  Roi ,  ayant  voulu  faire 
danser  M.  le  comte  de  Révéren,  M.  le  duc  d'Urs  et  encore 
un  troisième  qu'il  m'a  nommé,  S.  M.  ne  s'adressa  pas 
pour  cela  à  M.  de  la  Trémoille,  qui  servoit  pour  M.  de 
Gesvres ,  il  appella  M.  de  Verneuil ,  lequel  vint  prendre 
les  ordres  de  S.  H.  et  avertit  ensuite  ces  messieurs.  M.  de 
Verneuil  m'ajouta  que  le  Roi  lui  avoit  dit  de  dire  à  M.  de 
la  Mina  et  à  M.  de  Lichtenstein  qu'il  ne  leur  proposoit 
pas  de  danser,  parce  qu'il  croyoit  que  cela  ne  leur  cou- 
viendroit  pas,  et  que  même  l'ambassadeur  de  Venise  avoii 
été  assez  f&ché  que  le  Roi  ne  lui  ait  pas  fait  dire  la  même 
chose. 

On  a  appris  ces  jours-ci  la  mort  de  M.  le  prince  de  la 
ToreUa  à  Naples  ;  c'est  celui  qui  étoit  ici  ambassadeur;  il 
est  mort  d'une  fluxion  de  poitrine. 

H.  le  Duc  est  fort  malade  depuis  qyelques  jours  d'une 
dyssenterie.  M"^  les  duchesses  sont  parties  pour  Chan- 


118  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

tilly,  sur  la  nouvelle  de  son  état;  M"*  de  Clennont  y  est 
aussi.  M"*  la  princesse  de  Conty  et  M*^'  de  Sens.  Comme 
les  nouvelles  étoient  asses  mauvaises  hier,  on  croyoit 
que  Mademoiselle  iroit  aujourd'hui.  Quoi  quUls  ne  soient 
pas  brouillés  ensemble,  M.  son  frère  et  M*^^  sa  mère, 
cependant  elle  vit  très«-froidement  avec  eux  ;  mais  elle 
ne  joua  pas  hier;  elle  dit  qu'elle  ne  partoit  point,  ne  sa* 
chant  pas  si  ee  n'étoit  pas  plutôt  les  importuner  que 
leur  faire  plaisir,  si  elle  y  alloit  dans  les  circonstances 
présentes.  Cependant,  on  croit  que  M.  le  Cardinal  lui  dit 
hier  au  soir  qu'elle  feroit  bien  d'y  aller.  Elle  est  partie 
aujourd'hui  pour  Paris,  où  elle  attendra  que  H.  le  Duc 
paroisse  désirer  de  la  voir. 

La  maladie  de  M.  le  Duc  ne  parolt  pas  donner  dans  ce 
pays*ci  beaucoup  d'inquiétude;  et  l'absence  de  Hade* 
moiselle  et  de  M*^^  de  Clermont  ne  dérange  rien)  aux  pro- 
menades de  traîneaux.  Le  Roi  y  fut  avant-hier  ;  et  ce  fut 
lui  qui  mena  M"*  de  Vintimille.  Cela  ne  dérange  rien 
non  plus  aux  soupers  des  cabinets  ;  le  Roi  y  soupe  au* 
jourd'hui,  et  a  été  en  traîneau.  Il  parolt  aussi  que  l'absence 
des  deux  princesses  ne  changera  rien  au  projet  du  voyage 
de  Choisy. 

Du  jeudi  21,  Versailles.  —  Le  Roi  fut  avant-hier  en 
traîneau  et  mena  M""^  de  Hailly ,  qui  eut  même  grande 
peur  et  pensa  se  trouver  mal  de  la  vitesse  dont  le  Roi 
alloit.  S.  M.  arrêta  et  eut  la  complaisance  d'aller  plus 
doucement.  S.  M.  soupa  ce  jour4à  dans  ses  cabinets; 
les  dames  étoient  :  M""  de  Mailly  et  de  Vintimille ,  de 
Ségur,  de  Montmorin,  et  M*"*^  la  maréchale  d'Estrées; 
il  joua  au  papillon  après  souper  avec  des  hommes  et 
M™*  de  Mailly,  seule  de  femme.  Mademoiselle  alla  hier  à 
Chantilly,  d'où  elle  devoit  revenir  le  soir  même. 

M.  de  Fénelon  fut  reçu  il  y  a  trois  ou  quatre  jours  con- 
seiller d'État  d'épée.  C'est  la  place  de  M.  de  Bonac,  comme 
jeTai  dit  ci-dessus.  H.  de  Fénelon  parolt  très-content  des 
grâces  qu'il  a  reçues,  ayant  été  fait  lieutenant  général, 


chevalier  de  l'Ordre  et  conseiller  d'âtat  en  bien  peu  de 
temps.  U  me  disoit  qu'il  ne  s'atlendoitpa^à  cette  dernière 
grâce,  et  avoitété  ta*ès«eontent  des  denx  ^emièreik,  C'e^ 
une  preuve  que  Ton  est  extrêmement  siitii»f(ât  de  la  con<- 
dmte  qu'ail  tient  en  Hollande* 

Le  Roi  descend  presque  to«is  les  soij?s  ebe^  W^"  la  com^ 
tesBQ  de  Toulouse ,  oty  soupe  presque  toujours^  hors  les 
jours  qu'il  soupe  dans  ses  cabinets  ;  il  y  soup^  hier  mer- 
credi^ et  ily  soupoit  cHicore  lundi.  Bi^^  la  comtesse  de  Gra^ 
montj  M'^*''de  Sourches,  de  MaiUy  et  de  Yintimille  sont  les 
seules  dames  admises  à  ces  soupers; et  en  hommes:  le 
comte  de  Gramont,  qui  nese  met  pointa  table,  MM.  d'Àyen 
et  de  Noailles,  M.  de  Meuse  et  M.  le  marquis  d'Antin^ 
quelquefois  M.  le  pcince  de  Dombes.  J'y  entrai  lundi 
comnïe  le  Roi  étoit  à  table.  W^  de  Mailly  étoit  auprès  du 
Roi,  c'est  rasage  ;  le  souper  me  parut  assesi  sérieux;  à  la 
fin  pourtant  M""*"  de  HaUly  badina  beaucoup  avç^  un  étui 
À  cure-dents  d'ivoire  que  le  Roi  a  faitet  qu'il  lui  adonné. 
Après  le  souper,  une  demi*heure  de  conversation;  le 
Roi  &dt  asseoir  tout  le  monde  et  on  ne  joue  point. 

Du  dimanche  24',  Ver$ailles.  —  Le  Roi  partit  hier  pour 
Choisy ,  et  donna  un  de  ses  carrosses  pour  memer  les  dames, 
qui  sont  :  M*"  de  Mailly  et  de  Yintimille,  M*®  lamaréchale 
d'Estrées,  J&^  deTalleyrandet  M"*'  de  Sôgur.  On  croit  que 
Mademoiselle  y  sera,  et  qu'elle  a  demandé  permission  au 
Roi  d'y  aller  de  Paris.  Elle  fut  il  y  a  deux  ou  trois  jours  à 
Chantilly  avec  M.  le  comte  de  Glermont  ;  elle  n'y  resta  que 
deux  heures.  H.  le  comte  deCharolois  y  fut  de  son  côté,  et  y 
resta  aussi  à  peu  près  le  même  temps.  M.  le  prince  de 
Conty  n'y  avoit  point  encore  été  avant-hier.  Cependant 
Fétat  de  M.  le  Duc  est  regardé  comme  très-dangereux; 
c'est  une  dyssenferie  qui  a  été  négligée  par  M.  le  Duc  les 
premiers  jours  et  qui  est  la  suite  d'un  estomac  dérangé  de- 
puis assez  longtemps  et  daiis  un  tempérament  fort  usé.  U 
paroit  que  l'oncraintlagangrèpe  dans  les  entrailles.  Ma^ 
dame  laDuchesse,  sa  femme,  lui  marquebeaucoup  dç  soins 


190  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

et  d'attentions;  M"^la  princesse  de  Ck)nty  etM"**  d'Egmont 
ne  le  quittent  point  ;  toute  sa  famille,  hors  ce  que  j'ai 
marqué,  est  rassemblée  auprès  de  lui^  et  tous  ceux  quisont 
dans  rhabitude  de  le  voir  y  arrivent  tous  les  jours. 

J'appris  hier  en  arrivant  de  Chantilly  ce  qui  s'étoit  passé 
le  matin  du  jour  que  je  partis  pour  y  aller.  M.  de  Bissy 
le  père  étoit  allé  chez  M.  le  Cardinal^  et  l'attendoit  dans  la 
pièce  qui  précède  son  cabinet.  M.  le  Cardinal  étant  sorti 
pour  aller  chez  le  Roi,  M.  de  Bissy  se  rangea  pour  laisser 
passer  H.  le  Cardinal;  mais  S.  Ém.^  au  lieu  de  passer 
comme  à  l'ordinaire,  s'arrètaet  s'approcha  de  M.  de  Bissy, 
et  le  regardant  lui  dit  :  a  Monsieur,  vous  voyez  que  je  me 
porte  bien  ;  cependant  je  ne  mets  point  de  rouge  pour  me 
donner  bon  visage.  »  Ce  discours  fut  tenu  devant  vingt  ou 
trente  personnes  et  surprit  beaucoup  M.  de  Bissy,  lequel 
alla  sur-le-champ  conier  son  aventure  à  VP^  la  maréchale 
d'Ëstrées.  M""'  la  maréchale  d'Estrées  le  mena  Taprès- 
dlnée  chez  M.  le  Cardinal.  M.  de  Bissy  ditàS.  Ém.  que  ce 
qu'il  lui  avoit  dit  ne  pouvoit  qu'être  l'effet  de  quelque 
faux  rapport,  et  qu'il  osoit l'assurer  que  personne  ne  pour- 
roit  lui  soutenir  avoir  entendu  aucun  discours  de  sa  part 
qui  pût  avoir  donné  occasion  à  ce  que  S.  Ém.  lui  avoit 
dit.  M.  le  Cardinal  lui  répondit  qu'il  ne  savoit  ce  que  c'é- 
toit  que  de  commettre  les  personnes  par  qui  il  avoit  été 
instruit,  qu'il  étoit  certain  de  la  vérité,  mais  que  cela 
n'empèchoit  pas  qu'il  ne  profitât  avec  plaisir  des  occasions 
de  lui  rendre  service.  On  m'a  dit  que  M.  de  Bissy  étoit  fort 
occupé  à  chercher  tous  les  moyens  de  se  justifier  par 
écrit. 

Du  mercredi  27,  Versailles.  — J'allai  avant-hier  à Choisy; 
je  n'y  trouvai  que  les  cinq  dames  nommées  et  dix-huit  ou 
vingt  hommes,  entre  lesquels  étoit  M.  le  prince  deConty, 
qui  partit  de  bonne  heure  après-diner  pour  aller  à  Chan- 
tilly, dont  les  nouvelles  étoient  dès  ce  jour-là  fort  mau- 
vaises. Mademoiselle  n'a  point  été  à  Choisy,  et  elle  partit 
avant-hier  pour  Chantilly.  M.  d'Anlezy,  qui  est  attaché  à 


--I»     Il     <■! 


JANVIER  1740.  121 

M.  le  Duc^  je  crois  en  qualité  de  capitaine  des  gardes^ 
étoit  arrivé  le  même  jour^  avant-hier^  au  lever  du  Roi  à 
Ghoisy^  avec  deux  lettres^  une  de  M"**  la  Duchesse  mère 
et  une  de  M.  le  Duc  pour  le  Roi.  Le  Roi  étoit  encore 
dans  son  lit^  et  fitentrer  M .  d'Ânlezy .  Le  Roi  n'écrivit  point^ 
mais  répondit  verbalement.  Je  n'ai  vu  personne  qui  m'ait 
dit  positivement  cette  réponse  ;  mais  H"""  de  MaiÛy  m'en 
parlay  et  me  dit  que  le  Roi  avoit  répondu  à  H.  d'Ânlezy 
qu'il  assurât  M.  le  Duc  de  son  amitié  et  de  l'intérêt  quMl  pre- 
ooit  à  sonétat^  qu'il  n'avoit  point  oublié  les  services  qu'il 
lui  avoit  rendus^  et  qu'il  auroit  soin  de  M.  le  prince  de 
Ck)ndé.  La  nuitd'avant-hier  à  hier,  H.  le  Duc  reçut  tous  ses 
sacrements;  et  par  les  nouvelles  d'aujourd'hui  on  n'attend 
que  le  moment  de  sa  mort.  On  n'a  pas  même  voulu  donner 
de  bulletin  au  page  de  la  Reine.  On  a  été  un  peu  étonné  qu'il 
ait  autant  différé  à  se  confesser^  ayant  autant  de  religion 
qu'il  enmarque  depuis  plusieurs  années  ;  mais  il  avoit  de* 
mandé,  avant  que  de  tomber  malade,  qu'on  l'avertit  lors- 
qu'il seroit  en  danger;  tout  le  monde  connoissoit  ce  danger, 
et  personneli'osoit  lui  en  parler  ;  on  croyoitn'en  pas  trou- 
ver  le  moment.  Silvane  Tapas  quitté  pendant  sa  maladie, 
et  Dumoulin  a  été  appelé  deux  foison  consultation  ;  mais, 
pendant  tout  le  cours  de  cette  maladie,  il  étoit  presqu'im- 
possible  d'en  savoir  des  nouvelles^  pas  même  ceux  qui  de* 
meuroient  à  Chantilly.  Il  sembloit  qu'il  y  avoit  deux  par- 
tis, les  uns  qui  voyoienttout  en  noir,  et  les  autres  qui  se 
flattoient  toujours^  sans  compter  un  troisième  qui  est  celui 
des  médecins,  lesquels  ne  cherchoientqu'à  parler  obscu< 
rément  et  ambigument  sur  Tétat  du  malade.  D'ailleurs,  le 
zèle,  la  vivacité  et  l'amitié  faisoient  que  les  personnes  qui 
approchoient  de  plus  près  M.  le  Duc  vouloient  toutes 
se  mêler  de  médecine  et  de  raisonner  sur  les  remèdes 
qu'on  lui  ordonnoit,  surtout  M"*  la  princesse  de  Conty  et 
M"**  d'Egmont,  qui  étoient  Tune  ou  l'autre  toujours  au 
chevet  de  son  lit.  M"""  la  princesse  de  Conty  aimoit  M.  le 
Duc  de  tous  les  temps  ;^il  y  a  eu  quelques  années  où  ils 


IM       MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

p'ont  pas  pensé  de  mème^  mais  ils  s'étoient  raccommodés 
depuis  deux  oa  trois  ans.  M"**  d'Egm^nt  est  dans  ladouleur 
la  plus  profonde  et  telle  que  Ton  peut  jujgtv  d'uua  pw* 
sonne  qui  a  toujours  eu  une  véritable  et  tendre  amitié 
pour  M.  le  Duc^  et  qui  n'a  consulté  que  sonincli&atioD  dans 
la  manière  dont  elle  a  agi^  sans  se  mettre  atses  en  peine 
des  discours  du  public  (1)*  M""^  là  Duchesee  mère  a  ton* 
jours  ordonné  que  Ton  exécut&ti  la  lettre  tout  ce  qu'or* 
donneroit  Silva  ;  mais  elle  n'a  pas  toujours  été  écoutée  ; 
elle  est  dans  une  douleur  véritable  et  aussi  grande  qua 
son  caractère  peut  le  permettre.  Pour  M*^""  de  Glermont^ 
elleconserve  dans  cette  occasion  le  môme  sang*-froid,  pour 
ne  pas  dire  la  même  insensibilité,  qu'elle  montre  dans 
toutes  les  autres.  A.  Tégard  de  M^^"  de  Sens,  il  ne  paroU 
point  que  cet  événementHsi  dérange  rien  de  sa 
gaité  naturelle.  M'^^la  Duchesse  jeune estcontinuellement 
dans  la  chambre  de  H.  le  Duc  ou  àportée  d'en  savoir  des 
nouvelles,  et  sans  paroltre  être  dans  un  désespoir  qui 
posseroit  peut^bre  pour  affectation^  remplit  son  devoir 
d'une  manière  très^^convenable.  Voilà  ce  que  je  remarquai 
dans  le  voyage  que  j'y  fis  du  vendredi  à  samedi  der- 
nier. Je  n'y  vis  point,  comme  je  Taidéjà  dit^  Mademoiselle^ 
M.  le  comtede  Gharolois^  ni  M.  le  prince  de  Conty  ;  ainsi, 
je  ne  puis  rien  dire  sur  eux.  On  peut  juger  que  Made- 
moiselle ne  sera  pas  fort  touchée  de  cette  perte^  s'étant 
aussi  éloignée  de  M.  le  Duc  qu'elle  l'a  fait  depuis  plusieurs 
années.  C'est  cependant  un  grand  malheur  que  cette  mort 
pour  toute  la  maison  de  Condé^  sans  en  excepter  même 
ceux  qui  n'en  sont  pas  touchés.  M.  le  Duc  a  toujours 
eu  le  caractère  vrai  et  a  cherché  le  bien  autant  que 
ses  lumières  pouvoient  le  lui  permettre;  il  est  vrai 
que  ses  lumières  étoient  extrêmement  courtes,  qu'il 
a   souvent  été  trompé,  et  qu'il  étoit  aussi   opiniàire 


(1)  Mb«  d'Egmont  était  la  mattresse  de  M.  le  Doc  et  publiqueiDelit  reooa- 
nœ  pour  telle. 


JANVIER  1740.  IM 

dans  la  prévention  que  ferme  quand  il  avoit  rencontré 
juste.  En  conséquence  il  faisoit  comme  les  gens  de  peu 
d'esprit^  il  craignoit  toujours  d'être  trompé  et  donnoit 
difficilement  sa  confiance;  mais  aussi  lorsqu'il  croyoit 
avoir  reconnu  de  la  probité  et  de  la  droiture,  il  se  li vroit 
sans  réserve.  Gomme  il  comprenoit  difficilement  par  lui- 
même^  il  ne  voyoit  presque  jamais  que  par  les  yeux 
d'autrui  ;  cette  raison  jointe  àraveuglèment  delà  passion 
l'avoit  livré  à  M"*®  de  Prie,  dont  l'ambition  ètles  conseils 
pernicieux  lui  avoient  fait  faire  de  grandes  fautes  dandle 
ministère  et  furent  la  cause  de  Tordre  qu'il  eut  de  se  re*^ 
tirer,  ordre  qu'il  pouvoit  prévoir  et  qu'il  ne  voulut  jamais 
croire.  D'ailleurs  le  cairactère  de  M.  le  Duc  étoit  d'être  bon 
ami,  mais  dur,  extrêmement  poli^  mais  fort  sec.  La  con*- 
duite  qu'il  a  eue  en  dernier  lieu  par  rapport  à  M°*®  la  Du- 
cbesse  sa  femme  a  bien  montré  combien  il  étoit  susceptible 
aux  mouvements  de  la  jalousie,  et  que  n'ayant  pas  voulu 
apparemment  demander  de  conseil,  ou  n'ayant  pas  voulu 
en  suivre,  il  n'avoit  écouté  que  la  dureté  de  son  caractère, 
sans  faire  assez  d'attention  aux  mesures  que  la  prudence 
auroitpului  dicter.  Au  reste,  M.  le  Duo  atoujours  conservé 
une  très-  grande  considération  et  un  grand  nombre  d'à-» 
mis.  C'étoitle  seul  prince  du  sang  qui  eût  une  représen*^ 
tation  digne  de  son  rang.  Iljouitaumoinsde  1,500,000  li- 
vres de  rente;  je  crois  même  que  cela  va  à  deux  millions, 
en  comptant  le  gouvernement  de  Bourgogne  et  la  charge 
de  grand  maître. 

J'oubliois  de  marquer  que  c'est  M.  le  curé  de  Saint- 
Sulpice  quil'a  confessé,  et  qu'il  a  fait  son  testament  quel- 
ques heures  avant  de  recevoir  ses  sacrements.  Depuis  le 
testament,  M.  Huart,  mon  avocat  et  qui  est  du  conseil  de 
M.  le  Duc,  a  été  mandé  à  Chantilly  et  en  revint  hier  au 
soir. 

Le  Roi  vientd'arriver  deChoisy.  M.leprincede  Conty  y 
revint  hier  de  Chantilly.  S.  M.  a  été,  en  arrivant,  chez  la 
Reine,  qui  lui  a  parlé  de  l'état  de  H.  le  Duc  ;  il  ne  m'a  point 


134  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

paru  que  le  Roi  fût  fort  affligé.  Il  est  revenu  dans  son  car* 
rosse  avec  les  cinq  dames  que  j'ai  nommées  ci-dessus. 

Hier  mardis  il  n'y  eut  point  de  comédie,  parce  que  la 
Reine  avoit  pris  médecine.  Aujourd'hui,  jour  de  Co- 
médie italienne,  la  Reine  a  dit  après  son  dîner  qu'elle  n'i^ 
roit  point,  et  que  les  comédiens  jouassent  puisqu'ils  étoient 
arrivés.  Ainsi  il  y  a  eu  comédie  quoique  le  Roi,  la  Reine, 
M.  le  Dauphin,  ni  Mesdames,  ni  princes  ni  princesses  du 
sang  y  aient  été. 

Du  jeudi  28,  f^ersailles.  — M.  le  Duc  mourut  hier  entre 
onze  heures  et  midi.  H.  le  comte  de  Charolois  étoit  parti 
dans  le  moment  de  Chantilly,  et  croyant  le  Roi  encore  à 
Choisy ,  il  y  étoit  venu  d'abord;  ayant  trouvé  le  Roi  parti, 
ilrevint  tout  droit  ici,  oùiln'arriva  que  sur  les  neuf  heures 
du  soir;  ce  futpar  Inique  Ton  apprit  la  première  nou- 
velle delà  mort  de  M.  le  Duc.  M.  de  Charolois  alla  d'abord 
chez  le  Roi;  et,  comme  on  lui  dit  que  S.  M.  n'étoit  point 
dans  son  appartement  et  qu'il  étoit  ou  sorti  ou  dans  ses 
cabinets  en  haut,  M.  le  comte  de  Charolois,  au  lieu  d'at- 
tendre, prit  le  parti  de  descendre  diez  H"*^la  comtessede 
Toulouse,  où  il  resta  quelque  temps  enfermé  avec  elle;  ce 
fut  là  qu'il  vit  le  Roi.  Il  n'alla  chez  la  Reine  que  fort  tard. 
M.  de  Charolois  dit  au  Roi  qu'il  ne  savoit  encore  rien  du 
testament,  sinon  que  M.  le  Duc  lui  avoit  dit  lui-même 
qu'il  comptoit  qu'il  voudroit  bien  être  tuteur  de  M.  le* 
prince  deCondé. 

Il  y  a  eu  ce  matin  conseil  d'État  après  la  messe,  et  au 
sortir  du  conseil  le  Roi  a  dîné  dans  sa  chambre.  On  ne 
savoit  encore  rien  par  rapport  à  la  charge  ni  au  gouver- 
ment  (1),  lorsque  le  Roi  s'est  mis  àtable.  J'étois  au  dîner. 
Le  Roi  s'est  tourné  du  côté  de  M.  de  livry  et  lui  a  ditqu'il 
venoit  de  donner  la  charge  de  grand  maître  (2)  &  M.  le 

m  •  III» 

(1)  M.  le  Cardinal  au  sortir  da  conseil  alla  dîner  chez  loi;  il  ne  dit  pas  un 
root,  devant  ni  pendant  son  dtner,  de  Tarrangement  marqué  dans  cet  article. 
(  Noie  du  duc  de  Luynes,  ) 

(2)  Cette  charge  n'a  sur  Tétat  de  la  maison  du  Roi  que  1,200  ëcvs  d'appoin* 


JANVIER  1740.  t26 

prince  de  (iondé,  et  quelque  temps  après  il  m'a  fait  Thon- 
neur  de  me  dire  qu'il  venoitde  donner  le  gouvernement 
de  Bourgogne  (1)  à  M.  de  Saint-Aignan  pour  le  rendre  à 
M.  le  prince  de  Gondé  lorsqu'il  aura  dix-huit  ans.  Le  Roi 
a  beaucoup  parlé  sur  l'état  des  affaires  de  M.  le  Duc,  et 
nous  a  dit  qu'il  jouissoit.de  260^000 livres  de  pension  (â). 
Le  Roi  me  parolt  croire,  comme  je  Tai  marqué  ci-dessus, 
que  M.  leDucavoit  environ  deux  millions  (3)  de  revenus, 
c'est-à-dire  quelque  chose  de  moins  que  H.  le  duc  d'Or- 
léans, lequel  effectivement  jouit  de  deux  millions  de 
rentes.  On  ne  dit  point  qu'il  y  ait  encore  aucun  arrange- 
ment de  fait  par  rapport  à  H"*^  la  Duchesse  jeune.  Je 
croyois  qu'elle  avoit  <i'0,000  livres  de  douaire,  mais 


tements,  de  même  que  celle  de  grand  chambellan  et  celle  de  grand  écuyer; 
mais  il  y  a  des  casoels  très-considérables  à  celle-ci ,  et  il  m'a  paru  que  le  Roi 
ne  savoit  pas  trop  à  qaoi  montoient  les  dits  casuels.  (  Note  du  due  de 
Laynes,  ) 

(1)  J'ai  demandé  au  Roi  combien  yaloit  ce  gpuvernemént;  sa  réponse  m'a 
paru  prouver  qu'il  croyoit  que  cela  étoit  considérable,  mais  qu'il  y  avoit  bien 
des  années  qu'on  ne  savoit  à  combien  cela  montoit.  C'est  peut-être  une  des 
raisons  qui  ont  engagé  de  le  donner  à  M.  de  Saint>Aignan  iK>ar  plusieurs  années, 
pour  être  à  portée  d'en  savoir  la  juste  valeur.  D'ailleurs  M.  de  Saint-Aignan 
ne  fait  plus  rien  à  Rome  depuis  l'arrivée  du  cardinal  Tencin,  comme  j'ai  mar- 
qué ci-dessus.  Cependant  comme  ses  affaires  ne  sont  pas  en  trop  bon  état ,  il 
demandoit  depuis  longtemps  quelques  marques  de  la  bonté  du  Roi.  Dans  la 
maison  de  M.  le  Duc,  on  ne  parloit  du  gouvernement  que  comme  d'un  objet  de 
80  OQ  90,000  livres,  et  on  parloit  de  même  aussi  à  peu  près  pour  le  revenu  de 
la  charge  de  grand  maître.  (  Note  du  duc  de  Luynes,  ) 

(2)  M.  le  Duc  avoit  eu  en  naissant  100,000  livres  de  pension  dont  il  a  tou- 
jours joui  et  qui  faisoient  partie  des  260,000  livres  ci-dessus  marquées  ;  mais 
M.  de  Lezonnet,  qui  est  depuis  plusieurs  années  à  la  tête  des  affaires  de  M.  le 
Duc  et  qu1l  vient  de  faire  son  exécuteur  testamentaire  avec  une  gratification 
de  50,000  livres,  m'a  dit  que  les  deux  parties  principales  de  cette  pension 
étoient  :  50,000  écus  comme  chef  du  conseil  der^ence,  et  les  100,000  francs 
que  le  R<m  lui  avoit  accordés  en  venant  au  monde  ;  à  l'égard  de  10,000  livres, 
je  ne  sais  si  cela  ne  fait  pas  partie  de  la  charge  de  grand  maître.  (Note  du 
duc  de  Luynes,) 

(3)  M.  de  Lezonnet  (que  je  cite  toujours  comme  étant  instruit  des  affaires 
de  M.  le  Duc),  n'estime  le  revenu  en  terres  qu'un  peu  plus  de  1,200,000  livres  ; 
le  surplus  en  bienfaits  du  Roi;  il  compte  qu'il  y  a  pour  cinq  à  six  millions  de 
dettes,  sur  lesquelles  il  y  en  a  beaucoup  de  viagères.  (Note  duduc  de  Luynes.) 


ISS  MÉMOIRES  DU  0UG  DE  LUYNES. 

le  Roi  m'a'  dit  qtie  M.  le  comte  de  Gharolois  croyoit 
qu'elle  n'en  avoit  que  Sik,000;  apparemment  qu'elle 
aura  une  pension  de  SO^OOO  livres,  dont  il  y  a  plusieurs 
exemples  pour  les  princesses  du  sang;  mais  le  Roi  n'en  à 
pas  parlé;  il  a  seulement  dit  qu'elle  auroit  apparemment 
une  pension  sur  les  biens  de  M.  le  prince  de  Condé.  La 
charge  de  grand  maître  sera  exercée  par  M.  le  comte  de 
Gharolois.  Le  Roi  nous  a  encore  dit  qu'il  avoit  lait  cet  ar* 
rangement  de  concert  avec  M"*  la  Duchesse  mère.  M"*  la 
Duchesse  jeune  a  eu  par  son  contrat  de  mariage  le  choix 
de  son  habitation  dans  telle  maison  ou  château  de  M.  le 
le  Duc  qu'elle  voudra  choisir,  excepté  Chantilly. 

J'ai  marqué  ci-dessus  que  M.  Huart,  avocat,  avoit  été 
mandé  depuis  que  le  testament  avoit  été  fait;  cette  cir- 
constance n'est  pas  exacte  ;  ce  fut  Roger,  notaire,  qui  de- 
manda à  M.  le  Duc  de  faire  venir  M.  Huart  pour  que  les 
choses  fussent  plus  en  règle. 

M.  le  duc  de  Penthiè vre  fut  reçu  avant-hier  chevalier  de  la 
Toison  d'or  par  M.  de  la  Mina,  à  Paris,  dans  la  maison  de  cet 
ambassadeur.  Il  y  avoit  treize  chevaliers  de  la  Toison  à  cette 
cérémonie,  en  comptant  M.  de  la  Mina,  qui  étoit  dans  un 
fauteuil  sous  un  dais.  Les  difficultés  que  j'ai  marquées  ci- 
dessus  ont  été  absolument  levées  par  ordre  exprès  du  Roi 
d'Espagne  (1).  C'est  de  M.  de  la  Mina  même  que  je  le  sais. 
M.  de  Penthiè  vre,  après  sa  réception,  prit  séance  le  pre- 
mier à  droite  au-dessus  de  M.  le  maréchal  de  Noailles,  qui 
se  trouvoit  dans  cette  cérémonie  le  doyen  des  chevaliers. 
Les  chevaliers  étoient  assis  sur  deux  banquettes  à  droite 
et  à  gauche  du  fauteuil;  la  cérémonie  ne  dura  pas  plus 
d'un  bon  quart-d'heure  parce  que  M.  de  Penthièvre, 


(1)  Cet  opâre  m  lu  de^nt  tott«  les  cheviiKert  avant  la  céi^monte.  Il  passe 
pour  constant  que  c'est  une  règle  établie  dans  l'ordre  de  la  Toison  que  les 
chevaliers,  quels  qu'ils  soient,  ne  prennent  rang  que  du  jour  de  leur  réception; 
cependant  M.  le  duc  de  Vîllars  m'a  dit  que  lorsqu'il  avmt  été  reçu  chevalier 
de  la  Toison,  il  se  souvenoit  parfeiteracnt  que  l'Inflint  don  Philippe  «t  Hiifant 
cardinal  étaient  à  la  tète  de  tous  les  chevaliers.  (Note  du  d«c  de  lu^nes.  ) 


FEVRIER  W«.  127 

ayant  la  croix  de  Saiht^Louis,  avoit  d^àëté  armé  cheva- 
lier. 

Le  Roi  a  été  aujourd'hui  monter  ses  chevaux  de  ehasee 
dans  le  manège  couvert,  à  la  grande  éenf  ie^  pour£aire  de 
Texercice. 


FÉVEIEB. 

Testament  de  M.  le  Duc,  -^  Sermon  du  P.  Neuville.  —  Nouveaux  maréchaux 
de  camp  et  brigadiers.  —  Voyage  de  la  Meutte.  —  Souper  dans  les  cabinets. 
-—  Mort  de  M"**  de  Rhodes.  -^  Bals.  -^  Promenades  en  trataeaux  ;  M")e  de 
MaiUy  et  de  M"*''  de  Vintimine.  —  Jeu  de  la  Reine.  —  £au  bénite  de  M.  Je 
Duc.  —  Moi*t  du  prince  de  Chimay,  gendre  du  duc  de  Saint-Simon.  —  Mort 
de  la  duchesse  de  ChâtiUon.  —  Régiments  de  M.  le  Dup.  -—Mariage  du  duc 
de  Biron  avec  M*'*'  de  Roye.  —  Incendie  du  t»lon  de  Marly»  —  Parodie  de 
«basse  par  les  valets  de  cbiens.  —  Mort  du  pape  Clément  XXX,  —  Lettre  de 
Silvaà  Mme  de  Vintimille.  »  Mort  de  M.  d'Angervilliers  ;  M.  de  BreteuU 
le  remplace.  —  Appartements  de  M*"'  de  Mailly  à  Marly  et  à  Versailles.  — 
PIHage  du  bois  des  Célestins.  —  Bal  de  M.  de  Lichtenstein.  — .  Serment  4vi 
<;orate  de  Charolois  pour  la  charge  de  grand  maître  de  la  Maison  du  Roi. 

Du  lundi  V%  Versailles.  —  Parle  testament  de  M.  le  Duc, 
M™®  la  Duchesse  jeune  est  nommée  tutrice  avec  M.  le  comte 
de  Charolois.  Il  laisse  100,000  livres  aux  pauvres,  rien  à 
ses  principaux  officiers,  mais  le  pouvoir  aux  tuteurs  de 
faire  un  arrangement  pour  les  officiers  inférieurs  et  ses 
domestiques,  disant  qu'il  lègue  par  le  dit  testament  tout 
ce  qui  sera  arrangé  par  les  dits  tuteurs.  Il  défend  qu'on 
venderien  des  meubles  de  Chantilly  et  de  l'hôtel  de  Condé. 
Il  parolt  que  l'on  est  fort  content  de  l'ordre  que  M.  de 
Charolois  veut  mettre  dans  les  affaires  de  son  neveu  et  de 
l'affection  qu'il  montre  pour  lui;  il  agit  en  tout  extrême^ 
ment  de  concert  avec  M"®  sa  belle-sœur. 

La  liste  de  Marly  parut  avant-hier  ;  toutes  les  princesses 
y  vont  hors  M"'"  les  Duchesses  et  M"®  de  Sens,  qui  reste  au- 
près de  M"*®  sa  mère . 

Quoique  le  mariage  de  M"*  de  Guîche  ne  se  soit  fait 


ISS  MÉMOIRES  DU  DUC  WL  LUTIŒS. 

qtt'avaat-liîer  avec  M.  le  comte  de  Brionne,  elle  étoitsor 
la  liste  de  Marly  sous  le  nom  de  comtesse  de  Brionne  pla- 
sieurs  jours  auparavant. 

Du  mardi  %  Venailles.  —  On  fera  la  grande  cérémonie 
pour  renterrement  de  M.  le  Duc  ;  il  sera  exposé  à  Fhôtel 
de  Condé^  et  doit  être  porté  à  Enghien.  M.  le  Duc  fit  Fob- 
servation^  en  faisant  son  testament,  qu'il  ne  parloit  point 
de  son  enterrement;  mais  comme  on  cherchoità  le  flatter 
sur  son  état^  au  mot  d'enterrement  on  lui  répondit 
qu'on  espéroit  faire  bientôt  des  feux  de  joie  pour  son  ré* 
tablissementy  et  depuis  il  ne  parla  plus  de  cet  article.  On 
Ta  ouvert  et  on  a  trouvé  la  gangrène  dans  les  intestins  ; 
on  a  trouvé  aussi  dans  Tceil  qu'il  avoit  eu  crevé  encore 
un  grain  de  plomb.  La  sépulture  des  princes  de  la  maison 
de  Condéétoit  depuis  1588  à  Valéry  (1)  ;  mais  dans  les 
partages  qui  furent  faits^  il  n'y  a  pas  longtemps^  de  la  suc- 
cession de  feu  H.  le  Duc,  cette  terre  fut  donnée  à  M"*"  de 
Sens,  et  H.  le  Duc  n'a  pas  voulu  la  reprendre.  H^^^  de  Sens 
l'a  vendue  depuis  peu  à  M.  Bosnier.  J'ai  ouï  dire  qu'on 
avoit  ôté  et  vendu  les  marbres  des  tombeaux.  La  terre  de 
Valéry  vient  à  la  maison  de  Condé  de  la  marécbale  de 
Saint-André,  M.  le  prince  de  Condé  {M.  le  Prince)  père  du 
grand  C!ondé,  étoit  amoureux  de  la  maréchale  de  Saint- 
André,  et  vouloit  Tépouser;  une  maladie  considérable 
qu'eut  M.  le  Prince  le  fit  changer  de  sentiment;  il  prit 
d'autres  engagements.  La  maréchale  de  Saint-André, 
piquée  de  ce  changement,  voulut  s'en  venger,  mais  d'une 
façon  particulière;  elle  dit  que  puisqu'elle  n'avoitpû 
avoir  M.  le  prince  vivant,  au  moins  l'auroit-elle  mort;  et 
en  conséquence  lui  fit  une  donation  de  la  terre  de  Valéry 
pour  lui  et  ses  successeurs,  à  condition  que  ce  seroit  doré- 
navant la  sépulture  de  la  maison  de  Condé. 


(1)  Valéry  oa  Vallory,  chftteau  .dans  le  Gatinaia,  à  cinq  lieaes  au  sud  de 
Montereau. 


FÉVRIER  1740.  139 

Le  Roi  a  fait  ce  matin  la  cérémonie  des  chevaliers  où 
M.  de  Fénelon  a  été'recu,  et  M.  le  duc  de  Chartres  nommé 
pour  être  reçu  à  la  Pentecôte, 

M.  le  prince  de  Lichtenstein  est  venu  prendre  aujour- 
d'hui congé  du  Roi  ;  il  part  pour  aller  à  Bruxelles  rece- 
voir Tordre  de  la  Toison. 

Le  Roi  a  entendu  aujourd'hui  le  sermon  du  P.  Neuville^ 
jésuite  ;  c'est  un  fameux  prédicateur  et  qui  excelle  surtout 
dans  les  portraits  ;  mais  la  volubilité  avec  laquelle  il  parle 
et  la  monotonie  diminuent  beaucoup  du  plaisir  de  Ven- 
tendreet  font  même  perdre  une  partie  de  ce  qu'il  dit.  Son 
compliment  aété  fort  simple  mais  fort  bon.  C'est  aujour- 
d'hui le  premier  sermon  du  prédicateur  du  carême. 

M"*  la  comtesse  de  Brionne  a  été  présentée  aujourd'hui, 
et  a  pris  son  tabouret. 

Le  Roi  vient  de  faire  trois  maréchaux  de  camp  qui  ser- 
vent actuellement  en  Corse,  et  les  régiments  sont  donnés. 
Les  maréchaux  de  camp  sont:  MM.  de  Yillemur,  de  Conta- 
des  et  de  Montmorency.  Les  régiments  qui  ont  été  donnés 
sont  :  Vermandois,  Bassigny  et  Montmorency.  M.  de  Con- 
tades  avoit  le  régiment  d'Auvergne,  mais  on  fait  passer 
M.de  Clerraontau  régiment  d'Auvergne  ;  et  Vermandois, 
qu'avoit  M.deClermont,  a  été  donné  à  M.  le  chevalier  de 
Tessé;  Bassigny,  que  commandoit  M.  de  Villemar,  a  été 
donné  à  M.  le  chevalier  de  Pons;  et  Montmorency  devient 
Lislenois,  ayant  été  donné  à  M.  de  Listenois,  second  fils 
de  M.  de  Bauffremont.  On  a  fait  aussi  trois  brigadiers  : 
M.  de  Lussan,  M.  d'Avaray  et  M.  de  Pons-Chavigny,  qui 
ont  servi  tous  trois  en  Corse. 

La  Reine  n'avoit  point  joué  depuis  la  mort  de  M.  le 
Duc;  elle  a  joué  aujourd'hui  pour  la  première  fois.  Elle 
soupahierdans  son  grand  cabinet  avec  M""  de  Montauban 
etdeFleury,  et  elle  y  soupe  encore  aujourd'hui.  M""^  d'An  tin 
soupe  aussi  avec  la  Reine. 

Le  Roi  après  le  salut  est  parti  pour  la  Meutte,  d'où  il  re- 
viendra jeudi  tenir  le  conseil  d'État  à  Marly.  Les  dames 
T.  m.  9 


/ 


130  MÉMOIRES  DU  bUG  DE  LUYNES. 

de  ce  voyage  sont  :  M***  de  Hailly^de  VintimiUe,  deCh»- 
lais  et  la  maréchale  d'Estrées  ;  et  ce  qui  est  à  remarquer^ 
c'est  que  ces  quatre  dames  couchent  à  la  Meutte^  et  on  a 
envoyé  les  hommes  coucher  à  Madrid.  Mademoiselle  n'est 
point  de  ce  voyage^  ni  M^^^  de  Clermont^  à  cause  de  la 
mort  de  H.  le  Duc.  On  dit  cependant  que  Mademoiselle 
avoit  grande  envie  d'aller  à  Madrid;  elle  étoit  pour  ainsi 
dire  brouillée  avec  M .  le  Duc^  comme  j'ai  marqué  ci-dessus  ; 
ainsi  elle  ne  se  pique  point  d'être  affligée  et  a  trouvé  assez 
mauvais  que  la  convenance  de  douleur  fût  une  exclusion 
de  ce  voyage. 

Dimanche  dernier,  le  Roi  dit  à  M.  d'Ayen  qu'il  avertit 
M.  le  comte  de  Noailles  et  M.  de  Meuse  de  se  trouver  à  Tap- 
partement  de  quartier  à  huit  heures.  M"*'  la  comtesse  de 
Toulouse  étoit  au  chenil  ce  jour-là  ;  c'est  le  lieu  où  elle  a 
coutume  de  se  retirer  qUand  elle  ne  veut  voir  personne. 
M.  d'Ayen  exécuta  les  ordres  du  Roi,  etmonta  chez  S.  M.  à 
huit  heures;  il  avoit  laissé  dans  l'a^artement  de  quar- 
tier M°*  de  Mailly  et  M"®  de  VintimiUe,  avec  qui  l'arrange- 
ment étoit  fait  de  souper  chez  M.  le  duc  d'Ayen.  M.  le 
prince  de  Dombes,  qui  se  mêle  quelquefois  de  faire  la 
cuisine,  devoit  faire  le  souper,  que  l'on  comptoit  qui  se- 
roit  fort  gai.  M.  d'Ayen,  étant  arrivé  chez  le  Roi,  trouva 
tout  cet  arrangement  changé  ;  Mademoiselle  étoit  arrivée 
de  Paris,  et  sachant  M*"^  la  comtesse  de  Toulouse  au  chenil 
avoit  envoyé  savoir  ce  quefaisort  le  Roi.  Le  Roi  lui  avoit 
mandé  qu'il  n'y  avoit  point  de  souper.  Mademoiselle  ren- 
voya une  seconde  fois  et  même  une  troisième,  demandant 
que  le  Roi  voulût  bien  lui  envoyer  un  morceau  à  manger 
parce  qu'elle  étoit  fort  embarrassée  de  son  souper;  à  la 
troisième  ambassade,  le  Roi  lui  manda  qu'elle  vint  donc 
puisqu'elle  vouloit  souper,  et  le  souper  fut  dans  les  ca- 
binets duRoi.  La  compagnie  qui  étoit  en  bas  monta;  Ma- 
demoiselle fit  ce  qu'elle  Iput  pendant  le  souper  pour  y 
mettre  delà  gaieté;  mais  elle  n'y  réussit  pas;  tout  se  passa 
fort  sérieusement  pendant  et  après  le  souper,  lequel  fut 


FÉVRIER  £740.  181 

suivi  d^una  conversation  qui  ne  fut  pas  lengue.  Ce  dé- 
tail est  certain. 

Le  Roi  a  pris  le  deuil  samedi/pour  douze  jours^  de  M.  le 
Duc, 

Du  mercredi  3,  Verêaille$.  —  On  apprit  hier  la  mort  de 
M"'''  de  Rhodes^  morte  ce  même  jour  ;  elle  étoit  grand'- 
mère  de  feu  M^°  la  princesse  de  Soubise^  morte  il  y  a 
quelques  mois. 

Du  jeudikf  Versailles.  — Lamort  de  M.  leDuc  n'a  point 
empêché  qu'il  n'y  eùt^  dimanche  dernier,  bal  chez  H.  le 
Dauphin^  comme  à  Tordinaire.  Hier  mercredi,  il  y  eut 
bal  en  m^ue  chez  Mesdames.  M.  le  Dauphin  y  vint 
masqué  ;  toute  sa  suite  étoit  aussi  masquée,  hors  M.  de 
Chàtillonseul;  car  l'officier  desg^ardes  étoitmasqué.  M.  de 
Polastron  et  les  gentilshommes  de  la  manche,  le  gouver- 
neur de  M.  le  duc  de  Chartres  étoient  aussi  masqués  ; 
M"®  de  Tallard  n'étoit  point  masquée,  ni  M"'  de  Muys.  Ily 
avoit  aussi  M'"''  la  duchesse  de  Duras  avec  sa  belle-fille, 
H'"*'  de  Durfort,  qui  n'étoient  point  masquées.  M.  le  Dau- 
phin resta  au  bai  jusqu'à  près  de  deux  heures,  et  H'"*'  Adé- 
laïde jusqu'à  plus  de  deux  heures. 

La  Reine  soupa  encore  hier  avec  deux  ou  trois  de  ses 
dames. 

Du  vendredi  5 f  Marly.  —  Le  Roi  arriva  hier  sur  lescinq 
heures,  et  tint  conseil  d'État  aussitôt.  Les  princesses  ne 
doivent  y  venir  que  lundi.  J'ai  marqué  ci-dessus  que 
M"''  de  Sens  ne  devoit  point  être  du  voyage  ;  elle  a  pour- 
tant été  écrite,  et  n'a  même  mandé  qu'elle  ne  viendroit 
point  que  la  veille  ou  la  surveille  du  départ;  de  sorte 
qu'il  a  fallu  l'effacer  de  dessus  la  liste,  ce  qui  me  paroit 
n'avoir  pas  plu  ici. 

Le  Roi  et  la  Reine  soupèrent  hier  avec  des  dames  ; 
mais  c'est  tout  ce  qu'on  put  faire  que  d'en  rassembler  dix 
pour  le  souper. Il  y  eut  hier  fort  peu  de  monde  au  salon  ; 
àminuit  et  demi,  il  n'y  avoit  plus  qu'une  seule  table  de 
jeu,  et  tout  le  monde  se  retira  à  une  heure. 

9. 


1)3  MÉMOIRES  DU  DUC  DE.LUTlfES. 

Aujourd'hui  le  Roi  a  été  en  traîneau.  C'est  M**  de 
Mailly  cpiele  Roi  avoitchargée  d'envoyer  avertir  de  la  part 
de  S.  M.  les  dames  pour  les  traîneaux ,  et  c'est  un  valet  de 
chambre  de  M**  de  Mailly  qui  aété  leur  dire  delà  part  da 
Roi.  Cela  s'étoit  passé  de  même  au  dernier  voyage  de  la 
Meutte  ou  de  Choisy.  Aujourd'hui  la  plupart  de  celles  qui 
ont  été  priées  ont  refusé.  U  n'y  avoit  que  M""  de  Mailly^ 
M"^  de  Vintimille^  M""*  de  Sassenage  et  IP*  la  princesse  de 
Rohan.  Tous  les  autres  traîneaux  étoient  menés  par  des 
hommes.  M.  d'Ayen  marchoiten  traîneau  derrière  le  Roi, 
et  M.  le  Premier  dans  un  autre  devant  S.  M.  Le  Roi  a  dit 
aux  officiers  de  ses  gardes  qu'il  ne  sortiroit  point  de  ses 
jardins  et  qu'ils  n'avoient  qu'à  se  promener  &  pied.  C'est 
le  Roi  qui  a  mené  M"*  la  princesse  de  Rohan;  M.  duc  de 
Villeroy  M"*  de  Vintimille,  et  M.  le  '  comte  de  Crament 
M"*"  de  Màilly .  Elle  n'avoit  pas  trop  d'envie  d'aller  dansles 
traîneaux,  quoi  qu'elle  fût  tout  habillée  pour  la  prome- 
nade et  descendue  dans  les  jardins  ;  elle  a  même  proposé 
au  duc  d'Ayen  de  rester  avec  elle,  mais  le  Roi  lui  a  dit 
qu'il  avoit  affaire  de  son  capitaine  des  gardes.  M"®  de 
Mailly  lui  a  représenté  qu'il  avoit  M.  le  duc  de  Villeroy,  et 
le  Roi  lui  a  répondu  que  cela  ne  faisoit  rien,  M.  le  duc 
de  Villeroy  n'ayant  pas  le  bâton.  Le  traîneau  de  M"*  de 
Mailly  a  toujours  été  derrière  tous  les  autres. 

M.  le  Duc  sera  enterré  samedi.  C'est  aujourd'hui  que 
M.  le  prince  de  Conty  est  allé  lui  jeter  de  l'eau  bénite 
de  la  part  du  Roi  ;  je  ne  sais  point  encore  le  détail.  Je  sais 
seulement  qu'il  y  a  douze  gardes  nommés  pour  accom- 
pagner H.  le  prince  de  Conty,  et  que,  comme  ces  dé- 
tachements sont  regardés  comme  honorables,  c'est  le 
premier  lieutenant  du  corps  qui  a  droit  de  les  com-  * 
mander;  et  par  cette  raison ,  c'est  M.  de  Chazeron  qui 
marche.  On  m'a  dit  que  M.  de  Ch&tellerault  avoit  été 
nommé  pour  accompagner  M.  le  prince  de  Conty,  et  que 
n'ayant  pu  y  aller,  c'étoitM.  d'Estissac. 

La  promotion  de  Corse  donne  ici  occasicm  &  beaucoup 


FÉVRIER  17410.  1S8 

de  plaintes;  entre  autres  MM.  d'Haiitefort^  de  Fimarcon  et 
de  Boufflers  sont  fort  mécontents.  Les  deux  derniers  ont 
servi  en  Italie  et  y  ont  été  blessés  ;  H.  de  Boufflers  a  servi 
en  Allemagne  y  et  outre  cela  il  commande  en  Flandre  et 
y  tient  un  grand  état.  Us  sont  tous  trois  plus  anciens 
colonels  que  ceux  qui  viennent  d'être  faits  maréchaux  de 
camp  en  Corse. 

Du  samedi  6,  Marly.  —  Le  Roi  a  été  ce  matin  à  Ver- 
sailles courre  au  manège  et  est  revenu  à  trois  heures. 
S.  M.  avoit  demandé  à  diner  pour  cette  heure.  M.  de 
Bouillon  et  H.  de  la  TrémoiUe  ne  se  sont  point  trouvés 
pour  son  diner.  Cest  M.  de  Maillebois  qui  a  servi  S.  M. 
Pendant  que  le  Roi  étoit  à  table ,  M.  le  duc  de  Roche- 
chouart^  premier  gentilhomme  de  la  chambre,  est 
arrivé  ;  il  ne  vouloit  point  avancer,  voyant  que  c'étoit 
M.  de  Maillebois  qui  servoit,  mais  H.  de  Maillebois,  qui 
avoit  envie  d'aller  dîner,  a  mandé  à  M,,  de  Rochechouart 
qu'il  lui  feroit  grand  plaisir  de  venir  prendre  la  ser- 
viette ,  ce  que  M.  de  Rochechouart  a  fait  et  a  achevé  de 
servir  le  diner. 

Le  Roi  ne  fait  point  de  voyage  la  semaine  prochaine 
(c'est  la  semaine  de  M"**  de  Mailly).  S.  M.  va  de  demain 
en  huit  à  la  Meutte  pour  jusqu'à  mardi;  il  restera  en- 
suite ici  pour  jusqu'au  samedi  que  la  Cour  retourne  à 
Versailles.  Le  lundi  suivant,  le  Roi  va  à  Choisy  jusqu'au 
vendi'edi;  il  reviendra  à  Versailles  et  n'y  restera  que 
jusqu'au  dimanche  gras.  Ce  jour,  il  va  à  la  Meutte  et  en 
revient  le  mardi  gras  souper  dans  ses  cabinets  et  ne 
compte  point  sortir  de  Versaill^  pendant  le  carême. 

Du  dimanche  7,  Marly.  — Hier,  la  Reine  soupa  avec  les 
dames.  Le  Roi  ne  soupa  point;  il  a  fait  médianoche.  Les 
dames  étoient  M'"*^  de  Mailly,  de  Vintimille  et  de 
Chalais.  Mademoiselle  y  étoit  aussi  ;  elle  arriva  hier  au 
soir  et  ne  parut  point  dans  le  salon.  Le  Roi  y  étoit  entré 
à  neuf  heures ,  un  moment  avant  que  la  Reine  se  mit  à 
table,  et  joua  à  Thombreavec  M*  le  comte  d'Estrées  et 


134  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

M.  de  Coupson  jusqu'à  onze  heures  et  demie  ;  M"**  de 
Mailly  et  de  Vintimille  restèrent  toujours  dans  le  salon. 
Pendant  que  le  Roi  jouoît ,  elles  jouèrent  à  quadrille ,  â 
une  table  la  plus  près  qu'il  soit  possible  de  celle  du  Roi  ; 
et  après  que  M"**  de  Mailly  eut  fini  sa  partie ,  elle  resta 
presque  toujours  debout,  auprès  de  la  cheminée,  regar- 
dant la  partie  d'hombre  du  Roi.  M"*  de  Vintimille  jouoit 
encore  pendant  ce  temps-là.  Avant-hier,  lorsque  la  Reine 
entra  dans  le  salon,  et  que  M.  le  comte  de  Noailles,  après 
avoir  présenté  un  tableau  de  cavagnole  à  S.  M. ,  en  pré. 
sentoit  aux  dames  et  hommes  que  la  Reine  nommoit , 
M"'  de  Mailly  étoit  à  regarderie  Roi  jouet  à  Thombre. 

Hier  après  le  souper ,  la  Reine  joua  encore  à  cava- 
gnole, comme  elle  a  accoutumé  ici.  Les  deux  ambassa- 
deurs d'Espagne  et  de  Sicile ,  qui  y  arrivèrent  hier  et 
qui  sont  du  voyage,  eurent  aussi  l'honneur  de  jouer  avec 
S.  M.  M.  le  cardinal  d'Auvergne  avoit  un  tableau  ;  après 
avoir  joué  quelque  temps,  il  le  donna  à  M.  de  Bouillon 
et  par  conséquent  il  resta  debout.  Il  vint  me  proposer 
de  parier  contre  moi  d'un  tableau  à  l'autre ,  et  un  mo- 
ment après  me  demanda  s'il  ne  pouvoit  pas  s^asseoir, 
puisqu'il  parioit;  je  lui  dis  de  s'adresser  à  M"*  de  Luynes. 
M"*  de  Luynes ,  à  qui  il  en  parla,  le  demanda  à  la  Reine  ; 
la  Reine  me  parut  un  peu  embarrassée,  et  dit  pourtant 
qu'elle  croyoit  que  oui.  M™*^  de  Luynes  dit  à  M.  le  cardinal 
d'Auvergne  que  puisqu'il  parioit,  la  Reine  trouvoit  bon 
qu'il  s'assit.  11  ne  fut  assis  qu'un  moment ,  car  il  reprit 
un  autre  tableau.  Je  crois  que  pour  que  les  choses  eussent 
été  en  règle,  il  auroit  fallu  que  M.  le  cardinal  d'Au- 
vergne eût  au  moins  demandé  permission  à  la  Reine  de 
parier.  Le  dernier  voyage  de  Marly  ou  celui  d'aupara- 
vant, pareille  chose  m'arriva;  tous  les  tableaux  étant 
remplis.  M"*  la  princesse  de  Conty  trouva  bon  que  je 
pariasse  de  son  tableau  contre  tout  le  monde  au  jeu  de 
la  Reine,  à  qui  j'en  avois  demandé  permission  ;et  un  mo- 
ment après,  M"*  la  princessede  Conty  la  demanda  à  la 


FÉVRIER  IT40.  185 

Reine  pour  que  je  fusse  assis  puisque  je  pariois,  et  S.  M. 
le  trouva  bon.  M™®  de  Luynes,  qui  jouait  avec  la  Reine 
et  qui  en  étoit  séparée  par  les  deux  ambassadeurs,  fut 
un  peu  embarrassée  elle-même  pour  demander  à  la 
Reine  la  permission  que  M.  le  cardinal  d'Auvergne  dé- 
siroit  ;  elle  prit  le  parti  de  se  lever  et  d^aUer  parler  à 
l'oreille  à  la  Reine. 

J'appris  hier  que  M.  de  Chàtellerault  avoît  été  d'abord 
nommé  pour  accompagner  M.  le  prince  de  Conty ,  et 
que  s'étant  trouvé  incopimodé ,  M.  d'Estissac  avoit  été 
nommé  pour  aller  à  sa  place;  et  cet  avertissement  s'est 
fait  par  une  lettre  de  M.  de  Brezé,  fils  de  M.  de  Dreux,  de 
la  part  du  Roi.  M.  le  cardinal  de  Rohan  reçut  aussi  il  y  a 
quelques  jours  (à  ce  qu'il  me  dit  hier)  une  lettre  de  M.  de 
Brezé  contenant  le  modèle  de  l'ordre  qu'il  devoit  donner 
comme  grand  aumônier  pour  la  cérémonie  de  F  eau  bénite, 
et  pour  qu'il  nommât  un  aumônier  du  Roi  et  un  sommier 
de  chapelle  ;  le  sommier  est  chargé  de  faire  porter  un  prie- 
Dieu,  couvert  d'un  tapis,  et  un  carreau  de  velours  cramoisi 
qui  doit  être  dressé  dans  la  chambre  même  où  est  le  corps 
pour  le  prince  du  sang  au  moment  qu'il  arrive,  afin  qu'il 
s'y  mette  à  genoux.  L'aumônier  du  Roi  (  c'étoit  l'abbé 
de  la  Fare  )  se  met  à  genoux  devant  le  prie-Dieu  comme 
devant  celui  du  Roi,  reçoit  le  goupillon  des  mains  du 
Roi  d'armes,  le  présente  au  prince  du  sang,  le  reçoit  de 
sa  main  et  le  rend  au  Roi  d'armes.  Le  prince  du  sang 
étant  parti ,  le  sommier  de  chapelle  enlève  le  prie-Dieu. 

Du  mercredi  10,  Marly.  —  J'avois  oublié  de  marquer 
que  le  dernier  jour  que  le  Roi  fut  au  manège  à  Versailles 
monter  à  cheval ,  S.  H.  alla  ensuite  faire  une  visite  à 
M"*  la  comtesse  de  Toulouse ,  qui  ne  fut  pas  longue , 
et  après  laquelle  il  monta  dans  ses  carrosses  pour  re- 
venir ici. 

Samedi  dernier,  6  de  ce  mois,  il  y  eut  ici  des  traîneaux 
de  la  même  manière  que  je  l'ai  marqué  ci-dessus.  C'étoit 
le  Roi  qui  menoit  M"'  de  Mailly .  Il  y  en  eut  encore  lundi  ; 


136  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Mademoiselle  n^y  fut  point;  elle  ne  parolt  même  dans  le 
salon  que  pour  l'heure  du  souper. 

Je  vis  il  y  a  deux  ou  trois  jours  M.  le  duc  d'Estissac; 
il  me  conta  ce  qui  s'étoit  passé  &  Teau  bénite  de  M.  le 
Duc.  n  y  a  eu  une  petite  difficulté,  .et  tout  s'est  passé  de 
la  même  façon  que  j'ai  déjà  marqué  ci-dessus ,  sur  ce 
que  m'en  avoit  dit  M.  le  duc  de  Gesvres.  H.  d'Estissac 
avoit  été  averti  de  la  part  du  Roi  par  une  lettre  de  H.  de 
Dreux  ;  je  Tai  déjà  marqué.  Il  se  rendit  aux  Tuileries  ; 
M.  le  prince  de  Conty  s'y  rendit  de  son  côté.  M.  le  prince 
de  Conty  monta  dans  le  carrosse  du  Roi  le  premier,  et 
se  mit  à  droite  dans  le  fond  ;  H.  d'Estissac  dans  le  fond 
aussi  y  à  la  gauche.  M.  de  Cboiseul ,  nommé  par  le  Roi 
pour  porter  la  queue  du  manteau  de  H.  le  prince  de 
Conty,  monta  sur  le  devant,  vis-à-vis  M.  le  prince  de 
Conty^  et  M.  de  Brezé^  comme  grand  maître  des  cérémo- 
nies, sur  le  devant,  vis-à-vis  M.  le  duc  d'Estissac.lls  allè- 
rent aussi  accompagnés  des  gardes  du  corps  descendre 
à  l'hôtel  de  Condé,  où  H.  le  prince  de  Conty  fut  reçu , 
à  la  descente  du  carrosse ,  par  M*  le  comte  de  Charo- 
lois,  M.  le  comte  de  Clermont,  qui  étoient  accom- 
pagnés de  H.  le  prince  Charles,  de  M.  le  prince  de  Pons 
et  de  plusieurs  autres.  M.  le  prince  de  Conty  entra  dans 
une  chambre  pour  s'habiller;  H.  le  duc  d'Estissac  s'ha- 
billadans  la  même  chambre;  je  crois  pourtant  que  sui- 
vant la  règle  il  auroit  dû  s'habiller  dans  une  autre 
chambre  ;  ils  marchèrent  ensemble,  M.  le  duc  d'Estissac 
à  côté  de  M.  le  prince  de  Conty,  l'épaule  seulement  en 
arrière  ;  la  queue  du  manteau  de  M.  d'Estissac  portée 
à  côté  de  celle  du  manteau  de  M.  le  prince  de  Conty  et 
laissée  seulement  au  milieu  de  la  pièce  qui  précédoit 
celle  du  corps ,  au  lieu  que  celle  du  manteau  de  M.  le 
prince  de  Conty  fut  portée  jusqu'à  la  porte  même  de  la 
pièce  où  étoit  le  corps.  J'ai  marqué  plus  haut  le  prie- 
Dieu  ,  l'eau  bénite;  je  ne  le  répète  point  ici.  M.  le  prince 
de  Conty  se  mit  à  genoux  sur  le  carreau;  il  n'y  eut  que  lui 


.^ssdimm^igi 


FÉVRIER  17410.  137 

de  tous  ceux  qui  étoient  là  qui  se  mit  à  genoux»  Au  retour, 
les  choses  se  passèrent  de  la  même  manière  ;  M.  le  prince 
de  Conf y  fut  reconduit  jusqu'aux  carrosses  du  Roi,  et 
retourna  aux  Tuileries  avec  M.  d'Estissac  accompagné  des 
gardes  ;  ils  s'y  déshabillèrent^  et  reprirent  leurs  carrosses. 

On  apprit^  il  y  a  trois  ou  quatre  jours,  la  mort  de 
M.  le  prince  de  Ghimay ,  &  Bruxelles.  Il  avoit  épousé  la 
fille  de  H.  le  duc  de  Saint-Simon.  Ce  mariage  est  trop 
singulier  pour  n'en  pas  mettre  un  mot  ici.  M^^""  de  Saint- 
Simon  est  si  petite ,  si  contrefaite  et  si  affreuse  que  M.  et 
M'"''  de  Saint-Simon ,  bien  loin  de  songer  à  la  marier,  ne 
cherchoient  qu'à  la  cacher  aux  yeux  du  public*  H.  de 
Saint-Simon  étoit  en  grande  faveur  auprès  de  feu  M.  le 
duc  d'Orléans;  cette  raison  détermina  apparemment 
H.  de  Chimay  a  lui  demander  sa  fille  en  mariage.  M.  de 
SaintrSimon ,  qui  est  extrêmement  énergique  dans  ses 
expressions ,  répondit  à  H.  de  Chimay  par  une  descrip* 
tion  très-détaillée  et  même  outrée ,  s'il  est  possible ,  de 
toutes  les  imperfections  de  sa  fille  (1) ,  lui  ajoutant  que 
si  c'étoit  par  rapport  au  crédit  qu'il  pouvoit  avoir  sur 
M.  le  duc  d'Orléans,  qu'il  ne  vouloit  pas  le  tromper 
davantage  sur  cet  article  que  sur  les  autres ,  et  qu'il  ne 
ne  se  mêleroit  en  aucune  manière  des  affaires  qui  pour- 
roient  le  regarder.  M.  de  Chimay  persista  dans  son 
projet  (2)  ;  il  vécut  quelques  années  à  Paris,  voyant  de 
temps  en  temps  sa  femme,  qui  est  toujours  restée  à 
l'hôtel  de  Saint-Simon.  Il  étoit  depuis  plusieurs  années  à 
Bruxelles. 

On  apprit  hier  la  mort  de  M"®  la  duchesse  de  Chàtil* 
Ion;  elle  étoit  veuve  de  M.  Bouchu,  dont  elle  avoit  eu 
feu  M"**  de  Tessé,   femme  du  premier  écuyer  de  la 


(1)  Saint-Simon  est  moins  outré  à  ce  sujet  dans  ses  Mémoires.  «  11  y  a, 
dit-il  en  parlant  de  sa  fille,  des  personnes  faites  de  manière  qu*elles  sont  plus 
heureuses  de  demeurer  tilles  avec  le  revenu  de  la  dot  qu^on  leur  donneroit.  » 

(2)  Le  mariage  eut  lieu  le  16  juin  1722. 


188  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYINES. 

Reine  et  mère  de  M.  de  Tessé  qui  a  aujourd'hui  cette 
charge  ^  lequel  a  épousé  une  de  s  filles  de  M.  le  duc  de 
Béthune.  Les  enfants  de  M"^  de  Tessé  sont  :  M.  le  mar- 
quis de  Tessé  et  le  chevalier  de  Tessé,  qui  vient  d'avoir 
un  régiment ,  et  une  sœur  mariée  à  M.  de  Ghavagnac, 
capitaine  de  vaisseau.  M.  de  Chàtillon  étoit  un  fils  de 
M.  le  maréchal  de  Luxembourg  et  père  de  M.  de  Bout« 
teville,  qu'il  avoit  eu  de  sa  première  femme ,  M***^  de 
Royan,  fille  de  François,  marquis  de  Royan,  et  d'Yolande- 
Lucie  de  la  Trémoille.  M"'  de  Chàtillon  avoit  ou  soixante- 
treize  ou  soixante-quatorze  ans  et  s'étoit  mariée  pour 
avoir  un  tabouret.  Elle  déshérite  par  son  testament  son 
petit-fils  Talné  et  fait  le  chevalier  son  légataire  universel. 

Je  n'ai  rien  marqué  ci-dessus  au  sujet  des  régiments 
qu'avoit  M.  le  Duc.  Le  Roi  laisse  à  M.  le  prince  de  Condé 
le  régiment  de  cavalerie  et  celui  d'infanterie;  il  n'y  a 
encore  rien  de  décidé  sur  celui  de  dragons.  C'est  M.  d'Ar- 
gence,  gentilhomme  de  Bourgogne,  dont  le  grand-père 
avoit  commandé  un  des  régiments  de  feu  M.  le  Prince 
et  dont  la  famille  a  toujours  été  attachée  à  la  maison  de 
Condé,  qui  commande  ce  régiment.  Ce  régiment  étoit 
Goësbriant.  H.  de  Goôsbriant  le  vendit  40,000  écus  à  M.  le 
Duc,  et  en  demeura  colonel.  Lorsqu^il  fut  fait  maréchal 
de  camp,  H.  le  Duc  nomma  M.  d'Ârgence  auquel,  en  con- 
séquence, il  fut  expédié  une  commission  du  Roi.  Je  me 
souviens  bien  que  dans  le  temps  ce  choix nefut  point  ap- 
prouvé, et  c'est  ce  qui  fait  croire  que  dans  cette  occasion- 
ci  M.  d'Argence  n'aura  pas  ledit  régiment.  11  parolt  que 
l'intention  du  Roi  est  que  les  princes  du  sang  n'aient  que 
deux  régiments.  A  la  mort  de  feu  M*  le  prince  de  Conty, 
le  régiment  de  cavalerie  de  Conty  que  commandoit 
M.  du  Chayla  redevint  régiment  de  gentilhomme  sous  le 
nom  de  du  Chayla.  M.  d'Argence  cite  aujourd'hui  cet 
exemple;  on  ne  croit  pas  cependant  qu'il  soit  suivi. 

M.  l'archevêque  de  Bourges  et  H.  le  duc  de  Biron 
sont  venus  aujourd'hui  pour  demander  l'agrément  du  Roi 


FÉVRIER  1740.  189 

pour  le  mariage  de  M.  le  duc  de  Biron  avec  M"*  de  Roye, 
'  nièce  de  M.  Tarchevèque  de  Bourges  et  sœur  de  M™*  d'An- 
cenis;  son  bien  est  égal  à  celui  de  M"*  d'Ancenis;  je  l'ai 
déjà  marqué  ci-dessus. 

Le  Roi  soupa  hier  dans  ses  cabinets  sans  avoir  été  à  la 
chasse  ni  en  traîneau.  Les  dames  étoient  Mademoiselle , 
VP^de  MaiUy,  de  Vintimille  et  d'Antin. 

Hier  pendant  le  conseil,  le  feu  prit  aune  des  cheminées 
du  salon  (1),  celle  du  côté  de  l'appartement  de  M.  le 
Cardinal  ;  cela  fit  un  grand  mouvement.  Le  Roi  y  vint, 
mais  le  secours  fut  si  prompt  qu'il  n*y  eut  que  la  glace 
d'en  bas  cassée  et  une  partie  du  parquet  de  derrière 
brûlé;  on  mit  un  morceau  de  tapisserie  à  la  place  des 
glaces ,  et  le  soir  on  y  fit  du  feu. 

M"*  de  Luynes  me  dit  avant-hier  une  observation 
qu'elle  avoit  faite  au  souper  du  Roi.  L'usage  étoit,  les 
autres  voyages,  que  le  Roi  fût  servi  en  vaisselle  de  ver- 
meil ,  les  princesse*!  avec  des  assiettes  d'une  forme  dif- 
férente, et  les  dames  avec  des  assiettes  plates,  qui  étoient 
Tancienne  vaisselledu  Roi.  Ce  voyage-ci,  le  Roi  et  la  Reine 
sont  servis  en  vaisselle  d'or,  les  princesses  avec  des 
assiettes  de  vermeil  contournées  qui  paroissent  même 
plus  magnifiques,  et  les  dames  avec  des  assiettes  de  ver- 
meil ovées. 

Duvendredi  12,  Marly. — Le  Roi  quitta  hier  le  deuil  de 
M.  le  Duc.  M"*  la  princesse  de  Conty  et  M"®  de  la  Roche-sur- 
Yon  parurent  hier  dans  le  salon  et  soupèrent  avec  la 
Reine,  car  le  Roi  soupoit  dans  ses  cabinets.  Il  y  avoit 
dans  les  cabinets  les  mêmes  dames  qui  y  étoient  la  der- 
nière fois.  Le  Roi  avoit  été  le  matin  courre  dans  le  ma- 
nège à  Versailles. 

Quoiqu'on  ait  quitté  le  deuil,  cependant  la  mort  de 
M^'^de  Châtillon  et  de  M.  deChimay  fait  que  plusieurs  per- 


0)  DeMarly. 


140  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

sonnes  sont  encore  en  noir^  et  outre  cela  les  parents  de 
M.  le  Dac  le  portent  quelques  jours  de  plus . 

M"^  de  Mailly  et  M"®  sa  sœur  seroient  dans  le  cas 
de  porter  le  deuil  encore ,  et  effectivement  M""  de  la 
Toumelle  et  M*"''  de  Flavacourt  sont  actuellement  en 
deuil  ;  maisM*^  de  Mailly  a  déclaré  qu'elle  ne  le  porter  oit 
point  actuellement ,  qu'elle  ne  le  prendroit  qu^après 
Marly.  Elle  a  faitfaire  pour 5  ou  6,000  livres  d^habits  dont 
elle  veut  faire  usage  ici  ;  elle  ne  prendra  le  deuil  qu'a- 
près le  voyage.  Elle  a  payé  argent  comptant  tous  ces 
habits,  et  même  une  partie  d'un  qu'elle  a  donné  à  H"*®  de 
Vintimille^  sa  sœur.  Elle  ne  quitte  point  le  deuil  non 
plus. 

Il  devoit  y  avoir  des  traîneaux  aujourd'hui  ;  ils  sont 
remis  à  demain.  Les  dernières  fois  qu'on  y  a  été ,  ce  n'est 
pas  le  Roi  qui  a  nommé  tous  les  hommes  qui  dévoient 
aller  en  traîneaux,  et  chacun  a  été  assez  le  maître  d'en 
prendre. 

Le  voyage  de  la  Heutte  de  dimanche  est  changé  ;  le 
Roi  restera  ici  sans  en  sortir  jusqu'à  de  demain  en  huit. 

Les  gardes  du  corps  ayant  fait  ces  jours-ci  une  chasse 
entre  eux  dansles  jardins,  les  valets  de  chiens  du  Roi,  qui 
se  reposent  depuis  longtemps,  se  sont  piqués  d'honneur; 
ils  ont  pris  leurs  surtouts  bleus  sur  lesquels  ils  ont 
attaché  du  papier  blanc  et  doré ,  de  manière  qu'ils 
paroissoient  de  véritables  habits  uniformes  de  la  vénerie  ; 
ils  ont  loué  des  chevaux  et  même  jusqu'à  des  armes,  ont 
mis  sur  le  corps  d'un  petit  garçon  une  nappe  et  une  tète 
de  cerf,  ont  pris  d'autres  petits  garçons  pour  faire  les 
chiens,  et  ont  fait  dans  le  jardin  une  chasse  avec  grand 
bruit  de  leurs  trompes. 

Du  dimanche  1  ï.  — Hier  le  Roi  alla  encore  en  traîneaux, 
et  Mademoiselle  y  fut;  c'étoit  le  Roi  qui  la  menoit. 

La  Reine  jouoit  à  cavagnole  à  l'ordinaire,  pendant  que 
le  Roi  jouoit  à  l'hombre.  M"*®  de  Mailly  ne  jouoit  point; 
elle  fut  longtemps  assise  au  bout  de  la  table  d'hombre. 


FEVRIER  1740.  141 

vis-à-visle  Roi.  M.  de  Soubise^  quoiqu^eo  pleureuse^  a 
été  ces  jours-ci  en  traîneaux,  et  H.  de  Boutteville^  qui  est 
en  pleureuse  aussi,  à  cause  de  la  mort  de  M*"^  de  Chà- 
tillon  j  jouoit  hier  à  quadrille  dans  lé  salon. 

Du  lundi  15,  Marly.  —  On  apprit  hier  la  mort  du  pape 
Clément  XII,  âgé  de  quatre-vingt-huit  ans.  MM.  les  cardi- 
naux de  Rohan  et  d'Auvergne  se  préparent  à  partir  inces- 
samment pour  le  conclave.  Le  Roi  leur  donne  à  chacun 
50^000  livres  pour  les  frais  du  voyage.  Il  reste  ici  M.  le 
cardinal  de  Polignac ,  qui  a  déclaré  qu'il  n'iroit  point 
à  cause  de  son  âge,  M.  le  cardinal  de  Fleur  y  à  qui  son  âge 
et  ses  occupations  ne  permettent  pas  un  aussi  pénible  et 
long  voyage,  et  H.  le  cardinal  de  Gesvres,  âgé  de  quatre- 
vingt-quatre  ans,  qui  n'a  jamais  été  à  Rome  depuis  qu'il 
est  cardinal. 

Du  mercredi  17,  JUarly.  —  La  maladie  de  M.  le  Duc 
avoit  donné  beaucoup  de  prévention  contre  Silva,  son  mé- 
decin. La  difficulté,  dans  le  temps  de  cette  maladie,  d'en 
avoir  des  nouvelles  certaines ,  même  par  les  billets  que 
Ton  distribuoit  chaque  jom*,  avoit  donné  occasion  à  plu- 
sieurs raisonnements.  Silva ,  craignant  que  ces  préven- 
tions ne  fussent  passées  dans  Tesprit  du  Roi,  prit  le  parti 
d'écrire  ici  à  M"*  de  Vintimille  pour  se  justifier.  Cette 
lettre  qui  étoit  fort  détaillée  a  eu  l'effet  qu'il  désiroit. 
M"*^  de  Vintimille  et  M""''  de  Mailly  ont  pris  le  fait  et  cause 
de  Silva;  la  lettre  a  été  montrée  au  Roi,  qui  a  paru 
n'avoir  aucune  prévention  contre  Silva  et  en  a  parlé  avec 
beaucoup  d'estime. 

M.  d'Angervilliers  mourut  avant-hier,  à  sept  heures 
du  soir.  Il  y  avoit  douze  ans  qu'il  étoit  secrétaire  d'État 
de  la  guerre ,  depuis  la  mort  de  H.  le  Blanc.  Il  s'étoit  fait 
aimer  et  estimer  dans  cette  place.  Il  y  avoit  déjà  plu- 
sieurs années  que  sa  santé  étoit  mauvaise^  et  surtout  sa 
poitrine  attaquée.  Cependant ilest  mort  d'une  indigestion  ; 
sans  avoir  l'air  d'aimer  à  manger,  il  étoit  extrêmement 
déraisonnable   sur  les   attentions  nécessaires   pour  sa 


142  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

sanié.  Il  s'étoit  donné  une  indigesticm  le  lundi  d'aupai»* 
Tant  ;  il  s'en  redonna  une  seconde  le  jeudi  ;  comme  il 
s'y  joignit  un  crachement  de  sang ,  cet  accident  déter- 
mina à  faire  plusieurs  saignées.  Dimanchci  on  le  croyoit 
hors  d'affiedres  ;  mais  la  nuit  d'après  fut  si  mauvaise  que 
Silva,  que  l'on  aVoIt  envoyé  chercher^  dit  le  matin  qu'il 
falloit  le  faire  confesser.  On  envoya  quérir  son  confesseur 
Taprès-dlnéCy  mais  il  fut  averti  trop  tard,  et  ce  fut  M.  l'é- 
vèque  de  Metz,  qui  étoit  venu  ici  pour  le  voir^  qui  le  con- 
fessa et  lui  fit  apporter  Notre-Seigneur  et  rextrème-ono- 
tion.  Il  est  mort  avec  toute  sa  connoissance  et  sans  aucune 
agonie.  Il  y  a  apparence  que  le  Roi  donnwa  quelque  mar- 
que de  bonté  à  sa  famille,  car  M"^  d'Angervilliers  reste 
avec  4i>,000  livres  de  douaire  pour  tout  bien.  Pour 
M.  d'Angervilliers ,  il  y  a  trois  ou  quatre  ans. qu'il  devoit 
100,000  écus  ;  il  a  eu  depuis  une  gratification  du  Roi  de 
100.000  livres,  mais  ses  affaires  ne  doivent  pas  être  en 
bon  état.  Il  donnoit  beaucoup  à  manger  et  faisoit  même 
la  meilleure  chère  de  ce  pays-ci. 

Il  y  a  eu  depuis  sa  mort  grand  mouvement  pour  savoir 
qui  lui  succéd^oit.  Alexandre ,  un  des  premiers  commis 
des  bureaux  de  la  guerre,  fut  hier  trois  quarts  d'heure 
avec  M.  le  Cardinal,  et  ce  matin  M.  de  Breteuil  a  été  dé- 
claré secrétaire  d'État  de  la  guerre.  U  parolt  que  ce 
choix  est  fort  approuvé.  H.  de  Breteuil  avoit  déjà  eu  cette 
place  du  temps  de  H.  le  cardinal  Dubois  ;  elle  ne  lui  fut 
6tée  que  pour  la  rendre  à  M.  le  Blanc.  Quoiqu'un  par 
reil  événement  pût  avoir  mis  de  la  prévention  dans  le 
public  contre  M.  de  Breteuil^  il  parolt  qu'il  y  étoit  fort 
désiré,  et  ce  qui  est  entièrement  à  son  honn^ir,  c'est 
que  dans  les  bureaux  de  la  guerre ,  c' étoit  le  seul  que 
l'on  souhaitât  devoir.  U  étoit  déjà  chancelier  de  la 
maison  de  la  Reine  et  grand  maître  des  cérémonies  de 
Tordre  du  Saint-Esprit  ;  il  conserve  ces  deux  charges. 

Bu  vendredi  19.  — Lundi  15  de  ce  mois ,  le  Roi ,  au  re- 
tour du  manège,  dina  dans  sescabinets  à  quatre  heures. 


FÉVRIER  i740.  148 

Il  y  avoit  fort  peu  d'hommes  et  il  n'y  avoit  de  dames  que 
H*"^  de  Mailly  et  M"*^  de  Vintimille  ;  quoique  Mademoi* 
selle  et  M^^^  de  Glermont  fussent  ici ,  elles  n'étoieat  pas  de 
ce  dîner. 

On  sut  dès  avant-hier  que  le  Roi  avoit  accordé  à 
M*"^  d'Ângervilliers  20^000  livres  de  pension.  L'état  des 
affaires  de  M.  d'Ângervilliers  n'est  pas  si  mauvais  qu'on 
le  croyoit  d'abord  ;  il  ne  doit  que  50^000  écus,  dont  la 
plus  grande  partie  sera  payée  par  ses  meubles  et  effets  ; 
à  regard  du  brevet  de  retenue  sur  la  charge ,  qu'il  de- 
voit^  c'est  M.  de  Breteuil  qui  le  paye.  On  loue  fort  ici  la 
façon  dont  M.  de  Breteuil  en  a  usé^  ayant  offert  que  l'on 
mit  sur  la  charge  telle  pension  que  l'on  voudroit  pour 
iP^  d'Angervilliers.  Les  20,000  livres  sont  sur  le 
trésor  royal.  Le  logement  de  H.  d'Angervilliers^  à  Ver- 
sailles,  a  été  donné  à  M.  de  Maurepas;  c'est  celui  où  il  est 
né;  M.  le  chancelier  de  Pontchartrain  et  M.  de  Pontchaiv 
train  occupoient  le  même  logement. 

On  apprit  hier  la  mort  de  M.  de  Gambis  à  Londres^  et 
on  a  appris  aujourd'hui  la  mort  de  1P^  de  Gourteil  en 
Suisse  ;  c'est  la  femme  de  notre  ambassadeur. 

Le  Roi  fut  encore  hier  au  manège.  Au  retour,  il  soupa 
dans  ses  cabinets  avec  Mademoiselle,  M'*^  de  Clermont, 
M-»'  de  Mailly,  M""'  de  Vintimille  et  M*"'  de  Chahis. 

Le  Roi  n'ajoué  qu'à  Thomhre  pendant  tout  le  voyage  et 
quelquefoisaux  petits  paquets.  Mademoiselle  n'a  presque 
jamais  approché  de  la  table  du  Roi ,  et  M""*  de  Glermont 
pdnt  du  tout;  mais  VP^  de  Mailly  et  de  Vintimille  ont  été 
presque  toujours  assises  auprès  du  Roi  ou  vis-à-vis  S.  M. 

Du  mercredi  ^k,  Paris.  —  Le  samedi  20  de  ce  mois ,  le 
Roi,  avant  que  de  partir  de  Marly,  y  dîna  dans  ses  ca- 
binets; il  n'y  avoit  point  de  princesses.  Madenioiselle  étoit 
partie  la  veille  pour  revenir  à  Versailles  et  M"*"  de  Gler- 
mont revint  avec  la  Reine.  Il  n'y  eut  de  femmes  au  dî- 
ner du  Roi  que  M*"'  de  Ghalais,  M"'  de  Mailly  et  W^  de 
Vintimille  *,  elles  revinrent  avec  le  Roi  à  Versailles  ;  elles 


144  MtMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

aroient  été  tontes  trois  avee  S.  M.  an  voyage  de  la  Mentte^ 
auquel  les  deux  princesses  n'étoient  points  à  canse  de 
la  mort  de  M.  le  Dnc.  M*"  de  Mailly  a  tonjonrs  logé  dans 
son  appartement  à  Marly^  leqnel  contient  deux  apparte- 
ments. L'nsage  à  Marly  est  que  le  Roi  fournisse  de  bois  à 
tontes  les  personnes  qoi  logent  dans  le  corps  dn  chàteaa  ; 
autrefois  même  il  fonmissoit  de  bongie^  mais  cela  est 
supprimé.  Cependant  H^  de  Mailly  est  exceptée  de  la 
r^le générale;  elle  est  fournie  de  bougie  et  de  bois; 
c'est  d'elle-même  que  je  le  sais.  En  arrivant  à  Versailles 
samedi^  elle  trouva  une  augmentation  à  son  appartement^ 
le  Roi  ayant  ordonné  que  Ton  fermât  le  bout  du  corridor 
dont  on  lui  a  foit  une  antichambre^  et  une  aussi  pour 
H.  l'abbé  de  Pomponne^  dont  Fappartement  est  vis-à-vis 
celui  de  M*^  de  Mailly.  Elle  trouva  aussi  un  meuble  nou- 
veau qu'elle  a  acheté.  Le  lendemain  dimanche^  à  neuf 
heures  du  soir,  le  Roi  vint  voir  l'appartement.  S.  M.  con- 
tinue à  aller  presque  tous  les  jours  passer  la  soirée  chez 
M'^^la  comtesse  de  Toulouse;  il  y  soupe ^  mais  en  parti- 
culier avec  cinq  ou  six  personnes. 

Le  Roi  partit  lundi  pour  Choisy .  Les  dames  de  ce  voyage 
sont  :  les  deux  princesses^  M"*''  de  Mailly,  M"^  de  Vintimille^ 
M«*  la  maréchale  d'Estrées  etM"*deSégur.  M"*  de  Mailly 
a  fait  faire  pour  le  Roi  un  service  d'assiettes  et  de  plats 
creux,  de  métal,  pour  mettre  de  l'eau  chaude^  qui 
lui  coûte  50  à  60  louis.  Un  crocbeteur  lui  apporta  hier 
matin  une  robe  garnie  de  plumes  de  toutes  couleurs  avec 
tout  rassortiment ,  que  je  vis  hier  à  Choisy.  Toutes  les 
dames  qui  sont  à  ce  voyage  jouent.  Il  n'y  a  que  M"^  de 
Mailly  qui  ne  joue  à  aucun  jeu. 

Du  jeudi  26,  à  Paris.  —  M"**  la  duchesse  de  Roche- 
chouart,  femme  du  premier  gentilhomme  de  la  chambre, 
accoucha  hier  d'un  garçon  ;  c'est  son  premier  enfant. 

Cette  semaine  est  celle  de  M°*"  d'Ântin  et  de  Montauban. 
La  Reine  fait  souper  presque  tous  les  jours  ces  dames 
avec  elle. 


FÉVRIER  I740:  145 

Du  samedi  27,  Versailles.  —  On  ne  peut  se  dispenser 
de  mettre  un  mot  de  ce  qui  s'est  passé  ici  pendant  le 
voyage  de  Harly^  au  sujet  des  bois  desCélestins.  Ces  bois 
sont  situés  à  une  demi-lieue  de  Versailles,  entre  le  chemin 
de  Meudon  et  celui  du  Plessis*Piquet.  Le  prétexte  et  la 
facilité  de  ramasser  du  bois  mort  à  plusieurs  habitants 
d'ici  excita  bientôt  le  désir  de  couper  ce  bois^  et  en  peu 
de  jours  trois  à  quatre  mille  personnes  de  toute  espèce , 
même  de  gens  de  la  livrée  du  Roi ,  ont  ruiné  presque 
entièrement  cette  partie  de  bois^  coupant  non-seulement 
les  taillis^  mais  les  baliveaux  ;  et  ce  qu'il  y  a  eu  de  plus 
singulier^  c'est  que  l'on  vendoit  publiquement  le  bois  de 
chauffage  et  le  bois  de  charpente.  La  maréchaussée 
ayant;  été  mandée  n'osa  en  approcher;  cependant  ce  dé* 
sordre  a  été  arrêté  un  jour  ou  deux  avant  que  le  bois  fût 
entièrement  coupé.  On  a  fait  des  recherches  ici  chez  les 
particuliers;  on  a  mis  sept  ou  huit  des  coupables  en 
prison.  Ce  bois  se  vendoit  dans  Versailles  à  3  livres  la 
corde  (1) . 

Avant-hier,  qui  étoit  le  jeudi  gras,  M.  de  Lichtenstein 
donna  un  bal  à  Paris,  comme  il  avoit  fait  Tannée  passée. 
Onnepouvoitrien  voir  de  plus  magnifique,  ni  de  mieux 
arrangé.  La  politesse  et  la  dignité  avec  lesquelles  M.  et 
ilP^  de  Lichtenstein  font  les  honneurs  de  chez  eux  prouve 
l'habitude  où  ils  sont  de  donner  de  pareilles  fêtes  et  leur 
tranquillité  sur  lesuccès.  On  dansa  avant  et  après  souper. 
Le  bal  étoit  dans  la  grande  salle  en  haut,  et  en  bas  il  y 
avoit  quatre  grandes  tables  et  deux  petites,  ce  qui  faisoit 
en  tout  plus  de  cent  personnes  à  table.  Chacune  de  ces 
tables  fut  servie  avec  le  même  ordre,  avec  la  même  prompt 
tilude  et  la  même  délicatesse  que  s'il  n'y  en  avoit  eu 
qu'une  à  servir.  Le  souper  ne  dura  pas  deux  heures. 

Il  devoit  y  avoir  aujourd'hui  un  ballet  ici;  mais  la 


(1)  Voir  sur  ce  pillage  Itô  détails  donnés  par  M.  Le  Roi  dans  son  Histoire 
des  rues  de  Versailles.  ^  I8d7»  in-s**,  tome  Iff,  pages  325  h  330. 
T.  III.  10 


148  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTINES. 

Du  samedi  5,  Venailles.  — Il  n'y  avoit  encore  eu  rien  de 
décidé  jusques  avant-hier  sur  le  régiment  de  dragons  de 
Condé  que  commandoitH.  d'Argence,  dont  j'ai  parlé  ci- 
dessus.  Avant-hier  au  soir,  chez  M"*  la  comtesse  de 
Toulouse,  où  le  Roi  va  presque  tous  les  soirs  faire  la  con- 
versation îusqu'àprès  de  minuit,  les  jours  qu'il  ne  soupe 
point  dans  ses  cabinets,  et  où  M"**  de  Mailly  et  de  Vin- 
timille  se  trouvent  aussi ,  le  roi  dit  à  M"*^  de  Mailly  : 
a  Madame  la  Ck>mtesse,  vous  me  devez  un  remercl- 
ment.  »  Hier  matin ,  l'on  sut  que  le  Roi  avoit  donné  ce 
régiment  à  M.  le  chevalier  de  Mailly.  C'est  le  beau-ïrère 
de  M-"'  de  Mailly,  frère  de  M.  de  Mailly  et  de  M*"'  de  Ma- 
zarin.  Je  ne  sais  pas  précisément  son  âge,  mais  son  père 
est  mort  en  1700  (1).  M.  le  chevalier  de  Mailly  étoit  ca- 
pitaine de  dragons  dans  le  régiment  de  Vibraye,  qui 
étoit  ci-devant  Bonnelles  et  auparavant  Albert  (  M.  le  che- 
valier d'Albert,  mon  oncle,  a  été  tué  à  la  tète  de  ce  régi- 
ment). On  laisse  à  M.  d'Argence  la  commission  de  mestre 
de  camp  et  on  lui  donne  la  compagnie  qu'avoit  M.  de 
Mailly.  Il  y  avoit  trois  ans  que  M.  le  chevalier  de  Mailly 
n'avoitvuM"®  sa  belle-sœur.  M.  de  Saint-Florentin,  à 
l'occasion  dudit  régiment,  l'amena  à  M*"^  de  Mailly ,  qui 
a  été  elle-même  demander  ce  régiment  à  M.  le  Cardinal 
avec  beaucoup  de  vivacité.  Elle  fut  hier  remercier  S.  Ém., 
qui  lui  dit  que  c'étoit  à  eUe  à  qui  M.  le  chevalier  de 
Mailly  en  avoit  l'obligation . 

Du  lundi  7,  Versailles.  —  M"*^  de  Mailly,  pendant  sa 
semaine ,  a  joué  presque  tous  les  jours  au  cavagnole  de 
la  Reine.  A  neuf  heures,  le  Roi  arrive  chez  la  Reine  tous 
les  jours  lui  faire  une  visite  d'un  demi-quart  d'heure , 


(i)  François  de  Mailly,  chevalier  de  Tordre  de  Saint- Jean  de  Jérusalem  ou  de 
Malte ,  troisième  fils  de  Louis ,  comte  de  Mailly,  seigneur  de  Rûbempré.  Son 
père  était  mort  non  en  1700,  mais  le  5  avril  1699  {Journal  de  Dangeau, 
tome  VII,  page  59).  Le  chevalier  de  Mailly  mourut  à  Paris  le  5  mai  1767  j  âgé 
de  cinquante-huit  ans  ;  il  avait  donc  environ  quarante  et  im  ans  en  1740. 


souff^  mom  bhikiigenieiity  et  cet  article  est  f ntii^ÀemMt 
-fini. 


Bal  en  masque  01)01^  leP^uphin.  —  L^  chevalier  de  Mailly  ot^ient  le  ré^meqt 

de  dragons^Condé.  —  Mort  de  l'archevêque  de  Lyon.  —  M"*«  la  Duchesse  Ta 

•    jjMdi  reçoit  le  viitte  dû  Roi',  v-  Usaffe  du  olMpHw  dfe  Nètre-Banîo  pour  1^ 

.    services  de  deuil,  f  Ballet  ^  SofU^  ei  QuHt^ri^^  m  I^a  I|«i  ut  Bfi"''  <|e 

Mailly.  — •  Pen^iqn  à  J>|iie  de  bouillon, —Mort  de  M.  dç  Sa^|on.  t-  Çromotion 

d*of]Gciers  généraux.  —  *Âudience  de  congé  de  M"*"  de  la  Mina.  —  Travaux 

-    de  €hoisy.  -r  ConnédDe-hattet  du  Roi  de  €aêapikê.  .-*-  iientréé  âe  Mlks  Le- 

.    nMur«  à  V0p4ra.  -^  Movt  4e  la  (jiucheMO  à^  l^i&^^^s.  ^  ^ite  de  ia 

promotion.  î—  Incendie  au  Louvre.^  Vers  ayr  M,^ieLemau(e.  —  Présentation 

de  la  duchesse  de  Biron. 

Du  nurenii  S  pmrs,  Y^millBê.  ^  W^  de  HaiUy  a  été 
^opep  à  laMeutte  le  lundi.  Elle  suivit  la  Réiae  au  ealut  ce 
jour* là;  et  partit  ensuite;  elle  revint  à  cinq  heures  du 
matiu. 

Le  Roi  revint  hier  de  la  Meutte^  et  soupa  dans  se»  cà-^ 
bi nets  avec  les  mômes  dames  qui  avaient  été  du  voyage, 
excepté  M'"^  de  Ségur,  qui  retourna  à  Paris. 

Il  y  eut  hier  un  bal  en  masque  chez  M.  le  Dauphin,  qui 
commençaà  sept  heures.  On  dansa  dans  le  cabinet  deM.le 
Dauphin  jusqu^à  oe  qu'il  se  couchât;  à  dix  heures  et  demie 
il  s'en  alla^  et  Ton  dansa  dans  le  cabinet  d'étude  et  d^ns  le 
cabinet  de  glaces.  Le  buffet  pour  la  collation  étoit  dans 
la  salle  à  manger  de  M.  de  Chàtillon.  On  n'entroit  à  ce 
bal  qu'en  domino  et  un  masqua  sur  le  visage  ou  à  la 
main.  Tout  le  monde  se  démasquoit  à  la  porte  pour  qu'il 
n'y  eut  que  gens  de  la  Cour.  Les  dames  dont  les  filles 
étoient  au  bal  avoienl  permission  d'y  entrer  sans  être 
masquées.  Madame  resta  au  bal  jusqu^à  deux  ou  trois 
heures.  Le  Roi,  après  son  souper,  descendit  au  bal  avec 
son  habillement  ordinaire,  suivi  des  dames  qui  avoient 
soupe  avec  lui  ;  elles  n'étoient  paB  non  plus  masquées. 

10. 


148  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTINES. 

Du8anhedi5,  VersailUs.  —Il  n'y  avoit  encore  eu  rien  de 
décidé  jusques  avant-hier  sur  le  régiment  de  dragons  de 
Condé  que  commandoitH.  d'Argence^  dont  j'ai  parlé  ci- 
dessus.  Avant-hier  au  soir,  chez  W^  la  comtesse  de 
Toulouse,  où  le  Roi  va  presque  tous  les  soirs  faire  la  con* 
versation  jusqu'à  près  de  minuit^  les  jours  qu'il  ne  soupe 
point  dans  ses  cabinets,  et  où  M"*^  de  Mailly  et  de  Vin- 
timille  se  trouvent  aussi ,  le  roi  dit  à  M*"*^  de  Mailly  : 
a  Madame  la  Ck>mtesse,  vous  me  devez  un  remercl- 
ment,  b  Hier  matin ,  l'on  sut  que  le  Roi  avoit  donné  ce 
régiment  à  M.  le  chevalier  de  Mailly.  C'est  le  beau-ïrère 
de  M""'  de  Mailly,  frère  de  M.  de  Mailly  et  de  M'"^'  de  Ma- 
zarin.  Je  ne  sais  pas  précisément  son  àge^  mais  son  père 
est  mort  en  1700  (1).  M.  le  chevalier  de  Mailly  étoit  ca- 
pitaine de  dragons  dans  le  régiment  de  Vibraye,  qui 
étoit  ci-devant  Bonnelles  et  auparavant  Albert  (  M.  le  che- 
valier d'Albert,  mon  oncle,  a  été  tué  à  la  tête  de  ce  régi- 
ment). On  laisse  à  M.  d'Argence  la  commission  de  mestre 
de  camp  et  on  lui  donne  la  compagnie  qu'avoit  M.  de 
Mailly.  Il  y  avoit  trois  ans  que  M.  le  chevalier  de  Mailly 
n'avoit  vu  M""''  sa  belle-sœur.  M.  de  Saint-Florentin ,  à 
l'occasion  dudit  régiment,  l'amena  à  M"**  de  Mailly ,  qui 
a  été  elle-même  demander  ce  régiment  à  M.  le  Cardinal 
avec  beaucoup  de  vivacité.  Elle  fut  hier  remercier  S.  Ém., 
qui  lui  dit  que  c'étoit  à  eUe  à  qui  M.  le  chevalier  de 
Mailly  en  avoit  l'obligation . 

Du  lundi  7,  Versailles.  —  M"*^  de  Mailly,  pendant  sa 
semaine,  a  joué  presque  tous  les  jours  au  cavagnole  de 
la  Reine.  A  neuf  heures,  le  Roi  arrive  chez  la  Reine  tous 
les  jours  lui  faire  une  visite  d'un  demi-quart  d'heure , 


(i)  François  de  Mailly,  chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  ou  de 
Malte ,  troisième  fils  de  Lonis ,  comte  de  Mailly,  seigneur  de  Rûbempré.  Son 
père  était  mort  non  en  1700,  mais  le  5  avril  1699  {Journal  de  Dangeau^ 
tome  VII,  page  59).  Le  chevalier  de  Mailly  mourut  à  Paris  le  5  mai  1757 j  âgé 
de  cinquante-huit  ans  ;  il  avait  donc  environ  quarante  et  un  ans  en  1740. 


MARS  1740.  149 

lorsqu'il  ne  soupe  point  dans  ses  cabinets.  Immédiate- 
ment après  que  ]e  Roi  est  sorti ,  W^  de  Mailly  demande 
permission  à  la  Reine  de  quitter^  et  donne  son  tableau  à 
quelqu'un  de  ceux  qui  jouent. 

J'ai  oublié  de  marquer  une  circonstance  à  l'occasion  du 
bal  en  masque  du  mardi  gras  chez  M.  le  Dauphin.  Mes- 
dames vinrentchez  la  Reine  avec  leurs  habits  de  masque; 
l^me  ^Q  Tallard  n'étoit  point  masquée.  Mais  toutes  les 
dames  de  Mesdames  étoient  en  habit  de  masque.  La  Reine 
jouoit  dans  le  salon ,  à  côté  de  son  appartement  et  au  bout 
de  la  galerie.  M""  de  l'Hôpital^  d'Ândelot  et  les  sous- 
gouvernantes  s'assirent  quoiqu'en  domino. 

Je  n'ai  point  encore  marqué  la  mort  de  M.  l'archevêque 
de  Lyon  (M.  de  Roche-Bonne^  ci-devant  évéquede  Noyon). 
Le  Roi  disoit  hier  qu'il  lui  avoit  laissé  par  son  testament 
ses  dettes  à  payer.  S.  M.  expliqua  en  même  temps  que 
M.  l'archevêque  de  Lyon  prioit  le  Roi  par  son  testament 
de  vouloir  bien  être  quelque  temps  sans  nommer  à  ses 
bénéfices^  afin  que  les  revenus  puissent  servir  à  payer  ses 
dettes.  C'est  l'évéque  d'Autun  (1)  qui  jouit  de  la  juridic- 
tion spirituelle  de  l'archevêché  de  Lyon  et  qui  en  a 
tout  le  revenu  pendant  la  vacance.  Ainsi  cette  demande 


(1)  Guillaume  Paradin  dans  ses  Mémoires  de  Thistoire  de  Lyon,  page  207, 
eh.  77,  édition  de  1573 ,  dit  que  «  les  régales  des  églises  de  Lyon  et  d'Autun 
K  souloient  être  réciproques  :  et  vacante  Tune,  le  prélat  de  Vautre  en  avoit  le 
«  régime.  Toutefois,  par  Taccord  fait  entre  le  roi  Philippe  le  Long,  à  Paris  en 

«  1320,et  Pierre  de  Savoie,  archevêque  de  Lyon moyennant  la  récom- 

«  pense  que  le  Roi  donna  à  Tarchevêque,  le  Roi  retient  l'administration  du 
«  temporel  d'Autun,  vacant  le  siège  ;  et  quant  à  l'administration  du  spirituel, 
«  elle  demeure  à  l'archevêque  de  Lyon  ;  mais  l'administration  de  l'église  de 
N  Lyon ,  étant  le  siège  vacant ,  est  autre  :  car  Tévêque  d'Autun  en  a  entière* 
«  ment  l'administration.  » 

Le  même  roi  Philippe  le  Long,  par  l'accord  dont  nous  venons  de  parler,  avoit 
donné  à  Pierre  de  Savoie,  archevêque  de  Lyon,  la  juridiction  temporelle  de  la 
ville  de  Lyon,  sous  la  réserve  du  ressort  et  de  la  souveraineté.  C'est  en  com- 
pensation d'une  si  grande  grâce  que  l'archevêque  de  Lyon  cède  au  Roi  les 
droits  de  régale  sur  l'évêché  d'Autun,  pour  le  temporel  pendant  la  vacance, 
(  Note  du  duc  de  Luynes.  ) 


IM  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

ne  f&A  regarder  que  les  «dibayes  dont  il  jouissoit.  V»^ 
chevêche  de  Lyon  vautenvinm  W^OM)  livres  de  rente. 

Hier^  H""^  la  Duchesse  la  jeaoe  vint  toi.  Oh  savmt  dès 
avant'hier  qu'elle  viendroit  reoev(Mr  la  visite  dilR<M{ 
maii  on  ne  savoit  point  enoore  ai  eile  vdnÏNt  toute  la 
Gour  en  manteaux  et  niantes;  on  ne  le  sut  qu'hier  aprèa 
inîdi,  de  sorte  que  ceux  qui  n'avoie'ut  poiut  d'habit  «oir 
ici  pril^nt  des  manteaux  noirs  <  qu'on  donnoit  à  la  porte 
de  M*^  la  Duchesse)  parniessus  leurs  habits  galonnés  ou 
brodés.  A  l'égard  des  dames,  plusieurs  ne  purent  pas 
y  aller.  M""  la  Duchesse  reçut  la  visite  du  Roi  dans  son 
lit  (1).  Le  Roi  y  fut  a(H*à5  le  salut  ;  emuile  la  Reine,  U^  le 
Dauphin,  Mesdames ,  les  princes  du  sang  ;  après  cela 
tout  ce  qui  étoit  ici ,  de  la  fiiçon  dont  je  viens  de  Texpli»^ 
quer.  Il  fut  décidé  hier  que  le  Roi  lui  d<mnoit  ^OM  li^ 
vree  de  pension  ;  mitre  cela  S.  M^  &it  revivre  en  sa  faveur 
â6)<N)0  livres  de  rente  viag^^re  faisant  partie  de  celle 
qu'avoit  M.  le  Due  son  mari.  Son  douaire  et  son  bien 
peuvent  aller  en  tout  à  SS^OOO  livres  de  rente  ^  et  Ton 
compte  qu'elle  aura  outre  eela  une  pension  que  Vou 
estime  devoir  montera  1M,M0  livres  pour  la  nourriture 
et  entretien  de  M.  te  prince  de  Condé. 

Je  mettrai  à  cette  occasion  une  circonstance  que  j'ai 


'  (1)  m^ot  la  Duchesse  la  mère  reçut  éii  pareille  ôC6asioû  la  visite  da  ftu  ftoi 
éï  de  Min<^  la  dachessè  de  Boiirgc^Dé  et  de  toute  \&  Cottf  ;  éHe  étoll  sur  son  lit; 
ies  rideaux  toiit  6uYert<^,  et  tout  tiabillée.  H^  de  Mazàrln,  qui  s'en  souvfent, 
iù'à  dit  que  M"**  la  I>uchesse  étoit  coiffêe  d'un  btindeau  blanc  et  balnltéè 
diierminés.  Hier,  M*^®  là  Ductiéssie  étoit  dans  son  lit  et  seulement  nn  rideatk 
ouvert.  M**  la  princesse  d^eColity,  Mademoiselle,  rf**  de  CléTinontBt  tH***  de 
Sens  étoient  dans  sa  ctiambre  et  y  restèrent  pendant  les  visites  du  Itol ,  de  là 
Reine,  de  M.  le  Dauphin  et  de  Mesdames;  mais  elles  n^avoient  point  détonantes, 
ni  M"'*  la  princesse  dé  Conty  de  voile.  M.  lè  coihte  de  Charoloisy  étoft 
tuissi  ;  M.  le  comte  de  Gleruiont  n'a  point  paru  dans  cetle  occasiôn-ci.  La  dif- 
férence de  cette  cérémonie  vient  du  temps  da  deuil.  M^^  ]a  Duchesse  mère 
reçût  la  visite  du  Roi  trois  jonts  après  la  mort  de  M.  le  Duc;  et  dans  cette 
occasipn-ci ,  il  y  avôit  plus  de  troik  semaines  et  même  prèà  de  six.  Les  prin- 
cesses seà  belIes-^œuTs  n*étoient  point  en  mantes,  comme  il  est  dit  d-des- 
âus^  et  après  que  les  visites  îurent  faReâ  elles  allèrent  prendre  leurs  mantes 
pour  revenir  clieK  Mme  la  Duchesse  jeune.  (Note  du  dnc  dte  Luynes.  ) 


MARS  1740.  '  Ui 

apj^rise  ftujouni-hui  par  rapport  au  chapitre  de  Notre- 
Damê«  Ou  n'y  a  poiatfaitde  service  pour  M.  le  Duc. 
L'usage  du  chapitre  est  de  n'en  faire  que  pour  le  Roi  ^  la 
Reiue^  les  fils  de  France  et  le  premi^  prince  du  sang,  ot 
le  premier  mioîstrû  ayant  le  titre  de^œtte  charge  ;  ils  n'en 
font  point  pour  les  petits-fils  de  France»  parce  que  leur 
rang  ^t  beaucoup  plus  nouveau  que  rétablissement  du 
chapitre.  La  question  fut  agitée  à  la  mort  de  M.  le  duc 
d'(k*léans  qui  étoit  pœmier  ministre  ;  il  fut  d^idé  qu'é- 
tant plus  illustre  par  sa  naissance  que  par  le  litre  de  pre* 
mier  ministre,  ils  ne  leroient  point  de  service.  C'est 
M.  l'abbé  d'Agon,  chanoine  de  Notre-Dame,  qui  a  appris 
ce  détail  à  M"*"  de  Luynes, 

)1  n'est  question  ioi  depuis  quelques  jours  que  delà 
{Mpomotion;  on  croit  qu'elle  est  faiie  et  qu'elle  paroUra 
demain  ;  eUe  «toit  déjà  prête  à  être  fime  à  la  mort  de 
M.  d'Ângérvilliers.  Mon  fils  demande ,  comme  premier 
brigadier  des  dragons  par  sa  charge  et  commandant  tous 
les  autres  brigadiers  de  ce  corps ,  à  •élre  fait  mai^chal  de 
camp*  M.  de  Bissy»  comme  commissainedf  la^avalme^ 
demande  la  même  chose.  Us  représentent  lousdeus:  que  si 
l'on  fait  MM.  d'Ayen ,  de  Soubise  et  de  Picquigny  briga- 
diers à  raison  de  leurs  charges  de  capitaines  des  gardes 
du  o^rps^  des  chevau-l^ers  et  des  gendarmes^  leurs 
charge  doivent  leur  donner  le  même  droit  pour  être 
mai^échaux  4e  camp,  d'autant  plus  que  le  prix  en  est 
assez  considérable  pour  mériter  quelque  grâce.  Il  paroit 
qu'U  y  a  des  exemples  pour  et  contre.  M.  le  Cardinal, 
importuné  apparemmeiit  par  toutes  las  différentes  r^ré- 
sentations  et  par  rapport  aux  régiments  et  compagnies  qiii 
seront  à  donner,  dit  à  tous  ceux  qui  lui  en  parlent  qu'il 
ne  s'en  mêle  point.  M"^^  de  Luynes  lui  dit  hier  que  vrai- 
semblablement aAi  moins  le  Roi  lui  demandoit  ses  con- 
seils, et  il  lui  répondit  que  le  Roi  les  lui  avoit  demandés, 
mais  qu'il  avoit  prié  S.  M.  de  trouver  bon  qu'il  ne  lui  en 
donnât  point. 


153  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

M"*  de  Luynes  arrêta  avant-hier  avec  M"*  de  dermont 
les  comptes  de  la  dépense  extraordinaire  de  la  maison 
de  la  Reine.  L'usage  est  que  Ton  apporte  les  comptes  à 
voir  à  la  dame  d'honneur,  qui  prend  un  jour  avec  la  sur- 
intendante. Il  n'y  a  point  d'autre  cérémonial^  sinon  qu'on 
donne  un  fauteuil  à  la  dame  d'honneur  à  côté  de  celui 
de  M"*  de  dermont;  chez  laquelle  les  comptes  sont  ar- 
rêtés. 

M""'  la  Duchesse  a  été  cette  après-dlnée  chez  le  Roi^  chez 
la  Reine  ;  chez  M.  le  Dauphin  et  chez  Mesdames;  elles 
étoient  en  grand  manteau  de  deuil  noir  avec  un  bandeau 
de  la  même  couleur.  M"*  la  princesse  de  Conty,  M*^  de 
Clermont  et  M"*  de  Sens  étoient  avec  elle. 

On  exécute  enfin  aujourd'hui  le  ballet  dont  il  est  parlé 
ci-dessus  ;  il  est  intitulé  Bazile  et  Quitterie  ;  ce  sont  les 
noces  de  Gamache.  Les  paroles  sont  de  H.  Greffec  et  la 
musique  de  M.  de  Blamont. 

M'"''  la  duchesse  de  la  Trémoille^  sœur  de  M.  le  duc 
de  Bouillon,  accoucha  avant-hier  d'une  fille.  M"^  de 
Tilliére^  fille  de  M.  de  Jonsac  et  belle-sœur  de  H"*"  la 
duchesse  de  Ghàtillon^  étoit  accouchée  la  veille  d'un 
garçon. 

Du  mercredi  9,  Versailles.  —  Le  Roi  fut,  il  y  a  trois  ou 
quatre  jours,  courre  le  daim  à  Boulogne  ;  mais  S.  H.  ne 
recommencera  à  courre  le  cerf  que  demain  à  Saint-Ger- 
main. Les  équipages  du  Roi  n'ont  point  couru  depuis  le 
k>  janvier,  à  cause  de  la  grande  gelée ,  qui  n'a  pas  été 
aussi  forte  ici  qu'en  1709,  mais  il  y  a  eu  des  provinces 
où  le  froid  a  été  plus  considérable  que  celui  du  grand 
hiver. 

On  sut  enfin  hier  qu'il  y  avoit  un  ambassadeur  d'Espa- 
gne de  nommé  pour  remplacer  ici  M.  de  la  Mina;  c'est 
M.  de  Campoflorido  (1).  M.  et  M*"^  delà  Mina  partent  dans 
un  mois. 

(I)  Il  est  actuellement  amba^ifadearà  Venise.  (Note du  duc  de  luynes,) 


.^*-< 


MARS  I740.  153 

La  prétention  de  M.  de  Verneuil  de  présenter  sans 
avertir  le  premier  gentilhomme  de  la  chambre,  ni  la 
dame  d'honneur,  n'est  point  encore  réglée;  il  présenta 
encore  hier  des  étrangers  à  la  Reine  en  présence  de 
M"**  de  Luynes. 

Du  jeudi  10,  Versailles,  —  Hier  le  Roi  fut  au  sermon 
du  P.  Neuville ,  et  en  sortant ,  au  lieu  de  remonter  par 
Tescalier  de  marbre  par  où  il  étoit  descendu,  S.  M.  re- 
monta par  le  petit  escalier.  M"*^  de  Mailly,  qui  étoit  dans 
la  chapelle  en  haut,  étant  sortie  en  même  temps,  rencon- 
tra le  Roi  qui  lui  demanda  si  elle  iroit  à  la  comédie 
(c'étoit  hier  comédie  italienne).  M'"''  de  Mailly  lui  répon- 
dit que  si  il  y  alloit,  elle  iroit  ;  le  Roi  lui  dit  qu'il  n'iroit 
point;  à  quoi  elle  répondit  qu'elle  n'iroit  pas  non  plus. 
«  Mais  cela  est-il  bien  sûr,  lui  ajouta-t-elle  ?  »  «Vous  le  ver- 
rez, dit  le  Roi,  vous  n'avez  qu'à  aller  ailleurs.  »  Cependant 
tout  le  monde  croyoit  que  le  Roi  iroit  à  la  comédie»  parce 
qu'il  avoit  fait  avertir  pour  le  conseil  immédiatement 
après  le  sermon,  et  qu'il  avoit  donné  l'ordre  pour  six 
heures  et  demie  à  H.  d'Ayen.  Le  conseil  ayant  fini  à  sept 
heures,  le  Roi  (1)  descendit  chez  M"*^  la  comtesse  de  Tou« 
louse,  qui  étoit  sortie,  mais  tP^  de  Mailly  y  étoit  ;  et  ayant 
su  que  M""^  la  comtesse  de  Toulouse  étoit  chez  Mademoi- 
selle ,  il  dit  à  M*"^  de  Mailly  qu'il  alloit  la  lui  ramener.  Le 
Roi  fut  sur-le-champ  chez  Mademoiselle  par  les  cours,  et 
après  avoir  prié  M"®  la  comtesse  de  Toulouse  de  revenir 
chez  elle ,  S.  M.  revint  par  la  salle  des  gardes  ,  passa  au 
travers  de  son  appartement  et  redescendit  chez  M™^  la 
comtesse  de  Toulouse,  où  il  joua  à  quadrille  avec  elle, 
M"^  de  Mailly  et  M.  le  duc  d'Ayen.  Le  soir,  ayant  oublié 
de  proposer  à  M'"''  de  Mailly  d'aller  aujourd'hui  à  la 
chasse,  il  envoya  M.  le  duc  d'Ayen  la  chercher  partout 
pour  lui  demander  si  elle  vouloit  une  calèche.  M"**  de 

(1)  Le  Roi  entra  un  moment  à  la  comédie  en  bas  ;  il  regarda  qui  y  étoit, 
sans  se  montrer,  et  ressortit  aussitôt.  (Note  du  due  de  Luynes,) 


154  MÉMOIRES  DV  DUC  D£  LUY1NES. 

Mailly  et  dfi  Viatiinille  ont  été  courre  le  oerf  A  Samt-Geis 
main  ;  c^est  le  Roi  qui  les  a  méfiées  à  raesemUée  (i). 

On  sut  avanUiier  que  les  partages  dç  VP^  de  MaiUy, 
de  Vintimille  et  de  FlavacoUrt  et  de  M^'"  de  Moôtoavcel 
étoient  réglés.  C'est  H'^'de  Duras  pour  M""  de  Diaifert,  ea; 
pettèe^lle  »  qui  a  fisiit  cet  arrangement.  V^  de  la  T<mr- 
nelie»  la  cittquièmesœar,  n'entre  point  ds^ne  ^  partage, 
par  des.asrraagements  faits  dans  le  temps  de  s^â  mariage. 
M*""  de  Mazariu  y  graûd'-^inère  de  tl^''  de  Durfort^  aura 
S6,Q^  livres  de  reûte  et  cède  à  H**^  de  Mrfert  la  jouis- 
sance qu'elle  avoit  d'abord  prise  de  la  terre  de  Chilly  •  Les 
quatre  sœurs  ont  chacune  7,500  livres  de  rente  ou  en- 
viron^  savoir:  d'une  part.  lOO^OOOécusàrente  constituée 
au  denier  vingt,  SOO^OOO  livressurla  Ville,  quisontjei^oifi 
au  denier  quarante  et  200,000  francs  d'argent  oomptanl. 
OuOre  cela ,  M*^  de  SaiUy ,  à  qui  M.  de  Nesle  av^it  promis 
6,000  livres  de  rente  en  là  mariant,  et  qui  n'en  avoit  jamais 
riett  touché ,  aéra  payée  des  quatorze  ou  quinae  lam&ées 
d^arrérages  qui  lui  en  sont  dus . 

Aujourd'bui  iHi  a  fait  un  service»  ainx  Invalides,  pour 
M..  d'AagerviUiars ,  où  si  y  a  eu  beaucoup  de  monde» 
mais  point  de  dames;  il  n'y  en  a  eu  que  deux  qui  y  août 
\^enue8,  et  qui  s^y  étant  trouvées  seules  n'y  Ont  pas  j:^esté 
lotigtemps.  M.  de  Breteuil  y  a  été  depuis  le  oommeoee- 
ment  jusqu'àk  fin. 

M»  le  Cardinal,  qui  est  d'hier  à  lasy ,  a  été  aujourd'hui 
diner  en  Sorbcmne  chez  M.  Tabbé  de  Vaubrun ,  et  de  là 
À  la  thèse  de  H.  Tabbé  de  Fleury ,  son  petit-dieveu ,  où  il 
y  avoit  un  monde  prodigeux.  C'étoit  M.  Tarchevéque  de 
Tours  qui  y  présidiût  et  qui  a  fait  les  deux  ou  trois  pre^ 
miersargimients  suivant  l'usage. 


(i)  Ce  jour-là  elles  soupèrent  elles  seules  de  dames  dans  les  cabinets.  C'est 
la  première  fois  qu'il  y  ait  souper  des  dames  depuis  le  carême.  Mademoiselle 
«t  Mt^e  de  Clermont  étoient  toutes  deux  ici,  et  partirent  ce  même  jour  pour 
Paris.  (  Note  du  dite  de  Luynes.  ) 


MAfiS  I7W.  lââr 

Du  dimmnehe  13.  —  Vendredi  dernier  étoit  jour  de  Bee-, 
mon,  etleRo  devoit  yaller;  maisA  son  lever^  le  ]>eau  temps 
le  ieota  de  sortir;  il  appela  lui-notéme  H.  ledacd^Âyen  et 
dit  qu'il  vouloit  aller  courre  le  daim.  Il  partit  effectivie«< 
ment  après  la  lûesse^  et  fit  dire  à  la  Reine  que  s'il  n'étoit 
pas  tevett^A  qiïfttre  heures^  qu'elle  neFattendit  point»;  A 
quatre  heuriss,  le  Roi  n'étant  point  rentré  >  la  Reine  alla 
au  sermiMi.  Le  fauteuil  du  Roi  étoit  resté  à  sa  ^ace  or« 
dinaire;  la  Reine  se  ntit  dans  celui  où  elle  se  met  ordi- 
nairement. M.  le  duc  d'Orléans  et  M.  le  diic  de  Chartres 
étoient  à  droite  du  fauteuil  du  Roi  ;  M"^  la  princesse  de 
Conty  à  gauche  de  celui  de  la  Reine.  Oq  croyoit  que  le 
prédieatenr  feroit  peut-être  un  oomplimeat  d  la  Reine  ^ 
parce  que  c'est  la  première  fois  qu'elle  a  été  seule  a,u. 
sermon;  mais  comme  il  ne  s'y  atAendoit  pas^  il  n'y  eut 
point  de  compliment. 

Bu  lundi  14,  Versailles.  ^--^  Le  Roi  donna,  il  y  ^  deux 
ou  trois  jours,  une  pension  de  i2,Q00  livras  à  M^^^de 
Bouillon ,  fille  de  M.  le  duc  de  Bouillon  y  grand  cham- 
bellan. Il  y  avoit  anciennement  des  plantations  de  tabac 
dans  la  vicomte  de  Turenne  qui  faisoient  un  profi^t  con- 
sidérable pour  le  pays  ^ut6t  que  pour  le  s^gneur; 
mais^  comme  en  mèmetem|)s  elles  faisoient  tort  aux  fermés 
d«i  Roi;.  S.  M.  voulut  s'en  rendre  maître  ;  et  pour  donner 
un  dédommagement  àfeu  H.  de  Bouillon,  père  de  celoi-<îi, 
S»  M.  lui  donna  une  pension  de  12,000  livres.  M.  le  duc 
de  Bouillon  d^aujoùrd'hui  a  joui  de  cette  pension  jusqu'À 
l'écbttnge  delà  vicomte  de  Turenne,  Lapeasion  alors  fut 
supprimée  ;  mais  M.  de  Bouillon  ayant  représenté  depuis 
qu'il  y  avoit  plusieurs  ps^ies  des  revenus  réels  de  la 
vicomte  «qui  n'avoient  pas  été  estimées ,  a  aussi  repré» 
sente  au  Roi  qu'il  attendoit  de  sa  bonté  une  espèce  de 
dédommagemen  t .  Voilà  quel  a  été  le  motif  des  1  â ,  000  livres 
de  pension,  et  M.  de  Bouillon  a  mieux  aimé  qu'elles  fussent 
données  à  M""  sa  fille,  qui  n'est  point  à  portée  d'avoir  rien 
à  présent  de  M"'""  de  Bouillon,  d'autant  plus  qu!elle  est 


15C  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

en  quelque  manière  brouillée  avec  elle  depuis  son  dé- 
part ;  et  que  la  nature  des  biens  de  M.  de  Bouillon  ne  lui 
permet  pas  de  doner  présentement  autant  qu'il  désireroit  à 
M"'  sa  fille.  M.  Trudaine,  à  qui  je  parlois  tout  à  l'heure  de 
Tacquisition  faite  par  le  Roi  de  la  vicomte  de  Turenne^ 
convient  que  si  elle  est  avantageuse  à  M.  de  Bouillon , 
qui  a  tiré  4^200,000  livres  de  principal^  dont  le  Roi  lui 
paye  l'intérêt  au  denier  vingt  jusqu'au  remboursement, 
pour  une  terre  qui  ne  lui  valoit  pas  50  à  60,000  livres 
de  rente,  cette  acquisition  n'est  .point  onéreuse  au  Roi, 
d'autant  que  S.  M.  en  tire  bien  le  denier  vingt. 

Ou  a  eu  ces  jours-ci  nouvelles  de  Rome  que  le  cardinal 
Ottoboni ,  doyen  du  sacré  Collège ,  y  étoit  mort  depuis 
l'ouverture  du  conclave. 

Du  samedi  i9,  Versailles.  —  J'ai  oublié  de  marquer  la 
mort  de  M.  de  Saujon,  arrivée  il  y  a  environ  un  mois;  il 
avoit  été  exempt  des  gardes  du  corps  ;  il  étoit  gou- 
verneur du  Pont-de -l'Arche.  Ce  gouvernement  est  dans 
le  département  de  M.  Amelot,  comme  secrétaire  d'Étatde 
la  province. 

Le  15^  la  promotion  dont  on  a  parlé  ci-dessus  fut  enfin 
terminée  dans  le  travail  de  M.  de  Breteuil  avec  le  Roi. 
L'affluence  prodigieuse  de  militaires  qui  étoient  dans 
l'antichambre  du  Roi  faisoit  un  spectacle  honorable  pour 
la -nation;  et  après  le  travail,  le  Roi  fit  passer  H.  de 
Breteuil  par  son  cabinet  pour  le  délivrer  de  la  fouie  de 
ceuv  qui  Tauroient  suivi.  On  sut  dès  le  soir  même  une 
partie  de  ce  qu'elle  contenoit.  Je  joins  à  la  fin  de  cet  ar- 
ticle la  liste  de  la  promotion  et  desrégiments.  H,  de  Bre- 
teuil n'avoit  point  oublié  les  justes  représentations  de  mon 
fils  et  de  M.  de  Bissy  sur  leurs  charges  ;  comme  il  s'est 
trouvé  des  exemples  contraires,  et  même  dans  la  per- 
sonne de  M.  de  Belle-Isle  ,  on  n'a  point  eu  d'égards,  aux 
représentations;  et  cependant  MM.  d'Ayen,  de  Soubise  et 
de  Picquigny  n'ont  été  faits  brigadiers  qu'à  titre  de  leurs 
charges.   Cette  promotion  donne  occasion  à  beaucoup 


MARS  1740.  157 

de  plaintes.  On  avoit  cru  que  la  petite  promotion  faite 
en  Corse  avoit  été  la  seule  occasion  de  celle-ci  pour  sa- 
tisfaire ceux  qui  étoient  mécontents  ;  il  faut  qu'il  y  ait  eu 
d'autres  motifs,  puisqu'on  en  a  laissé  un  grand  nombre 
entre  ceux-ci  et  ceux  de  Corse ,  et  il  auroit  fallu  effective- 
ment tout  avancer,  si  on  avoit  voulu  aller  jusqu'à  eux, 
parce  qu'ils  sont  presque  les  derniers.  Les  brevets  de 
ceux  de  Corse  ne  seront  expédiés  qu'en  même  temps  de 
ceux  de  cette  promotion-ci.  M.  dfe  Pons-Chavigny,  gendre 
de  M.  de  la  Fare,  qui  est  en  Corse,  n'est  point  du  nombre 
des  brigadiers ,  comme  on  l'avoit  annoncé  d'abord.  Le 
mercredi  16  au  matin  la  promotion  fut  publique. 

Le  Roi  alla  à  la  chasse  du  daim,  et  y  mena  M*"'  la  ma* 
réchale  d'Estrées ,  M"***  de  Mailly  et  de  Vintimille;  elles 
allèrent  encore  le  jeudi  à  la  chasse  du  cerf  et  soupèrent 
ces  deux  jours  dans  les  cabinets.  Mademoiselle  est  à  Paris 
depuis  plusieurs  jours;  on  ne  sait  point  quand  elle  re- 
viendra. Le  Roi  revint  le  mercredi  à  quatre  heures  comme 
la  Reine  sortoit  pour  aller  au  sermon.  La  Reine  même 
fit  attendre  quelques  moments  le  prédicateur  dans  Tincer- 
titude  si  le  Roi  ne  viendroit  point  ;  mais  M.  de  la  Billar- 
derie  étant  venu  lui  parler  à  l'oreille^  elle  fit  commencer 
le  sermon,  et  le  Roi  n'y  vint  point;  mais  le  fauteuil  du 
Roi  resta  à  sa  place,  comme  j'ai  déjà  marqué  ci-dessus. 
MM.  de  Bouillon  et  de  la  Trémoille  même  étoient  der- 
rière. 

PROMOTION  DU  15  BfARS  ITA-O. 

Maréchaux  de  camp. 

MM.  de  Gilly,  lieutenant-colonel  du  Colonel-Général  des  Dragons. 
Zurlanben ,  capitaine  aux  gardes  Suisses. 
Yalcourt,  commandant  une  brigade  de  carabiniers. 
Chiffreville,  premier  sous-lieutenant  de  la  2*^  compagnie 

des  mousquetaires. 
Brizay-Dénon ville,  premier  cornette  des  chevau -légers. 
Mérinville,  lieutenant-capitaine  des  gendarmes  de  la  Reine. 


18S  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

MM.  Dfgtiii»,  lieuteÀaQt  de  la  eonptglile  ^EbkooH. 
D* Atijony ,  easeigiie  de  U  dompagn  ie  de  Charost* 
Chabaones,  Heotenant  i»  la  eompagnia  de  lioailtak 
MoDtgibault,  enseigne  de  la  compapie  d*Harcourt« 
Saint- Jaly  lieutenant  de  la  compagnie  de  VUleroy^ 
Martel,  sous-lieutenant  des  chevau-légers  de  Bretagne. 
Maupeou,  colonel  du  régiment  de  Bigorre.      . 
Flmarcon,  colonel  du  régiment  deBourbon. 
Pontehartrain,  capitaine-lieutenant  des  gendarmes  anglols. 
Bambores,  colonel  de  Navarre. 
Maulevrier,  colonel  de  Piémont. 
Croissy,  eolonel  du  régiment  Royal^Infanterte.  ' 

Jumilhao,  rapitalne-Ueutimant  de  la  i'*  compagnie  d«5 

mousquetaires* 
La  Marck.Qolonel  d*un  régiment  dlnfanterti  allenAiide. 
D*Bautefort^  colonel  deCopd^. 
Marquis  de  rHôpîtal,  mestre  de  eamp  de  dragons*. 
Monnin ,  colonel  du  régiment  suisse. 
Gouffier,  mestre  de  camp  du  régiment  de  Condé-Ca^alerie. 
Courtaumer,  capitaine  aux  gardes  françoises. 
D*Âncezune ,  mestre  de  camp  d*un  régiment  de  cavalerie. 
Duc  de  Randan. 

Champigoy ,  capitaine  aux  gardes. 
Sainte-Maure,  mestre  de  campdu  régiment  Royal-Étranger. 
Le  comte  de  Tresmes. 

Le  duc  de  Boufûers,  éolonel  de  Bourbmmois. 
Le  comte  de  Moutmoreney,  colonel  d'infanterie. 
CoDtades,  colonel  d'Auvergne. 
Villemur,  colonel  de Bassigny. 

Vigier,  capitaine  aux  gardes  suisses. 

Sabran,  mestre  de  camp  de  cavalerie. 

Courtebourne,  sou8*lieutenant  des  gendarmes  de  la  Reine. 

Marivaux ,  capitaine-lieutenant  des  gendarmes  de  Bre- 
tagne. 

Le  chevalier  de  Beaumont,  exempt  de  la  compagnie  de 
Charost. 


MARS  1940.  n% 

MM.  Vandeuil,  exempt  4k  la  eomimgiiie  d'Harcourt. 

Saumèiry ,  exempt  de  la  compagnie  de  Vllleroy . 

Ghamperon,  a)d«-maJor  des  quatre  eompagnies. 

Razilly ,  capitaine  aux  gardes  ArançolMfi. 

Bernage  de  Ghaumont,  capitaine  lieutenant  des  dievau- 
légers  de  Berry, 

De  Relingue,  enseigne  dos  gendannes  anglais. 

Saint^André»  sous-lîeotenant  des  cb«vaa4égers  Dauphins. 

Tillières,  capitaine*liéiiteMnt  des  gendarmes  Dauphins. 

Ghevalier  d*Ague6seatt^  capitalne-MenteMmt  des  gendarmes 
de  Flandre. 

Le  vicomte  de  Pons,  mesire  de  camp  d*im  régiment  de 
cavaterie. 
^      De  Fiennes ,  mestra  de  camp  de  eairalerle. 

Fougères,  mestre  de  camp  de  cavalerie. 

De  Loigny  -Montmorency ,  mestre  de  camp  de  cavalerie . 

Flavacourt ,  mestre  de  camp  de  cavalerie. 

Suzy,  enseigne  de  la  compagnie  de  Noailles. 

Ghevalier  d'Harcourt,  mestre  de  camp  d'un  régiment  de 
dragons. 

Gorote  de  Donges,  colonel  de  Soissonnois. 

Marquis  de  Créquy,  commandant  une  brigade  de  cara- 
biniers. 

Gomte  de  Bonneva) ,  colonel  du  régtment  de  Poitou. 

D'Anlezy^  colonel  du  régiment  de  Nice. 

Pont-Saint-Pierre,  meatra  de  camp  du  régiment  des  Gra- 
vâtes. 

De  Guer^  capitaine  aux  gardes  françoises. 

Fieubet,  enseigne  des  gendarmes. 

Gomte  de  Laigle,  colonel  du  régiment  d*Enghien. 

La  Motte-Guérin,  capitaine  aux  gardes. 

Travers^  colonel  d'un  régiment  de  Grisons. 

Lévis,  mestre  de  camp  d'un  régiment  de  cavalerie. 

Frémur,  mestre  de  camp  de  dragons. 

Le  duc  de  la  Vallière ,  colonel  d'infanterie. 

Gomte  de  Gossé,  mestre  de  camp  de  Royal-Piémont. 

D'Armenon ville,  mestre  de  camp  de  dragons. 

Ghépy ,  mestre  de  camp  de  cavalerie. 

Duc  d'Aumont»  mestre  de  camp  de  cavalerie. 


J60  MÉMOIRES  DU  DUC  D£  LUYNES. 

MM.  D'Avarey^  colonel  da  régiment  de  Nivernois. 
Jlozen,  mestre  de  camp  de  cavalerie  allemande» 
Ck)mte  de  Fitz-James,  colonel  de  Berwick* 
Yidame  de  Yassé ,  mestre  de  camp  de  cavalerie. 
Le  duc  d'Ayen* 
Dillon,  colonel  irlandols. 
Legendre,  mestre  de  camp  du  Colonel. 
Grttssol  de  Salles,  mestre  de  camp  de  cavalerie. 
Bauffremont ,  mestre  de  camp  de  dragons. 
Saalx-TavanneSy  colonel  deQuercy.        , 
Prince  de  Tingry,  colonel  du  régiment  de  Toaralne. 
Comte  de  la  Suze,  mestre  de  camp  de  dragons. 
Nestler,  enseigne  de  la  compagnie  de  Yilleroy. 
Chevalier  de  Nicolaî,  mestre  de  camp  de  dragons.  ^ 

Comte  de  Malause,  colonel  d'Agénois. 
Marquis  de  Tessé,  colonel  d'infanterie. 
Duc  de  Roehechouarty  colonel  d'infanterie. 
Duc  de  Fleury^  mestre  de  camp  de  dragons. 
Prince  de  Soubise. 
D'Escayeul. 
Duc  de  Picquigny. 

Lussan,  colonel  du  régiment  de  la  Sarre. 
Terme-du  Saux,  lieutenant  du  régiment  de  rile-de-France. 
Morangiés ,  guidon  des  gendarmes. 

BÉGllKBNTS. 

Infanterie. 

Navarre,  Marquis  de  Mortemart. 

Piémont,  Comte  de  Lamassais. 

Bourbonnois,  Duc  de  Lesparre. 

Royal-Infanterie,  Courtenvaux . 

Bigorre,  Chevalier  de  Maupeou. 

Dauphiné,  De  Yaubécourt. 

Cavalerie. 

Royal-Étranger,  D*  Auneuil  de  Charte  val . 

ÀncezunC;  Du  Romain. 


MARS  1740.  161 

MM,  Gesvres.  Clermont-Toimerre. 

Bandan.  Bouchefolière. 

Guidons. 

Le  marquis  de  Fénelon. 
Le  marquis  de  Beauvau. 
Le  chevalier  de  Lussan. 

Compagnies  de  cavalerie. 

Le  chevalier  de  Polastron. 
Le  marquis  de  Turbilly. 
Le  sieur  Florian. 
Le  comte  de  Saint- Avent. 
Le  comte  de  Breteuil. 

Du  dimanche  20 ,  Versailles.  — r-  M"*  de  la  Mina  a  pris 
aujourd'hui  son  audience  de  congé.  M.  de  Verneuil  vinten 
avertir  hier  M'"''  deLuynes.  M"*  delà  Mina  est  venue  atten- 
dre chez  M"'  deLuynes  le  moment  que  la  Reine  seroit  re- 
venue de  la  messe .  Au  retour  de  la  messe^  M.  de  Verneuil  est 
venu  ici  avertir  M""®  de  la  Mina,  et  lui  a  donné  la  main  jus- 
que chez  la  Reine.  La  Reine  étoit  dans  sa  chambre,  dans 
son  fauteuil^le  dos  tourné  à  sa  cheminée  ;  M"*^  de  Lu  ynes  et 
M"®  deMazarin  assises  derrière  la  Reine,  M"*  deLuynes  à 
droite,  M™®  de  Mazarin  à  gauche  ;  M.  deNangis  derrière 
le  fauteuil  de  la  Reine.  Tout  s'est  passé  de  la  même  façon 
qu'à  son  audience  pour  l'arrivée,  excepté  que  M"""  de 
Luynes  n'est  point  venue  prendre  M"®  de  la  Mina  dans  le 
cabinet  avant  la  chambre.  Après  les  trois  révérences  on 
a  apporté  deux  pliants;  M"" de  la  Mina  s'est  assise  vis-à- 
vis  la  Reine,  et  M"'  de  Luynes  à  gauche  de  M™*  de  la  Mina. 
M.  de  Verneuil,  qui  étoit  entré  dans  la  chambre  de  la  Reine 
avec  M'"®  de  la  Mina,  en  marchant  devant  elle,  après  avoir 
resté  quelque  temps,  a  pris  l'ordre  de  la  Reine  et  a  été 
avertir  le  Roi,  qui  étoit  au  conseil.  Le  Roi  est  venu  par  la 

T.    111.  11 


169  MEMOIRES  DU  DtJC  DE  LUYNES. 

galerie  et  le  cabinet  de  la  Reine  (1).  Il  y  a  eu  an  mo* 
ment  de  conversation  à  Tordinaire.  Le  Roi  avoit  salué 
M'^'delaHinaen  entrant,  et,  lorsqueS.M.  fut  partie,  on  se 
rassit  encore  un  moment.  M.  de  Verneuil  reprit  de  nou- 
veau les  ordres  de  la  Reine,  et  alla  avertir  M.  le  Dauphin, 
qui  vint  parla  porte  ordinaire  de  la  chambre  de  la  Reine, 
et,  après  avoir  fait  la  révérence  à  H"*'  de  la  Minai  alla  em- 
brasser la  Reine;  et  ce  ne  fut  qu'un  moment  avant  de 
s'en  aller  qu'il  la  salua  et  baisa.  On  se  rassit  encore  un 
moment  après  le  départ  de  M.  le  Dauphin.  La  Reine  s^é- 
tant  levée  quelque  temps  après,  M*"'  de  UUîna  s^approcha 
de  S.  H.  et  baisale  bas  de  sa  robe;  elle  S'est  retirée  ensuite 
avec  les  trois  révérences  ordinaires  sans  que  M*^  de  Luynes 
sortit  de  sa  place .  J'oubliois  de  marquer  que  M"*  de  Luynes,  • 
n'étant  point  chargée  de  reconduire  M"^  de  la  Mina  en 
cette  occasion,  elle  reconduisit  le  Roi  et  M.  le  Dauphin. 
M.  le  comte  de  Gramônt  remercia  hier  le   Roi  pour 
la  compagnie  aux  gardes  donnée  à  son  fils  cadet  qu'aymt 
M.  le  duc  de  Lesparre. 

Du  jeudi  24,  Versailles.  —  J'ai  marqué  ci-dessus  la 
mort  de  M™*' la  comtesse  de  Saint-Pierte,  femme  du  piH5- 
mierécuyer  de  M*®  la  duchesse  d'Orléans  ;  elle  jouissoit  de 
plusieurs  petits  domaines  du  Roi  à  vie.  Un  de  ces  petits 
domaines,  valant  10  à  12,000  livres  de  rente,  a  été  donné 
à  M.  le  duc  de  Fleury.  Quelqu'un  d'instruit  disoit,  il  y  a 
quelques  jours,  à  cette  occasion,  à  M**  de  Luynes  que  ce 
n'étoit  pas  la  première  grâce  de  cette  espèce  qu'avoit  ob- 
tenue M.  le  duc  de  Fleury,  et  qu'en  comptant  le  bien  de 
M"*  de  Fleury  il  avoit  plus  de  150,000  livres  d^  rente, 
indépendamment  du  gouvernement  de  Lorraine;  on  m'a 
même  dit  170  ou  180,000. 

C'est  à  la  prière  de  M.  le  duc  de  Fleury,  ou  de  M"*  de 
Fleury,  qu'il  a  été  accordé  depuis  peu  à  M.  Briçonnet, 
parent  de  M*'  de  Fleury,  l'intendance  'de  Montâuban , 

(1)  Le  salon  de  la  Paix. 


MARS  itm.  lèâ 

valante  par  le  changettient  de  M.  Pajol  qui  a  eu  cell 
d^Orlëatis  de  feu  H.  de  Bausâan. 

Avatit-bier  mardi  22,  le  Roi  ftit  coticher  à  Chôisy  sam 
y  inener  de  dcttnes;  il  fit  ptantei*  datti  son  jardin  tin  jeti 
d'oie,  stir  le  modèle  de  celui  de  ChatitiUy,  et  an  labyrinthe 
&  côté.  Le  Roi  tratailU  lui-^mèmè  et  tous  ceux  qui  avoient 
Thonneur  de  le  suivre.  11  alla  voir  aussi  ses  bâtiments 
auxquelisou  commence  à  travailler.  Ce  sont  des  cuisines  et 
quelques  logements  que  l'on  compte  qui  seront  faits  au 
mois  de  septembre.  On  continue  toujours  aussi  les  bâti- 
ments de  Fontainebleau  et  de  Compiègne.  îl  ne  me  parut 
rien  à  remarquera  Choisy.  M.  de  Coigny  ne  servit  point 
le  Roi,  et  eût  Tbonneur  de  souper  avec  lui.  Le  Roi  revint 
hier  ici  à  deux  heures  et  demie  ;  il  fut  au  sermon  du 
P.  Neuville;  il  parolt  que  Ton  est  fort  content  de  ce  pré- 
dicateur. Ce  qui  prouve  le  plus  la  beauté  de  ses  discours, 
c'est  que,  malgré  une  monotonie  continuelle  et  une  ra- 
pidité d'éiôcution  irès-fatigante  pour  l'auditeur,  on  Té»- 
coûte  avec  grand  plaiiSir.  Il  faut  convenir  cependant  que 
ses  sermons  sont  peu  touchants  ;  son  talent  principal  est 
celui  des  portraits. 

M.  de  la  Trémoille  me  dit  à  Choisy  qu'il  n*y  avoit  en* 
core  rien  de  décidé  au  sujet  de  la  dispute  faite  par  M.  de 
.Vememl,  dont  j'ai  parlé  ci-dessus;  mais  que  M.  de  Ver- 
neuil  ayant  eu  un  envoyé  de  Suède  ou  de  Danemark,  il  y 
a  quelques  jours>  qui  va,  je  crois,  en  Espagne,  M.  de  Ver- 
neuil  alla  l'en  avertir  chez  lui. 

L'on  continue  toujours  à  faire  des  représentations  au 
sujet  de  la  promotion,  et  en  particulier  sur  le  nombre  des 
brigadiers  que  l'on  a  faits  dans  les  dragons  pour  pouvoir 
aller  jusqu'à  M.  deFleury.  M.  le  Cardinal  répond  qu'il  ne 
s'en  est  point  mêlé  et  qu'il  n'y  a  qu'à  en  parler  au  Roi; 
mais  personne  n'ose  prendre  sur  soi  de  faire  cette  dé- 
marche. M.  de  la  Trémoille,  qui  désiroit  être  maréchal 
de  camp,  parla  au  Roi  immédiatement  aprèsla promotion, 
mais  le  Roi  ne  lui  répondit  rien. 

11. 


164  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Hier  il  y  eut  ici  un  ballet  ;  la  pièce  étoit  le  Roi  de  Co- 
cagne (1)  ;  il  me  parolt  que  le  ballet  a  été  trouvé  fort  joli. 
La  Barbarine,  fameuse  danseuse^  arrivée  depuis  peu,  y 
dansoit.  Comme  le  Roiavoit  dîné  après  le  sermon^  et  quMl 
n'avoit  point  dit  qu'il  n'iroit  point  au  ballet,  M.  de  la 
Trémoille  ne  le  fit  commencer  qu'à  sept  heures^  dans 
Tespérance  que  le  Roi  pourroit  y  aller;  mais  cette  espé- 
rance fut  vaine.  Il  y  eut  travail  avec  M.  le  Cardinal  et 
H.  de  Breteuil,  et  le  Roi  ne  sortit  point  de  chez  lui. 

La  grande  nouvelle  de  Paris  est  la  rentrée  de  M*^"*  Le- 
maure  à  l'Opéra;  elle  est  autant  connue  par  la  beauté  de 
sa  voix  que  par  son  avarice  et  ses  fantaisies;  il  y  a  quel- 
ques années  qu'elle  avoit  quitté  l'Opéra  par  esprit  de  ré- 
gularité^ et  M.  le  duc  d'Orléans  lui  faisoit  une  pension. 
Les  directeurs  de  l'Opéra  l'ont  engagée  à  y  rentrer. 

Ce  fut  dans  le  travail  de  M.  Breteuil  d'hier  au  soir  que 
fut  décidé  l'arrangement  pour  les  régiments  de  M.  le 
prince  de  Condé.  Celui  de  cavalerie,  vacant  par  la  pro- 
motion de  M.  de  Gouffier,  a  été  donné  à  M.  de  la  Guiche, 
parent  de  H.  de  Lassay;  et  celui  d'infanterie,  qu'avoit 
M.  d'Hautefort,  a  été  donné  à  M.  de  la  Tournelle,  beau- 
frère  de  M'"^  de  Mailly.  M"*  de  Maiily  disoit,  il  y  a  quel- 
ques jours,  que  si  elle  n'avoit  pas  demandé  ce  régiment  à 
M.  le  comte  de  Clermont  avec  autant  d'instance,  M.  de  la 
Tournelle  ne  l'auroitpaseu.  Par  l'arrangement  fait  entre 
H.  de  Cbarolois  et  M.  le  comte  de  Clermont,  c'est  M.  de 
Charolois  qui,  gouvernant  toutes  les  terres  de  M.  de  Condé, 
nomme  aussi  en  son  nom  aux  bénéfices  qui  dépendent  de 
lui  ;  et  c'est  M.  de  Clermont  qui  se  mêle  du  détail  des  ré- 
giments. Il  y  a  quelques  jours  qu'il  travailla  avec  M.  de 


(1)  (1  La  comédie  du  Roi  de  Cocagne  est  du  feu  sieur  Legrand ,  comédien 
du  Théâtre-François,  ornée  de  trois  intermèdes  de  chants  et  de  danses,  dont  ]a 
musique  est  du  sieur  Quinanlt  Talfié,  retiré  du  théâtre  depuis  1 734 .  »  {Mercure 
de  Mars,  page  569.  ) 


'  MARS  1740.  165 

Breteuil  pour  rarrangement  des  deux  régiments  dont 
je  viens  de  parler. 

H.  d'Aster  a  remercié  le  Roi  aujourd'hui  pour  la 
compagnie  aux  gardes  dont  j'ai  parlé  ci-dessus  ;  c'est  le 
second  fils  de  H.  le  comte  de  Gramont;  il  n'a  que  qua^ 
torzeans. 

M*"*^  la  duchesse  de  Lesdiguières  est  morte  cette  nuit; 
elle  étoit  âgée  de  soixante-huit  ans  ;  elle  s'appeloit  Ga- 
brielle- Victoire  de  Rochechouart,  et  étoit  fille  de  Louis, 
duc  de  Vivonne  et  de  Mortemart,  pair  et  maréchal  de 
France,  et  d'Antoinette  de  Mesmes  ;  elle  étoit  sœur  de  feu 
M.  le  duc  de  Mortemart  qui  avoit  épousé  M"®  Colbert. 
Elle  avoit  pour  sœurs  :  deux  religieuses  de  Fontevrault, 
dont  l'une  en  fut  abbesse  et  l'autre  le  fut  de  Beaumont- 
lès-Tours,  M™*  la  duchesse  d'Elbeuf,  M*"*  la  marquise  de 
Castries,  première  femme  de  feu  M.  de  Castries  et  belle- 
sœur  de  l'archevêque  d'Alby  d'aujourd'hui,  laquelle  n'eut 
qu'un  garçon ,  lequel  épousa  M"'  d'Olinville  ;  il  mourut 
sans  enfants.  M.  de  Castries  épousa  en  secondes  noces 
M"*  de  Lévis,  dont  il  eut  trois  enfants  ;  il  y  a  encore  deux 
garçons  présentement.  M"®  de  Lesdiguières  épousa,  le 
12  septembre  1702,  Alphonse  de  Ctéquy,  comte  de  Ca- 
napîes,  mort  sans  enfants,  le  5  août  1716,  âgé  de  quatre- 
vingt-cinq  ans.  Alphonse  de  Créquy  devint  duc  de  Lesdi- 
guières et  pair  de  France  par  l'extinction  des  branches 
aînées  de  sa  maison  ;  c' étoit  le  troisième  fils  de  Charles, 
second  du  nom,  sire  de  Créquy  et  de  Canaples,  mort  au 
siège  de  Chambéry,  en  1630,  lequel  avoit  épousé  Anne 
du  Roure,  fille  de  Claude,  seigneur  de  Bonne  val  et  de 
Comballet  et  de  Marie  d'Albert-Luynes,  sœur  du  conné- 
table. M.  le  duc  de  Villeroy  hérite  environ  de  18,000  li- 
vres de  rente  à  la  mort  de  M™°  de  Lesdiguières. 

Du  samedi  26,  Versailles.  —  Le  Roi  travailla  hier  avec 
M.  le  Cardinal  et  M.  de  Breteuil,  et  l'on  sut  après  le  tra- 
vail qu'il  y  avoit  une  augmentation  de  faite  à  la  promo- 
tion; j'en  joins  ici  l'état. 


I«l 


MEMOIRES  DU  DUC  DE  LrnCES. 


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MARS  1740.  in? 

U^.  Pçrus»is,  «n&eigne  4@  U  prenuèrQ  cQ^uipagoie  de«  mm^ 
quetmrps. 

Wargemont ,  sous-lieutenant  des  gendarmes  du  Roi. 

Sourehes. 

Canillac,  eMeigne  de  la  2*  ema^pagnie  des  mousquetaires. 

Chevalier  d* Aydie,  lieutenant  des  ^afdes. 

Goëtlogon ,  enseigne  de  la  i*  comps^gnie  dçs  mousque- 
taires. 

Due  de  Fitz- James,  mestrede  camp  d*un  régiment  de  ca- 
valerie irlandois. 

Chovalier  de  Be^uvciisf^  mesti^  d^  cafiip  Imtoaant-colcfn?) 
d*iu>e  brtgj^e  de  par^biaiers. 

$cbml4ber^ ,  lieutenant-colonel  du  régiment  d'Àteace. 

Hennesy,  lieutene^t-Golonel  du  régiment  de  Butl^eley, 

La  Clavière, lieutenantcolone) d'Enghien. 

De  Yalenceau,  )lei|tenant-colqnel  commandant  un  batail- 
lon de  Royal-artillerie. 

Comte  deBorstel,  artiilerie. 

Thiboutot , 

DesMazls,     w       ^.,,    . 
ïx   miT   ,         >  artillerie. 
De  Meslay, 

D'AhouvUle, 

ï>amott©-TWb«rg.e«m , 

Perdriguier,  \  {ngénlç^r^. 

9asea«d| 

M.  du  Roure,  gejîdrç  de  M.  lo  maréchal  de  Çironet  of- 
ficier des  mousquetaires,  et  M.  de  Sassenage,  sont  les  deux 
seuls  brigadiers  de  cavalerie  qui  aient  fait  des  représen- 
tations. U  me  parolt  qu'il  y  a  encore  bien  d'autres  mécon- 
tents. 

M.  de  Schnaerliûg,  qui  est  ici  depuis  longtemps  chargé 
des  affaires  de  la  cour  de  Vienne ,  sang  caractère ,  prit 
congé  hier  pour  retourner  à  Vienne. 

Dumardii9f  Ver$aUle$.  —  Jeudi  24  de  ce  mois,  le  feu 
prit  au  vieux  Louvre,  dans  la  partie  qui  regarde  la  rivière, 
dans  le  logement  de  M"'  de  Villefort,  au-dessus  de  celui 
qu'occupoit  M.  de  Tessé  ;  le  dommage  a  été-aasez  considé- 


i66  MÉMOIRES  DU  DUC  ÏXE  LUYNES. 

SUITE    DE  LA  PROMOTION  DU  15  MARS  174Q. 

Maréchaux  de  camp. 

MM.  de  Volvire^  commanâaRt  en  Bretagne. 

De  Jaunay,  lieutenant  général  d'artillerie. 
Le  Brun,  employé  en  liangue4oç. 
Quenaut  4e  Clermont,  ingépieor. 
Marignane,  sous-lieutenant  des  cheyaa4égers. 
Des  Bournais,  commandant  à  Bitche. 
Menou,  enseigne  de  la  compagnie  de  Villeroy . 
La  Rivière,  sous-lieutenant  de  la  2^  compagnie  des  mous- 
quetaires. 

Brigadiers. 

D^Erlach,  capitaine  aux  gardes  suisses. 

Nagent,  mestre  de  camp  lieutenant-colonel  du  régiment  de 
FitzJames. 

Galvières,  exempt  aide^major  de  la  compagnie  de  Villeroy. 

D'Orival,  capitaine  aux  gardes  françoises. 

De  Tiliy,  maréchal  des  logiç  de  la  cavalerie. 

Feedorf,  colonel  suisse. 

Choiseul'Beaupré,  capitaine-lieatenaut  des  chevau-légers 
de  Bretagne. 

Marquis  de  Mézières ,  sous-lieutenant  des  gendarn\es  de 
Berry. 

Comte  de  Tressan,  enseigne  de  la  compagnie  de  Noailles. 

Balîncourt,  enseigne  de  la  compagnie  de  Noailles. 

Chevalier  d'Artagnan ,  sous-lieutenant  de  la  1"  compa- 
gnie des  mousquetaires. 

Chevalier  de  Gramont,  enseigne  de  la  compagnie  de 
Gharost. 

Marquis  du  Muy ,  capitaine  des  chevau-légers-Dauphins. 

De  Manerbe,  aide-major  des  quatre  compagnies  deç 
gardes. 

La  Varenne,  \ 

Pinon ,  I  capitaines  aux  garde?  françoises. 

Montaigu ,     / 


MKtiS  1740.  IIS7 

MM<  Perus»is,  «nseigne  4^  la  prenuèra  cQ(Vipagoie  dm  mm^ 
quetmr^. 

Wargemont ,  sous-lieuteDant  des  gendarmes  du  Roi. 

Sourches. 

Canillac,  eMeigne  de  la  2*  eompagute  des  mousquetaires. 

Chevalier  d*Aydie,  lieutenant  des  ^afdes. 

Goêtlogon ,  enseigne  de  la  i*  comps^gnie  dçs  mousque- 
taires. 

Due  de  Fitz- James,  mestrede  camp  d*un  régiment  de  ca- 
valerie irlandois. 

Chovalier  de  BeQuvmsf^  metAf^  d^  fiUfiip  UQ^toaant-colon^ 
d'upf  brigade  de  parablaifirs. 

Scbmi^ber^ ,  lieute)^ant-colonel  du  régiment  d*A)9ace. 

Hennesy,  lieuteneii^t-GolQuel  du  régiment  de  But^eley, 

La  Clavière,  lieutenantcolone)  d'Enghien. 

De  Yalenceau,  Ueutenant-colqnel  commandant  un  batail- 
lon de  Royal-artillerie. 

Comte  de  Borstel,  artillerie. 

Thiboutot , 

DesMazis,     .       ..„    . 
^   .,   ,         >  artillerie. 
De  Meslay, 

D'AhouvUle, 

tamotte-TWb«rg.eau , 

Perdriguier,  \  fpgéni^iirç. 

9aseaud| 

M.  du  Roure,  gendre  de  M.  le  maréchal  de  Çjronçt  of- 
ficier des  pousquetaires,  et  M.  de  Sassenage,  sont  les  deux 
seuls  brigadiers  de  cavalerie  qui  aient  fait  des  rjepréseii- 
tations.  U  me  parolt  qu'il  y  a  encore  bien  d'autres  mécon- 
tents. 

M.  de  Schinerling,  qui  est  ici  depuis  longtemps  chargé 
des  affaires  de  la  cour  de  Vienne ,  sang  caractère ,  prit 
congé  hier  pour  retourner  à  Vienne. 

Du  mardi  i9^  Versailles.  —  Jeudi  24  de  ce  mois,  le  feu 
prit  au  vieux  Louvre,  dans  la  partie  qui  regarde  la  rivière, 
dans  le  logement  de  M"'  de  Villefort,  au-des§us  de  celui 
qu'occupoit  M.  de  Tessé  ;  le  dommage  a  été-agsez  considé- 


If^  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

trtlilM.  Cul  AvéïHiment  et  la  rentrée  de  M**' 
('0|»^tt  ont  donné  lieu  aux  six  vers  suivants  : 

|.ttM<)it^u\  annoncent  aux  humains 
\a%  ^XM\At  ivénwuento  par  des  signes  eertaim  ; 

\t^  jour  qu'on  vit  nattre  Alexandre 

toWuM^^  U*f4>hèse  brûla; 

\.ti  \.\\\\\ti^  M  ti>MX  eo  cendre 
\  v^  ivHir  s|u\u^  \it  wtttrer  Lenaure  à  FOpén. 

\  v^  Uvvv  A  v^usîà  jix^  i  propos,  poor  éviter  ipe  jKPtî 
^^.^ll^vHU^ u'mhhnM  à  $A  Bibliothèque  à  Paris. <f  nrÊumstc 

\jv^  \\  vu^  ^vsv^^'*^  V^"*^  ^vr^ooue  ni  ai^^îesBos  ni  ^iMtsBBtm 
vio  ^^^  s\'-W  tvL^vNvth^\u^.  Sw  3L  a  donné  i  3L  oe  T^sh^v  *e: 
.^Hv  vkI^iv^.  U  v-^vsc«  v;^'j;\wTijci**  iu  ï*  ie 

^  ». 

\v:r     ...   .i-^v  -itv  v>i.ti    iin   jiiar*   rieor--.  MMaar 

,.K-  V^  K  A  vn.t><*»  it.  T  \UiU^.  T*  itlSikll^  jo-  lar 
.SS..V  ,x>\.v  Vtt.-tim  *î<  .*i\  ^■^><-  :r--irr\  ir  ?  «niif  Ttfcr--  tmr 
,.  t     .s  ^"^    .«    "*  .:»:;u.*If '^  "t:îi    la  i:i.::iir£iT  vorre     i 


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ir- 


AVRIL  1740.  169 

quand  elle  n'est  pas  de  semaine  ;  et  au  sortir  du  sermon  y 
le  Roi  étant  monté  par  le  petit  escalier,  elle  est  sortie  en 
même  temps  que  lui  et  Ta  rencontré  en  haut  dudit  es- 
calier. Le  Roi  s'est  arrêté  ^  s'est  avancé  à  elle,  et  lui  a  parlé 
pendant  quelques  moments;  elle  a  été  de  là  chez  Made- 
moiselle; on  yaparlé  duvoyage  de  Choisy;M.  deCoigny 
y  étoit  qui  ne  savoitrien  ;  elle  lui  a  dit  qu'elle  avoit  ordre 
du  Roi  de  proposer  à  ces  princesses  d'être  de  ce  voyage. 

M™*  1§  duchesse  de  Biron  fut  hier  présentée  au  î  Roi  ; 
elle  ressemble  beaucoup  à  M"*^  d'Âncenis  et  a  l'air  aussi 
timide  et  aussi  embarrassée  qu'elle  ;  il  me  paroit  que  l'on 
trouve  la  figure  de  M"®  d'Âncenis  mieux  que  celle  de 
M"*^  de  Biron  ;  M*"*  de  Biron  cependant  a  de  plus  beaux 
yeux. 

M"*  la  maréchale  de  Biron  a  encore  présenté  sa  petite- 
fille,  M"«  de  Bonac  (  M"'  de  la  Grandville  )  ;  elle  est  petite, 
assez  bien  ;  mais,  comme  on  l'avoit  annoncée  pour  fort 
jolie,  on  ne  l'a  pas  trouvée  telle. 


AVRIL. 


Voyage^de  Choisy.  —  Mort  de  Mme  la  daehesse  de  Brissac.  —  M.  de  Vigny, 
écuyer  de  quartier.  —  Mort  de  M.  de  la  Briffe.  —  CërémoDÎes  de  la  semaine 
sainte.  —  Révérence  de  W^^  de  Fénelon.  —  Audience  des  États  de  Bourgo- 
gne. —  Mouvement  dans  les  intendances.  —  Nouvelles  du  royaume  de  Na« 
pies —  Mort  de  M.  de  Vaubourg.  —  Revue  des  gardes  françoiseset  suisses- 

Du  dimanche  '3.  —  Le  Roi  partit  jeudi  pour  Choisy,  et 
vit  en  passant  une  remonte  d'environ  trente  chevaux  an- 
glois^  qu'on  a  amenés  pour  la  petite  écurie.  Après  qu*on 
les  eut  tous  fait  passer  devant  S.  M.,  M.  le  Premier,  qui 
étoit  dans  son  carrosse,  demanda  au  Roi  s'il  vouloit  bien 
accorder  au  nommé  Gagnier,  qui  les  a  amenés,  la  grati- 
fication ordinaire  de  1,000  livres,  et  le  Roi  dit  qu'il  le 
vouloit  bien. 

En  arrivant  à  Choisy,  S.  M.  fut  voir  d'abord  ses  plans, 


168  MËMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

rable.  Cet  événement  et  la  rentrée  de  M***  Lemaure  à 
rOpéra  ont  donné  lieu  aux  six  vers  suivants  : 

Les  dieux  annoncent  aux  humains 
Lies  grands  événements  par  des  signes  certains  ; 

Le  jour  qu'on  vit  naître  Alexandre 

Le  temple  d*Éphèse  brûla; 

Le  Louvre  fut  réduit  en  cendre 
Le  jour  qu'on  vit  rentrer  Lemaure  à  TOpéra. 

Le  Roi  a  aussi  jugé  à  propos^  pour  éviter  que  pareil 
malheur  n^arrivàt  à  sa  Bibliothèque  à  Paris  ^  d'ordonner 
qu'il  ne  logeroit  plus  personne  ni  au-dessus  ni  au-dessous 
de  la  dite  bibliothèque.  S.  H.  a  donné  à  H.  de  Tessé,  en 
attendant^  la  maison  qu'occupoit  feu  M^^deLesdiguières, 
laquelle  maison  étoit  au  Roi. 

Avant-hier,  le  Roi,  après  avoir  été  chez  M"*"  la  comtesse 
de  Toulouse  jusqu'à  près  de  minuit ,  alla  chez  Mademoi- 
selle lui  faire  une  visite  d'un  quart  d'heure,  pendant 
qu'elle  jouoit.  M"**  de  Mailly  et  M"*'  de  Vintimille  étoient 
chez  M"'  la  comtesse  de  Toulouse;  M""  de  Mailly  ne  vint 
point  chez  Mademoiselle,  et  se  retira  de  bonne  heure  chez 
elle ,  et  M"*'  de  Vintimille  y  vint  un  moment  après  le 
Roi .  Hier,  le  Roi  alla  encore  chez  Mademoiselle  et  y  fut  une 
heure  et  demie  à  faire  la  conversation  ;  M"*'  de  Mailly  et  de 
Vintimille  y  étoient. 

Il  est  question  depuis  plusieurs  jours  d'un  voyage  que 
le  Roi  veut  faire  à  Choisy  pour  voir  ses  plans ,  et  le  jour 
n'étoit  point  décidé.  Le  Roi  envoya  dire  hier  au  prédi- 
cateur qu'au  lieu  de  demain  qu'il  devoit  prêcher,  qu'il 
désiroit  qu'il  prêchât  aujourd'hui ,  et  S.  M.  a  donné  ce 
matin  l'ordre  à  M.  de  Coigny  ;  il  lui  a  dit  qu'il  iroit  jeudi 
et  qu'il  reviendroit  vendredi.  Cet  ordre  subsistoit  encore 
aujourd'hui  à  six  heures.  Cependant  M"*  de  Mailly  m'avoit 
dit  ce  matin  qu'elle  ne  savoit  pas  encore  si  le  Roi  ne 
mèneroit  point  de  dames,  et  s'il  n'y  resteroit  pas  plus  long- 
temps que  ce  que  Ton  disoit.  Elle  a  été  aujourd'hui  au 
sermon  en  haut  à  la  tribune ,  comme  elle  y  va  toujours 


AVRIL  1740.  169 

quand  elle  n'est  pas  de  semaine  ;  et  au  sortir  du  sermon^ 
le  Roi  étant  monté  par  le  petit  escalier,  elle  est  sortie  en 
même  temps  que  lui  et  Ta  rencontré  en  haut  dudit  es- 
calier. Le  Roi  s'est  arrêté  y  s'est  avancé  à  elle,  et  lui  a  parlé 
pendant  quelques  moments;  elle  a  été  de  là  chez  Made- 
moiselle; on  y  a  parlé  du  voyage  de  Choisy;M.  deCoigny 
y  étoit  qui  ne  savoitrien  ;  elle  lui  a  dit  qu'elle  avoit  ordre 
du  Roi  de  proposer  à  ces  princesses  d'être  de  ce  voyage. 

M"**'  la  duchesse  de  Biron  fut  hier  présentée  au  ]  Roi  ; 
elle  ressemble  beaucoup  à  M"*  d'Âncenis  et  a  l'air  aussi 
timide  et  aussi  embarrassée  qu'elle;  il  me  paroit  que  l'on 
trouve  la  figure  de  M"®  d'Ancenis  mieux  que  celle  de 
M"*®  de  Biron  ;  M"**  de  Biron  cependant  a  de  plus  beaux 
yeux. 

H"*^  la  maréchale  de  Biron  a  encore  présenté  sa  petite- 
fille,  M"*'  de  Bonac  (M"'  de  la  Grandville  )  ;  elle  est  petite, 
assez  bien  ;  mais,  comme  on  l'avoit  annoncée  pour  fort 
jolie,  on  ne  l'a  pas  trouvée  telle. 


AVRIL. 


Voyage^de  Choisy.  —  Mort  de  Mme  la  daehesse  de  Brissac.  —  M.  de  Vigny, 
écuyer  de  quartier.  —  Mort  de  M.  de  la  Briffe.  —  CérémoDîes  de  la  semaine 
sainte.  —  Révérence  de  M^^^  de  Fénelon.  —  Audience  des  États  de  Bourgo- 
gne. —  Mouvement  dans  les  intendances.  —  Nouvelles  du  royaume  de  Na. 
pies —  Mort  de  M.  de  Vaubourg.  —  Revue  des  gardes  françoises  et  suisses- 

Du  dimanche  S.  —  Le  Roi  partit  jeudi  pour  Choisy,  et 
vit  en  passant  une  remonte  d'environ  trente  chevaux  an- 
glois^  qu'on  a  amenés  pour  la  petite  écurie.  Après  qu'on 
les  eut  tous  fait  passer  devant  S.  M.,  M.  le  Premier,  qui 
étoit  dans  son  carrosse,  demanda  au  Roi  s'il  vouloit  bien 
accorder  au  nommé  Gagnier,  qui  les  a  amenés,  la  grati- 
fication ordinaire  de  1,000  livres,  et  le  Roi  dit  qu'il  le 
vouloit  bien. 

En  arrivant  à  Choisy,  S.  M.  fut  voir  d'abord  ses  plans, 


J7Q  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

qui  sont  presque  finis,  ef  ensuite,  ses  b&timents^  qui  vont 
fort  vite,  mais  qui  ne  seront  pourtant  finis  entièrement 
que  dans  trois  ans;  Ton  compte,  quand  tout  ser«  fait^  que 
le  Roi  aura  trente^eux  logements  À  donner,  outre  son 
service.  Comme  le  Roi  revenoit  de  ses  b&timents,  les 
dames  arrivèrent  et  le  Roi  alla  à  la  descente  de  leur 
carrosse  ;  c'étoit  les  quatre  sœurs  et  M""^  la  maréchale 
d'Estrées.  Le  Roi,  occupé  de  faire  les  honneurs  de  «fa 
maison  presque  comme  un  particulier,  les  mena  à  ses 
plans  et  à  ses  bâtiments  ;  on  soupa  de  bonne  heure ,  aprèsi 
quoi  il  joua  à  Thombre  et  au  trictrac. 

Le  lendemain  après  la  messe^  le  Roi  retourna  dans  son 
jardin  et  à  ses  bâtiments,  M™^  de  Hailly,  toute  coiffée 
(  elle  couche  toujours  ainsi  ) ,  dans  sa  robe  à  peigner  et 
saps  panier,  et  H"'*de  Vinti mille,  qui  avoit  un  panier  et 
étoit  habillée,  allèrent  se  promener  de  bonne  heure,  et 
ayant  su  que  le  Roi  étoit  aux  bâtiments,  elles  revinrent; 
le  Roi  rentroit.  M"*'  de  Hailly  dit  qu'elle  n'osoit  pas  pa- 
roltre  devaût  le  Roi,  mais  S.  M.  la  fit  entrer  et  la  fit 
même  asseoir  pendant  qu'il  jouoit  à  Thombre.  M"*  de 
Vintimille  resta  aussi  à  la  partie  d'hombre ,  après  la- 
quelle le  Roi  retourna  dans  le  jardin,  et  ces  deux  dames  l'y 
suivirent  et  travaillèrent  Tune  et  l'autre  aux  plans.  Les 
princesses  ne  parurent  qu'à  quatre  ou  cinq  heures;  elles 
allèrent  trouver  le  Roi  dans  le  jardin.  M'^la  maréchale 
d'Estrées  ne  descendit  que  quand  le  Roi  fut  rentré.  Le  Roi 
ne  joua  qu'à  Thombre  et  au  trictrac  et  un  moment  au 
passe-dix;  il  y  eut  cavagnole  et  quadrille  en  même 
temps. 

Le  lendemain,  qui  étoit  samedi,  le  Roi,  après  avoir  été 
seulement  voir  ses  bâtiments,  à  quoi  il  parolt  s'amuser 
beaucoup,  partit  pour  lâchasse  et  permit  à  M.  deLuxem* 
bourg,  qui  étoit  venu  dans  le  carrosse  du  Roi ,  de  s'en 
aller  de  Choisy  à  Paris,  et  à  moi ,  qui  y  étois  aussi ,  de 
m'en  revenir  du  rendez-vous  à  Versailles.  Il  y  eut  souper 
dans  les  cabinets,  mais  point  de  dames. 


AVRIL  1740,  171 

Quoique  le  Roi  ae  fût  point  iei  (1)  vendredi ,  il  y  eut 
sermon,  qui  fut  même  trouvé  fort  beau  ;  et  comme  le  pré-^ 
dicateqr  étoit  instruit  que  Ifi^  Reipe  sieroit  seule,  il  lui  fit 
un  compliment  suivant  Tusage. 

Les  deux  places  de  conseillers  d'État  vacantes,  Tune 
depuis  quelque  temps  par  la  mort  ^e  M.  de  Qarlay  et 
l'autre  diëpuispeu  par  la  mort  de  M.  le  Guerchois ,  ont  été 
données,  Tune  à  M.  Gilbert  de  Voisins,  ci-devant  avocat 
général,  et  Tautre  à  M.  de  Villeneuve,  notre  ambassa* 
deur  à  Constantinople. 

M*°^la  duôhessedeBrissac,  première  douairière,  mourut 
avant-hier  matin.  Elle  étoit  grand'mère  de  M""  la  du- 
chesse d'Ayen  d'aujourd'hui.  Son  nom  étoit  Bechameil  ^ 
fille  de  M.  de  Nointel,  surintendant  des  maisons  et  fi- 
nances de  Philippe  de  France,  duc  d'Orléans,  et  de  Marie 
Colbert.  Son  mari  étoit  fils  de  Timoléon ,  comte  de  Cossé , 
lequel  étoit  second  fils  de  François  de  Cossé,  duc  de  Bris- 
sac,  pair  et  grand  pannetier  de  France,  mort  en  1651  ; 
il  fut  duc  de  Brissac ,  en  1698,  par  la  mort  de  son  cousin 
germain,  arrivée  le  29  décembre  ;  il  ne  fut  reçu  au  Parle- 
ment que  le  6  mai  1700.  Timoléon,  comte  de  Cossé,  étoit 
fils  de  Charles  de  Cossé,  second  du  nom,  premier  duc  de 
Brissac,  pair  et  maréchal  de  France,  et  de  Judith  d'Acigné. 
Charles  de  Cossé,  second  du  nom,  étoit  fils  de  Charles  de 
Cossé,  premier  du  nom,  qui  mourut  en  1653,  lequel  étoit 
peti  t-fils  de  Thibault  de  Cossé,  qui  est  le  premier  de  cette  fa- 
mille que  Ton  trouve  dans  Moréri,  lequel  étoit  gouvei*- 
neur  du  comté  et  château  de  Beaufort-en-Vallée  pour 
Jeanne  de  Laval,  veuve  de  René ,  roi  de  Jérusalem  et  de 
Sicile,  et  duc  d'Anjou,  laquelle,  pour  récompense  de  ses 
services,  lui  donna  la  terre  de  Beaulieu.  Il  y  a  un  auteur 
qui  fait  descendré  M.  de  Cossé  de  Coccius  Nerva,  d'autres 
des  Çossa  de  Naples.  Moréri  dit  que,  quoiqu'apparemment 
que  cette  famille  vienne  de  Naples ,  elle  tire  son  nom  de 


(1)  A  Versailles. 


172  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYMES. 

la  terre  de  Cossé  dans  le  pays  du  Maine.  M""*  la  duchesse 
d'Ayen  est  fille  unique  de  feu  H.  de  Brissac  et  de  M*"^  la 
duchesse  de  Brissac  d'aujourd'hui ,  mariée  en  novembre 
1720y  laquelle  est  fille  unique  de  Claude  Pecoil  ^  maître 
des  requêtes. 

Du  vendredi  8,  Versailles.  —  Avant-hier  le  Roi  fut  à  la 
chasse  et  soupa  dans  ses  cabinets  avec  des  hommes  seule- 
ment; après  le  souperil  descendit  chez  Mademoiselle^  qui 
est  incommodée^  et  y  joua  à  Thombre  avec  M.  d'Ayen  et 
M.  de  Soubise,  pendant  que  Mademoiselle  jouoit  à  cavâ- 
gnole  avec  M"*  de  Mailly  etM"*!de  Vintimille.  Le  Roi  a  été 
presque  tous  les  jours  chez  Mademoiselle.  M*"*  la  comtesse 
de  Toulouse  n'est  point  ici;  elle  est  dans  la  très-grande  dé- 
votion ;  elle  s'est  retirée  dans  sa  maison  de  la  ville  pour 
jusqu'après  Pâques,  où  elle  ne  verra  personne.  Il  y  eut 
hier  sermon.  Le  prédicateur  a  demandé  au  Roi  de  ne 
prêcher  qu'une  fois  cette  semaine. 

La  Reine  fat  hier  après  son  jeu  voir  M"**  de  Ghalais^ 
qui  est  malade  depuis  longtemps.  C'est  une  marque  de 
bonté  qu'elle  a  coutume  de  donner  à  ses  dames  du  pa- 
lais; elle  y  fut  sans  aucune  cérémonie^  avec  une  de  ses 
dames  seulement. 

Le  Roi  vient  d'accorder  une  pension  de  1,200  livres  à 
M.  de  Vigny,  écuyer  de  quartier,  fils  de  M.  de  Vigny, 
lieutenant  général  de  bombardiers,  àqui  l'on  doit  l'inven- 
tion des  carcasses  (1).  M.  de  Vigny  est  écuyer  du  Roi 
depuis  environ  trente  ans.  C'est  lui  qui  a  fait  le  voyage  * 
avec  Madame  jusqu'à  la  frontière  d'Espagne.  C'est  l'u- 
sage  en  pareil  cas,  que  l'écuyer  de  quartier  commande 
toute  récurie  du  Roi  qui  sert  à  ce  voyage.  Ordinairement, 
les  plus  anciens  demandent  ces  commissions,  parce  que, 
quand  on  est  content  de  leurs  soins,  c'est  un  moyen  pour 
obtenir  une  pension.  Ces  pensions  étoient  de  1,600  livres 


(t)  Espèce  de  bombe,  de  forme  oblongue  et  chargée  de  mitraille. 


AVRIL  17.40.  173 

ordinairement;  j'ai  ouï  dire  même  qu'elles  étoient  de 
2^000.  livres.  Ces  charges  ne  rapportent  pas  100  écus  de 
revenu  et  se  vendent  30  ou  40^000  livres;  ils  ont  bouche 
en  cour  pendant  leur  quartier.  M.  de  Vigny  m'a  dit  que 
M.  le  Cardinal  avoit  fait  avec  soin  l'observation  que  ce 
n'étoit  point  à  cause  du  voyage  que  ladite  pension  étoit 
accordée  y  mais  en  considération  de  Tancienneté  des  ser- 
vices^ afin  que  ceci  ne  servit  point  d'exemple  pour  pré- 
tendre à  pareille  gr&ce  à  cause  des  voyages. 

Du  dimanche  10,  Versailles.  —  M.  le  duc  de  Gramont 
remercia  le  Koi  vendredi  dernier^  8  de  ce  mois^  au  sujet 
de  la  grâce  qu'il  vient  d'accorder  à  son  gendre  M.  le 
comte  deBrionne.  M.  df  Lambesc^  son  père,  s'est  démis  en 
sa  faveur  du  gouvernement  d'Anjou,  qui  vaut  60,000  li- 
vres de  rente.  M.  de  Lambesc  se  réserve  les  appointetnents.- 
C'est  une  grande  grâce  pour  un  enfant  de  quinze  ans. 
•  Le  gouvernement  du  Pont-de-1' Arche ,  vacant  par  la 
mort  de  M.  de  Saujon,  n'est  pas  encore  donné.  Nous  n'a- 
vons pas  encore  vu  beaucoup  d'exemples  que  l'on  se  soit 
adressé  directement  au  Roi  pour  demander  des  grâces* 
Comme  celle-ci  est  peu  considérable ,  le  gouvernement 
ne  valant  que  3  à  4,000  livres  de  rente,  M.  le  marquis  de 
Meuse,  que  le  Roi  traite  avec  bonté,  parla  hier  au  Roi  au 
sujet  de  ce  gouvernement,  comme  S.  H.  sortoit  du  grand 
couvert  et  rentroit  chez  la  Reine.  Le  Roi  s'arrêta  un  mo^ 
ment;  sans  rien  répondre  de  précis,  il  parut  recevoir  bien 
cette  demande.  H.  de  Meuse  avoit  pris  la  précaution  de 
prudence  et  de  sagesse  qu'il  convenoit  avant  de  faire  cette 
démarche. 

Il  y  a  eu  aujourd'hui  grande  messe  que  le  Roi  et  la 
Reine  ont  entendue  en  bas,  ainsi  que  le  sermon,  les 
vêpres  et  le  salut.  C'est  M"*  de  l'Hôpital  qui  a  quêté  à  là 
grande  messe  et  â  vêpres.  M.  le  Dauphin  étoit  au  sermon, 
en  bas,  son  pliant  un  peu  plus  près  du  fauteuil  du  Roi 
que  le  pliant  de  M.  le  duc  de  Chartres  ne  Fétoit  de  celui 
de  M.  le  Dauphin.  M-  de  Tessé,  le  père,  qui  a  cédé  sa 


174  MÉMOIRES  DU  DDG  DE  LUYN1':S. 

charge  de  premier  écuyer  de  la  Reine  à  son  fils  il  y  a 
longtemps ,  et  qui  depuis  ce  temps  est  retiré  danâ  la  pro- 
vince du  Maine^  est  venu  ici  faire  sa  cour  à  la  Reine  et 
a  fait  aujourd'hui  les  fonctions  de  cette  charge  ;  il  a 
donné  la  main  à  la  Reine  pour  descendre  au  Hertnon. 

On  apprit  hier  la  nouvelle  de  la  mort  de  H.  de  la  Briffe^ 
intendant  de  Bourgogne  depuis  longtemps  et  conseilla 
d'État;  c'est  une  perte.  M.  de  Baudry,  qui  vient  d'aVoir 
une  expectative  pour  la  première  place  vacante  de  conseil- 
ler d'État^  n'a  pas  attendu  longtemps  pour  être  en  chaire. 

Du  jeudi  Ifc,  Versailles.  —  Le  gouvernement  du  Pont- 
de-l' Arche  fut  donné,  il  y  a  trois  ou  quatre  jours,  au  fllS 
de  M.  de  Saujon,  lequel  a  treize  ans.et  est  dans  le  régiment 
du  Roi.  Ce  gouvernement  taloit  environ  9^000  livres  à 
M.  de  Saujon ,  parce  qu'il  y  avoit  fait  joindre  sa  pension 
de  retraite  des  gardes  du  corps  ;  on  le  remet  sar  rancien 
état ,  et  il  ne  vaut  pas  1  ^000  écus. 

M.  d'Ormesson ,  intendant  des  finances,  vint^  il  y  ft 
quelques  jours,  remercier  ici  de  la  gr&ce  qu'il  a  obtenue 
pour  son  fils  ;  c'est  son  second  fils  qui  présentement  e^t 
l'ainé.  C'est  celui  qui  a  pensé  mourir  et  a  eu  un  œil  crevé 
d'un  accident  arrivé  dans  son  carrosse ,  dans  Paris,  par 
une  glace  cassée.  On  lui  donne  la  charge  d'intendant  des 
finances  que  le  père  cependant  exercera  tant  qu'il  voudra. 
Il  y  a  déjà  quelque  temps  que  le  fils  en  fait  les  fonctions 
et  a  même  travaillé  avec  M.  le  contrôleur  général  en 
l'absence  de  son  père  ;  il  n'aura  point  de  quelque  temps 
la  séance  de  conseiller  d'État  que  donne  cette  charge. 
C'est  une  espèce  de  survivance  pour  le  père ,  mais  qui 
n'en  a  pas  le  nom. 

Du  f>endredi  15,  Versailles.  —  Il  n'y  a  eu  rien  de  nou- 
veau cette  année  à  la  cène  du  Roi  et  de  la  Reine.  M**  de 
Hailly  étcnt  à  la  cène  du  Roi ,  ce  qui  a  pu  être  remarqué. 

À  la  cène  de  la  Reine ,  Madame  (1)  étant  incommodée  > 


(l)  Madame  Henriette. 


AVRIL  1740.  \7i 

c'est  Madame  Adélaïde  qui  jwrtoit  le  pain ,  M"*  de  Cler- 
mont  le  vin ,  ensuite  M™"  les  duchesses  de  Botifflers ,  de 
Villars,  d'Atitin  et  dé  Fleury,  et  après  elles  M*"  de  Ru- 
peltoonde ,  de  Matignon ,  de  l'Hôpital ,  Amelot ,  de  Chai- 
raawl ,  M"®  de  la  Tournelle  et  ses  trois  sœurs,  qui  sont  : 
jimes  ^g  Vin ti mille,  de  Flavacourt  et  de  Mailly;  M"*  de 
Màilly  marchoit  la  dernière  de  toUteâ. 

Ôier  la  Reine  fut  adorer  le  Saint-Sacrement  dans  le 
repOsoir;  elle  étoit  en  bas  dans  la  niche  qu'on  a  faite 
depuis  un  an,  dans  la  chapelle  de  Saint-Louis,  pour  mettre 
la  châsse  de  saint  Onésime.  S.  M.  y  resta  une  heure;  et 
lorsqu'elle  fut  rentrée  chez  elle,  le  Roi  alla  lavoir  suivant 
l'usage  ordinaire ,  de  là  repassa  cheÈ  lui,  ti  fut  ensuite 
adorer  le  Saint-Sacrement  dans  la  tribune  en  haut ,  qui 
est  vis-à-vis  la  chapelle  Saint-Louis,  où  on  avoit  mis 
tin  drap  de  pied.  Aujourd'hui  le  P.  Neuville  a  prêché 
la  Passion  à  dix  heures  ;  ensuite  s'est  fait  le  service  à  l'or- 
dinaire. M.  le  Dauphin  étoit  au  sermon,  et  a  resté  au  ser- 
vice; il  a  été  plusieurs  fois  au  sermon  ce  carême.  A  l'a- 
doration de  la  croix,  après  le  célébrant,  le  diacre  et  le 
sous-diacre  ;  les  deux  aumôniers  de  la  Reine  de  quartier 
et  ordinaire  y  ont  été,  l'aumônier  ordinaire  le  premier  ; 
ensuite  le  P.  de  Linières;  les  deux  aumôniers  dé  quartier 
du  Roi ,  immédiatement  après  M*  le  cardinal  de  Fleury, 
qui  a  fort  bien  fait  ses  génuflexions  sans  que  personne 
lui  donnât  la  main;  immédiatement  après,  le  Roi  suivi 
de  M.  le  duc  d'Ayen ,  qui  sert  actuellement  pour  M.  le 
duc  deBéthune.  M.  de  Béthune  ne  doit  venir  que  de- 
main ,  et  sa  santé  même  ne  lui  permet  pas  de  suivre  le 
Roi  ni  en  carrosse  ni  à  cheval.  M.  le  Dauphin  suivoit 
aussi  le  Roi  à  l'adoration  de  la  croix ,  et  c'est  lui  qui 
a  donné  à  S.  M.  l'argent  que  le  Roi  met  dans  le  bassin. 
C'est  un  aumônier  qui  tient  ledit  bassin.  La  Reine  a 
été  ensuite  à  l'adoration,  suivie  de  M"'  de  Clermont,  qui 
lui  a  remis  Targent.  M.  le  Dauphin  a  été  ensuite  ado- 
rer la  croix,  suivi  de  M.  de   Ghâtillon  seulement.   M.  de 


176  MËMOIBES  DU  DUC  DE  LUYNËS. 

Tressan ,  chef  de  brigade  de  service  auprès  de  lui ,  a 
voulu  le  suivre;  le  Roi  lui  a  fait  signe  de  rester.  Après 
M.  le  Dauphin ,  M.  le  duc  de  Chartres;  ensuite  M"*  de 
Clermont^  M.  leprince  de  Dombes,  M.  le  comte  d'Eu, 
H.  de  Penthièvre  ;  après  quoi  on  a  6té  la  croix  de  dessus 
le  carreau. 

Du  samedi  16,  Versailles.  —  Le  Roi  n'a  point  été  au<- 
jourd'hui  à  la  paroisse  et  n'a  point  touché.  S.  M.  a  été  ce 
matin  à  la  tribune  au  commencement  du  service,  qui  a 
duré  jusqu'à  midi  un  quart.  Ce  soir  il  a  retourné  à  corn- 
plies,  à  la  fin  desquelles  il  y  a  eu  le  chant  d'O  Filiiel  Filiœ 
à  l'ordinaire. 

Les  tambours  des  Cent-Suisses  battirent  jeudi  quand 
le  Roi  entra  dans  la  chapelle  et  ne  battirent  point  lorsque 
S.  M.  sortit  ;  aujourd'hui  ils  ont  battu  lorsque  le  Roi  est 
sorti  de  la  chapelle.  L'usage  de  cette  compagnie  est  que 
les  tambours  cessent  de  battre  et  recommencent  en  même 
temps  que  les  cloches. 

La  Reine  n'a  vu  personne,  les  après-dinées,  toute 
cette  semaine,  que  les  entrées,  et  S.  H.  n'a  point  joué. 

Du  dimanche  17.  —  Le  Roi  a  été  aujourd'hui  à  la 
grande  messe ,  en  bas ,  suivant  l'usage.  C'est  H.  l'évèque 
de  Meaux,  frère  de  M.  de  Rambures,  qui  a  officié.  C  est 
M™*  de  la  Vauguyon  qui  a  quêté.  Vendredi  dernier  ce  fut 
M""*  de  l'Hôpital,  femme  de  notre  ambassadeur  à 
Naples.  Ce  fut  H.  de  Heaux  qui  officia  à  la  cène  de  la 
Reine.  C'est  aujourd'hui  le  dernier  sermon.  Le  P.  Neuville 
a  fait  un  compliment  au  Roi  qui  m'a  paru  être  approuvé. 
Mesdames  sont  venues  à  vêpres  dans  la  tribune  en  haut , 
dans  les  niches  à  gauche.  Madame  n'a  pas  encore  été  à 
aucun  sermon. 

(^  Hier,  pendant  que  le  Roi  et  la  Reine  étoient  à  la  tri- 
bune à  Toffice ,  Madame ,  qui  venoit  de  faire  ses  pàqucs 
à  la  paroisse  ,  entra  et  se  mit  dans  la  tribune  à  droite  eu 
entrant.  Elle  entendit  une  messe  à  Tautel  qui  joint  cette 
tribune.  L'aumônier  salua  Madame;  on  alluma  un  flam- 


AVRIL  1740.  177 

beau  et  l'on  observa  les  mêmes  cérémonies  qu'à  la  messe 
de  la  Reine. 

Du  samedi  23,  Versailles.  —  Pendant  toute  la  semaine 
sainte ,  le  Roi  a  été  à  la  chasse  les  deux  premiers  jours  et  a 
dîné  tous  les  autres  au  grand  couvert.  S.  H.  a  été  à  tous  les 
offices  à  la  chapelle^  et  de  même  ledimanche  de  Pâques,  le 
lundi  et  le  mardi.  Ces  trois  derniers  jours,  comme  M""^  la 
comtesse  de  Toulouse ,  qui  a  passé  la  semaine  sainte  à  sa 
maison  de  la  ville ,  étoit  revenue  dans  son  appartement,  le 
Roi  a  été  passer  chez  elle  les  soirées  de  ces  trois  jours. 
Mercredi,  jeudi  et  hier  vendredi ,  chasse  et  souper  dans 
les  cabinets.  Hier  c'étoit  la  chasse  du  vol  ;  M"^*  de  Mailly 
etdeVintimilleétoienten  calèche  avec  le  Roi  et  M.  d'Ayen. 
Ces  deux  dames  soupèrent  dans  les  cabinets;  ils  n'étoient 
que  six  en  tout,  quatre  hommes  en  comptant  le  Roi. 

Le  Roi  devoit aller  lundi  à  Choisy;  le  voyage  est  avancé, 
il  part  demain.  S.  H.  revient  jeudi  de  Choisy  à  la  Meutte, 
d'où  il  va  faire  vendredi  la  revue  des  gardes  françoises 
et  suisses  dans  la  plaine  des  Sablons,  et  revient  ensuite 
à  Versailles. 

M.  d'Ecquevilly  fait  prendre  actuellement  avec  des  toi- 
les, par  ordre  du  Roi,  dans  la  forêt  de  Harly,  des  cerfs 
pour  mettre  dans  Saint-Germain  et  des  sangliers  pour 
envoyer  à  Sénart.  Lorsque  quelques  particuliers  deman- 
dent dans  ces  occasions  quelqu'un  des  animaux  qui  sont 
renfermés  dans  les  toiles,  ce  n'est  point  au  capitaine  des 
lieux  qu'il  faut  s'adresser,  c'est  au  capitaine  du  vau- 
trait. 

Le  Roi  donna  il  y  a  deux  ou  trois  jours  à  H.  et  à 
M™^  la  marquise  de  Ruffec  l'appartement  qu'avoit 
M.  de  Breteuil;  c'est  au-dessous  de  M.  le  maréchal  de 
Noailles,  à  côté  delà  chapelle. 

Du  dimanche  24  ,  Versailles.  —  M™^  de  Fénélon  fit  hier 
sa  révérence  au  Roi  et  à  la  Reine;  ce  fut  M"*  de  Luynes 
qui  la  mena  chez    la  Reine.    M™^  de  Fénelon  arrive 
H'  de  Hollande;  il  y  avoit  neuf  ans  qu'elle  n'étoit  venue  ici. 

Il3'  T.  ni.  12 


178  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES 

Aujourd'hui  les  États  de  Boulogne  ont  harangué  le 
Roi;  c'est  M.  deRoussillon  qui  est  député  de  la  noblesse^ 
lequel  a  épousA  une  bâtarde  de  M.  le  Duc  qui  est  auprès 
de  H"^  la  Duchesse  jeune.  Celui  qui  portoit  la  parole  est 
M.  Tabbé  de  Grosbois ,  doyen  de  la  sainte  chapelle  de 
D^oa.  L'usage  de  Bourgogne  est  qn'alternativemeBt  un 
évèque,  un  abbé  et  un  doyen  porte  la  parole  dans  ces 
harangues. 

Le  Roi  soupa  hier  dans  ses  cabinets  avec  des  hommes 
seulement.  Mademoiselle ,  qui  a  toujours  été  à  Paris  ou 
à  Madrid  pendant  la  quinzaine ,  revint  ici  hier  au  soir. 
M*^  de  Mailly ,  W^  de  Vintimille  passèrent  hier  la  soirée 
chez  Mademoiselle;  le  Roi  y  vint  après  souper,  et  y  joua  à 
rhombre.  M°'°  la  maréchale  d'Estrées  y  avoit  aussi  passé  la 
soirée  et  s'étoit  allée  coucher.  A  trois  heures  du  matin,  le 
Roi,  suivi  de  toute  la  jeunesse  qui  avoit  soupe  dans  les 
cabinets,  alla  chez  la  maréchale  d'Estrées,  où  tout  étoit 
fermé,  et  fit  tant  de  bruit  à  la  porte  qu'à  la  fin  elle  fut  ou- 
verte. Le  Roi  entra  en  criant  au  feu;  M"*'  la  maréchale 
d'Estrées ,  s'étant  réveillée ,  le  Roi  fit  la  conversation  quel- 
que moment  et  alla  ensuite  se  coucher.  Il  n'y  a  point  eu 
aujourd'hui  de  grand  couvert;  le  Roi  a  diné  dans  sa 
chambre.  S.  M.  va  à  vêpres,  et  ne  part  pour  Choisy  qu'a- 
près le  salut. 

Dumardi^Q,  Versailles,  — Ilya  deux  jours  que^inten- 
dance  de  Dijon ,  vacante  par  la  mort  de  H.  de  la  Briffe^  a 
été  donnée  à  M.  de  Saint-Contest,  qui  avoit  été  nommé 
depuis  peu  à  celle  de  Caen^  et  celle-ci  a  été  donnée  à 
M.  de  la  Briffe,  fils  du  feu  intendant  de  Dijon. 

Du  vendredi  29 ,  Versailles.  —  Le  Roi  vint  hier  de 
Choisy  courre  à  Verrières  et  coucher  à  la  Meutte  pom^ 
faire  aujourd'hui  la  revue  des  gardes  françoises.  C'est  la 
seconde  fois  que  le  Roi  ait  couru  pendant  le  voyage  de 
(^oisy  ;  le  lundi  et  le  mardi  il  n'y  eut  point  de  chasse  ;  et 
le  Roi  se  promena  presque  tout  le  lundi  avec  les  dames. 
Le  mercredi,  S.  M.  sortit  encore  plusieurs  fois  dansla  jour- 


AVRIL  174».  It9 

née  malgré  le  froid.  Le  Roi  a  joué  à  rbombre  et  au  trie* 
traole  reste  da  temps.  H"*'^  de  Mailly  n'a  joué  à  pieu. 

On  parle  beaucoup  de  ce  qui  s'est  passé  depuis  peu 
dans  le  royaume  de  Naples.  Le  roi  des  Deux<>Siciles  a 
permis  aux  juifs  de  venir  s'établir  dansées  États  ^  et  pdur 
cela  il  vient  de  donner  un  édit  qui  a  été  trouvé  fort  sin* 
gulier  ;  il  accorde  une  abolition  générale  de  toutes  sortes 
de  crimes  pour  le  passé  A  ceux  d'entre  les  juifs  qui  vien-^ 
dront  s'établir  dans  ses  États.  11  n'y  en  avoit  point  eu  de« 
puis  qu'ils  furent  chassés  par  Cbarles-Ouint.  Cet  édit  a  été 
l'occasion  à  des  affiches  scandaleuses  pour  la  religion  et 
pour  le  Roi.  On  a  trouvé  pendant  la  semaine  sainte  dans 
des  affiches  :  Carolus  Rex  Judeommy  et  au  bas  :  Crucifige^ 
crueifige;  il  a  été  fait  des  informations  pour  tâcher  de  dé- 
couvrir les  auteurs  de  ces  écrits;  elles  n'ont  produit  d'au- 
tres effets  que  de  retrouver  les  mêmes  affiches  avec  ces 
mots  ajoutés  :  Quod  scripsi,  scripsi. 

M.  de  Vaubourg  mourut  il  y  a  quelques  jours;  il  étoit 
frère  de  M.  Desraarestz,  et  sa  femme  sœur  de  M.  le  chan- 
celier Voisin  et  de  M"*  d'Ang0nnes(l).  M™®  d'Angennes  a 
un  garçon,  conseiller  au  Parlement,  contrefait,  cousin  de 
feu  M"™*"  de  Chevreuse  et  oncle  de  M,  de  Ch^tillon,  gou- 
verneur de  M.  le  Dauphin,  par  sa  première  femme,  de 
laquelle  il  a  eu  M"'  la  duchesse  de  Rohan . 

Du  samedi  30,  Versailles.  —  Le  Roi  fit  hier  lare- 
vue  des  gardes  françoises  et  suisses.  Les  six  dames  que 
j'ai  marquées  ci-dessus  étoient  venues  de  Choisy  à  la 
Meutte  et  y  avoient  couché.  Lorsque  le  Roi  partit  pour 
la  revue,  Mademoiselle,  M"*'  de  Clermont  et  M"^  de 
Ségur  s'en  allèrent  à  Madrid.  M"*^  la  maréchale  d'Es- 
tréesallaàla  revue  avec  M**  de  Vintimille,  et  M"*  de 
Mailly  avec  M»*  la  duchesse  de  Gramont.  Au  sortir 
de  la  revue ,  M"^'  de  Mailly  monta  dans  le  carrosse  de 


(1)  M"»*  d'Angennes  éloit  fille  de  M.  de  Vaubourg  qui  avoit  pour  frère 
M.  de  Vaubourg  qui  est  contrpfail.  {Note  du  due  deLuyftes.) 

13. 


180  MEMOIRES  DU  DUC  D£  LUYNES. 

H'"^la  maréchale  d'Estrées  à  la  porte  Maillot,  où  le  Roi  en^ 
voya  proposer  à  ces  trois  dames  d'aller  soaper  avec  lui  ; 
il  n'y  eut  qu'elles  trois  qui  allèrent  souper  à  la  Meutte. 
Le  Roi  sortit  de  table  à  huit  heures,  et  revint  tout  droit  ici. 
Pendant  la  revue ,  il  s'approcha  du  carrosse  de  la  Reine  ; 
la  conversation  ne  fut  ni  bien  vive,  ni  bien  longue.  M.  le 
Dauphin ,  qui  avoit  été  à  la  revue  une  demi^heure  avant 
que  le  Roi  partit,  suivit  le  Roi  à  cheval  à  la  revue.  Madame 
y  étoit  dans  les  calèches  du  Roi ,  et  comme  la  calèche  où 
étoit  Madame  vouloit  s'avancer  pour  se  mettre  immédia- 
tement derrière  le  carrosse  où  étoit  la  Reine ,  le  cocher 
du  second  carrosse  du  corps  donna  un  coup  de  fouet  pour 
joindre  le  premier  carrosse  et  passa  fort  près  de  la  ca- 
lèche où  étoit  Madame  ;  on  dit  même  qu'elle  pensa  rac- 
crocher. 

Demain  le  Roi  recommence  à  souper  au  grand  couvert 
avec  la  Reine. 


MAL 


Mariage  de  M"^  d'Harcourl  avec  M.  de  Guerchy.  —  Retraite  du  chevalier 
d*Aydie;  détail  sur  les  majors  des  gardes  da  corps.  —  M.  delà  Grandvllle, 
nommé  conseiller  d'État.  —  Les  friraassons  salonistes- polissons.  —  Cod- 

versation  à  Choisy.  —  L'abbé  Née.l  nommé  évèque  de  Séez Porcelaioe 

de  Réaumur.  —  Nouvelle  cuisine  du  Roi.  —  Le  duc  de  Chartres  à  Marly 
pour  la  première  fois.  —  Relations  de  la  Reine  avec  le  Roi.  —  Mort  de 
M.  Briçonnet.  —  Rhume  du  Roi.  —  Douceur  du  Roi  poor  ceux  qui  le  ser- 
vent. —  Mort  de  la  duchesse  de  Lauzun.  —  Naissance  du  comte  de  Dunois. 
—  Bénéfices  de  Taccoucheur  de  la  Reine.  —  Forme  des  jugements  en  An- 
gleterre. —  Mort  du  chevalier  Crozat. 

Du  dimanche  V\  —  Le  Roi  a  signé  aujourd'hui  le  con- 
trat de  mariage  de  M"*  de  Messe ,  troisième  fille  de 
H.  le  duc  d'Harcourt^  laquelle  épouse  M.  de  Guerchy, 
fils  du  lieutenant  général.  Ce  mariage  devoit  se  faii*e  avec 
l'aînée,  qui  a  épousé  depuis  M.  d'Hautefort.  J'ai  ouï  dire 
que  cette  aînée  et  la  seconde  aimoient  mieux  que  ce  fût 
la  troisième  qui  épousàtM.  de  Guerchy. 


MAI  1740.  181 

Du  mercredi  i.  —  La  liste  de  Marly  parut  lundi  au  soir. 
Le  Roi  y  va  toujours  jeudi  jusqu'à  la  veille  de  l'Ascen- 
sion. 

M.  le  chevalier  d'Aydie ,  chef  de  brigade ,  quitte  les 
gardes  du  corps  et  se  retire  ;  le  Roi  lui  donne  6,000 
livres  de  pension;  c'est  la  retraite  ordinaire  des  lieute- 
nants des  gardes  du  corps  (1);  de  même  que  celle  des 
exempts  est  de  1,500  livres.  Les  trois  premiers  chefs  de  bri- 
gade ont  le  grade  de  lieutenants  des  gardes  du  corps,  et  ce 
grade  donne  17  ou  1,800  livres  de  plus  que  les  chefs  de 
brigade.  Ce  sont  HM.  les  capitaines  qui  proposent  au  Roi 
des  sujets  pour  remplacer.  On  croit  que  ce  sera  M.  du 
Fretoy,  capitaine  dans  le  régiment  de  Toulouse  qui  aura 
la  brigade  du  chevalier  d'Aydie;  il  est  parent  de  M.  le  duc 
d'Harcourt.  Ce  qui  fait  que  cela  n'est  pas  encore  déter- 
miné, c'est  que  le  Roi  a*déclaré  que,  suivant  l'usage  qui 
se  pratiquoit  du  temps  du  feu  Roi ,  il  vouloit  qu'on  lui 
présentàttroissujets.  Sous  Louis  XIV,  les  majors  des  gardes 
du  corps  avoient  un  si  grand  crédit  que  rien  ne  se  fai- 
soitdans  les  corps  sans  eux;  les  capitaines  même  étoient 
obligés  d'avoir  recours  à  eux ,  et  lorsqu'ils  proposoient 
quelque  chose  au  Roi,  le  Roi  leur  répondoit  :  «  Parlez 
au  major.  »  MH.  de  Brissac  et  d'Avignon  avoient  cette  au- 
torité et  on  prétend  que  quand  le  Roi  lisoit  les  noms  des 
trois  sujets  qui  lui  étoient  présentés ,  c'étoit  en  présence 
du  major,  qui  donnoit  des  éloges  à  chaque  sujet,  mais 
qui  savoit  marquer  par  quelques  signes  ou  par  ses  ré- 
ponses au  Roi  celui  qui  lui  pledsoit  davantage ,  et  c'étoit 
toujours  celui-là  qui  étoit  nommé.  A  la  mort  du  feu  Roi, 
M.  d'Avignon  se  retira  et  M.  de  Bruzac  fut  nommé  à  sa 
place;  celui-ci  est  encore  vivant  et  retiré  à  Paris  depuis 
plusieurs  années.  Lorsqu'il  se  retira,  H.  le  maréchal  de 
Noailles  voulut  mettre  à  sa  place  M.  de  Druys ,  chef  de 

* 

(1)  Cependatit  j'ai  oui  dira  qu^elle  n'avoit  pas  été  accordée  dans  tou  les  cas. 
[Xote  du  duc  de  Luynes.) 


tt3  MÉMOIRES  DU  DUG  DE  LUYNES. 

brigade;  M.  de  Druys  le  remercia  et  lui  dit  ^u'il  n'avoit 
pas  l%9  qualités  convenables  pour  remplir  cet  emploi  ; 
M.  le  maréchal  de  Noaillesle  pressa  extrêmement  et  lui 
dit  qu'il  le  prioit  de  prendre  trois  jours  pour  y  réfléchir  ; 
M.  de  Druys  lui  répondit  que  les  trois  jours  lui  étoient 
inutiles  ;  cependant  il  différa  pour  plaire  à  M.  le  maré«- 
chai  de  Noailles ,  et  au  bout  de  trois  jours  il  lui  rendit  la 
même  réponse.  M«  de  Noaillesle  pressa  de  nouveau  pour 
savoir  la  raison  de  son  refus;  M.  de  Druys >  cédant  enfin 
à  des  instances  si  réitérées ,  lui  dit  :  «  Monsieur*  je  vous  ai 
b*op  d'obligation  pour  ôtre  votre  maître^  et  je  ne  pour* 
rois  me  résoudre  à  être  votre  valet.  x>  En  conséquence  de 
cerefusj  M.  de  la  Billarderie  fut  nommé  megoret  resten^» 
core  aujourd 'hui . 

La  place  de  conseiller  d'État^  vacante  par  la  mort  de 
M»  de  Vaubourg,  fut  donnée  hier  à  M%  de  la  Grand  ville  » 
intendant  de  Lille.  MM.  de  Lesse ville  et  de  Creil  étoient 
ses  ancieqs»  et  vraisemblablement  ne  seront  pas  contents, 
M.  de  la^lrandville  est  fort  estimé. 

Le  jour  que  le  Roi  arriva  à  Choisy,  U'"^''  de  Mailly  j  de 
Vintimille  et  de  Ségur  descendirent  comme  le  Roi  étoit 
d^à  à  table ,  M""*"  de  Mailly  d'assez  mauvaise  humeur  de 
ce  qu'elle  n'avoit  pas  été  avertie.  Le  Roi  proposa  à  ces 
dames  de  se  mettre  à  table ,  et  H"""  de  Ségur  s'y  mit* 
H'"^  de  Hailly  ne  voulut  point  s'y  mettre,  et  demanda  une 
petite  table  dans  la  galerie  qui  joint  la  salle  à  manger. 
On  lui  donna  cette  table;  elle  y  soupa  avec  M^^  de  Vinti- 
mille  et  deux  ou  trois  hommes.  Il  parut  que  ce  moment 
d'humeur  déplut  au  Roi,  et  il  ne  lui  fit  rien  dire  pendant 
tout  le  souper,  et  ne  porta  point  sa  santé ,  comme  c'est 
l'usage  à  Choisy  de  porter  la  santé  de  toutes  les  dames  à 
la  grande  et  à  la  petite  table. 

]l{me  d'Argence  vint  ici  hier  et  me  conta  plus  en  détail 
ce  qui  s'est  passé  par  rapport  à  son  fils.  On  lui  a  donné 
une  lettre  de  passe  ou  on  a  marqué  que  le  régiment  de 
Condé  étant  vacant  par  la  mort  de  M.  le  Duc,  et  le  Roi 


MAI  1740.  16a 

l'àyaat  donné  è  M«  le  chevalier  de  Hailly^  S.  M.  nommoit 
M,  d'Argenoe  à.  lu  oampagnie  de  dragons,  dans  le  régi* 
ment  de  Vijbraye,  qui  se  trouve  vacante  par  l'avancement 
du  capitaine  qui  monte  à  la  majorité  du  chevalier  de 
Mailly.  Ce  qui  est  à  remarquer,  c'est  quli  y  a  dans  cette 
mdme  lettre  de  paase  que  le  Roi  dispense  M.  d'Argence 
d^  servira  ladite  compagnie ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  quel- 
qu'occasion  importante  pour  le  service  de  S.  M.  Ce  sont 
à  peu  près  les  termes.  C'est  une  marque  de  bonté  du  Roi  ; 
mais  eela  paroit  une  grâce  nouvelle.  Outre  cela  S*  H» 
conserve  à  M.  ^'Argence  son  rang  de  colonel  et  lui  d^nne 
la  pension  de  oolonel  réformé  de  dragons,  qui  est  d'en* 
viron  3,500  livres. 

Dajwdi  â>  Muirlif.  —  On  parle  beaucoup  ici  de  nou- 
velles assemblées  de  frimassons  (1)  qui  ont  fort  déplu  au 
Roi.  On  m'a  dit  qu'on  en  avoit  mis  sept  ou  huit  à  la  Bas- 
tille J  mais  ce  sont  des  gens  peu  connus.  Il  y  a  ici  beau- 
coup de  jeunes  gens  de  nom  qui  étoientdeces  assemblées 
ou  qui  ont  été  accusés  d'y  avoir  été;  chacun  a  cherché  à 
se  justifier,  et  il  y  en  a  même  deux  ou  trois  qui  ont  de- 
mandé que  le  Roi  leur  permit  d'aller  à  Marly  lut  faire 
leur  cour;  c'est  ce  qu'on  appelle  saloniste-polisson  (2)>  et 
je  lésai  vus  sur  la  liste.  Il  paroU  que  M.  de  Mailly  est  fort 
mêlé  dans  toute  cette  affaire. 

Onavoitrépandu  le  bruit  qu'il  s'étoit  trouvée  l'arrivée 
du  Roi,  à  Choisy,  une  affiche  hardie  et  scandaleuse;  ce 
bruit  paroit  sans  fondement;  il  paroit  même  que  celaau- 
foitéié  difficile  à  exécuter.  Il  y  a  déjà  quelque  tempsqu'il 
y  eut  ici  une  conversation  de  jeunes  gens  (tous  gens  de 
nom  et  connus),  dans  un  appartement  qui  est  au  haut  du 
château.  On  prétend  que  cette  conversation  est  vraie.  On 
y  parla  fort  mal  de  M*'  de  Mailly,  et  on  dit  en  m^me  temps 
que  cela  ne  pouvoit  pas  durer.  On  ajoute  que  ces  jeunes 


■  «Il 11.   I      ^„j_^,^jfc 


\,i)  Voir  au  9  mars  1737. 
(2)  Voir  au  6  mai  1741. 


I 


184  MEiMOlRtS  DU  DUC  DE  LUYNES. 

gens  crurent  entendre  une  voix  qui  venoit  de  dessus  le 
toit  parle  tuyau  de  la  cheminée^  qui  disoit  :  a  Gela  durera 
longtemps  et  très-longtemps.  »  L'histoire  de  la  voix  parolt 
bien  peu  vraisemblable;  mais  il  se  peut  faire  que  les 
discours  aient  été  entendus. 

Le  Roi  nomma  hier  M.  l'abbé  Néel,  conseiller  au  parle- 
ment de  Rouen  et  grand  vicaire  de  Bayeux^  àFévéché  de 
Séez. 

On  parle  d'un  secret  nouveau  pour  faire  de  la  porcelaine, 
trouvé  par  M.  de  Réaumur  (1)  ;  c'est  avec  un  verre  que 
l'on  enduit  d'une  espèce  de  plfttre  et  que  l'on  remet  dans 
le  fourneau.  Le  plfttre  pénètre  si  véritablement  le  verre 
que  l'on  ne  trouve  plus  que  delà  véritable  porcelaine. 

Du  vendredis  y  Marly. —  Le  Roi  soupa  lundi  et  mercredi 
dans  ses  cabinets  avec  des  dames;  il  n'y  enavoitque  cinq 
à  chacun  de  ces  soupers.  Toujours  les  quatre  sœurs  ;  au 
premier  M"*  de  Ségur,  au  second  M"*  la  maréchale  d'Es- 
trées. 


(1)  î^ous  devons  à  Tobligeance  de  M.  Riocreux ,  conservateur  du  Musée  cé- 
ramique de  la  manufacture  impériale  de  porcelaine,  à  Sèvres,  la  note  suivante 
sur  la  porcelaine  de  Réaumur. 

A  l'époque  où  florissait  ce  grand  physicien ,  l'art  de  la  porcelaine  en  France 
était  encore  un  secret  que  gardaient  soigneusement  les  maîtres  des  manufac- 
tures qui  le  possédaient,  et  dont  le  mystère  donna  matière  aux  plus  ridicules 
assertions ,  que  tenta  de  dissiper  notre  illustre  savant  en  se  livrant  à  de  labo- 
rieuses recherches.  S^il  n'est  point  parvenu  à  des  conclusions  tout  à  fait  pra* 
tiques,  du  moins  éclaira-t-il  la  question ,  de  manière  à  rendre  la  solution  plus 
facile  pour  ceux  qui  y  travaillèrent  après  lui. 

Quant  à  la  porcelaine  qui  porte  son  nom,  ce  n'est  pas  à  proprement  parler 
une  porcelaine;  mais  bien  un  verre  dévitritié.  Voici  sommairement  le  moyen 
qu'il  indique  pour  y  arriver. 

Prenant  un  vase  de  verre  quelconque ,  mais  de  préférence  fait  de  verre 
brun  dit  à  bouteille^  il  le  faut  emplird'un  mélange,  fait  en  parties  égales,  de 
gypse  calciné  et  de  sable  blanc  d'Étaropes,  puis  le  placer  dans  un  étui  ou  cazette 
de  terre  qu'on  achève  d'emplir  du  même  mélange  et  qu'on  ferme  ensuite  her- 
métiquement avec  un  rondeau  luté,  pour  l'exposer,  cela  fait,  au  plus  fort  feu 
du  four  à  faïencier.  Par  suite  de  cette  opération ,  le  verre  perd  assez  de  son 
alcali  et  de  ses  principes  colorants,  pour  prendre  l'aspect  de  la  porcelaine. 

Pour  plus  de  détails,  voir  VAri  de  fabriquer  la  porcelaine,  par  le  comte 
de  Milly,  in-folio,  1771 ,  page  17  et  suivantes. 


MAI  1740.  185 

lue  Roi  a  fait  faire  une  de  ces  nouvelles  cuisines  dont 
j'ai  déjà  parlé  ci-devant;  hier  il  voulut  déjeuner  de  cette 
nouvelle  cuisine.  M"''  de  Hailly,  qui  est  de  semaine^  de- 
voit  aller  voir^  à  déjeuner;  mais  lorsqu'elle  fut  dans  les 
cabinets,  le  Roi  la  fit  rester  et  envoya  chercher  M"*  de 
Vintimille  pour  qu'elle  ne  restât  pas  seule  de  femme; 
elles  y  dînèrent  toutes  deux,  et  le  Roi  fut  de  fort  bonne 
humeur.  S.  H.  joua  à Thombre hier,  avantetaprès  souper. 
M'"®  de  Mailly  fut  très-longtemps  assise  auprès  de  la 
table  d'hombre,  seule  de  femme,  et  même  comme  il  y 
avoit  peude  monde  dans  le  salon,  elle  étoit  vue  fort  aisé- 
ment de  la  Reine,  qui  jouoit  àcavagnole. 

Il  y  a  quelques  hommes  ce  voyage-ci  qui  n'étoient  pas 
encore  venus  à  Marly  :  M.  de  Sade,  M.  de  Gaylus,  M.  le 
chevalier  de  Polignac;  M.  deFénelon  est  aussi  du  voyage. 
'  J'ai  appris  aujourd'hui  que  M.  le  comte  d'Estrées  avoit 
obtenu  une  espèce  d'inspection  ;  c'est-à-dire,  quoiqu'il 
ne  soit  pas  nommé  inspecteur,  il  a  une  commission  par- 
ticulière du  Roi  pour  aller  passer  en  revue  vingt-deux 
ou  vingt-trois  escadrons  en  Bretagne. 

Du  dimanche  8,  Marly.  —  M.  le  duc  de  Chartres,  qui 
est  du  voyage  de  Marly  pour  la  première  fois  (1),  est  logé 
au  premier  pavillon,  où  étoit  M.  le  Duc  ;  il  donne  à  souper 
ici  tous  les  soirs  ;  il  donne  aussi  à  manger  tous  les  jours 
à  Versailles.  M.  le  duc  d'Orléans  souhaite  qu'il  ait  une 
représentation  convenable  à  son  état,  pour  qu'il  soit  à 
portée  de  jouer  au  jeu  de  la  Reine.  11  lui  fait  donner 
50  louis  par  mois  pour  ses  menus  plaisirs. 

Les  deux  premiers  jours,  la  Reine,  après  le  souper,  re- 
vint au  salon  déshabillée.  Hier,  elle  soupa  avec  des  da- 
mes. Le  Roi  soupoit  dans  ses  cabinets  avec  des  hommes. 
La  Reine  revint  au  salon  habillée,  quoique  le  Roi  n'y  fût  * 


(i)  Louis-Pliilippe  d'Orléans,  duc  de  Chailres,  né  en  1725 ,  avait  alors 
quinze  ans.  Il  devint  duc  d'Orléans  après  la  mort  de  son  |>ère  en  1752,  et  fut 
le  grand -père  du  roi  Louis-Philippe. 


]S6  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYJNES. 

pas.  Je  orois  être  sûr  que  le  Roi  n'a  pas  approuvé  qu'elle 
revienne  au  salon  sans  être  habillée  ^  ni  qu'elle  ait  été 
à  la  revue  des  gardes  françoises  sans  être  en  grand  habit. 

A  la  messe  du  Roi  ici  les  dimanches,  on  bénit  du  pain 
et  on  le  donne  à  S.  M.»  oomme  à  Versailles  et  k  Fontaine- 
bleauy  lorsqu'il  entend  la  messe  en  bas. 

Du  mardi  iO^  Marly.  —  J'appris  hier  que  H.  du  Fretoy 
étoit  nommé  à  la  charge  de  M.  le  chevalier  d'Aydie% 
Ml  d^Harcourt  a  persisté  à  ne  vouloir  pas  présenter  d'an- 
tres sujets,  et  cela  a  passé. 

Le  Roi  soupa  hier  dans  sta  cabinets  ;  les  dames  étoient 
les  quatre  sœurs  et  U""^  d'Antin. 

Du  dimanche  15,  Marly.  —  Le  Roi  dé  voit  souper  hier 
au  grand  couvert  avec  la  Reine,  mais  oomme  il  est  un 
peuenrhumé^  il  prit  le  parti  de  ne  se  point  mettre  à  table. 
Mademoiselle,  qui  devoit  aussi  souper  avec  le  Roi  et  qui 
étoit  prête  à  se  mettre  àtable^  ayant  su  que  le  Roi  ne  sou- 
poit  point,  se  détermina  à  ne  point  souper  avec  la  Reine. 
Pour  M"*  deCIermonty  elle  soupa  avec  la  Reine*  Hademoi** 
selle  mangea,  dans  le  salon»  auprès  de  M.  le  Cardinal, 
un  morceau  gras  ;  etM""^  de  Yintimille  soupa  auprès  d'elle 
en  maigre.  Il  y  avoit  aussi  un  homme  ou  deux,  et  le 
Roi  recommanda  que  l'on  prit  garde  à  ne  point  faire 
de  bruit  à  M.  le  Cardinal.  M"*  de  Mailly  resta  auprès  delà 
table  d'hombre  du  Roi. 

Le  rhume  du  Roi  ayant  continué,  il  est  resté  dans  son 
Ut  et  y  a  entendu  la  messe,  aujourd'hui  dimanche  ;  et  le 
voyage  de  la  Meutte,  qui  devoit  être  mardi  pour  quelques 
jours,  est  changé. 

LaReine  continue  à  aller  ici,  comme  à  Versailles,  tous  les 
jours  chez  le  Roi  dès  quHl  est  éveillé  ;  et,  quoiqu'elle  soit 
.  obligée  dépasser  par  son  antichambre,  elle  y  va  toujours 
.  seule.  Hier,  elle  s'approcha  deux  fois  delà  table  d'hombre 
du  Roi,  auprès  de  laquelle  étoient  assises  M"*'"  de  Mailly 
et  de  Vinti  mille,  qui  se  levèrent,  et  la  conversation  fut 
des  moins  vives;  mais  ces  deux  visites  ne  furent  pas  Ion- 


MAI  ft7M.  187 

gaes«  Aujourd'hui>  la  Reine  a  été  deux  ou  trois  fois  chez 
le  Roi;  M"*  de  Luynes  Ta  suivie  une  fois  ;  mais  à  deux 
heures  après  midi,  comme  il  y  avoit  beaucoup  de  monde 
avec  lesquels  le  Roi  laisoit  la  conversation,  la  Reine  y  est 
entrée  toute  seule  «t  s^est  assise  auprès  du  lit  du  Roi.  Il 
ne  m'apafi  paru  que  cela  changeât  rien  à  la  conversation^ 

M.  Briçonnet  vient  de  mourir  d'apoplexie;  c'est  celiù 
pour  lequel  M"*  de  Fleuryvenoitd't>btenir  l'intendance  de 
Montaubaov 

Dumerêflidi  18^  Marly.  -^  J'ai  d^à  parlé  d'une  nou* 
veile  invention  d'une  cuisine  portative  que  Ton  croit 
pouvoir  être  utile  >  surtout  pour  les  vaisseaux,  parce 
qu'elle  consume  fort  peu  de  bois.  Le  Roi  en  a  fait  faire 
ude  depuis  peu  que  l'on  m'a  dit  peser  2,500;  elle  est 
dons  ses  petits  appartements  à  Versailles  ;  elle  a  environ 
quatee  pieds  de  haut,  ssms  compter  les  chapiteaux,  un 
peu  plus  de  deux  pieds  de  large,  non  compris  les  tambours 
des  brocbeB>  trois  pieds  de  long  et  quelque  chosç  de  plus. 
Il  y  a  de  quoi  faire  sept  entrées  et  le  reste  à  proportion. 

Du  vendredis,  Marly.  -^  Quoique  le  Roi  ait  entendu 
tous  ces  jours-ci  la  messe  de  son  lit»  il  s'est  pourtant  tou- 
jours levé  les  après-dinées.  Hier,  il  futsaigné  paroequ'il  s'é- 
toit  trouvé  incommodé  lanuit,  ce  quil'obligea  même  de  se 
lever  se  sentant  étouffer;  il  avoit  mis  dans  sa  bouche,  ea 
se  couchant^  un  grain  de  cacbopi  à  quoi  on  attribue  cet 
étouffement.  Tous  ces  jours-ci  la  Reine  a  été  plusieurs 
fois  dans  la  journée  chez  le  Roi  et  y  a  même  resté  pen- 
dant que  le  Roi  jouoit  au  piquet,  ayant  attention  de  se 
faire  informer  des  heures  qu'elle  pouvoit  voir  le  Roi,  et 
quittant  son  jeu,  devant  et  après  soupeci  pour  y  aller. 
Hier  an  soir,  le  Roi  se  retira  à  neuf  heures,  mais  ce  fut 
pour  monter  dans  ses  cabinets  où  il  avoit  dit  à  H.  de 
Soubise  etàH.  le  comte  d'Ëstrées  de  se  trouver  pour  jouer 
à  l'hombre.  Aujourd'hui,  il  a  passé  unepax*tie  de  Taprès- 
dlnée  dans  ses  cabinets,  et  il  y  étoit. encore  ce  soir,  après 
avoir  travaillé  avec  M.  le  Cardinal.  Pendant  cette  petite 


fS8  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

incommodité,  le  Roi,  les  premiers  jours^  jouoit  dans  son 
cabinet  en  bas  ;  et  comme  il  prenôit  du  boaillon^  il  y  a 
eu  une  difficulté  entre  MM.  de  la  bouche,  le  premier 
maître  d'hôtel  et  le  premiergentilhomme  delà  chambre. 
On  a  prétendu  que  le  service  du  cabinet  étoit  comme  celui 
de  la  chambre^  et  MM.  de  la  bouche  au  contraire  préten- 
doient  qu'il  devoit  être  regardé  comme  extérieur.  Pour 
empêcher  cette  contestation^  le  Roi  avoit  la  complai* 
sance  de  revenir  dans  sa  chambre  pour  prendre  son 
bouillon.  Cette  douceur  du  Roi  pour  ceux  qui  le  servent 
mérite  d'être  remarquée.  Il  y  a  huit  ou  dix  jours  qu'é- 
tant ici  à  table^  à  son  petit  couvert  et  au  fruit,  et  ayant 
voulu  mettre  du  sucre  dans  de  la  crème,  il  se  trouva  qu'il 
n'y  en  avoit  po^nt  dans  le  sucrier;  il  ne  marqua  pas  la 
moindre  impatience  etdit  même  en  badinant  :  «  On  voit 
bien  qu  il  y  en  avoit  hier  y>,  et  il  attendit  qu'on  lui  en 
eût  apporté.  11  y  a  trois  jours  que  s'étant  couché  de  meil* 
leure  heure  qu'à  l'ordinaire  et  étant  déshabillé  pour 
prendre  sa  chemise,  il  se  trouva  qu'il  n'y  en  avoit  point  ; 
il  dit  :  «Âh  !  la  chemise  n'est  point  encore  arrivée  »,  et 
cela  sans  la  moindre  émotion  ;  il  s'approcha  du  feu,  prit 
sa  robe  de  chambre  et  attendit.  J'étois  présent  à  l'un  et 
à  l'autre.  J'ai  oui  conter  qu'il  y  a  quelque  temps,  étant  à 
la  chasse,  étant  prêt  à  monter  à  cheval,  on  lui  avoit 
apporté  deux  bottes  d'un  même  pied  ;  il  s'assit  et  attendit 
en  disant  :  c(  Celui  qui  les  a  oubliées  est  plus  fâché  que 
moi.  » 

M°"'  la  duchesse  de  Lauzun  mourut  hier  matin;  elle  étoit 
âgée  d'environ  soixante  ans,  sœur  cadette  de  M"'  de 
Saint-Simon  et  fille  de  H.  le  maréchal  de  Lorges.  Elle 
avoit  acheté  de  M.  d'Ecquevilly,  à  vie,  la  terre  d'Olain- 
ville  près  Châtres,  après  avoir  vendu  à  M™'*  de  Saissac 
une  maison  qu'elle  avoit  fait  bâtir  à  Passy  ;  cette  maison 
revient àM. d'Ecquevilly.  Ellen'avoitjamaiseu d'enfants; 
ses  héritiers  sont  :  M.  le  duc  de  Randan,  son  neveu,  fils 
de  M.  le  duc  de  Lorges,  auquel  elle  donne  60,000  livres 


MAI  1740.  189 

outre  20^000  livres  de  rente  qu'elle  lui  avoit  déjà  données 
en  le  mariant  avec  H"^  de  Poitiers.  Elle  donne  aussi  tous 
ses  meubles  à  M.  le  comte  de  Lorges,  frère  de  H.  de  Ran- 
dan  ,  et  encore  8  ou  10,000  livres  de  rente  ;  il  est  aussi 
marié.  Elle  laisse  100,000  livres  à  MP"*  de  Saint-Simon  sa 
sœur.  M.  le  maréchal  de  Biron  hérite  de  14,000  livres  de 
rente  qu'il  payoit  à  H""*  la  duchesse  de  Lauzun  pour  son 
douaire  et  autres  droits. 

Du  jeudi  26,  Paris,  —  Je  n'ai  point  écrit  depuis  quel- 
ques jours  ce  qui  s'est  passé  à  la  Cour,  ayant  été  obligé 
d'en  partir  lundi  pour  venir  ici.  Ha  belle-fille  accoucha 
ce  jour-là  d'un  garçon  qu'on  appelle  le  comte  de  Dunois» 

Le  retour  de  Marly  à  Versailles  paroissoit  incertain  à 
cause  de  la  maladie  du  Roi  ;  mais  comme  il  a  commencé 
à  se  promener,  on  croit  qu'il  reviendra  samedi,  suivant 
le  premier  projet ,  et  qu'il  ira  lundi  à  Choisy. 

On  avoit  eu  des  nouvelles  d'Espagne  d'un  combat  na- 
val où  l'on  disoit  que  les  Espagnols  avoient  eu  un  avan- 
tage considérable;  mais  ces  nouvelles  ne  paroissent  pas 
se  confirmer  jusqu'à  présent.  On  est  fort  étonné  de  ce  que 
le  roi  d'Angleterre,  dans  la  situation  présente  des  affaires, 
prend  le  parti  d'aller  à  Hanovre. 

L'ambassadeur  du  roi  des  Deux-Siciles  a  demandé  ici, 
au  nom  du  roi  d'Espagne  et  du  roi  son  maître ,  que 
Peyrard,  fameux  accoucheur,  allât  à  Naples  pour  la  reine 
de  Sicile,  qui  est  grosse  deisix  mois.  M.  le  Cardinal  a  dit  à 
l'ambassadeur  que  le  Roi  y  consentoit,  mais  pour  cette 
fois-ci  seulement.  Peyrard  m'a  dit,  à  cette  occasion,  que  le 
voyage  qu'il  fit  en  Espagne,  il  y  a  quelques  années,  lui  avoit 
valu  plus  de  ^0,000  écus.  Ses  appointements  icien  qualité 
d'accoucheur  de  la  Reine  ne  sont  que  de  1,200  livres; 
outre  cela,  à  chaque  accouchement,  il  a  12,000  livres, 
fils  ou  filles;  il  n'y  a  que  pour  M.  le  Dauphin  seul  qu^il 
a  eu  15,000  livres. 

On  doit  juger  ces  jours-ci  le  procès  contre  deux  capu- 
cins d'Auxerre  accusés  d'avoir  contribué  à  la  mort  d'un 


190  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

de  leurs  confrères.  J'ai  appris  À  cette  occasion  la  forme 
du  jugement  qu'on  observe  en  Angleterre  pour  la  puni- 
tion des  coupables.  Lorsqu'un  homme  est  accusé ,  douze 
hommes  de  môme  état  que  l'accusé  s'assemblent;  c'est  ce 
qu'on  appelle  ses  pairs  ;  et  sur  les  informations  et  preuves 
qui  sont  rapportées»  ils  jugent  s'il  est  coupable  ou  non; 
mais  pour  qu'il  soit  jugé  coupable  y  il  faut  que  touK 
douze  soient  d'un  même  avis;  si  un  seul  étoit  d'une  opi«- 
nion  différente ^  il  n'y  auroit  point  de  jugement;  et  ils 
doivent  demeurer  tous  douze  enfermés,  sans  boire  ni 
manger,  jusqu'à  ce  qu'ils  se  soient  entièrement  réunis. 
Dans  ce  jugement  ils  ne  prononcent  pas  sur  l'espèce  de 
peine  ;  c'est  le  livre  même  de  la  loi  qui  en  décide,  et  on 
le  consulte  dans  chaque  occasion. 

M""''  la  duchesse  d'Estissac  accoucha  dimanche  d'une 
fille. 

Du  $amedi  28,  Paris*  —  M.  le  chevalier  Crosat  mourut 
il  y  a  trois  ou  quatre  jours;  c'est  celui  qu'on  appeloit 
Crozat  le  pauvre.  Il  fait  son  légataire  universel  M.  le  mar- 
quis du  Ch&tel,  son  neveu,  fils  de  feu  H.  Crozat,  lequel 
a  épousé  H^^^  de  Gouffier.  Les  deux  autres  frères  de  H.  du 
Chàtel  ont  épousé  :  l'un  une  Laval,  l'autre  une  Amelot. 
M.  le  chevalier  Crozat  laisse  beaucoup  aux  pauvres,  aux- 
quels il  avoit  donné  beaucoup  pendant  sa  vie.  Il  laisse 
un  recueil  d'estampes  et  de  pierres  gravées  que  les 
curieux  estiment  beaucoup  et  que  Ton  dit  valoir  7  à 
800,000  livres. 

Le  Roi  est  retourné  aujourd'hui  à  Versailles.  Le  roi  et 
la  reine  de  Pologne  arrivent  demain  et  demeureront  à 
Trianon, 


JUIN. 


Moi*t  (te  la  dachesse  de  Bouillon  ;  de  TéTêqae  d'Agde.  •—  Le  duc  de  Chartres 
reçM  chevalier  de  Tordre  du  Saint-Esprit.  —  Mort  do  comte  de  Charny.  — 


JUIN  1740.  191 

Audience  de  l'asa^inblée  du  clergé.  —  Mort  do  roi  de  Prusse.  —  Remarque 

sur  les  Toyages  de  Rambouillet Ouverture  de  rassembl<^e  du  clergé.  — 

L'abbé  de  Cliarleyal  nommé  à  Tévèché  d'Agde.  —  Séjour  du  roi  et  de  la 
relue  de  Pologne  à  TrianoD.  —  Manière  dont  sont  reçus  les  conseillers  d*État 
à  l'assemblée  du  clergé.  —  Mariage  du  prince  Yattbi  ayecMii«  de  la  Clidtre. 
—  Régiment  de  la  Reine-dragons  donné  à  M.  du  Terrai!.—  M.  deCastellane 
nommé  à  Tambassade  de  Gonstantinople.  — ^  Mort  de  la  marquise  de  la 
Vieuville.  ^  Le  Roi  ne  Yeat  plus  admettre  d'ordres  étrangers  en  France.  — 
Gomédie  et  ballet.  —  Charge  de  colonel-général  de  la  cavalerie  donnée  è 
M.  deTurenne.  — Détails  sur  deux  opérations  singulières. 


Du  vendredi  3  juin,  Paris,  -^  On  apprii;^  il  y  a  quelques 
jours^  la  mort  de  H'"''  la  duchesse  de  Bouillon  ;  elle  étoit 
fille  du  prince  Jacques Sobleski  et  avoit  hérité  depuis  peu 
d'années,  par  la  mort  de  son  père ,  du  duché  d'Olaw  en 
Silésie,  où  elle  est  morte.  Elle  paroissoit  avoir  pris  le  parti 
de  ne  plus  revenir  dans  ce  pays-ci.  M.  de  Bouilloa  n'é- 
toit  pas  content  d'elle  depuis  longtemps. 

Le  Roi  revient  aujourd'hui  de  Choisy^  où  il  est  depuis 
lundi.  Les  dames  de  ce  voyage  sont:  les  quatre  soeurs^ 
W  la  maréchale  d'Estrées  et  M'"*'  d'Antin.  Le  Koi  n'a 
chassé  que  lundi  en  allant  à  Choisy  et  aujourd'hui  en  s'en 
retournant;  les  autres  jours  il  s'est  beaucoup  promené 
et  à  joué  àThombre  et  au  piquet;  il  paroit  s'amuser 
toujours  beaucoup  à  ses  jardins  et  àses  bâtiments^  lesquels 
avancent  extrêmement. 

On  apprit  il  y  a  trois  jours  la  mort  de  M.  l'évèque 
d'Agde  ;  il  étoit  frère  de  M.  le  marquis  de  la  Châtre , 
qui  fut  tué  en  Italie  pendant  la  dernière  guerre. 
M.  de  la  Châtre  avoit  épousé  M"""  de  Nicolaï  ;  il  reste  de 
ce  mariage  un  garçon  et  une  ou  deux  filles.  L'aînée  des 
filles  épouse  le  fils  de  M.  de  Campo-Florido  ;  elle  sera 
mariée  ici  par  procureur  et  partira  ensuite  pour  Naples. 
C'est  M.  le  marquis  de  Glermont  d'Amboise  qui  est  chargé 
de  la  procuration  de  M.  deCampo-FIorido,  parceque  ce  ma- 
riage devoitse faire  avec  une  fille  deH.  deClermont  d'Am- 
boise,  et  que  ce  mari  âge  ne  s'est  rompuqueparcequelafiUe 
s'est  faite  religieuse.  C'est  ce  qui  a  donné  occasion  h  la 


192  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYMES. 

connoissance  de  M.deCampo-Florido  avecM.  de  Clermont 
d^Amboise.  M.  delà  Châtre  et  H.  Tévèque  d'Agde  étoient 
tons  deux  fils  d'une  Lavardin.  H.  deLavardin^  ambas- 
sadeur à  Rome  y  avoit  épousé  une  sœur  de  M.  le  duc  de 
Chevreuse ,  mon  grand-père. 

Du  lundi  de  la  Pentecôte  6,  Versailles.  —  Avant-hier  le 
Roi  fut  aux  premières  vêpres  chantées  par  sa  chapelle. 
S. 'M.  étoitenhaut. 

Le  Roi  a  dîné  tous  ces  jours-ci  au  grand  couvert;  il  [y] 
a  toujours  diné.  aussi  à  Choisy  ;  il  prend  du  lait,  le  soir^ 
depuis  qu'il  a  été  enrhumé.  Hier ,  jour  de  la  Pentecôte, 
M.  le  duc  de  Chartres  fut  reçu  chevalier;  il  n'y  a  point 
ici  de  prélat  de  l'Ordre,  c'est  ce  qui  fit  que  le  Roi  ne  des- 
cendit point  avant-hier  pour  les  vêpres;  mais  hier  LL.MM. 
dévoient  descendre  au  bas  pour  le  sermon ,  suivant  Tu- 
sage.  Le  sermon  de  la  Pentecôte  est  un  sermon  détaché 
pour  lequel  les  prédicateurs  sont  nommés  par  H.  le  car- 
dinal de  Rohan,  deux  ou  trois  ans  d'avance.  C'étoit  un 
M.  l'abbé  Dessecon*e  qui  devoit  prêcher  ;  HH.  les  aumô- 
niers de  quartier  n'en  étoient  cependant  point  instruits 
et  comptoient  que  M.  deCezille ,  trésorier  des  aumônes  ^ 
savoit  le  nom  du  prédicateur  et  l'auroit  fait  avertir.  Le 
Roi ,  à  trois  heures,  au  sortir  de  son  dîner,  demanda  s'il 
y  auroit  sermon.  On  lui  dit  que  le  prédicateur  n'étoit 
point  arrivé;  il  n'arriva  point  en  effet  (1),  et  le  Roi  enten- 
dit les  vêpres ,  en  haut ,  chantées  par  sa  chapelle. 

M.  de  Castropignano  nous  dit  avant-hier  la  mort  de 
M.  le  comte  de  Charny,  commandant  général  des  trou- 
pes dans  les  royaumes  des  Deux-Siciles,  et  nous  dit  que  le 
roi  des  Deux-Siciles  venoit  de  lui  donner  cette  charge, 


(1)  Ce  qu'il  y  a  de  singulier  et  qu'on  a  su  depuis,  c'est  que  ce  M.  i'abbt'^ 
Dessecoire  est  actuellement  en  Suisse.  Il  me  parott  que  Ton  n'est  pas  trOj') 
content  de  lui;  il  étoit  sur  la  liste  des  prédicateurs  depuis  plusieurs  années, 
comme  c'est  l'usage.  M.  le  cardinal  de  Rohan  a  un  livret  où  le^  prédicateurs 
de  l'Avent ,  du  Carême  et  de  la  Pentecôte  sont  marqués  trois  ou  quai re  annéos 
en  arance.  (Note  du  duc  de  Luy}jes.  ) 


JUIN  1740.  198 

ce  qui  Toblige  à  s'en  retourner.  Il  compte  pourtant  que 
ce  ne  sera  que  dans  quatre  ou  cinq  mois^  le  roi  des  Deux- 
Siciles  voulant  auparavant  envoyer  un  successeur.  M.  de 
€astropignano  sera  regretté.  Il  parolt  que  c'est  un  Homme 
sage  y  d'un  esprit  doux,  et  fort  instruit  de  ce  qui  regarde 
le  militaire.  Il  étoit  déjà  capitaine-général^  ce  qui  ré- 
pond à  la  qualité  de  maréchal  de  France  ;  lorsqu'il  est  par- 
venu à  cette  dignité ,  il  a  conservé  les  appointements  de 
lieutenant-général  employé,  qui  sont  environ  22,000 
livres  de  notre  monnoie.  Ceux  de  capitaine-général  non 
employé  ne  sont  pas  si  considérables.  La  dignité  décom- 
mandant-général n'augmente  point  les  appointements , 
mais  donne  plus  de  détail;  tout  est  cependant  renvoyé 
au  ministre  de  la  guerre  pour  en  rendre  compte  au  Roi; 
mais  on  demande  l'avis  du  commandant-général. 

Dumardily  Versailles*  — Le  clergé  est  venu  aujourd'hui 
haranguer  le  Roi  ;  c'est  Tusage  avant  l'ouverture  de  l'as- 
semblée du  clergé;  il  devoit  y  avoir  trente-deux  députés, 
un  évêque  et  un  du  second  ordre  de  chaque  province. 
M.  Tarchevèque  de  Paris  n'y  étoit  point ,  à  cause  de  la 
maladie  (1)  de  M.  le  comte  du  Luc,  son  frère,  qui  est  très- 
mal.  C'étoit  M.  Tarchevéque  de  Paris  qui  devoit  porter 
la  parole ,  et  à  sa  place  ce  fut  H.  de  la  Roche-Âymon  qui 
étoit  évoque  de  Tsui'bes,  présentement  archevêque  de 
Toulouse ,  dont  il  n'a  pas  encore  ses  bulles.  Il  me  parolt 
que  Ton  a  été  fort  content  de  ses  harangues.  Le  Roi 
donne  audience  dans  sa  chambre,  S.  M.  dans  son  fauteuil, 
le  dos  tourné  à  la  cheminée.  On  ouvrit  les  deux  bat- 
tants. 

Du  vendredi  10,  Versailles.  —  Mardi  dernier,  le  Roi, 
après  avoir  entendu  les  vêpres,  partit  pour  Rambouillet. 
Les  dames  de  ce  voyage  sont  :  Mademoiselle ,  M""  de 
Mailly,  de  Vintimille  et  de  Ségur;  il  ne  s'en  étoit  pas 


(1)  Cette  maladie  n'a  pas  ea  de  suite.  {Note  du  di4c  de  Luynes,  datée  du 
1  i  juin.  ) 

T.   m.  13 


194  MÉMOIRES  Dîl  DUC  DE  LITYNES. 

présenté  davantage  ^  M"'  de  VintimiUe  même  n'y  arriva 
que  fort  tard ,  ayant  été  obligée  de  partît  lundi  pour  Sa-* 
vigny,  à  cause  de  la  maladie  de  M.  le  comte  du  Luc, 
d'où  elle  partit  pour  Rambouillet.  U  n'y  apoînteu  d'autre 
amusement  à  Rambouillet  que  des  parties  d'hombre  et 
de  quadrille  ;  le  Roi  y  a  couru  le  cerf  deux  fois.  S.  M.  a 
trouvé  à  ce  voyage-ci  plusieurs  changements  à  son  appar^ 
teraent^  non-seulement  un  nouveau  vernia,  d'une  cou- 
leur plus  claire  et  plus  agréable  que  l'ancien  f  qui  donne 
plus  de  gaieté  à  cet  appartement ,  mais  outre  cela  un  ca- 
binet nouveau  dans  une  tour  où  étoit  anciennement  la 
chaise  percée  du  Roi ,  et  l'entresol  que  l'on  fit  Tannée 
passée  accommodé  avec  beaucoup  de  goût  et  de  magnifi- 
cence ;  aunlessous  de  cela  une  garde-robe  de  commodité 
extrêmement  jolie. 

Le  Roi  ne  devoit  revenir  que  samedi  ;  tfkais  avant-hier 
au soir^  il  reçut  une.  lettre  de  M.  le  Cardinal;  il  dit  aus- 
sitàt  après  à  ceux  qui  étoient  avec  lui  à  Rambouillet  qu'on 
lui  mandoit  la  mort  du  roi  de  Prusse  (1),  arrivée  le  29 
du  mois  dernier.  Ily  avoit  longtemps  qu'il  étoit  malade; 
malgré  cela^  il  voulut  encore  aller  voir  monter  la  parade 
à  sa  garde  (  ses  deux  passions  dominantes  étant  l'argent 
et  la  beauté  de  ses  troupes);  il  mourut  ays^nt  encore 
l'épée  au  côté  (2) .  Les  portes  de  Berlin  furent  fermées 
pendant  deux  ou  trois  jours,  ce  qui  retarda  le  départ  du 
courrier.  Le  Roi  s'enferma  pendant  une  heure  ou  une 
heure  et  demie  dans  son  cabinet  pour  répondre  à  la  let- 
tre de  M.  le  Cardinal,  ett  donna  l'ordre  pour  son  retour  à 


(1)  Fré^éric-Gaillauipe  F',  né  en  1688,  roi  en  1713. 

(2)  Il  est  mort  d'hydropisie.  Quoique  ce  prince  aimât  Targent ,  il  parolt  ce- 
pendant que  dans  de  certaines  occasions  il  montroit  de  là  générosité.  Le  Roi 
avoit  ordonné  qu'on  lui  envoy&t  an  remède  pour  Thydropisie,  dont  M.  Hé- 
rault, ci-devant  lieutenant,  de  police ,  aujourd'hui  intendant  de  Paris,  s'est  fort 
bien  trouvé;  la  Peyronie  fut  chargé  d'écrire  la  recette  de  ce  remède;  le  roi  de 
Prusse  a  fait  donner  à  la  Peyronie  deux  médalUes  d'or  parfaitement  belles  qui 
pèsent  environ  1,000  écus.  (Note  du  duc  de  Liiynes.) 


JUIN  1740.  IM 

VersailleB  aujourd'hui*  La  mort  du  roi  de  PruMie  pareil 
un  éYéueroeut  important  dans  lesoirôonstanced  p^ésenteBi 
d'autant  plud  ^e  non  fik  (1)^  à  ce  que  l'on  dit^  a  de 
grandes  liaisons  aveo  FAngleterre. 

Âvant'hier  et  aujourd'hui  jour  de  jeûne  ^  eomme  le 
Roi  fait  gras,  il  a  mangé  seul.  Je  vis  hier  FarraDgenient 
du  souper  à  i^imifaQuillei}  MademoiseUa  étoii  à  aa  droite 
et  H"*"^  de  MaiUy  à  sa  gattohe. 

11  y  a  une  remarque  à  faire  sur  les  voyages  de.  Ram- 
bouillet<  L'usage  est  de  tous  les  temps  que  les  damée  ne 
paroifisent  devant  le  Roi  à  ces  voyages  qu'habillées  en 
manteau  et  jupes  ^  oofnuie  à  liarly,  et  ne  sont  assises 
devant  le  Roi  que  sur  des  tabourets  ou  pliants.  Cependant 
à  souper  y  non-seulement  les  dames  mais  même  les 
hommes,  qui  ont  l'honneur  de  souperiavec  le  Roi,  sont 
tous  indistinetement  assis  sur  des  chaises  à  dos }  les  prin- 
cesses même  n'ont  aucune  distinction  sur  cela.  A  la 
Meutte  et  à  Choisy,  les  hommes  et  femmes  sont  assis 
également  à  table  sur  des  chaises  à  dos  pendant  le  repas, 
comme  à  Rambouillet  ;  mais  les  dames  y  sont  en  robe  de 
chambre ,  et  à  l'égard  des  sièges  sur  lesquels  on  se  tient 
dans  la  journée  à  Gboisy^  c'est  indifféremment  des  ta- 
bourets ou  petits  fauteuils.  Les  hommes  ne  s'asseoient  point 
eependant  devant  le  Roi,  à  moins  qu'ils  ne  jouent  ou  que 
le  Roi  ne  l'ordonne,   et  ce  n'est  ordinairement  qu'à 


(1)  Le  roi  de  Prusse  traitoit  fort  darement  son  fils.  Cette  conduite  déter- 
mlDa  le  jeune  prince,  il  y  a  quelques  années,  de  prendre  le  parti  de  s'enfuir 
en  Angleterre,  ayant  dès  lors  des  liaisons  avec  les  Aoglois.  Il  confia  ses  des- 
seins à  un  seul  de  ses  courtisans  qui  déçoit  raccompagner  dans  sa  retraite;  le 
jour  étoit  pris  et  les  arrangements  faits.  Un  des  domestiques  dont  on  avoit  eu 
besoin  pour  Vexécution  dn  projet  en  donna  avis  a^  roi  de  Prusse,  lequel  fit 
arrêter  le  prince  royal  et  le  favori.  Çelni-ci  eut  la  tête  coupée  et  le  roi  do 
Prusse  voulut  que  son  fils  assistât  à  Texécution,  et  lui  parla  en  cette  occasion 
dans  les  termes  les  plus  durs.  Pe  ce  momenMà,  ce  jeune  prince,  pour  ne 
point  donner  de  jalousie  au  Roi  son  père,  pril  \e  f9ftk  de  s'appliquer  am 
sciences  et  aux  belles-lettres  ;  il  étoit  ici  en  commerce  de  lettres  avec  M.  Bol- 
lin,  fameux  par  son  Histoire  ancienne,  et  avec  Voltaire.  (ISote  du  duc  d fi 
ùuynes,  ) 

13. 


196  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTIIES. 

Gboisy  qu'il  donne  cette  permission.  On  sait  qu'à  Marly 
tontes  les  dames  sont  assises  sur  des  taboorets  en  soupant 
avecle  Roi;  il  est  vrai  que  la  Reine  y  est.  Ici^  à  Versail- 
les ,  an  jeu  de  la  Reine^  tontes  les  dames  indifféremment, 
à  commencer  par  Mesdames^  ont  des  pliants,  et  les 
hommes  des  tabourets. 

Du  mercredi  15 ,  Vertailles.  —  Le  Roi  partit  avant-hier 
pour  Rambouillet.  M**  de  Mailly  n'a  point  été  de  ce 
voyage ,  elle  est  de  semaine.  Elle  fut  hier  à  Paris  voir 
M.  Desforts  9  qui  est  son  ami  depuis  longtemps ,  et  auquel 
elle  a  toujours  marqué  des  attentions;  il  est  actuelle- 
ment dans  un  état  digne  de  compassion  et  hors  d'espé« 
rance  >  d^un  abcès  au  derrière  pour  lequel  on  ne  peut 
pas  faire  d'opération.  Mademoiselle  est  incommodée; 
ainsi  il  n'y  a  eu  que  M^^*  de  Clermont  et  H"""  de  Vintimille  ; 
celle-ci  même  est  la  seule  qui  se  soit  fait  écrire  ;  car  on 
n'écrit  pas  les  princesses.  Il  n'y  a  de  femmes*à  Rambouil- 
let que  H"**  de  Sourches ,  qui  est  toujours  avec  M"®  la 
comtesse  de  Toulouse ,  et  M"**  de  Grasse  y  sa  dame  d'hon- 
neur. 

L'ouverture  de  l'assemblée  du  Clergé  se  fil  il  y  a  quel- 
ques jours.  C'est  M.  l'archevêque  de  Paris  qui  y  préside. 
Le  Clergé  avoit  prié  M.  le  Cardinal  d'accepter  cette  place 
de  président  9  mais  il  Ta  refusée.  L'usage-est  qu'à  l'ouver- 
ture de  rassemblée,  il  y  aune  députation  de  six  conseillers 
d'État,  desquels  sont  :  M.  de  Haurepas,  comme  secrétaire 
d'État  chargé  du  détail  de  Paris;  les  deux  conseillers  du 
conseil  royal,  qui  sont  M.  Fagon  et  H.  de  Courson  ; 
M.  d'Ormesson ,  comme  ayant  le  Clergé  dans  son  dépar- 
tement, et  M.  le  contrôleur  général.  C'est  M.  Fagon  qui 
porte  la  parole  comme  le  plus  ancien  ;  ils  sont  reçus  par 
une  députation  du  Clergé.  Je  marquerai  plus  en  détail 
la  forme  de  cette  réception.  Cette  première  fois  n'est  que 
pour  faire  un  compliment  au  Clergé  ;  mais,  quelques  jours 
après,  ils  y  retournent  avec  le  même  cérémonial  et  re- 
présentent le  besoin  que  le  Roi  a  d'argent  ;  après  quoi 


JUIN  1740  t97 

ils  se  retirent  dans  une  chambre  pourattendre  la  délibéra- 
tion du  Clergé.  Là  ils  reçoivent  une  députation  pour  les 
instruire  du  secours  que  le  Clergé  a  jugé  à  propos  d'ac- 
corder au  Roi.  Cette  cérémonie  est  accompagnée  de  quel- 
ques droits  qui  sont  réglés  ;  M.  Fagon ,  par  exemple  ^  et 
M.  de  Courson  ont  chacun  2,000  écus  que  le  Clergé  leur 
donne. 

Le  Roi  donna  il  y  a  trois  jours  Févéché  d'Agdeàll.  Tabbé 
de  Charleval;  c'est  un  Provençal  qui  étoit  grand  vicaire 
de  M.  l'archevêque  d'Aix. 

Le  roi  et  la  reine  de  Pologne  vinrent  ici  hier  voir  la 
Reine^  qui avoit  pris  médecine;  ils  furent  aussi  voir  danser 
,  Mesdames.  Leur  garde  à  Trianon  (1)  est  composée  de 
vingt-quatre  gardes  commandés  par  un  chef  de  brigade 
et  un  exempt.  L'exempt  reste  auprès  de  la  reine  de  Po- 
logne. Ces  deux  officiers  sont  nourris  aux  dépens  de  la 
reine  de  Pologne,  qui  a  amené  ici  sa  maison.  Le  roi  de 
Pologne  a  déjà  été  deux  fois  diner  à  Paris  chez  M""*  la 
princesse  de  Talmond  et  chez  M®*  de  Bezenval.  Il  va  de- 
main dîner  chez  M"*"  la  duchesse  de  Fleury  pour  voir  la 
procession  du  Saint-Sacrement  deSaint-Sulpice.  Dans  ces 
occasions  ,  le  chef  de  brigade ,  qui  le  suit,  a  l'honneur 
de  manger  avec  lui.  La  garde  à  cheval  du  roi  de  Polo- 
gne ,  à  Lunéville ,  est  composée  de  cent  cinquante  gardes  ' 
commandés  par  M.  le  marquis  de  Lamberty.  Les  gardes 
sont  divisés  en  deux  brigades  de  soixante  et  quinze  cha- 
cune ,  commandées  par  deux  chefs  de  brigade  qui  ont  le 
titre  de  capitaine-lieutenant;  ils  ont  chacun  100  écus 
d'appointements  et  trois  places  de  fourrages. 

Du  jeudi  16,  jour  du  Saint- Sacrement,  Versailles,  — 
Le  Roi  a  été  à  la  procession  aujourd'hui ,  à  l'ordinaire. 
H.  le  Dauphin  y  a  été  pour  la  première  fois;  il  étoit  dans 
le  carrosse  du  Roi.  M.  deChàtillon  et  M.  d'Harcourt  étoient 


(1)  Le  roi  et  la  reine  de  Pologne  étaient  arrivés  à  Trianon  le  29  mai. 


1 


19t  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYJNES. 

dans  le  carrosse  de  S.  M.  Lé  hùi  a  voit  deux  caimNKes  et 
H.  le  Dauphin  UD  5  dans  lequel  éteient:  M4  de  Mirep(Hx, 
le  soua-gouvevneur  defiemainr  et  les-^nfttlsbomjaiesée 
la  manche.  Les  carrosses  tous  &  deus  chevaux.  Derrière 
celui  où  étoit  le  Roi>  et  devant^  iLy  wvoitufie  gmuAdqmsh 
iité  de  pages;  ils  ne  dévoient  cependant  être  que  douze, 
car  on  a  réglé  qu'il  n'y  en  auroitque  ce  nombre^  Les 
princes  du  sang  màrchoientà  la^H)ceiisi(m  suivantrus^ge 
ordinaire;  M.  le  prince  de  Dombes  et  M,  le  comte 
d'Eu  les  plus  près  du  dais,  et  M.  le  Dauphin  le  plus  prô6 
du  Roi. 

M.  le  comte  de  la  Marche  »  fils  de  M.  le  prince  de 
Conty  y  est  venu  ici  aujourd'hui  faire  sa  cour  au  Roi; 
je  crois  que  c'est  la  première  fois  ;  il  n'a  pas  •  encore 
six  ans. 

J^ai  demandé  hier  à  un  aumônier  du  Roi.  qui  a  été 
agent  du  Clergé  ^  quelque  détul  sur  la  manière  dont  sont 
reçus  MM.  les  conseillers  d'État  qui  vont  complimenter 
le  Clergé  de  la  part  du  Roi.  Le  Clergé  envoie  une  députar 
tion  au-devant  d'eux ,  laquelle  les  rencontre  auprès  de 
l'image  de  la  Vierge  qui  est  à  quelque  distance  de  la  salle 
où  se  tient  l'assemblée.  Cette  députation  est  de  quatre 
évèques  et  de  quatre  abbés^  aux  grandes  assemblées^  et 
de  la  moitié  aux  petites,  comme  est  celle-ci.  Après  un  pre- 
mier compliment  fort  court,  les  députés  vont  à  ras- 
semblée ,  les  évèques  marchant  devant  eux,  et  ceux  du  se- 
cond ordre  derrière.  Les  députés  ^  ayant  à  leur  tète 
H.  Fagon^  s'asseyent  sur  un  banc,  sur  lequel  sont  le  pro- 
moteur et  les  deux  agents^  et  vi»-à-vis  le  président.  Toute 
l'assemblée  alors^  ainsi  que  les  députés^  se  couvre.  Le 
plus  ancien^  qui  est  actuellement  M.  Fagon,  comme  je 
Tai  dit ,  prononce  une  harangue ,  le  papier  à  la  maia 
ei  demeurant  couvert.  Cette  première  députation  n'est 
que  pour  assurer  rassemblée  de  la  protection  du  Roi. 
Après  le  compliment,  les  députés  se  retirent  dans  le 
même  ordre,  et  sont  reconduits  jusqu'au  même  endroit. 


JUIN.i740.  199 

Le  contrôleur  général  y  est  dans  son  habillemeat  ordi- 
naire. A  la  seconde  députation  des  mêmes  six  conseillers 
d'État ,  ils  sont  r^us  de  même  comme  à  la  première  ;  le 
plus  ani^en  prononce  ou  plutôt  lit  un  discours  pom*  de- 
mander Targent  dont  le  Roi  a  besoin  ;  après  quoi ,  les 
députés  se  retirent  dana  une  cbumbre  où  ils  sont  con- 
duits comme  à  leur  arrivée.  Aussitôt  qu'ils  sont  partis  ^ 
le  promoteur  requiert  que  rassemblée  délibère  sur  la 
demande  faite  de  la  part  du  Roi.  Cette  délibération  ordi- 
nairement n'est  p93  longue  >  et^  aussitôt  qu'elle  est  faite, 
on  fait  une  députation  pareille  aux  autres  pour  aller 
prendre  les  députés  dans  la  cbambre  où  ilâ  s'étoiant 
retirés  et  les  prier  de  se  rendre  à  rassemblée.  Ils  y  retour* 
nent  avec  le  fnême  cérémonial  et  le  président  de  Tas* 
semblée  leur  fait  un  discours  pour  les  instruire  de  la 
résolution  qui  vient  d'èti^  prise.  Après quoi>  ite  sa  retirent 
dans  le  même  ordre  et  sont  reconduits  de  même.  Le  tré* 
sorier  du  clergé  leur  remiet  à  chacun  une  bourse  où  il  y 
a  2,000  écus  en  or  ;  mais  le  plus  ancien  et  H.  de  Maurepas 
ont  chacun  15,000  livres. 

Il  y  a  quelques  jours  que  le  Roi  signa  au  contrat  de  mar 
riage  de  M.  le  prince  Yachi^  fils  de  M^  de  Campo^Florido, 
avec  M^^''  de  la  Châtre.  Cette  signature  fut  faite  dans  le 
cabinet  du  Roi;  ce  fut  M.  Amelotqui  présenta  la  plume 
à  S.  Mt  et  qui  fut  ensuite  chez  H.  le  Dauphin  et  chez 
Mesdames.  Les  .  deux  ambassadeurs    d'Espagne  et  de 
Naples  y  étoient.  Ce  même  jour,  H.  de  Yerneuil^  avant 
la  signature ,  entra  dans  le  cabinet  du  Roi  pour  avertir 
S.  H.  que  M.  de  Cogorani  vouloit  avoir  Thonneur  de  lui 
faire  la  révérenee.  Le  Roi  sortit  à  la  porte  de  son  cabinet; 
M.  de  Cogorani  salua  le  Roi,  et  lui  parla  même  assez  long-^ 
temps.  11  est  maître  d'hôtel  de  semaine  du  roi  d'Es- 
pagne^ à  ce  que  m'a  dit  M.  de  la  Mina  ;  mais  cette  charge 
est  plus  considérable  que  ne  Test  ici  celle  de  maître 
d'hôtel  ordinaire,  U  va  en  Danemark  en  qualité  d'en- 
voyé extraordinaire.  M.  de  Yerneuil  le  mena  ensuite  chez 


200  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

la  Reine  et  le  lui  présenta  ;  M*"*  de  Luynes  n'y  étoit  pas  ; 
M™*  de  Hazarin  y  étoit. 

11  y  a  déjà  quelques  jours  que  H.  de  la  Mina  a  pris 
congé  du  Roi.  S.  M.  lui  a  fait  présent  d'un  Saint-Esprit  de 
diamant,  fort  beau  et  qui  peut  bien  valoir  au  moins 
50,000  livres.  Quoique  M.  de  la  Mina  ait  pris  congé,  ce- 
pendant il  a  demandé  permission  de  faire  sa  cour  au  Roi, 
et  il  étoit  encore  ici  ce  matin. 

M.  le  marquis  de  Clermont  d'Amboise  épousa  hier,  au 
nom  de  M.  le  prince  Yachi,  M^^  de  la  Châtre.  La  noce  se  fit 
chez  M.  de  Nicolal. 

Du  vendredi  17,  Versailles.  —  M.  du  Terrail  remercia 
hier  le  Roi  ;  il  vient  d'obtenir  le  régiment  de  la  Reine- 
dragons.  M.  du  Terrail  est  le  fils  de  M.  de  Sauroy,  tréso- 
rier de  l'extraordinaire  des  guerres.  Sa  mère  est  effecti- 
vement du  Terrail-Saillant,  et  je  crois  qu'ils  ont  acheté  la 
terre.  C'étoit  M.  de  Chabannes  qui  avoit  le  régiment  de 
dragons  de  la  Reine,  et  M.  du  Terrail  étoit  cornette  des 
mousquetaires  noirs.  M.  de  Chabannes  désiroit  depuis 
longtemps,  pour  l'arrangement  de  ses  affaires,  d'être  à 
portée  de  pouvoir  vendre  ce  régiment,  qui  est  un  objet 
de  120,000  livres,  n'ayant  point  été  fait  maréchal  de  camp 
à  la  dernière  promotion  ;  il  sollicitoit  depuis  longtemps 
la  permission  de  vendre  sans  quitter  le  service;  M.  le 
Cardinal  n'a  jamais  voulu  y  consentir  ;  enfin,  M.  de  Cha- 
bannes s'est  déterminé  à  faire  un  arrangement  avec 
M.  de  Sauroy  ;  la  cornette  des  mousquetaires  noirs  passe 
au  fils  de  M.  de  Chabannes  ;  c'est  un  effet  de  70*,000  lî- 
\Tes  ;  M.  du  Terrail  paye  le  régiment  40,000  écus,  et  fait 
outre  cela  6,000  livres  de  pension  viagère  à  M.  de  Cha- 
bannes, le  père.  On  dit  qu'il  y  a  outre  cela  un  pot-de-vin 
de  40,000  livres,  mais  cela  n'est  point  du  tout  certain. 
M.  du  Terrail  dit  hier  à  M"*  de  Luynes  qu'il  espéroit  que 
la  Reine  voudroit  bien  qu'il  jouit  des  prérogatives  dont 
avoientcQutume  de  jouir  ceux  qui  avoient  l'honneur  décom- 
mander ses  régiments,  qui  sont  les  entrées  de  la  chambre. 


I 


M™*  de  Luynes  en  parla  sur-le-champ  à  laReine^  qui  lui  ré- 
pondit qu'il  n'y  avoitque  les  capitaines-lieutenants  de  ses 
gendarmes  et  chevau-légers  qui  eussent  ces  entrées^  et 
que  le  commandement  des  régiments  ne  donnoit  pas  ces 
prérogatives  ;  que  chez  le  Roi  il  n^y  avoit  que  le  régiment 
du  Roi-infanterie  qui  les  donnât.  Cette  affaire  n'est  point 
encore  décidée. 

J^ai  oublié  de  marquer  il  y  a  environ  un  mois  le  ma- 
riage du  prince  Louis,  fils  de  M.  le  prince  de  Cari- 
gnan ,  avec  la  princesse  de  Hesse-Rhinfels ,  sœur  de  la 
feue  reine  de  Sardaigne  et  de  M*°*  la  Duchesse^  seconde 
douairière. 

Du  dimanche  19,  Versailles.  —  J'ai  marqué  ci-dessus 
que  le  roi  et  la  reine  de  Pologne  sont  venus  ici  voir  la 
Reine  ;  j'y  étois  présent.  La  Reine  baise  toujours  la  main 
de  la  Reine  sa  mère  ;  elle  sortit  de  sa  chambre  et  fit  entrer 
la  reine  de  Pologne  devant  elle.   - 

Le  roi  et  la  reine  de  Pologne  vinrent  encore  ici  hier  ; 
la  reine  de  Pologne  pourvoir  le  Roi,  qu'elle  n'avoit point 
encore  vu  chez  lui.  Je  ne  mettrai  point  le  détail  de  cette 
visite  y  car  je  n'y  étois  pas.  Je  suivis  le  roi  de  Pologne 
chez  Mesdames  et  chez  H.  le  Dauphin.  Mesdames  ne 
baisent  point  la  main  au  roi  de  Pologne,  ni  M.  le  Dau- 
phin. Chez  M.  le  Dauphin,  M.  deChàtillon  vint  dans  l'an- 
tichambre au-devant  du  roi  de  Pologne.  M.  le  Dauphin 
ne  vint  que  jusqu'à  la  porte  du  cabinet.  Ce  que  je  re- 
marquai, c'est  que  M.  de  Montgibault,  chef  de  brigade 
qui  suit  le  roi  de  Pologne  ,  s'étant  présenté  pour  entrer 
chez  M.  le  Dauphin,  l'huissier  ne  voulut  pas  le  laisser  en- 
trer, et  il  demeura  dans  la  chambre. 

Le  Roi  a  donné  l'appartement  de  feu  M"®  la  duchesse 
de  Lauzun  à  M.  le  duc  de  Tallard,  lequel  avoit  toujours 
conservé  celui  de  M,  le  maréchal  de  Tallard ,  dans  l'aile 
neuve,  tout  en  haut ,  de  sorte  que  M™*^  de  Tallard  et  lui 
étoient  aux  deux  bouts  du  château.  Celui  de  M"""  de  Lauzun 
est  dans  la  surintendance. 


20t  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNIilS. 

On  sut  hier  que  M.  de  Castellaoe  étoit  Dommé  à  Tam- 
bassade  de  Goastazitinople>  M.  de  Villeneuve ,  qui  y  est 
depuis  dix  ou  onze  ans^  ayant  demandé  k  revenir.  Celte 
ambassade  passe  pour  ôtre  boane  et  utile  à  cause  du 
commerce  sur  lequel  les  ambassadeurs  ont  des  droits. 
M.  de  Gastellane  est  depuis  peu  cornette  des  nu>usquetaires 
gris  9  parent  par  sa  femme  de  H.  le  duc  de  Fleury. 

La  Roi  soupa  avant-bier  dans  ses  cabinets  lui  huitième^ 
tous  hommes ,  et  mangea  maigre  ;  hier  il  fit  gras  et  dina 
tout  seul. 

Du  lundi  80»  Feriat lies.  —  Le  Roi  partit  hier  pour 
Rambouillet^  d'où  il  doit  revenir  demain  au  soir.  Made- 
moiselle continue  à  £aire  des  remèdes  et  n'est  point  de 
ce  voyage.  Les  dames  sont  M^^''  de  Clermont,  M*"^**  de 
Hailly,  de  Vintimille,  de  Montauban  et  d'Antin.  La 
Reine  continue  à  dîner  et  souper  presque  tous  les  jours 
à  Trianon;  ses  dames  la  suivent  jusques-là;  elle  les 
renvoie  et  elle^  vont  la  reprendre. 

M.  de  Yerneuil  continue  à  présenter  toigours  les 
étrangers  en  présence  du  premier  gentilhomme  de  la 
chambre  et  de  la  dame  d'honneur,  sans  que  ni  Tun  ni 
Tautre  soient  instruits  ni  du  nom  ni  des  qualités  desdits 
étrangers.  M"^  de  Luynes  en  parla  encore  hier  à  M.  le 
Cardinal  ;  mais  c'étoit  dans  un  moment  où  il  n'eut  pas  le 
temps  d'examiner  cette  affaire.  M"«  de  Clermont  prétend 
que  les  introducteurs  des  ambassadeurs  n'ont  nullement  ce 
droit  et  qu'ils  n'en  ont  jamais  usé  devant  elle.  Cependant 
ce  n'est  point  la  qualité  de  princesse  du  sang  qui  donne  à 
H"**  de  Clermont  le  droit  de  présenter  ;  ce  n'est  que  celle 
de  surintendante  ^  et  la  dame  d'honneur  la  remplace 
en  son  abscence  dans  toutes  ses  fonctions.  Il  me  paroit 
que  ce  que  le  premier  gentilhomme  de  la  chambre  de- 
mande ,  et  M™*  de  Luynes  aujourd'hui ,  n'est  pas  de  dis- 
puter le  droit ,  mais  de  désirer  de-connoltre  les  étran- 
gers, non-seulement  leur  nom  et  leur  figure,  mais  même 
leurs  qualités^  pour  leur  faire  rendre  à  chacun  dans  la 


chambre  du  Roi  et  de  la  Reine  ce  qui  leur  est  dû  suivant 
leur  rang^  ou  pour  faire  souvenir  le  Roi  et  la  Reine  de 
leur  nom  dans  Toccasion,  ou  bien  même  pour  prévenir 
1^  inconvénients  qui  pourroient  arriver  si  quelqu'un^ 
avec  mauvai3e  intention^  venoit  ici  prenant  le  nom  de 
quelqu'un  de  ces  étrangers  présentés  par  M.  de  Verneuil, 
inconvénient  auquel  le  premier  gentilhomme  de  la 
chambre  et  la  dame  d'honneur  ne  pourroient  remédier 
n'étant  point  instruits  ni  des  noms  ni  de  la  figure  des 
dits  étrangers. 

Je  demandai  hier  à  M.  de  Chàtillon  quelle  étoit  la 
raison  pour  laquelle  on  avoit  refusé  l'entrée  dans  le  car 
binet  de  M.  le  Dauphin  à  M.  de  Montgibault ,  exempt  des 
gardes  du  corps  suivant  le  roi  de  Pologne  ;  il  me  dit  que 
comme  tout  se  devoit  passer  chez  M.  le  Dauphin  de  même 
que  chez  le  Roi  pour  les  entrées ,  et  que  les  officiers  des 
gardes  qui  suivent  le  Roi  restent  môme  à  la  porte  de  la 
chambre  y  que  Tofficier  des  gardes  suivant  le  roi  de 
Pologne  n'étoit  point  entré  chez  le  Roi ,  que  l'huissier  de 
H.  le  Dauphin  avoit  suivi  le  même  usage. 

Il  y  eut,  il  y  a  quelques  jours,  une  petite  difficulté  chez 
la  Reine.  Mesdames  y  étoient;  toutes  les  fois  qu'elles  sor- 
tent ,  riiuissier  du  Roi  qui  est  de  quartier  chez  elles  a 
toujours  l'honneur  de  les  suivre  ;  cet  huissier  étant  entré 
dans  la  chambre  de  la  Reine,  et  Mesdames  ayant  voulu 
s'asseoir,  ledit  huissier  approcha  des  pliants.  Les  valets 
de  chambre  de  la  Reine  se  plaignirent  à  la  Reine  de  ce 
que  rhuissier  avoit  fait  une  fonction  qui  leur  appartenoit. 
M'"*  de  Luynes  en  parla  hier  à  M"**'  de  Tallard,  qui  lui  dit 
que  cela  n'étoit  pas  soutenable  et  qu'elle  le  diroit  à 
l'huissier. 

Du  mardi  21 ,  Versailles,  —  On  apprit  hier  la  mort  de 
M'"®  la  marquise  de  la  Vieuville,  troisième  femme  du  mar- 
quis de  la  Vieuville,  qui  étoit  chevalier  d'honneur  de  la 
Reine  en  survivance  de  son  père  et  qui  mourut  en  17t9  ; 
tlles'appeloit  Marie-Thérèse  de  Froulay  ;  elle  avoit  épousé 


304  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

en  premières  noces  (1)  Claude  le  Tonnelier-Breteuil,  ba- 
ron d'Escouchéy  conseiller  de  la  grande  chambre.  Elle  ne 
laisse  point  d^enfants  de  ce  dernier  mariage.  La  première 
femme  de  ce  H.  de  la  Vieuville  étoit  une  fille  de  M.  de 
la  Mothe-Houdancourt,  gouverneur  de  Corbie^  et  de  Ca* 
therine  de  Beaujeu^  dont  il  eut  Louis  de  la  Vieuville^ 
mort  il  y  a  quelques  années  sans  enfants  de  deux  ma- 
riages, l'un  avec  une  Toustain  de  Carency,  le  second 
avec  Hadelaine  Fouquet^  fille  de  Louis^  marquis  de  Belle- 
Isle  et  de  Catherine  Agnès  de  Lévis.  Il  eut  aussi  de  ce 
premier  mariage  une  fille,  mariée,  en  1709,  à  Jean-Henri 
du  Fay,  marquis  de  Ma  uboug.  Le  second  mariage  étoit 
avec  Marie  Louise  de  la  Chaussée-d'Eu ,  laquelle  nous 
ayons  vue  dame  d'atours  de  M"**  la  duchesse  de  Berry  ; 
elle  étoit  fille  de  Jérôme,  comte  d'Arest,  et  de  Françoise 
de  Sarnoise.  De  ce  second  mariage  il  eut  Marie  Madelaine 
de  la  Vieuville,  mariée,  le  8  juin  1711,  à  M.  de  Parabère, 
brigadier  des  armées  du  Roi.  Cette  M**  de  Parabère  est  la 
nièce  de  M"®  de  Rottenbourg. 

Du  mercredi  22,  Versailles.  —  M.  de  Puysieux  écrivit 
il  y  aquelquesjoursàM.  le  Cardinal  pour  savoir  si  le  Roi 
trouveroit  bon  qu'il  acceptât  Tordre  de  Saint-Janvier  du 
roi  de  Naples,  en  cas  que  ce  prince  voulût  l'honorer  de 
cet  ordre,  comme  il  avoit  apparemment  lieu  de  l'espérer. 
M.  de  Puysieux,  qui  est  parent  de  M""  de  Luynes,  l'avoit 
priée  de  demander  à  M.  le  Cardinal  de  vouloir  bien  lui 
faire  réponse  sur  cette  proposition.  M"**  de  Luynes  y  fut 
hier,  et  M.  le  Cardinal  lui  dit  que  ce  ne  seroit  pas  plaire 
au  Roi  qued' accepter  cet  ordre  ;  que  le  Roi  avoit  été  blessé 
des  difficultés  faites  par  M.  de  la  Mina  au  sujet  de  Tordre 
de  Saint-Janvier.  M.  de  la  Mina  avoit  paru  faire  tant  de 
cas  de  cet  ordre,  qu'il  avoit  voulu  mettre  le  cordon  rouge 
par-dessus,  et  celui  du  Saint-Esprit  par-dessous;  que  le 


(1)  Le  10  septembre  1686. 


JUIN  1740.  S05 

Roi  en  avoit  été  choqué  et  ne  vouloit  plus  admettre  d^or- 
dres  étrangers  en  France. 

M'"''  de  Richelieu  esta  l'extrémité;  elle  meurt  de  la 
poitrine. 

Du  jeudi  23^  Versailles.  —  Il  y  eut  hier  ici  un  ballet 
dont  il  me  paroit  qu'on  a  été  extrêmement  content. 
H""  Lemaure  y  chanta  et  a  été  fort  applaudie.  Ce  ballet 
étoit  composé  de  la  comédie  du  Magnifique  ;  la  petite 
pièce  étoit  rOroc/e  ;  après  quoi  Ton  représenta  le  dernier 
acte  de  Topera  des  SenSj  qui  est  Tacte  de  la  vue.  Ce  ballet 
étoit  à  Toccasion  du  séjour  du  roi  de  Pologne  ici  (1).  On 
avoit  donné  au  roi  de  Pologne  la  loge  qui  est  au-dessous 
de  celle  du  Roi,  qu'on  appelle  la  loge  de  M.  Gabriel.  C'est 
M.  de  la  Trémoille,  qui  est  en  année,  qui  avoit  ordonné 
tout  pour  l'exécution  de  ce  ballet.  M.  le  duc  de  Béthune, 
comme  capitaine  des  gardes,  étoit  chargé  de  l'arrange- 
ment de  la  salle,  ce  qui  étoit  d'autant  plus  difficile  que 
la  salle  est  fort  petite  et  qu'il  y  avoit  beaucoup  de  monde  ; 
cependant  tout  se  psissa  avec  beaucoup  d'ordre.  Le  coup 
d'oeil  de  la  salle  étoit  admirable.  Les  danses,  la  musique 
et  toute  l'exécution  en  général  ont  été  fort  approuvées. 
Ce  qui  parut  le  plus  froid,  à  ce  qu'il  me  semble ,  fut  la 
pièce  du  Magnifique j  quoiqu'elle  fût  très-bien  jouée.  On 
auroitfort  désiré  que  le  Roi  y  fût;  mais  pendant  ce  tempsr 
là,  il  travailla  avec  M.  le  Cardinal;  il  n'est  nullement  cu- 
rieux de  ces  sortes  de  divertissements. 
•  Aujourd'hui  le  Roi  a  été  à  la  procession  du  Saint-Sa- 
crement, à  l'ordinaire.  Deux  carrosses  à  deux  chevaux, 
c'est  l'étiquette.  Cette  après-dlnée  S.  M.  a  été  à  vêpres  et 
complies ,  et  est  revenue  au  salut. 

Au  lever  du  Roi,  M.  de  Bouillon  et  M.  le  prince  de  Tu- 
renne,  son  fils,  ont  remercié  S.  U.,  avec  H.  le  comte 
d'Évreux,  lequel  a  donné  sa  démission  de  la  charge  de 


(1)  Voiries  détails  de  ce  ballet  dans  le  Mercure  de  juillet^  pages  t628  à 
1633. 


906  MÉMOIRES  DU  DUO  DR  LUYN£S. 

colonel  général  de  la  cavalerie,  e\  le  Roi  Ta  donnée  à 
M.  de  Tureone.  M.  le  comte  d'Évrenx  avoit  un  brevet  de 
retenue  de  550,000  livre».  Le  Roi  donne  le  même  brevet 
à  H.  de  Torenne.  M.  le  comte  d'Évreux  conserve  pendant 
dix  ans  Texereice  de  la  charge  et  les  appointements  ;  s'il 
venoit  à  mourir  dans  l'espace  de  ces  dix  années,  M.  de 
Turenne  aurcrit  actuellement  rexereîce.  Je  crois  qu'il  n'a 
que  onze  ou  douze  ans  au  plus.  Je  crois  qu'il  est  dit 
aussi  qu'au  cas  qpe  M.  de  Turenne  vint  A  mourir,  la 
charge  retourneroit  à  M«  le  comte  d'Évreux.  M.  deBouil* 
Ion  ne  convient  pas  de  cet  article  ;  mais  il  en  parle  de 
façon  à  faire  croire  qUe  ce  que  j^en  marque  est  vrai. 

Du  samedi  25,  Versailles.  ^—  Ce  que  j'ai  marqué  ci-des- 
sus de  la  charge  de  colonel-général  de  la  èavalerie  s'est 
passé  avec  toute  la  grâce  et  l'amitié  possible  de  part  et 
d'autre.  H.  de  Bouillon  et  M.  le  comte  d'Évreux  étoient 
brouillés  depuis  très^longtemps  ;  la  vente  de  la  vicomte 
de  Turenne  avoit  fait  beaucoup  de  peine  à  M.  le  comte 
d'Évreux  ;  il  avoit  fait  tout  ce  qui  avoit  dépendu  de  lui 
pour  s'y  opposer.  Je  ne  sais  pas  précisément  ce  qui  l'a  en- 
gagé dans  cette  occasionnel  à  donner,  sa  démission.  J'ai 
ouï  dire,  et  je  le  crois  assez,  que  dans  le  temps  que  le  mar- 
ché que  j'avois  fait  avec  lui  fut  rompu ,  comme  je  l'ai 
expliqué  plus  haut,  M.  le  comte  d'Évreux  et  H.  de  Bouil- 
lon avoientobtenul'agrémentdu  Roi,  je  nesais  même  sice 
n'est  pas  par  écrit,  pour  que  cette  démission  eût  lieu  pour 
H.  de  Turenne  lorsqu'il  auroit  douze  ans;  ce  qui  est  cer- 
tain et  que  je  sais  de  M.  de  Bouillon,  c'est  qu'il  fut  chez 
M.  le  comte  d'Évreux.  Il  lui  dit  qu'il  avoit  pour  500,000 
écus  de  biens  libres,  et  qu'il^lui  apportoit  son  blanc  seing, 
qu'il  rempliroit  de  la  somme  qu'il  jugeroit  à  propos. 
M.  le  comte  d'Évreux  lui  répondit  qu'il  avoit  550,000  li- 
vres de  brevet  de  retenue  sur  cette  charge,  qu'il  rempli- 
roit ce  blanc  seing  de  cette  somme  pour  toute  chose,  et  ce 
d'autant  plus  volontiers  que  le  Roi  vouloit  bien  accorder  à 
M.  de  Turenne  la  même  somme  de  brevet  de  retenue. 


Le  roi  de  Folo^e  paii  demain  de  Trianon,  va  dîner 
ch^z  M.  le  chevalier  de  Belle-Isle  à  Paris  et  couûher  ches 
M.  de  Berchiny  vers  Meatix  pour  oontinuer  sa  route  vers 
Lunéville  ;  c'est  la  quatrième  Ibis  qu'il  aura  été  dîner  à 
Paris  pendant  son  voyage.  Ifesdames  furent  hier  à  Tria- 
non^  et  M.  le  Dauphin  y  est  allé  aujotird'faui  faire  ses 
adieux  au  roi  et  â  la  reine  de  Pologlie.  Le  roi  de  Pologne 
vint  ici  avant-hier  prendre  congé  du  Roi^  qui  l'embrassa. 

Du  dimanche  M,  Dampterre.*^  Quoique  ce  qui  regarde 
des  opérations  ne  soit  pas  trop  un  article  à  mettre 
dans  des  mémoires^  cependant  les  choses  singulières 
méritent  toujours  d'être  remarquées.  Il  y  en  a  eu  deux  de 
cette  espèce  depuis  environ  deux  mois^  l'une  à  un  commis 
de  M.  d'Angervilliers  que  Ton  appelle  Noisette;  M.  de 
la  Peyronie  qui  a  fait  l'opération  me  Ta  contée  lui-^méme. 
Le  S'  Noisette  étoit  malade  depuis  plusieurs  mois  sans 
qu'aucun  remède  ni  purgation  pût  le  soulager  ;  il  avoit 
la  fièvre^  il  maigrissoit  et  ne  souffroit  cependant  dans  au« 
cune  partie  de  son  corps.  H.  de  la  Peyronie  jugea  que  ce 
pou  voit  être  un  aboès^  et  à  force  de  le  toticher  extérieu- 
rement il  trouva  un  endroit  où  il  lui  fit  mal;  il  jugea 
aussi  du  lieu  où  étoit  l'abcès;  et  ayant  eu  une  indication 
par  un  peu  de  pus  que  rendoit  ledit  S'  Noisette  par  le 
derrière,  il  résolut  de  lui  faire  l'opération,  mais  d'une 
façon  fort  singulière,  car  ce  fut  sans  instrument,  ne  pou- 
vant point  en  faire  usage  ;  ce  fut  donc  avec  son  doigt  qu'il 
enfonça  avec  force  dans  le  derrière,  et  ayant  touché  l'en- 
droit de  l'abcès,  il  déchira  le  boyau  pour  donner  jour  au- 
dit abcès.  Ce  qu'il  y  eut  d'extraordinaire,  c'est  qu'il  se 
trouva  dans  des  matières  que  rendit  ledit  S*^  Noisette 
un  gros  ver  qui  étoit  encore  vivant  et  qui  avoit  à  peu  près 
la  forme  d'un  lézard.  Je  n'en  mets  point  ici  la  description. 
M.  de  la  Peyronie  doit  la  faire  à  l'Académie  des  sciences 
et  le  faire  graver. 

L'autre  opération  extraordinaire,  c'est  l'opération  cé- 
sarienne; que  Ton  fit  il  y  a  quelque  temps,  à  Paris,  à  la 


208  MËMOmEârDU  DUC  DE  LIIYNES. 

femme  d'un  ouvrier  qui  est  contrefaite  et  qui  étant  prèle 
d'accoucher  et  n'ayant  nulle  espérance  que  l'enfant  pût 
venir  à  bien,  demanda  d'elle-même  qu'on  lui  fit  l'opéra- 
tion ;  on  tira  l'enfant,  qui  se  porte  bien  ainsii  que  la 
mère;  ce  n'est  pas  une  choseiiouvelle  que  cette  opération, 
mais  il  est  rare  que  la  mère  ou  l'enfant  n'en  meurent  pas. 
Du  mercredi  29^  Dampierre.  —  Le  Roi  revint  hier  à 
Versailles;  il  étoit  à  Rambouillet  depuis  samedi.  Les 
dames  de  ce  voyage  étoient  :  M"**  d'Antin,  qui  y  étoit 
restée,  Mr*  de  Hailly,  de  Vintimille  et  de  Ségur.  H"'  de 
Sourches  y  a  toujours  été  depuis  que  H"*^  la  comtesse  de 
Toulouse  y  est.  Pendant  ce  dernier  voyage.  M'"*  de  Sour- 
ches est  tombée  malade,  d'autant  plus  dangereusement 
qu'elle  étoit  grosse  de  sept  mois,  et  le  dimanche  au  soir 
on  lui  fit  recevoir  ses  sacrements.  C'étoit  l'heure  du  sou- 
per du  Roi,  et  cette  circonstance  retarda  le  souper  d'une 
demi-heure.  Le  Roi  fut  à  la  paroisse  chercher  le  Saint-Sa- 
crement, le  suivit  jusqu'à  la  chambre  de  M"*^  de  Sourches, 
resta  dans  l'antichambre  et  reconduisit  le  Saint-Sacre- 
ment  jusqu'à  la  paroisse,  où  il  reçut  la  bénédiction  et  re- 
vint ensuite  se  mettre  à  table. 


JUILLET. 

Le  Roi  à  Saint-Léger.  —  Mort  de  Mme  de  Sourclies.  —  Esprit  du  Daupliin.  — 
Départ  du  roi  et  delà  reine  de  Pologne.  —  Mondonville,  maître  de  musique 
de  la  chapelle.  —  Opéra  composé  par  le  duc  de  la  Trémoiile.  —  M^e  de 
Mailly  demande  un  congé  à  la  Reine  qui  ne  lui  répond  rien.  —  Mort  de 
M.  de  Senozan.  -^  Le  Roi  vient  à  Paris  voir  un  nouvel  égout.  —  Mort  de 
M.  le  Pelletier  Desforts.  —  La  Cour  à  Compiègne.  —  Audience  de  M.  de 
Camas ,  envoyé  extraordinaire  du  roi  de  Prusse.  —  M.  et  M>ne  de  Lichtens- 
tein.  —  Mort  du  comte  du  Luc  et  de  M™c  de  Chabot.  —  Conseillers  d'État 
d*épée  et  ecclésiastiques.  —  Pension  à  M^e  Desforts.  —  Mort  du  marquis 
de  Bezons.  —  Détail  sur  les  entrées.  —  La  princesse  de  Lichtenstein  \a  à 
la  toilette  de  la  Reine;  conduite  d'un  huissier  de  Tantichambrc.  ^  Mouve- 
ment entre  les  princes  du  sang  et  les  légitimés;  plaintes  des  princes  contre 
les  Durs.  —  Mort  de  la  reine  douairière  d'Espagne. 


JUILLET  1740.  209 

Du  samedi  2,  Dampierre.  —  Le  Roi  devoit  retourner 
hier  à  Rambouillet;  mais  la  maladie  de  M"™*  de  Sourches 
ayant  fort  augmenté,  cet  arrangement  a  été  changé,  et  le 
Roi  a  pris  le  parti  d'aller  à  Saint-Léger  (1);  il  n'y  a  été 
qu'aujourd'hui  après  la  chasse,  et  doit  en  revenir  lundi.  Je 
ne  sais  pas  encore  quelles  sont  les  dames  de  ce  voyage. 
J'ai  appris  aujourd'hui  que  W^^  de  Sourches  ^toit  morte  à 
Rambouillet  (2)  ;  elle  étoit  fille  de  M.  le  maréchal  de  Bi* 
ron  ;  elle  ne  laisse  que  des  filles;  elle  n'avoit  eu  d'autre 
garçon  que  celui  dont  elle  est  accouchée  dans  cette  der- 
nière maladie-ci,  et  qui  est  mort  en  Venant  au  monde  ; 
elle  n'étoit  grosse  que  de  sept  mois  ;  elle  avoit  beaucoup 
de  vertu  et  de  piété. 

Je  continue  toujours  àmarquer  les  réponses  de  M.  le  Dau- 
phin où  il  parolt  le  plus  d'esprit.  Il  y  a  quelques  jours  qu'é* 
tant  dans  le  cabinet  du  Roi,  M.  le  Cardinal  de  Fleury  y  vint 
pour  travailler  avec  le  Roi.  S.  M.  étoit  encore  dans  ses 
cabinets.  H.  le  Dauphin  lui  fit  beaucoup  d'amitié  et  M.  le 
Cardinal  badina  avec  lui  comme  à  l'ordinaire,  et  en  ba- 
dinant il  lui  disoit  :  ce  Mais  peut-on  compter  sur  Tamitié 
«  que  vous  marquez  présentement  ;  vous  n'y  songerez 
«plus  lorsque  vous  serez  grand;  on  ne  songera  plus 
«  qu'à  approcher  de  vous  avec  respect  ;  les  amitiés  des  prin- 
«  ces  ne  sont  pas  toujours  de  longue  durée.  —  Cepen- 
«  dant,  dit  M.  le  Dauphin,  vous  avez  conservé  une  assez 
((  bonne  fenêtre  dans  le  cœur  du  Roi.  »  Cette  expression 
de  fenêtre  est  la  suite  d'une  plaisanterie  qu'on  faisoit  à 
M.  le  Dauphin  dans  tous  les  commencements,  H.  i'évêque 
de  Hirepoix  et  MM.  les  sous-précepteurs  lui  disant  qu'ils 
avoient  une  petite  fenêtre  pour  voir  ce  qui  se  passoit  au 


(1)  Saint- Léger,  château,  village  et  forêt  du  duché  de  Rambouillet ,  dans  la 
forint  de  Rambouillet ,  à  trois  lieues  de  cette  Tille.  Le  Roi  y  avait  un  haras. 

(2)  On  l'avoit  crue  morte,  mais  elle  a  vécu  encore  jusqu'au  6  de  ce  mois  à 
sept  heures  du  soir.  (  Note  du  duc  de  Luynes.  ) 

T.  m.  14 


210  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

dedans  de  lui«nième  ;  mais  Papplication  est  juste  et  mon- 
tre de  Tesprit  et  de  la  réflexion. 

Il  y  a  quelque  temps  aussi  qu'étant  chez  la  Reine^  elle 
lui  dit  en  badinant  et  en  l'embrassant  :  ce  Méchant  enfant, 
«  vous  medonnerez  bien  de  la  peine.  —  Cependant^  ma- 
a  man^  dit  le  petit  Dauphin^  vous  seriez  bien  fâchée  de 
a  ne  me  pas  avoir.  »  Dans  un  âge  plus  avancé  cette  parole 
signifieroit  beaucoup.  M"'  deHailly^  qui  y  étoit  présente 
et  qui  nous  Ta  redit,  le  conta  au  Roi,  qui  lui  dit  :  «  Croyez* 
c<  vous  qu'il  y  entende  finesse?» 

Du  lundi  4,  Dampierre.  — J'avois  oublié  de  marquer 
que  le  roi  de  Pologne  partit  dimanche  96  juin  pour  re- 
tourner en  Lorraine,  et  la  reine  de  Pologne  le  lundi.  Ils 
ont  fait  des  présents  aux  officiers  des  gardes  du  corps  qui 
les  ont  gardés  chacun  huit  jours  pendant  leur  séjour,  sa- 
voir à  chaque  chef  de  brigade  une  tabatière  d'or  avec  un 
portrait,  et  à  chaque  exempt  une  boite  d'or  sans  portrait. 
Us  ont  aussi  fait  des  présents  à  Trianon. 

Du  Vendredi  8,  Versailles,  —  H.  de  la  Mina  est  parti 
ces  jours-ci,  fort  fâché  de  s'en  aller,  à  ce  que  j'ai  ouï  dire, 
car  il  avoit  grande  attention  à  dissimuler  ses  véritables 
sentiments  sur  son  départ.  M.  de  Campo-Florido  vint  hier 
faire  sa  première  révérence  au  Roi.  C'est  un  homme  de 
soixante-huit  ou  soixante-dix  ans,  qui  n'est  pas  d'une 
belle  figure,  mais  qui  parolt  avoir  de  l'esprit. 

J'ai  oublié  de  marquer  que  le  8'  de  Mondon  ville,  qui  n'a 
que  vingt-cinq  ans  et  qui  fut  reçu  en  qualité  de  violon  à 
la  chapelle  et  à  la  chambre  l'année  passée,  vient  d'avoir 
depuis  dix  ou  douze  jours  une  place  de  maître  de  musique 
à  la  chapelle,  qui  est  la  survivance  du  8'  Campra.  Il 
est  singulier,  à  l'âge  dudit  S^  de  Mondonville  d'avoir  ac- 
quis autant  de  supériorité  de  talent  pour  le  violon  et 
pour  la  composition  ;  il  a  déjà  fait  plusieurs  motets  qui 
sont  fort  estimés. 

M.  le  duc  de  la  Trémoille,  premier  gentilhomme  de  la 
chambre,  a  fait  un  opéra  dont  il  n'y  a  encore  que  lepro- 


JUILLET  iT*0.  îtl 

logueetles  deux  premiars  a43t«$  d'achevés;  le  9ujet  e«t 
r Empire  de  V Amour  dan$  tout  l'univers.  U  a  composé  les 
paroles  et  la  musique  ;  il  y  a  beaucoup  d'airs  agréables 
et  dechapts  gracieux.  Commeil  ne  sait  point  la  composi-* 
tion,  c'est  le  petit  Bury,  organiste,  qui  est  attaché  à  M.  dô 
IfiL  Trémoille,  qui  a  fait  les  basseSi  s^condsdessuset  toutes 
les  parties  de  remplissage, 

J'ai  parlé  ci-dessus  du  yoyagede  Saint^Wger;  il  n'y 
avoit  de  dames  à  ce  voyage  que  M"*  de  Mailly  et  Ht'"®  de 
Vinti  mille. 

Le  Roi  ne  devoit  aller  à  Choisy  qu'aujourd'hui  ;  il  prit 
tout  d'un  coup  le  parti  hier  de  s'en  aller  après  la  chasse. 
M"*'  de  Mailly,  qui  étoit  de  semaine,  ne  put  partir  en 
même  temps.  U  n'y  eut  point  de  dame»  hier.  Mademoi- 
selle et  M"*  de  Clermont  doivent  s'y  rendre  aujourd'hui  de 
Paris,  et  M™"  d'Anlin.  M""  de  Vintimiïle  étoit  allée  hier  à 
Paris  voir  M-  l'Archevêque.  La  maladie  de  M.  le  comte  du 
Luc  continuant  toujours  à  Savigny,  M"*'  de  Mailly  a  de-» 
mandé  ce  matin  son  congé  à  la  Reine,  non-seulement 
pour  aller  à  Choisy,  mais  même  pour  ne  la  pas  suivre  à 
Compiègne,  et  la  Reine  ne  lui  a  rien  répondu.  Elle  part 
cette  après-dlnée  avec  M"**  de  Yintimille  pour  Choisy,  et 
compte  aller,  avec  Mademoiselle  et  M"*  de  Clermont,  de 
Choisy  à  Corapiègne.  M"®de  Clermonta  demandé  aussi 
permission  à  la  Reine  de  ne  la  pas  suivre. 

La  Reine,qui  continueàallertouslesmatinschezleRoi, 
étoit  encore  hier  à  onze  heures  et  demie  du  matin  chez  lui . 
Le  Roi  partit  à  une  heure  et  demie  pour  la  chasse,  d'où 
Ton  sa  voit  bien  qu'il  partoit  tout  droit  pour  aller  à  Choisy; 
il  ne  vint  point  rendre  visite  à  la  Reine  avant  que  de  partir, 
comme  c'est  Tusage,  et  la  Reine  ne  sa  voit  rien  du  tout  de 
son  départ. 

Il  ya  trois  ou  quatre  jours  que  M.  deSenozanest  mort;  il 
étoit  receveur  général  du  clergé  et  fort  riche  ;  il  avoit  donné 
à  M"*  la  princessede  Tingry ,  sa  fille,  en  la  mariant,  environ 
37  ou  38,000  livres  de  rente;  il  lui  donne  le  surplus  pour 

14. 


312  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

faire  ^O^COOlivresderente^etoutrecela  quelques  spmmes 
qu'il  avoit  prêtées  en  différents  temps  à  M.  deTingry. 

M"*"  de  Flavacourt^  qui  a  été  longtemps  à  Paris^  à  cause 
de  M"*  de  latournelle,  sa  sœur,  vint  hier  chez  la  Reine. 
C'étoit  Taprës-dinée^  avant  que  la  Reine  fût  à  son  jeu  ;  il 
n^y  avoit  que  deux  dames  du  palais.  H"""*  de  Fleury  et 
M'^'deRupelmonde^  etM*"^  de  Mazarin.  La  Reine  demanda 
à  M"*  de  Flavacourt  si  elle  avoit  des  nœuds,  et  M"'  de 
Fleury  lui  prêta  les  siens  afin  qu^elle  pût  être  assise. 
C'est  Fusage,  à  Pheure  où  il  n'y  a  que  les  entrées  qui 
voient  la  Reine  (c'est-à-dire  depuis  cinq  jusqu'à  six)  que 
la  Reine  fasse  asseoir  les  dames  qui  ne  sont  point  titrées, 
lorsqu'elles  travaillent. 

Dumardi  12,  Versailles.  — Je  fus  hier  àChoisy;  il  n'y 
a  de  dames  que  les  quatre  sœurs  et  H""'  d'Antin^  et  dix- 
huit  ou  vingt  hommes.  Le  Roi  est  parti  aujourd'hui  en 
gondole  ;  il  va  à  Paris  voir  le  nouvel  égout  du  pont  au 
Chou,  où  on  doit  mettre  de  l'eau  pour  la  première  fois. 
Cet  ouvrage  coûtera  environ  un  million  à  la  Ville,  à  ce 
que  me  dit  hier  M.  Gabriel.  11  me  dit  aussi  que  l'ouvrage 
que  l'on  fait  ici  pour  la  conduite  des  eaux,  qui  sera  [fini 
l'année  prochaine,  coùteroit  800,000  livres.  Le  Roi  mon- 
tera dans  ses  carrosses  à  Paris  pour  aller  à  Compiègne. 

M.  le  Pelletier  Desforts,  ci-devant  contrôleur  général, 
mourut  hier  ;  il  ne  laisse  que  deux  petits  enfants,  un 
garçon  et  une  fille.' 

M"*'  la  comtesse  de  Croissy  accoucha  hier  de  deux  gar- 
çons jumeaux. 

Du  samedi  16,  Compiègne.  —  Le  Roi  arriva  ici  mardi. 
Les  dames  n'ont  point  été  avec  lui  ni  sur  la  rivière,  à 
Paris,  ni  dans  ses  carrosses  de  Paris  ici.  S.  M.  soupa  en 
arrivant  dans  ses  cabinets  avec  des  hommes  seulement. 
Les  quatre  sœurs  arrivèrent  le  même  jour,  un  peu  avant 
le  Roi. 

La  Reine  arriva  le  jeudi  et  M.  le  Dauphin  vient  d'arri- 
ver. On  croyoitqu'ily  anroit  quelque  changement  à  cet 


JUILLET  1740.  213 

arrangement  par  rapport  à  lui^  à  cause  de  la  petite  vérole, 
dont  il  y  a  eu  beaucoup  ici  et  qu'il  y  a  même  encore.  La 
faculté  avoit  pris  le  parti  d'envoyer  un  courrier  à  M.  le 
Cardinal^  qui  arriva  hier  matin,  etle  premier  arrangement 
a  subsisté. 

Le  Roi  soupahier  au  grand  couvert  avec  la  Reine,  Quoi*- 
qu'il  n'y  ait  rien  de  décidé  absolument  pour  les  bàtimentsi 
il  parolt  qu'il  y  a  un  projet,  qui  doit  être  fini  en  nh5y  par 
lequel  l'appai'tement  de  la  Reine  d'à  présent  doit  être 
abattu,  et  on  lui  en  construira  un  autre  qui  s'étendra  par 
delà  le  fossé. 

Du  mardi  19,  Compiègne.  —  M.  de  Gamas,  envoyé  ex- 
traordinaire du  roi  de  Prusse,  arrivaici  avant*-hier  ;  il  est 
venu  aujourd'hui  donner  part  de  la  mort  du  roi ,  son 
maître.  J'ai  déjà  marqué  le  cérémonial  Tannée  passée.  Le 
carrosse  de  l'introducteur  des  ambassadeurs,  qui  est  H.  de 
Sainctot,  marchoitle  premier;  ensuite  le  carrosse  du  Roi 
dans  lequel  étoit  H.  de  Camas  et  M.  de  Sainctot  ;  après, 
marchoit  le  carrosse  de  la  Reine,  tous  à  deux  chevaux, 
ainsi  que  deux  berlines  drapées  et  sans  armes  à  l'envoyé. 
Ces  cinqcarrosses  sont  entrés  dans  la  cour  et  y  sont  restés. 
H.  de  Camas  est  descendu  à  la  salle  des  ambassadeurs,  où 
M.  de  Sainctot  l'a  Jeté  avertir  pour  l'audience  du  Roi,  qui 
s'est  faite  dans  le  cabinet.  De  là  il  est  revenu  dans  la  même 
salle  pour  attendre  le  moment  de  l'audience  de  la  Reine. 
Cette  audience  étoit  dans  le  grand  cabinet  avan  t  la  cham- 
bre de  S.  M.  Le  fauteuil  de  la  Reine  vis-à-vis  la  cheminée. 
H.  de  Camas  est  fort  gros ,  et  d'une  belle  figure.  Il  a 
un  régiment  dans  les  troupes  de  Prusse.  Il  a  un  bras  de 
moins  ;je  croisque  c'estau  siège  de  Lille  qu'il  a  été  blessé. 
11  parolt  âgé  d'environ  cinquante  ans  (1).  Je  n'ai  entendu 


(1)  Paul-Henri  Télio  de  Camas ,  d'une  famille  de  réfugiés  français ,  né  à  We- 
sel  en  1688,  avait  perdu  au  siège  de  Pîzzighetone  le  bras  gauche,  qui  fut 
remplacé  par  un  bras  artificiel  dont  il  se  servait  très-adroitement.  Fréd/âric  1[ 
rayant  envoyé  en  France  pour  annoncer  son  avènement  au  trôno ,  il  passa 
par  Bruxelles,  où  se  trouvait  alors  Voltaire.  «  Il  commença ,  dit  Voltaire  dans 


314  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

que  son  discours  à  la  Reine  qui  n'a  pas  été  extrêmement 
long  et  en  fort  bons  termes;  celui  qu'il  a  fait  au  Roi  m'a 
paru  être  approuvé  ;  il  parle  avec  esprit  et  en  homme  très- 
instruit.  Il  nous  a  dit  que  les  grands  hommes  dont  le  feu 
roi  de  Prusse  avoit  fait  un  régiment  étoient  au  nombre 
de  2^750,  et  que  \eê  sommes  considérables  que  ce  prince 
avoit  employées  pour  les  engagements  montoient  à  plus  de 
trois  millions.  Le  roi  de  Prusse  d'aujourd'hui  a  supprimé 
cet  établissement  et  a  pris  seulement  les  plus  grands  et 
les  mieux  faits  pour  mettre  au  nombre  de  ses  heiduques. 

Du  samedi  23^  Compiègne.  —  M.  de  Camas  ne  diaa 
point  ici  au  château  (1)  à  la  table  du  Roi  ;  il  donna  un 
grand  dîner  dans  une  maison  qu'il  a  louée  à  la  ville. 
Tous  les  ministres  étrangers  sont  ici  logés  dans  la  ville 
à  leurs  dépens ,  hors  les  ambassadeurs  d'Espagne  et  de 
Naples^  qui  sont  logés  dans  des  maisons  louées  aux  dépens 
du  Roi 4  comme  ambassadeurs  de  famille/ 

H.  le  prince  de  Lichtenstein,  qui  y  est  aussi  depuis 
quelques  jours^  compte  partir  incessamment  pour  aller  à 


ses  Mémoires,  par  envoyer  en  France,  en  ambassade  extraordinaire,  un  man- 
chot, nommé  Camas,  ci-devant  Français  réfugié,  et  alors  officier  dans  ses 
troupes.  11  disait  qu'il  y  avait  un  ministre  de  France  à  Berlin  à  qui  il  manquait 
une  main  (  le  marquis  de  Yalori^  qui  avait  en  deux  doigts  de  la  main  gauche 
emportés  au  siège  de  Douai  en  1710),  et  que  pour  s'acquitter  de  tout  ce  qu'il 
devait  au  roi  de  France ,  il  lui  envoyait  un  ambassadeur  qui  n'avait  qu'un 
bras.  »  Camas  mourut  à  Breslau  en  1741.  Voir  sur  ce  personnage  les  Œuvres 
de  Voltaire,  édition  Beuchctt,  tomes  XL,  page  51, et  LIV, page»  IIS,  152, 169. 
(1)  Je  demandai  il  y  a  quelques  jours  à  M.  de  Sainctot  quelle  étoit  la  rdison 
pour  laquelle  un  envoyé  extraordinaire  ne  dinoit  point  ici  à  la  table  du  Roi 
dans  la  salle  des  ambassadeurs ,  comme  cela  se  pratique  à  Versailles,  il  me  dit 
que  c'étoit  l'usage  à  Versailles  seulement;  qu'autrefois  les  arabaasadeors 
étoient  logés  à  la  craie  dans  les  villages  voisins  de  Compiègne  et  Fontainebleau, 
et  que  ce  n'étoit  que  pour  leur  plus  grande  commodité  qu'ils  avoient  mieux 
aimé  louer  des  maisons  à  leurs  dépens  dans  les  lieax  mêmes  de  Compiègne  et 
de  Fontainebleau;  que  pendant  les  voyages  de  Fontainebleau ,  c'étoit  ordinai- 
rement à  Moret,  et  qu'ils  avoient  eu  un  village  marqué  pendant  le  camp  de 
Compiègne.  11  m'ajouta  que  c'étoit  depuis  le  ministère  M  M.  le  cardinal  Du- 
bois qu'oji  avoit  donné  le  pour,  à  lu  craie,  aux  ambassadeurs.  (Addition  dv 
^duc  de  Luynes,  datée  du  26  juillet  1740.  ) 


JUILLET  I740i  9  f  & 

Vienne,  et  de  là  à  Milan,  Tempereur  Payant  nommé  pour 
succéder  à  M.  le  comte  de  Traun  dans  la  place  de  gouver'» 
neuf  général  du  Milanois^  Mantouan^  Parme  et  Parmesan. 
Je  demandois  il  y  a  quelques  jours  à  Mi  de  Liobtenstein 
combien  valoitce  gouvernement;  iPme  dit  100,000 éou9; 
c'est  une  place  des  plus  considérables  que  Tempereur 
puisse  donner.  H.  et  M""^  de  LichtenStein  seront  regrettés 
dans  ce  pays^ci^  y  ayant  toujours  tenu  un  grand  état  avec  di** 
gnité  etpolitesse.  M*^"*  dé  Licbtenstein  y  a  fort  bien  réussi, 
et  nous  n'avons  point  vu  d'ambassadrice  qui  ait  eu  un 
meilleur  maintien  qu'elle  et  qui  Se  soit  plus  fait  consi» 
dérer.  Il  paroit  que  le  projet  de  la  cour  de  Vienne  n'e^ 
point  de  renvoyer  ici  un  autre  ambassadeur. 

On  apprit  mercredi  la  mort  de  M.  le  oomte  du  Luc, 
frère  de  M<  Farcbevôque  de  Paris.  Le  lendemain  jeudis 
jour  de  chasse  du  Roi^  il  n'y  eut  que  Mademoiselle^  M'"''  de 
Mailly  etM'^''  de  Hontmorin  qui  allèrent  aveo  le  Roi; 
M"**  de  Clermont  avoit  suivi  la  Reine  à  la  cbasse^  mais  elle 
soupa  dans  les  cabinets  aveo  les  trois  autres. 

Il  y  a  déjà  quelques  jours  que  M"''  de  Chabot  mourut. 
M.  de  Chabot  est  frère  de  feu  H.  le  prince  de  Léon. 

La  Reine  a  soupe  presque  tous  les  jours  de  cette  se-' 
maine^ci  avec  M*"^"  d'An  tin,  de  Moniauban  et  de  Matignon . 
Il  n'y  a  presque  que  dans  cette  semaine  qu^elle  soupe 
avec  des  dames  [sic]. 

Du  mardi  26,  Compiigne.  —  H.  le  comte  du  Luc  avoit 
une  des  trois  places  de  conseiller  d'État  d'épée  ;  elle  fut 
donnée  avant*hier  à  M.  de  Muy,  sous«gouverneur  de 
M.  le  Dauphin.  Il  y  a  trois  conseillers  d*État  d'épée  et  trois 
ecclésiastiques;  les  trois  d'épée  sont  présentement  :  M.  de 
Céreste,  frère  de  H.  de  Brancas,  M.  deFénelon  etlH.  de 
Huy;  les  trois  ecclésiastiques  sont  :  MM.  l'abbé  Bignon  , 
l'abbé  de  Pomponne  et  l'abbé  de  Ravannes. 

Il  y  a  quelques  jours  que  le  Roi  accorda  une  pension 
de  8,000  livres  à  M""  Desforts.  M""^  de  Mailly ,  qui  a  été 
de  tous  les  temps  fort  amie  de  M.  et  de  H'"''  Desforts,  et 


216  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

qui  leur  a  toujours  donné  à  T  un  et  àTautre  dans  toutes 
les  occasions  des  marques  d'attention  et  d^amitié  y  fut 
exprès  chez  M.  le  Cardinal  pour  solliciter  cette  grâce! 
M.  Desforts  avoit  conservé  la  pension  de  ministre  de 
20,000  livres. 

M.  le  marquis  de  Bezons  mourut  il  y  a  trois  ou  quatre 
jours;  c'étoit  le  fils  aîné  de  H.  le  maréchal  de  Bezons.  11 
avoit  eu  le  gouvernement  de  Cambray  (1)  après  la  mort 
de  M.  son  père;  mais  il  en  avoit  déjà  la  survivance.  M.  le 
marquis  de  Bezons  avoit  épousé  M^^"*  de  Maisons  y  héri- 
tière de  Normandie^  dont  j^ai  marqué  la  mort  ci-dessns. 
Il  laisse  cinq  enfants^  et  du  côté  de  leur  mère  ils  n^ont  ac- 
tuellement que  12,000  livres  de  rente  à  partager  en- 
tre eux  cinq.  M.  de  Bezons  avoit  deux  frères ,  dont  l'un 
est  évèque  de  Carcassonne  et  l'autre  le  chevalier  de 
Bezons.  Feu  M.  le  marquis  de  Bezons  avoit  outre  cela  trois 
sœurs  dont  une  avoit  épousé  M.  le  marquis  de  Saint-Jal  ; 
elle  est  morte  et  n'a  laissé  que  des  filles.  L'autre  est  H"*^  de 
la  Feuillade  d'aujourd'hui,  restée  veuve  avec  un  ou  deux 
garçons.  Son  mari  étoit  l'héritier  de  la  maison  de  la 
Feuillade  ;  il  étoit  colonel  du  régiment  Royal-Piémont. 
Il  y  a  encore  une  autre  fille  qui  est  dans  un  couvent. 

Du  vmdrcdt  29,  Compiègne.  —  J'ai  appris  ces  jours-ci 
que  ce  qui  fut  décidé  Tannée  passée  par  rapport  à  M.  de 
Gramonta  été  confirmé  cette  année.  Le  Roi  se  poudre  ici, 
comme  je  Tai  marqué  déjà,  dans  le  cabinet  qui  est  après 
sa  chambre,  au  lieu  qu'à  Versailles  il  se  poudre  dans  ce 
qu'on  appelle  le  cabinet  des  perruques  ;  mais  ici  le  débot- 
ter se  fait  dans  la  chambre,  au  lieu  qu'à  Versailles  c'est 
dans  le  cabinet  de  glaces.  M.  de  Gramont ,  qui  a  l'entrée 
des  quatorze  (2),  entre  dans  le  cabinet  de  glaces  et  n'entre 


(1)  Ce  gouvernement  vaut  environ  28,000  livres  de  rente.  {Note  du  duc 

de  Lui^nes,  ) 

(2)  Le  duc  de  Luynes  dit  à  la  date  du  6  janvier  1741  que  les  entrées  des 
quatorze  sont  à  proprement  parler  les  entrées  du  cabinet.  Personne  n'avait 


JUILLET  1740.  217 

point  dans  le  cabinet  des  perruques  ;  de  même  ici  il  entre 
dans  la  chambre  et  n'entre  point  à  la  poudre  duRoi,  qui 
est  dans  le  cabinet  après  la  chambre.  Cependant  quand 
ce  n'est  point  le  moment  où  le  Roi  se  poudre  ^  Tentrée 
des  quatorze  entre  dans  ce  cabinet  comme  dans  le  cabinet 
de  glaces  à  Versailles.  Mais^  dans  le  fond,  tout  cela 
revient  au  même;  le  Roi  faisant  ici  son  débotter  dans  la 
chambre^  les  courtisans  qui  n'ont  point  d'entrées  restent 
dans  Tantichambre;  au  lieu  qu'à  Versailles  ^  ils  restent 
dans  la  chambre,  et  lorsque  le  Roi  est  dans  son  cabinet 
et  que  les  entrées  des  quatorze  y  entrent,  les  courtisans 
restent  dans  la  chambre  ici  comme  à  Versailles. 

Du  samedi  30,  Compiègne.  —  Avant-hier  M™*  la  prin- 
cesse de  Lichtenstein  fut  à  la  toilette  de  la  Reine  ;  elle 
monta  le  grand  escalier,  suivie  par  un  page  quj  portoit  sa 
robe  et  traversa  la  salle  des  gardes.  Étant  arrivée  dans  la 
pièce  où  le  Roi  et  la  Reine  soupent,  et  qui  communique 
d'un  côté  à  l'antichambre  du  Roi  et  de  l'autre  à  l'an- 
tichambre de  la  Reine,  et  le  page  continuant  de 
porter  la  robe  dans  cette  pièce ,  le  S"^  Pernault ,  huis- 
sier de  l'antichambre ,  lui  dit  qu'il  ne  devoit  point 
y  porter  la  robe  de  M*"*  l'ambassadrice.  On  prétend 
qu'il  y  eut  une  répartie  vive  de  la  part  du  page;  mais,  ce 
qui  est  certain,  c'est  que  le  S'  Pernault  fit  tomber  la 
robe  de  ses  mains.  M.  le  prince  de  Lichtenstein ,  instruit  de 
ce  qui  venoit  de  se  passer,  alla  sur-le-champ  en  parler  à 
M.  le  Cardinal.  Il  fut  arrêté  que  l'huissier  seroit  interdit, 
ce  qui  fut  exécuté.  M.  de  la  Trémoille  m'a  dit  que  M.  le 
Cardinal  lui  avoit  ajouté  que  sans  doute  M"°  de  Lichtens* 
tein  demandéroit  le  rétablissement  de  cet  huissier;  mais 
que  si  par  hasard  elle  ne  le  demandoit  pas,  il  faudroit 
tout  de  même  le  rétablir.  M"*  de  Lichtenstein  l'a  demandé, 
et  il  a  été  remis  dans  l'exercice  de  ses  fonctions.  L'huis- 


droit  à  ces  entrées  ni  par  naissance,  ni  par  charge;  le  Roi  les  accordait  à  ceuv 
à  qui  il  donnait  les  entrées  familières. 


318  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYINES. 

sier  avoit  grand  tort  dans  la  forme;  il  devoH  seulement 
avertir  le  page>  et  sur  son  refus  en  rendre  compte  à  H.  de 
la  Trémoille,  qui  est  en  année.  Quant  au  fond ,  il  sem- 
bleroitque  cette  pièce  ^  étant  gardée  par  un  huissier  de 
rantiohambre  et  étant  immédiatement  arant  oelle  qui 
précède  la  chambre  du  Roi  5  doit  être  réputée  comme 
Fantichambre  du  Roi  &  Versailles  >  où  les  dames  n'ont 
point  le  droit  de  se  faire  porter  la  robe.  Cependant  quel- 
ques circonstances  paroissent  rendre  cette  pièce  différente 
de  celle  de  Versailles ,  si  elle  n'est  réputée  qu'anticham* 
bre  du  Roi  ;  le  Roi,  quand  il  soupe  au  grand  couvert  avec 
la  Reine^  mange  toujours  dans  l'antichambre  de  la  Reine, 
et  ici  c'est  toujours  dans  cette  pièce  qu'il  mange ,  et  ja- 
mais la  Reine  ne  mange  dans  l'antichambre  du  Roi. 
D'ailleurs  9  il  y  ft  une  porte  qui  donne  dans  cette  pièce 
qui  est  précisément  au  coin  y  près  de  l'antichambre  de  la 
Reine  et  qui  dégage  à  un  petit  escalier^  lequel  descend 
dansla  cour  et  monte  dans  les  corridors*  C'est  par  cotes*- 
calier  qu'arrive M"« de  Maaarin,  M^'^de  Gramont,  M"*'  d'Hu- 
nières  et  M*"^  de  Luynes^  et  par  conséquent  les  laquais  atten- 
den  t  presque  touj  ours  dans  cette  pièce ,  hors  ceux  de  la  dame 
d'honneur  et  de  la  dame  d'atour  qui  entrent  dans  l'anti- 
chambre de  la  Reine.  Ainsi^  quoique  cette  pièce  soit  gar- 
dée par  un  huissier  de  l'antichambre,  il  n'a  pas  été  dé^ 
cidé  positivement  si  l'on  y  de  voit  porter  la  robe  ou  non. 
L'usage  est  contraire  jusqu'à  présent^  et  plusieurs  dames 
y  ont  passé  ayant  leur  robe  portée  par  leur  laquais.  Il  y 
a  quelques  jours  qu'un  page  de  M"*^  de  Castropignano 
porta  sa  robe  jusque  dans  cette  antichambre  de  la  Reine  ; 
l'huissier  avertit  l'écuyer  que  cela  étoit  contre  la  règle> 
et  l'écuyer  fit  quitter  la  robe  au  page. 

Il  y  a  un  grand  mouvement  ici  entre  les  princes  du  sang 
et  les  légitimés,  au  sujet  du  rang  que  ceux-ci  demandent 
pour  les  enfants  qui  viendront.  L'occasion  de  ces  mouve- 
ments est  un  mariage  projeté  pour  M.  le  duc  de  Penthiè- 
vre.  Il  avoit  été  question  d'abord  de  M"^  deConty  ;  M"*  la 


JUILLET  lt40.  219 

princesse  de  Conty  y  consentoit  pourvu  que  les  enfants 
eussent  un  rang.  Les  idées  paroissent  avoir  changé  sur 
le  mariage,  et  je  crois  qu'il  est  question  aujourd'hui  d'une 
princesse  de  Modène  ;  mais  T affaire  subsiste  en  elle-même 
et  est  suivie  avec  la  plus  grande  vivacité.  M.  le  ddc  d'Or* 
léans  a  pris  parti  pour  les  bâtards  et  a  déclaré  en  termes 
formels  qu'il  n'étoit  point  étonné  que  les  autres  princes 
du  sang  pansnsent  différemment;  mais  que  pour  lui, 
élevé  'par  une  mère  bâtarde  et  qui  aimoit  les  bâtards,  il 
avoitapprisd'elle  les  mêmes  sentiments  et  qu'il  seroitbien 
aise  de  tout  ce  que  Ton  feroitpour  eux.  M.  le  comte  de 
Cbarolois  est  aussi  dans  les  intérêts  des  légitimés.  Made- 
moiselle, M"''  de  Clermont,  M"^  de  Sens,  M.  le  comte  de 
Clermont,  M.  le  prince  de  Conty  sont  très-vivement  op* 
posés  à  leurs  prétentions.  Les  princes  du  sang  ont  fait 
faire  un  mémoire  très^-détaillé  et  reippli  de  dates  exac*^ 
tesqui  remontent  fort  haut.  M.  le  comte  de  Clermont  a 
donné  ces  jours  passés  à  M.  le  Cardinal  un  mémoire  qui 
n'est  point  signé,  et  M.  le  prince  de  Conty,  qui  ne  veut 
point  avoir  affaire  à  M.  le  Cardinal  et  qui  ne  vajamaischez 
lui,  le  donna  directement  au  Roi,  qui  lui  dit  qu'il  y  feroit 
attention.  Il  y  a  aussi  un  mémoire  des  légitimés.  Made« 
moiselle  demanda  il  y  a  quelques  jours  ce  mémoire  à 
M*"^  la  comtesse  de  Toulouse  pour  le  communiquer.  Ce 
mémoire  contient  plusieurs  propositions  d'accommode- 
ment, desquelles  les  princes  du  sang  paroissent  jusqu'à 
présent  extrêmement  éloignés.  Je  n'ai  point  vu  ce  mé* 
moire^  mais  j'ai  parlé  à  quelqu'un  qui  en  est  fort  instruit. 
Les  propositions  des  légitimés  sont  pour  mettre  de  la  dif- 
^férence  dans  le  rang  et  les  honneurs  entre  leurs  enfants 
et  les  princes  du  sang.  Dans  la  pratique  ces  différences 
pourroient  n'être  pas  extrêmement  sensibles.  Ils  proposent, 
par  exemple,  que  lorsque  leurs  enfants  passeront  dans 
la  salle  des  gardes,  il  n'y  ait  que  la  moitié  de  la  salle 
qui  prenne  les*  armes,  au  lieu  que  toute  la  salle  les 
prend   pour  les  princes  du  sang;  que  lorsqu'ils  pré-» 


330  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNËS. 

senteront  le  service  au  dîner  ou  au  souper  du  Roi  y  au 
lieu  que  c^est    le  chef   de   gobelet  qui  présente    la 
serviette  aux  princes  du  sang,  ce  ne  sera  qu'un  aide  qui  la 
présentera  aux  enfants;  de   même    pour  la   chemise 
au  lever  et  au  coucher  du  Roi ,  que  ce  soit  un  garçon  de 
garde-robe  au  lieu  du  premier  valet  de  garde*robe  ; 
qu^aux  grandes  messes  au  lieu   que  c'est  uii   aum6« 
nier  qui  présente  le  pain  bénit  aux  princes  du  sang , 
que  ce  ne  sqit  qu'un  clerc  de  chapelle  ;  à  la  communion 
du  Roi^  lorsqu^l  y  aura  deux  princes  du  sang>  ils  tien- 
dront la  nappe  de  préférence;  lorsquHl  n'y  aura  qu'un 
prince  du  sang  y  un  légitimé  ou  le  fils  d'un  légitimé ,  il 
tiendra  le  côté  gauche  de  la  nappe;  quand  il  n'y  aura 
point  de  prince  du  sang^  deux  légitimés  ou  fils  de  légi- 
timés tiendront  les  deux  côtés  de  la  nappe  ;  quand  il  n'y 
aura  qu'un  fils  de  légitimé  y  il  tiendra  le  côté  droit  et  un 
duc  le  côté  gauche.  Il  est  aisé  de  voir  que  par  l'événement 
ce  dernier  cas  ne  se  rencontreroit  jamais.  D'ailleurs  ils  de- 
mandent tous  les  mêmes  honneurs  que  les  princes  du  sang 
dansleurs  gouvernements  ;  et  dans  les  provinces  et  places 
dont  ils  ne  seront  point  gouverneurs^  des  honneurs  au* 
dessous  de  ceux  des  princes  du  sang,  mais  au-dessus  des 
autres^  et  tels  qu'il  plaira  au  Roi  de  les  régler.  Ils  deman- 
dent aussi  le  Monseigneur  de  tout  le  monde^  etV  A  liesse  Se- 
rénissime  même  des  ducs.  Les  princes  paroissent  bien 
éloignés  d'accepter  aucune  de  ces  propositions  et  sont 
déterminés  do  protester  hautement  contre  tout  ce  qui 
pourroit  être  décidé  en  faveur  des  légitimés^  aimant  mieux 
même  courir  le  risque  d'être  exilés  que  de  ne  pas  agir 
au  plus  fortement  contre  un  projet  qu'ils  regardent  comme 
insoutenable.  M.  le  comte  de  Clermont,  qui  est  fort  lié 
d'amitié  avec  M"^'  de  Mailly  et  de  Vintimille,  dîna  il  y  a 
deux  ou  trois  jours  avec  ces  deux  dames  chez  M*'  de 
Mailly.  M"*'  de  Vintimille ,  qui  parolt  prendre  vivement 
les  intérêts  des  légitimés,  et  qui  est  fort  Vive  et  parle  plus 
ouvertement  et  plus  librement  que  M"*  de  Mailly  sur  ce 


JUILLET  1740.  221 

qu'elle  pense ,  tâcha  de  persuader  à  M.  le  comte  de  Cler- 
mont  que  le  projet  des  légitimés  ne  faisoit  aucun  tort 
aux  princes  du  sang  ;  la  conversation  se  passa  avec  poli- 
tesse et  amitié  de  part  et  d'autre;  mais  M.  le  comte  de 
Clermont  en  sortit  fort  mécontent  de  M""'  de  Vintimille  et 
sans  être  persuadé.  Cette  conversation  a  voit  duré  environ 
trois  heures. 

Les  princes  du  sang  paroissent  chercher  présentement 
à  se  réunir  avec  les  ducs  (il  n'est  pas  vraisemblable  que 
ces  sentiments  durent  longtemps  )  ;  ils  se  plaignent  qu'en 
toutes  occasions  les  ducs  cherchent  à  s'éloigner  d'eux  ; 
ils  disent  qu'en  dernier  lieu,  à  l'enterrement  de  M.  le  Duc , 
quoiqu'il  y  ait  beaucoup  de  ducs  parents  de  la  mai- 
son de  Condéy  ils  n'ont  pas  pu  en  trouver  un  seul  qui 
voulût  les  accompagner  à  la  cérémonie  qui  s'est  faite 
à  Enghien  ou  Montmorency  ;  qu'ils  y  prièrent  tous  les 
Montmorency,  qui  n'étoient  point  ducs,  et  les  princes  de  la 
maison  de  Lorraine  qui  n*ont  fait  nulle  difficulté  sur  le 
traitement.  Les  princes  du  sang  ajoutent  qu'ils  ne  dispu- 
tent point  aux  ducs  les  honneurs  dont  ils  ont  joui  en  plu- 
sieurs occasions,  lorsque  le  Roi  nomme  un  prince  du  sang 
pour  aller  jeter  de  l'eau  bénite  (j'ai  mis  ci-dessus  le  détail 
de  ce  traitement  :  de  marcher  à  côté  du  prince  du  sang, 
l'épaule  .seulement  en  arrière ,  la  queue  du  manteau 
portée  par  un  gentilhomme  et  laissée  au  milieu  de  la 
pièce  qui  précède  celle  du  corps,  le  manteau  repris  dans 
le  même  endroit,  etc.)  ;  qu'à  l'égard  des  cérémonies  qu^il 
y  a  eu  pour  feu  M.  le  Duc,  qu'ils  ne  refusent  pas  de  traiter 
les  ducs  comme  ils  ont  traité  les  princes  lorrains,  qui  en 
sont  contents  et  qui  ne  refusent  en  aucune  occasion  d'aller 
avec  eux.  Ce  traitement  au  service  de  M.  le  ducj  à  Mont- 
morency ou  Enghien,  fut  que  le  prince  du  sang  étoit  sur 
un  prie-Dieu  avec  un  carreau  et  un  drap  de  pied ,  et  le 
prince  lorrain  sur  un  carreau  à  côté  du  prie-Dieu,  cepen- 
dant un  peu  en  arrière  et  hors  du  drap  de  pied,  assez  près 
pourtant  pour  pouvoir  s'appuyer  sur  ledit  prie-Dieu,  En 


M5  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

général^  il  ne  paroU  pas  trop  soutenable  que  les  duos  pré- 
tendent un  rang  plus  grand  que  ceux  des  princes  lor- 
rains. 

M.  le  prince  de  Gampo*Florido  m'a  dit  aujourd'hui  qu'il 
avoit  nouvelles  de  la  mort  de  la  reine  douairière  d'Esr* 
pagne,  qui  a  été  plusieurs  années  à  Bayonne  et  qui  étoit 
repassée  à  Guadalaxara,  en  1738^  où  elle  est  morte.  Elle 
se  nomraoit  Marie-Anne  de  Neubourg  et  avoit  environ 
soixante-treize  ans»  Cette  princesse  étoit  fille  de  Philippe^ 
Guillaume,  néen  1615,  lequel  fut  duc  de  Neubourg  en  1653 
et  électeur  palatin  en  1685 ,  le  26  mai ,  par  Textinotion 
de  la  branche  électorale  de  Simmem,  et  mourut  & 
Vienne  en  1690 ,  le  2  septembre.  Ce  fut  après  la  mort  de 
sa  première  femme,  Marie-Louise  d'Orléans,  en  fé* 
vrîer  1689,  que  Charles  II,  roi  d'Espagne,  fit  faire  la  de* 
mande  en  mariage  de  la  princesse  de  Neubourg,  que  le 
comte  de  Mansfeld,  ambassadeur  d'Espagne,  épousa  au 
nom  du  roi,  son  maître,  le  28  août  1689*  Les  noces  se 
firent  à  Valladolid,  le  &  mai  1690.  M.  de  Campo-Florido 
a  une  de  ses  filles  mariée  à  M.  de  Castel-dos-Rios , 
fils  de  celui  qui  apporta  en  France  le  testament  de 
Charles  IL 

M.  de  Campo-Florido  parolt  peu  content  jusqu'à  pré- 
sent du  traitement  que  veut  lui  faire  le  roi  d'Espagne. 
J'ai  marqué  ci-dessus  que  M.  de  la  Mina  avoit  i  ,000  pis- 
toles  par  mois,  la  pistole  valant  16  livres  de  notre 
monnoie ,  ce  qui  fait  12,000  pistoles  par  an.  Le  roi 
d'Espagne  ne  veut  donner  que  8,000  pistoles  par  an  & 
M.  de  Campo-Florido.  Il  en  avoit  7,000  à  Venise,  et  la 
pistole  d'Espagne  vaut  dans  cette  république  20  livres 
de  notre  monnoie. 


AOUT. 

Deuils  de  Cour.  —  Traitements  des  ambassadeurs.  —  Morts  de  M»e  de  Ri- 
chelieu ,  de  M.  Hérault ,  de  M.  Dubois ,  frère  du  cardinal,  —  Comédiens 


AOUT  »7M.  39S 

établis  dans  les  fossés  de  Coropiègne.  >-  Différences  des  usages  de  Com- 
piègne  et  de  Versailles.  —  ^dominations  diverses.  —  Présentation  de  la 
princesse  de  Campo-Florido.  ^  Audience  des  États  de  Languedoc.  —  Fré- 
déric Il  et  Voltaire  ;  Épltre  de  Voltaire  au  roi  de  Prusse.  —  Bépoose  dià 
J.-B.  Rousseau  h  des  vers  attribués  à  Voltaire,  —  Affaire  des  principautés 
de  Neufchâtel  et  de  Valengin.  —  Présentation  de  M"e  de  Campo-Florido. 
—  Harangue  des  États  de  Languedoc.  -—  Tabatière  et  reliquaire  donnés  à 
la  Reine  et  à  Mm  Ae  Lgynes,  —  Portrait»  da  ceotenairaSr  ^  Audience  d^ 
la  ville  de  Paris;  harangue  de  M.  d'Aligre.  —  Harangue  du  clergé.  —  Détail 
sur  la  compagnie  des  chevau -légers.  —  Étais  de  l'appartement  du  Dauphin 
à  Versailles.  —  Sédition  à  Versailles.  —  Élection  du  pape  Benott  XIV.  — 
Mort  de  la  duchesse  de  Gontaut. 


Du  mardi  3  aoûtf  Compiégne,  -^  Le  Roi  décida 
hier  que  les  grands  d'Espagne  draperoient  pour  la  feue 
reine  d'Espagne;  ils  n'avoiant  point  drapé  à.  la  mort  de 
Don  Louis  (1)  ;  il  n'y  eut  que  le  maréchal  de  Yillars  qui 
s'avisa  de  draper  ;  il  se  trouva  seul,  et  par  cette  raison 
fut  obligé  de  ne  point  faire  usage  de  ses  carrosses  et  de 
sa  livrée.  Au  bout  de  trois  semaines  que  finira  le  deuil 
du  roi  de  Prusse^  on  quittera  le  deuil,  et  trois  jours  après 
on  le  prendra  pendant  trois  semaines  pour  la  reine 
douairière  d'Espagne.  Elle  a  laissé  pour  plus  de  deux 
millions  de  dettes  à  Bayonne;  mais  il  lui  étoit  dû  beau- 
coup plus  que  cela  par  le  roi  d'Espagne, 

J'ai  marqué  ci^dessus  ce  que  la  cour  d'Espagne  don- 
noitàses  ambassadeurs  de  Venise  et  de  France.  Je  de- 
mandai hier  à  l'ambassadeur  de  Venise  quel  étoit  le 
traitement  que  lui  &isoitsa  cour;  il  est  bien  différent; 
il  me  dit  que  cela  n'alloit  qu'à  100  louis  par  Qiois  et  qu'il 
avoit  reçu  18^000  livres  pour  son  établissement.  M.  de 
Castropignano  me  dit  aussi  hier  que  ce  qu'il  avoit  de  la 
cour  de  Naples  montoit  à  100,000  freines  par  an. 

Pendant  la  semaine  dernière ,  M°®  de  Mailly  n'a  point 

J 


«1     m  »i  j^M^^^ 


(1) Louis,  prince  des  Asturies ,  fils  a!né  de  Philippe  V.  Il  fut  proclamé  roi 
d'Espagne  après  Tabdication  de  son  père,  le  19  janvier  t7%4,  et  mounft  le  31 
août  de  la  même  année. 


N 


224  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

été  à  la  chasse  parce  qu'elle  étoit  de  semaine^  et  même 
mercredi  ou  jeudi  y  quoique  ce  fût  un  jour  gras ,  le  Roi 
soupa  dans  ses  cabinets  sans  qu'il  y  eût  de  dames. 
M"*  de  Mailly  étoit  ce  jour-là  chez  moi  le  soir;  je  lui  de- 
mandai s'il  n'y  avoit  point  de  dames  en  haut.  Elle  me 
dit  :  «  Comment  pouvez-vous  me  faire  cette  question , 
puisque  je  n'y  suis  pas?  »  M"*  de  Vintimille  est  revenue 
ces  jours-ci  de  Paris  et  fut  à  la  chasse  dès  le  lendemain 
de  son  arrivée  ;  M"**  de  Mailly  n'y  étoît  point  ;  il  y  avoit 
M"'  de  Clermont,  M"*  de  Ségur,  M°*  de  Montmorin. 
M"*'  de  Mailly  et  de  Vintimille  furent  hier  avec  le  Roi. 
M^^"*  de  Clermont  étoit  à  la  chasse  avec  la  Reine ,  et  Ma- 
demoiselle un  peu  malade.  On  mit  deux  hommes  dans 
la  calèche^  qui  étoient  M.  de  Luxembourg  et  H.  de  la 
Fare.  Les  quatre  sœurs  et  M"**^  de  Ségur  soupèrent  dans 
les  cabinets. 

Du  mercredi  3,  Compiègne.  —  On  a  appris  aujourd'hui 
la  mort  de  M"'  de  Richelieu  ;  elle  étoit  depuis  longtemps 
malade  de  la  poitrine  ;  le  voyage  de  Montpellier,  où  elle 
étoit  accouchée  d'une  fille,  a  été  le  commencement  de 
sa  maladie  ou  au  moins  l' avoit  fort  augmentée.  Elle  avoit 
eu  deux  garçons  et  une  fille  ;  il  y  en  a  un  de  mort  et 
l'autre  est  fort  délicat.  Elle  étoit  fille  de  M.  le  prince  de 
Guise  et  sœur  de  feu  M""*^  de  Bouillon ,  la  belle-mère  de 
M.  de  Bouillon  d'aujourd'hui.  Elle  étoit  d'un  caractère 
fort  aimable  et  d'une  figure  qui  plaisoit;  elle  avoit  tou- 
jours eu  la  plus  tendre  amitié  pour  M.  de  Richelieu ,  et 
dans  sa  dernière  maladie  elle  lui  en  donna  encore  une 
preuve.  S' étant  confessée  au  P.  Ségaud,  jésuite,  fameux 
prédicateur,  M.  de  Richelieu  lui  demanda  si  elle  en  avoit 
été  cpntente;  elle  lui  dit  en  lui  serrant  la  main  :  «  As- 
suréftient ,  car  il  ne  m'a  pas  défendu  de  vous  aimer.  » 
Le  jour  qu'elle  mourut ,  se  sentant  à  la  dernière  extré- 
mité, à  cinq  heures  du  matin,  elle  demanda  M.  de  Ri- 
chelieu, qui  dans  ce  moment  étoit  chez  lui,  et  lui  dit 
que  tout  son  désir  avoit  été  de  mourir  entre  ses  bras; 


A.OUT  1740.  226 

en  disant  ces  mots^  elle  fit  un  dernier  effort  pour  Tem- 
brasser  et  expira. 

On  a  appris  aussi  aujourd'hui  la  mort  de  M.  Hérault  y 
ci-devant  lieutenant  général  de  police  et  depuis  inten- 
dant de  Paris.  Il  est  mort  hydropique.  C'est  une  perte  ; 
il  étoit  fort  estimé.  L'on  parle  de  deux  personnes  pour 
remplir  cette  place  :  M.  Turgot ,  prévôt  des  marchands, 
qui  quitte  cette  place  parce  que  son  temps  est  fini ,  et 
M.  d'Argenson  le  cadet ,  chancelier  de  M.  le  duc  d'Or- 
léans. M.  Turgot  paroit  fort  désiré,  et  même  M"^  de 
Mailly  s'y  intéresse  vivement;  cependant  elle  croit  qu'il 
n'aura  point  cette  place  ;  M.  d'Argenson  est  fort  ami  de 
H.  le  Cardinal. 

On  a  aussi  appris  la  mort  de  M.  Dubois;  il  avoit 
quatre-vingt-dix  ou  onze  ans  ;  c'étoit  le  frère  aîné  de  feu 
M.  le  cardinal  Dubois.  Il  avoit  été  directeur  général  des 
ponts  et  chaussées  et  secrétaire  du  cabinet.  C'est  M.  de 
Verneuil ,  introducteur  des  ambassadeurs ,  qui  a  depuis 
plusieurs  années  cette  place  de  secrétaire  du  cabinet,  dont 
M.  Dubois  s'étoit  réservé  les  appointements,  lesquels  sont 
de  8,000  livres. 

Il  y  a  ici  une  troupe  de  comédiens  qui  y  sont  établis  dès 
l'année  passée  dans  les  fossés;  ce  ne  sont  point  les  co- 
médiens du  Roi  :  ils  ne  viennent  point  ici.  M'"*  de  Mailly 
y  va  aujourd'hui  ;  elle  avoit  chez  elle ,  à  sa  toilette ,  ce 
matin,  non-seulement  beaucoup  de  gens  de  ce  pays-ci, 
mais  même  les  ambassadeurs  de  Russie ,  de  Venise  et  de 
Sardaigne. 

Les  usages  de  Compiègne  sont  si  différents  de  ceux  de 
Versailles  que  je  ne  puis  m'empêcher  d'en  marquer  un 
mot.  Il  n'entre  dans  la  cour  de  Compiègne  ainsi  qu'à 
Versailles  que  les  carrosses  des  gens  titrés  ;  cependant 
celui  de  M.  le  comte  de  Tessin  y  entre  quoiqu'il  ne  soit 
ni  titré  ni  ambassadeur.  Les  carrosses  n'entrent  plus  à 
Versailles  dans  la  cour  quand  le  Roi  est  couché ,  et  on 
fait  même  sortir  ceux  qui  s'y  trouvent.  Ici,  l'on  ferme 
T.  m.  15 


îte  MÉMOIRES  nu  DUC  DE  LUÎNES 

k  la  vérité  la  porte  de  la  cour  quand  le  Roi  ou  la  Reine 
sont  couchés;  mais  on  ne  fait  point  sortir  les  carrosses 
qui  sont  dans  la  cour,  quoique  l'appartement  de  la  Reine 
donne  précisément  sur  la  cour. 

ÏRi  marqué  aussi  ci-dessus  la  différence  qu'il  y  a 
ici  lorsque  le  Roi  mange  au  grand  couvert,  et  [  que  la  salle 
où  il  mange]  étant  après  la  salle  des  gardes  ne  peut  être 
réputée  qu'antichambre,  et  même  antichambre  du  Roi, 
puisqu'elle  est  gardée  par  un  huissier  de  Tantichamlire,  et 
cepetidant  l'on  y  porte  la  robe  aux  dames.  C'est  où 
arriva,  il  y  a  quelques  jours,  l'aventure  de  M™*^  de 
Lichtenstein. 

J'ai  marqué  aussi  la  différence  de  la  chambre  du  Roi 
où  se  fait  le  botter  et  le  débotter  du  Roi,  au  lieu  qu'il  se 
fait  à  Versailles  dans  le  cabinet  de  glaces  ;  par  consé- 
quent tous  ceux  qui  n'ont  point  d'entrées  attendent  dans 
l'antichambre;  cependant  dans  cette  saison  où  les  fe- 
nêtres sont  presque  toujours  ouvertes ,  en  passant  sur  la 
terrasse  l'on  est  presque  comme  si  l'on  étoit  dans  la 
chambre  du  Roi,  parce  que  la  grille  est  posée  de  façon 
qu'elle  n'enferme  point  la  chambre  du  Roi ,  et  même  le 
garde  du  corps  qui  est  en  sentinelle  auprès  de  cette  grille, 
a  la  vue  de  tout  ce  qui  se  passe  dans  la  chambre  du  Roi. 

Du  vendredi  5,  Compiègne,  —  On  nomma  avant-hier 
M.  d'Argenson  intendant  de  Paris;  c'est  le  cadet,  lequel 
étoit  chancelier  de  M.  le  duc  d'Orléans. 

La  place  de  conseiller  d'État  de  M.  Hérault  a  été  donnée 
à  M.  deFontanieu,  et  M.  de  la  Houssaye  a  eu  parole  pour 
la  première  place  vacante. 

Le  gouvernement  de  Cambrai,  vacant  par  la  mort  de 
M»  le  marquis  de  Bezons,  vient  d'être  donné  à  M.  le  comte 
de  la  Harck,  notre  ambassadeur  en  Espagne,  et  le  gou- 
vernement de  Landrecies  (1),  qu'avoit  M.  de  la  Marck,  a 


(1)  Ce  gouvernement  est  sur  Tétat  du  Rot  à  11,250  livres  et  vaut  12  à 
13,000  livres.  (Note  du  duc  deLuynes.) 


AOUT  1740*  327 

été  donné  à  M.  le  duc  dô  Biron.  On  ne  sait  point  encore 
si  Ton  a  fait  quelque  chose  pour  MM.  de  Bezons. 

Il  y  eut  hier  chasse*  Le  Roi  y  mena  cinq  dames  :  les 
quatre  sœurs  et  M'"*'  Amelot  ;  elles  soupèrent  toutes  cinq 
dans  lés  cabinets  ;  elles  étoient  dans  deux  calèches  à  la 
chasse,  et  il  y  avoit  d'hommes  :  MM.  de  Luxembourg,  de 
laFare  et  du.Bordage. 

M.  de  Campo*-Florido  présenta  hier  ses  deux  enfants  ca- 
dets, dont  l'un  est  abbé  et  l'autre  chevalier  de  Malte;  il 
s'appelle  Reggio  en  son  nom. 

M.  de  Lomellini,  envoyé  de  Gênes,  a  présenté  aussi  ces 
jours-ci  son  frère,  que  l'on  appelle  le  chevalier  de  Lomel- 
lini, et  son  ceusin  qu'on  nomme  le  chevalier  ou  le  baron 
Balbi.  Ce  M*  Balbi  est  frère  de  la  belle  M*"'  Brignole,  Gé^ 
noise. 

M"**  la  princesse  deCampo^Ploridoarrivaici  avant-hier  ; 
elle  a  été  présentée  aujourd'hui.  C'est  une  femme  de 
soixante  ans  qui  a  l'air  assez  noble  ;  elle  est  petite,  assez 
grosse  et  fort  laide.  Son  nom  est  Gravina,  famille  consi- 
dérable en  Espagne.  La  présentation  s'est  faite  à  l'ordi- 
naire. M"*®  deCampo-Florido  descenditdans  l'appartement 
de  M"**' de  Luynes,  avec  M.  deSainctot,  lequel  monta  chez 
la  Reine,  et  au  sortir  de  la  messe  revint  Tavertir.  Elle  monta 
par  le  petit  escalier  qui  donne  à  la  porte  de  Tantichambre 
de  la  Reine.  La  Reine  étoit  dans  la  grande  pièce  où  elle 
mange,  qui  est  avant  sa  chambre  (car  à  Compiègne  elle 
ne  mange  point  dans  sa  chambre,  ni  le  matin  ni  le  soir)  ; 
le  fauteuil  de  la  Reine  dans  le  fond  de  cette  pièce,  le  dos 
tourné  à  la  cheminée.  M.  de  Sainctot  vint  avertir  M™®  de 
Luynes  qui  sortit  dans  l'antichambre  pour  recevoir  Fam- 
bassadrice  et  rentra  avec  elle  ayant  la  droite  sur  l'ambas- 
sadrice. r-*es  trois  révérences  faites,  M"^  l'ambassadrice 
baisa  le  bas  de  la  robe  ;  on  apporta  deux  pliants  ;  alors 
M™'  de  Luynes  passa  à  U  gauche  et  elles  s'assirent  toutes 
deux  vis-à-vis  la  Reine,  11  y  avoit  grand  nombre  dedames 
assises  et  quelques-unes  debout.   Celles  qui  sont  debout 

15. 


338  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

désireroient  qu^il  y  eût  un  espace  entre  la  Reine  et  les 
dames  assises,  derrière  lesquelles  elles  ne  veulent  point 
demeurer  ;  ce  qui  n'est  pas  souvent  aisé  à  observer,  àcause 
du  peu  de  place.  M.  de  Sainctot  alla  avertir  le  Roi^  qui  vint 
par  l'antichambre  de  la  Reine ,  salua  et  baisa  M**  Fam- 
bassadrice^  et  sortit  fort  peu  de  temps  après.  M*"**  de 
Luynes  s^avança  pour  reconduire  le  Roi^  qui  lui  fit  signe 
de  rester.  Après  que  le  Roi  fut  retiré^  M.  de  Sainctot  alla 
avertir  M.  le  Dauphin,  qui  vint  aussi  par  l'antichambre  de 
la  Reine,  salua  et  baisa  H"*  de  Campo-Florido,  et  baisa  en- 
suite laReine.  Après  que  M.  leDauphin  fut  retiré,  la  Reine 
se  rassit  encore  et  toutes  les  dames  titrées;  mais  elle  se 
leva  peu  après ,  et  Tambassadrice  se  retira  avec  les  révé- 
rences accoutumées  ;  et  descendit  chez  M"**"  de  Luynes  en 
attendant  le  dîner.  L'usage  est^  comme  je  dois  l'avoir 
marqué  ci-dessus^  quelesambassadrices  étrangères,le  jour 
de  leur  audience^  dînent  à  la  table  de  la  Reine,  c'est-à- 
dire  à  la  table  de  son  premier  maître  d'hôtel,  que  la  dame 
d'honneur  est  censée  tenir  ce  jour- là,  et  les  ambassadrices 
de  famille  dînent  chez  la  dame  d'honneur.  Gela  s'est 
pratiqué  de  même  à  l'égard  de  M*"*  de  la  Mina  et  de  M"*'  de 
Castropignauo,  depuis  que  M*""*  de  Luynes  est  en  place,  et 
celle-ci  est  le  troisième  exemple.  Lorsque  les  ambassa- 
sadrices  étrangères  restent  le  lendemain  de  leur  audience, 
elles  dinent  ordinairement  chez  la  dame  d'honneur.  Nous 
l'avons  pratiqué  ^  de  même  à  l'égard  de  M"*  de  Lichtens- 
tein,  de  M"*  Zéno.  Le  logement  de  M"*  de  Luynes  ici  étant 
trop  petit  pour  un  repas  de  cérémonie,  elle  avoit  prié 
M.  le  cardinal  de  Fleury  de  trouver  bon  qu'elle  empruntât 
lasalle  du  conseil  ;  elle  la  demanda  àM.  le  chancelier;  elle 
est  de  plain-pied  à  la  cour,  et  n'est  séparée  du  logement  de 
M"*  de  Luynes  que  par  celui  de  M.  deGramont.  Il  y  avoit 
à  ce  dîner  les  ambassadeurs  et  ambassadrices  des  Deux- 
Siciles  et  d'Espagne,  les  deux  enfants  de  M.  de  Gampo-Flo- 
rido,  l'abbé  Dévoli,  frère  de  M.  de  Gastropignano,  M.  le 
duc  de  Montanègre,  M.  et  M™«  d'Humières,  M.  et  M™*  de 


^I^^m^p^m 


ÀOliT  1740.  229 

Fleupy,  M.  etM"*'  deTessé,  M.  de  Chalais,  M.  le  marquis 
de  Ruffec^M.  de  Sainctot;  M.  et  M'"*Amelot  dévoient  y 
être  et  en  étoient  priés,  mais  ils  se  trouvèrent  engagés  ce 
jour-là;  M.  le  duc  de  Gesvres  en  étoit  prié,  mais  il  ne  vint 
qu'après  diner,  à  cause  qu'il  n'y  avoit  que  du  maigre.  C'est 
M"®  de  Glermont  qui  a  fait  avertir  les  dames  pour  l'au- 
dience ;  il  y  en  avoit  fort  peu,  et  il  y  avoit  un  intervalle 
entre  le  fauteuil  de  la  Reine  et  les  dames  assises.  M.  de 
Brézé  auroit  dû  avertir  M""  de  Luynes  et  de  Mazarin  pour 
l'audience;  il  l'a  oublié  et  elles  s'en  sont  plaintes. 

Il  y  eut  hier  chasse  ;  les  dames  qui  allèrent  avec  le 
Roi  étoient  :  M"®  de  Glermont,  les  deux  sœurs  et  M"®  de 
Montmorin .  Il  n'y  eut  que  des  hommes  à  souper  dans  les 
cabinets.  Les  jours  que  le  Roi  ne  soupe  point  avec  des 
dames  dans  les  cabinets,  il  y  a  souper  chez  M"®  de  Gler- 
mont ;  Mademoiselle  y  soupe ,  mais  jamais  chez  elle. 

M.  leprincede  Rohanremithier,  avec  l'agrément  du  Roi, 
le  détail  et  le  commandement  des  gendarmes  du  Roi  à 
M.  le  prince  de  Soubise,  son  petit-fils.  Dans  Tarrangement 
fait  lorsque  M.  le  prince  de  Soubise  eut  la  charge,  M.  le 
prince  de  Rohan  devoit  garder  le  détail  et  le  commande- 
ment un  certain  temps,  et  ce  temps  est  fini  ;  je  crois  que 
c'est  six  ans. 

Du  jeudiii,Compiègne.  —  L'on  quitte  demain  le  deuil 
du  roi  de  Prusse  pour  prendre  celui  de  la  reine  d'Es- 
pagne. Les  hommes  prendront  des  bas  noirs  et  des  épées 
noires;  voilà  la  seule  différence  qu'il  y  a.  Les  femmes 
reprendront  le  grand  deuil.  M.  de  Gampo -Floride  donna 
part,  ily  a  cinq  ou  six  jours,  de  la  mort  de  la  reine  douai- 
rière d'Espagne  et  prit  ce  môme  jour  des  pleureuses. 
M""*  de  Luynes  s'est  plainte  aujourd'hui  à  M.  de  Gesvres  de 
n'avoir  pas  entendu  parler  du  deuil.  L'usage  est  que  le 
premier  gentilhomme  de  la  chambre  en  année  avertit  la 
dame  d'honneur  du  jour  que  le  Roi  prend  et  quitte  le 
deuil;  M.  de  Gesvres  lui  a  dit  que  c'étoit  de  la  faute  de 
M.  de  la  Trémoille,  et  qu'il  lui  en  parleroit. 


230  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LU  Y  NES. 

« 

Les  États  de  Lauguedoc  ont  eu  aujourd  hui  audience  : 
c^estM.  de  Narbonne  (i)  qui  a  harangué^  et  qui  a  parlé  à 
merveille.  Le  tiers  étal  à  genoux  à  Tordluaire.  Je  n^^i 
entendu  que  la  harangue  delà  Reine^  dont  qn  m'^  paru 
fort  content,  et  on  m'a  dit  que  celle  au  Hôi  étoitfout  au 
mieux  ;  la  Reine  a  attendu  quelques  moments  pQi^r  Faun. 
dience.  M.  le  prince  de  Dombes,  qui  est  venu  avec  M.  de 
Sain t*Floren tin  un  moment  avant  M.  de  Narbonne  pour 
prendre  les  otdres  de  la  Reine,  lui  a  dit  que  1^  cau^e  du. 
retardement  avoit  été  le  temps  qu'il  avoit  fallu  poui» 
prendre  les  ordres  du  Roi  pour  la  tenue  des  États.  M.  le 
prince  de  Dombes  matchoit  à  la  droite  et  M.  dé  Saint^ 
Florentin  à  la  gauche  de  M.  de  Narbonne,  et  H.  de  Bré^é, 
comme  grand  maître  des  cérémonies,  à  la  droite  de  U,  lé 
prince  de  Dombes. 

M.  de  Beauvau,  inspecteur  de  cavalerie,  a  été  nommé 
pour  aller  en  Prusse  faire  compliment  au  roi  et  à  la  reine 
de  Prusse  sur  la  mort  du  feu  Roi.  Il  aura  la  qualité  d'en- 
voyé extraordinaire. 

Le  roi  de  Prusse  d'aujourd'hui  (2)  étoit  fort  dans  le 
goût  des  sciences  depuis  plusieurs  années  et  en  grande 
liaison  avec  Voltaire,  à  qui  il  a  fait  l'honneur  d'écrire  de- 
puis son  avènement  à  la  couronne.  Voltaire  lui  a  fait  la 
réponse  ci-jointe;  il  me  parolt  qu'elle  n'est  pas  trop  ap- 
prouvée ni  digne  de  l'être,  et  que  la  critique  aussi  forte 
sur  la  conduite  du  feu  roi  de  Prusse  ne  peut  plaire  à  son 
fils.  Outre  cela  les  louanges  qu'il  donne  à  ce  prince  sont 
accompagnéesde  tant  de  mépris  pour  les  autres  rois  qu'un 
pareil  ouvrage  ne  peut  jamais  réussir.  Je  joins  aussi  une 
réponse  en  vers  que  l'on  prétend  être  de  Rousseau  sur  la 
lettre  écrite  par  Voltaire  au  roi  de  Prusse.  Pour  entendre 
ces  vers  il  faut  savoir  qu'il  y  a  eu  une  pièce  appelée  le  Ghe- 


(1)  Jean- Louis  defiertons  de  Grillon,  archevêque  de  Narbonne. 

(2)  Frédéric  fl,  surnommé  le  Grand,  né  en  1712,  mort  en  1786. 


AOUT   i740.  281 

valier  des  loups  (1)fort  injurieuse  au  feu  roi  de  Prusse  et 
dont  onneconnoit  point  Fauteur.  Rousseau  attribue  cette 
pièce  à  Voltaire,  Les  vers  (jui  sont  écrits  immédiate  nient 
après  la  lettre  et  qui  commeopent  ainsi  :  Un  philosophe 
règne,ne  sont  pas  aussi  sûrement  de  Voltaire  que  la  lettre^ 
au  moins  il  paroitque  Ton  en  doute. 

EPITBE   DE   YOLXAIAË    AU    BOl   PB   FByS^K   (2)* 

Quoi  !  vous  êtes  monarque,  et  vous  m'aimez  encore  ! 
Quoi!  le  premier  moment  de  cette  heureuse  aurore 
Qui  promet  à  la  terre  un  jour  si  lumineux, 
Marqué  par  vos  bontés,  met  le  comble  à  mes  vœux  ! 
O  cœur  toujours  sensible  î  âme  toujours  égale  ! 
Vos  mains  du  trône  à  moi  remplissent  Tintervaile. 
Un  philosophe  est  roi,  méprisant  sa  grandeur. 
Vous  m'écrivez  en  homme  et  parlez  à  mon  cœur. 
Vous  savez  qu'Apollon,  ce  dieu  de  la  lumière. 
N'a  pas  toujours  du  ciel  éclairé  la  carrière.; 
Dans  un  champêtre  asile  il  passa  d'heureux  jours; 
Les  arts  qu'il  y  fit  naître  y  firent  ses  amours  ; 
Il  chanta  la  vertu  ;  sa  divine  harmonie 
Polit  des  Phrygiens  le  sauvage  génie. 
Solide  en  ses  discours,  sublime  en  ses  chansons, 
Du  grand  art  de  parler  il  donna  des  leçons. 
Ce  fut  le  siècle  d'or,  car,  malgré  l'ignorance, 
li'âge  d'or  eu  effet  est  le  siècle  où  l'on  pense. 
Un  pasteur  étranger,  attiré  vers  ces  bords. 
Du  dieu  de  l'harmonie  entendit  les  accords; 
A  ces  sons  enchanteurs  il  accorda  sa  lyre  ; 
Le  dieu  qui  l'approuva  prit  le  soin  de  l'instruire  , 
Mais  le  dieu  se  cachoit,  et  le  simple  étranger 
INe  connut,  n'admira^  ii'aima  que  le  berger. 


(1)  On  trouve  dans  les  Œuvres  de  Voliaire  une  pièce  de  vers  qui  a  pour 
titre  le  Loup  moraliste.  Voltaire  désavoue  cette  pièce  dans  son  Commenlaire 
historique.  (Voir tomes  XIY.page  310,  et  XliVIU,  paga  400 de  l'édition  Beu- 
chot.  ) 

(2)  Cette  épttre  est  imprimée  dans  les  Œuvres  de  Voltaire  publiées  par 
M.  Beucbot,  torais  Xli,  page  138,  1833,  in-S*".  Nous  la  reproduisons  parce 
qu'elle  offre  quelques  variantes  avec  les  deux  textes  domiéB  par  M.  Beudiot. 


\ 


383  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

Je  suis  cet  étranger,  ce  pasteur  solitaire  ; 

Mais  quel  est  F  Apollon  qui  m'édiauffe  et  m'éclaire? 

Cest  à  vous  de  le  dire,  à  vous  qui  Fadmirez, 

Peuples  qu'il  rend  heureux,  sujets  qui  Fadorez. 

A  FEurope  étonnée  annoncez  votre  maître. 

Les  vertus»  les  talents,  les  plaisirs  vont  renaître. 

Les  sages  de  la  terreappel^  à  sa  voix. 

Accourent  pour  Fentendre  et  recevoir  ses  lois. 

Et  toi  dont  la  vertu  brilla  persécutée. 

Toi  qui  prouvas  un  Dieu,  et  qu'on  nommoit  athée, 

Martyr  de  la  raison,  que  FEnvie  en  fureur. 

Chassa  de  son  pays  par  les  mains  de  l'Erreur, 

Reviens,  il  n'est  plus  temps  qu'un  philosophe  craigne  ; 

Socrate  est  sur  le  trône  et  la  vérité  règne. 

Cet  or  qu'on  entassoit,  ce  pur  sang  des  États 

Qui  leur  donne  la  mort  en  ne  circulant  pas. 

Répandu  dans  ses  mains  au  gré  de  sa  prudence, 

Va  ranimer  leur  vie  et  porter  l'abondance. 

La  sanglante  injustice  expire  sous  ses  pieds  : 

Déjà  les  rois  voisins  sont  tous  ses  alliés  ; 

Ses  sujets  sont  ses  fils,  Fhonnéte  homme  est  son  frère  ; 

Ses  mains  portent  l'olive,  et  s'arment  pour  la  guerre. 

Il  ne  cherchera  point  ces  énormes  soldats. 

Ce  superbe  appareil,  inutile  aux  combats. 

Fardeaux  embarrassants,  colosses  de  la  guerre , 

Enlevés  à  prix  d'or  aux  deux  bouts  de  la  terre  ; 

Il  veut  dans  ses  guerriers  le  zèle  et  la  valeur, 

Et,  sans  les  mesurer,  juge  d'eux  par  le  cœur. 

Il  est  héros  en  tout  puisqu'on  tout  il  est  juste. 

Il  sait  qu'aux  yeux  du  sage  on  a  ce  titre  auguste. 

Par  des  soins  bienfaisants,  plus  que  par  des  exploits, 

Trajan,  non  loin  du  Gange,  enchaîna  trente  rois. 

A  peine  eut-il  un  nom  fameux  par  la  victoire  : 

Connu  par  ses  bienfaits,  sa  bonté  fut  sa  gloire. 

Jérusalem  conquise  et  ses  murs  abattus 

N'ont  point  solennisé  le  grand  nom  de  Titus  ; 

Il  fut  aimé  :  voilà  sa  grandeur  véritable. 

O  vous  qui  Fimitez,  vous  son  rival  aimable. 

Effacez  le  héros  dont  vous  suivez  les  pas. 

Titus  perdit  un  jour,  et  vous  n'en  perdrez  pas. 

Un  philosophe  règne^  ah  !  le  siècle  où  nous  sommes 
Le  désiroit  sans  doute  çt  n^osoit  l'espérer. 


wmmÊimmmmmmmÊÊmÊmmmmmm 


AOUT  1740.  238 

Mon  prince.a  mérité  de  gouverner  les  hommes , 

Il  les  sait  éclairer. 
Laissons  tant  d'autres  rois  croupir  dans  l'ignorance^ 
Idoles  sans  vertus,  sans  oreilles,  sans  yeux  ; 
Que  sur  l'autel  du  vice,  un  flatteur  les  encense, 

Images  des  faux  dieux. 
Quelle  est  du  Dieu  vivant  la  véritable  image? 
Vous,  des  talents,  des  arts,  et  des  vertus  l'appui  ; 
Vous,  Salomon  du  Nord,  plus  savant  et  plus  sage 
Et  moins  foible  que  lui  (1). 


RÉPONSB  BE  BOUSSEAU. 


Voltaire,,  qui  jamais  ne  connut  son  talent^ 
En  dépit  d'Apollon  tranchant  de  l'agréable , 
Caresse  son  héros  comme  fit  au  vieux  temps 

Le  baudet  de  la  fable. 
Mais  tu  connois,  grand  Roi,  l'écrivain  travesti 
Du  Chevalier  des  loups.  En  ta  juste  colère. 
Imitant  Salomon,  de  ce  faux  Seméi 

Tu  vengeras  ton  père. 

Je  n'ai  point  mis  jusqu'à  présent  ce  qui  s'est  fait  à  Poc- 
casion  de  la  mort  du  roi  de  Prusse ,  c'est  le  lieu  d'en  dire 
un  mot. 

M"®  de  Nemours,  comme  on  le  sait,  a  été  paisible 
souveraine  jusqu'à  sa  mort  des  principautés  de  Neufchà- 
tel  et  de  Valengin,  en  Suisse,  par  les  droits  de  la  maisop 
de  Longueville  justement  acquis  sur  ces  deux  souve- 
rainetés. M"®  de  Nemours  avoit  fait  donation  de  ces  deux 
souverainetés  à  M.  de  Neufchàtel ,  mon  beau-père ,  ne 
s'en  réservant  que  l'usufruit.  M.  de  Neufchàtel  est  mort 
en  1703,  M""^  de  Nemours  en  1707.  Dans  cette  année 
1707,  plusieurs  prétendants  se  transportèrent  à  Neuf- 
chàtel pour  y  faire  valoir  leurs  prétentions,  M.  le  prince 
de  Conty,  MM.  de  Nesle ,  de  Villeroy,  de  Matignon ,  etc., 
et  le  roi  de  Prusse  y  envoya  M.  de  Metternich  pour  de- 


(1)  Ces  vers  ne  se  trouvent  pas  dans  les  Œuvres  de  Voltaire, 


234  MÉMOIRES  DU  DUC  DE'LUYNES. 

mander  en  son  nom  l'Investiture  de  ces  deux  souverainetés 
comme  y  ayant  droit  par  la  maison  de  Chalon.  M"^  de 
Neufcbàtel  y  fut  aussi  avec  feu  M"*  de  Luynes,ma  pre- 
mière femme ,  qui  n'éloit  pas  encore  mariée.  Quoiqu'il 
ne  fut  point  question  de  rien  changer  au  libre  exercice  de 
la  religion 9  que  les  droits  de  H*"''  de  Nemours^  de  H.  de 
Neufchâtel,  et  par  conséquent  ceux  de  M""  sa  fille^  dussent 
exclure  toutes  autres  prétentions,  et  que  M"*  de  Nemours 
eût  conservé  un  parti  (1)  considérable  dans  le  pays,  où 
sa  mémoire  est  encore  honorée,  quoiqu'enfin  les  droits 
du  roi  de  Prusse    fussent  les  moins  fondés,  pour   ne 
pas  dire  même  qu'ils  étoient  sans  fondement,  les  solli- 
citations, l'argent,  la  conformité  de  religion,  firent  que  ces 
deux  souverainetés  se  donnèrent  à   lui.  On  peut  voir 
dans  les  mémoires  qui  furent  faits  alors  le  peu  de  solidité 
des  moyens  sur  lesquels  il  se  fondoit  et  l'irrégularité  de  la 
formequ'ilyaeudans  les  États  quilui  ont  adjugés  lesdites 
souverainetés.  La  France  ayant  reconnu  depuis  cette  sou- 
veraineté, il  ne  pouvoit  être  question  de  troubler  en  aucune 
manière  le  nouveau  souverain.  Cependant  les  lois  du  pays 
exigeant  que  tous  prétendants  se  présentent  dans  les  qua- 
rante jours  après  la  mort  du  dernier  souverain  pourâe- 
mander  l'investiture,  sans  quoi  il  est  déchu  de  ses  droits , 
je  crus  qu'il  étoit  convenable  de  faire  quelques  démar- 
ches.   J'en  parlai  à  M.  Amelot  et  à  M.  le  Cardinal  qui 
trouvèrent    qu'il     n'y    avoit     point    d'inconvénient  , 
mais  que  le  Roi  ne  pouvoit  être  censé  instruit  de  ce  que 
je  ferois  et  qu'il  vouloit  bien  l'ignorer.  Je  priai  en  con- 
séquence M.  Estevon,  receveur  des  bois  et  domaines  de 
Franche -Comté,  qui  a  été  lieutenant  général  du  comte 
de  Montfort  et  qui  demeure  à  Dôle,  de  se  charger  de  la 
procuration  de  mon  fils.  On  lui  en  remit  d'abord  une  où 


(t)  La  famille  de  MM.  Chambrier,  considérable  à  Neufchâtel,  étoit  la  plus 
attachée  à  M>ne  de  Nemours.  C'est  un  de  cette  famille  qui  est  ici  chargé  des 
affaires  du  roi  de  Prusse.  (  Noie  du  duc  de  Luynes,) 


AOUT  1740.  285 

mon  fils  prenoit^  comme  dans  tous  les  autres  actes^  la 
qualité  de  prince  souverain  des  principautés  de  Neul- 
chàtel  et  de  Valengin;  mais  de  peur  que  ce  titre  ne  fit 
quelques  difficultés  dans  la  circonstance  dont  il  s'agissoit^ 
je  lui  en  envoyai  une  autre  où  cette  qualité  n'étoit  point 
mise,  .M.  Ëstevon  arriva  avant  la  fin  des  quarante  jours 
à  Neufchâtel,  et  malheureusement  pour  lui,  ce  même  jour, 
arriva  un  avocat  chargé  de  la  procuration  de  M.  de  Nesle 
pour  le  même  sujet.  M.  Estevon  alla  trouver  le  gouver- 
neur, quiétoit  alors  avec  sept  ou  huit  des  principaux 
membres  du  conseil  d^État  ;  il  lui  demanda  une  audience 
particulière  que  le  gouverneur  lui  accorda  sur-le-champ; 
il  lui  lut  sa  procuration ,  lui  expliqua  les  droits  de  mon 
fils  ;  le  gouverneur  Técouta  avec  patience,  et  lui  dit  qu'il 
étoit  bien  aise  d'en  conférer  avec  trois  de  ces  messieurs, 
qu'il  fit  appeler  sur-le-champ.  M.  Estevon  relut  de  nou- 
veau sa  procuration  et  leur  expliqua  encore  ce  qu'il  ve- 
noit  de  dire  au  gouverneur.  Le  résultat  fut  qu'on  luiren- 
droit  réponse  le  lendemain  à  huit  heures  du  matin. 
M.  d'Esté  von  s'étant  retiré,  l'avocat  de  M.  de  Nesle  vint 
faire  les  mêmes  représentations.  Il  y  a  grande  apparence 
qu'elles  furent  accompagnées  de  trop  de  vivacité ,  car  à 
huit  heures  du  soir,  le  même  jour,  le  gouverneur  envoya 
signifier  à  ces  messieurs  de  partir  sur-le-champ,  avec 
ordre  d'être  dans  douze  heures  hors  des  États  de  Neuf- 
châtel  ;  il  fallut  une  grande  négociation  pour  obtenir 
deux  heures  de  plus.  Us  partirent  sur  le  champ,  et  on  a 
su  depuis  que  tout  le  pays  avoit  été  en  rumeur  à  cette 
occasion.  M.  Ëstevon  a  dressé  un  procès-verbal  très-dé  • 
taillé  dont  j'ai  copie  et  qu'il  a  déposé  chez  un  notaire  à 
Pontarlier, 

Du  samedi  13,  Compiégne.  —  M"'*'  de  Campo-Florido 
présenta  hier  M"^  sa  fille,  qui  est  fort  petite  et  parolt  n'a- 
voir guère  que  quinze  ans;  elle  n'est  point  jolie  mais 
elle  est  bien  faite;  et  elle  l'amena  d'abord  chez  M™**  de 
Luynes ,  qui  lui  dit  que  M"''  de  Clermont  devant  aller  chez 


336  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

la  Reine  y  il  étoit  nécessaire  qu'elle  fût  prévenue.  M.  de 
Campo-Florido^  qui  n'avoit  point  encore  été  chez  cette 
princesse^  alla  sur-le-champ  lui  demander  son  agrément; 
il  fût  aussi  chez  Mademoiselle,  quHl  n'avoit  point  encore 
vue;  il  parolt  ne  faire  aucune  difficulté  sur  le  cérémonial 
jusqu'à  présent.  Il  me  disoit  il  y  a  quelques  jours  que  si 
M'^^de  la  Ch&tre  jugeoit  à  propos  de  présenter  la  prin- 
cesse de  Yachi,  sa  helle-fille,  quoique  l'usage  fût  en  Espa- 
gne que  les  fils  de  grands  eussent  les  mêmes  honneurs 
que  les  grands,  cependant  il  ne  feroit  point  de  difficulté 
qu'elle  demeurât  debout ,  parce  qu'il  falloit  se  conformer 
aux  usages  du  paya  où  on  étoit. 

M"*  de  Campo-Florido  monta  avec  M""  de  Luynes  chez 
la  Reine  un  moment  avant  le  jeu  ;  sa  fille  baisa  le  bas  de  la 
robe,  et  demeura  ensuite  au  jeu.  La  question  étoit  de 
la  présenter  au  Roi.  L'usage  n'est  point  que  l'on  présente 
au  Roi  les  fiUes  dans  son  appartement;  on  ne  les  lui  pré- 
sente que  chez  la  Reine.  M""  de  Flavacourt  et  de  la  Tour- 
nelle  ont  été  présentées  le  même  jour.  Tune  mariée  et 
l'autre  fille  ;  M"""  de  la  Tournelle  fut  présentée  dans  le  ca- 
binet du  Roi,  et  le  Roi  la  salua  ;  M""'  de  Flavacourt,  alors 
H"^  d  e  Hailly ,  fut  présentée  chez  la  Reine,  et  le  Roi  ne  lasalua 
point;  ce  n'est  pas  l'usage  lorsque  le  Roi  y  vient  un  moment 
auparavant  de  se  mettre  augrandcouvert.  M..de  Gampo- 
Florido  fut  donc  chez  M.  de  Gesvres,  M.  de  la  Trémoille 
n'étant  point  ici,  pour  le  prier  de  demander  l'agrément 
du  Roi.  S.  M.  ayant  passé  chez  la  Reine  à  neuf  heures , 
M"*  de  Clermont  présenta  M"'  de  Campo-Florido,  qui  s'é- 
tant  avancée  pour  faire  la  révérence  au  Roi,  le  Roi  se 
recula  et  ne  la  baisa  pas.  Le  feu  Roi ,  à  ce  que  j'ai  ouï 
dire,  ne  baisoit  plus  aucune  femme  dans  les  dernières 
années  de  sa  vie  ;  il  me  semble  même  que  les  présenta- 
tions se  faisoient  à  la  porte  du  cabinet;  ce  qui  est  cer- 
tain et  dont  je  me  souviens  parfaitement ,  à  la  mort  de 
M.  de  Chevreuse ,  mon  grand-père,  en  1712,  M""  de 
Lévis  et  de  Chaulnes  firent  à  Versailles  leurs  révérences 


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AOUT  1740.  237 

au  Koi  dans  sa  chambre^  à  la  porte  de  son  cabinet; 
il  leur  parla  même  avec  beaucoup  débouté.  J'y  étois.  Pré- 
sentement y  toutes  les  révérences  des  dames  et  toutes  les 
présentations  se  font  dans  le  cabinet  ;  les  tabourets  même 
des  duchesses  se  prennent  dans  le  cabinet^  et  du  temps 
du  feu  Roi  ils  se  prenoient  à  son  souper^  et  le  Roi  disoit  : 
«  Madame^  asseyez-vous.  » 

Le  Roi  fut  hier  à  la  comédie  avec  les  quatre  sœurs  ^ 
M"^'  de  Gramont ,  de  Lesparre  et  de  Brionne  ;  il  y  fut 
à  onze  heures  du  soir.  La  garde  monta  sur  la  place  un 
moment  auparavant  ^  et  il  y  avoit  outre  cela  un  détache- 
ment à  la  comédie;  il  revint  à  une  heure  après  minuit. 
Ces  princesses  et  M"®  de  Mailly  vinrent  chez  M"'  de  Luynes 
pour  jouer  à  cavagnole,  mais  comme  VP^  de  Mazarin  y 
étoit,  il  n'y  eut  que  M"*  de  Vintimille  qui  entra  un  mo- 
ment ,  et  elles  allèrent  jouer  chez  M™'  d'Humières.  Il  n'y 
a  aujourd'hui  que  les  quatre  sœurs  à  la  chasse. 

Ce  même  jour  fat  la  harangue  des  États  de  Languedoc; 
ils  étoient  conduits  par  M.  le  prince  de  Dombes  et  M.  de 
Brézé.  Non-seulement  M.  l'archevêque  de  Narbonne  ha- 
rangua le  Roi,  la  Reine,  M.  le  Dauphin  y  M.  le  prince  de 
Dômbes,  mais  il  harangua  même  M.  le  duc  de  Çharost 
comme  chef  du  conseil  de  finances;  c'est  l'usage. 

Du  mardi  16,  Compiègne.  —  M"*  de  X^ampo-Florido  fit 
présent  il  y  a  quelques  jours  à  la  Reine  d'une  tabatière 
de  jaspe  de  Sicile  avec  un  milieu  gravé  en  relief,  qui  est 
belle  et  singulière.  Elle  avoit  donné  quelques  jours  aupa- 
ravant à  M"^  de  Luynes  une  espèce  de  reliquaire  dans  un 
cadre  d'argent  des  Indes  (1) . 

M.  le  prince  de  Lichtenstein  fit  voir  à  la  Reine  il  y  a 
quelques  jours  deux  portraits  de  vieillards,  quiparoissent 
fort  naturels.  L'un  est  un  homme  seul  peint  les  yeux  fer- 


(t)  Ce  reliquaire  appartient  actuellement  à  l'église  de  Dampierre,  à  laquelle 
il  a  été  donné  par  M.  le  duc  de  Chevreuse ,  père  de  M.  le  duc  de  Luynes  d'au- 
jourdMini. 


2S8  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

mes,  qui  avoît  alors  ceàt  quatre-vingt-cinq  ans.  L'autre  iiti 
homme  et  sa  femme;  lemariavoit,  dit-on,  cent  soixante- 
douze  ans  et  la  femme  cent  soixante-quatre.  Ils  étoient  ma- 
riés depuis  cent  quarante-sept  ans,  M.  de  Lichtenstein  pré- 
tend que  c'est  une  chose  fort  avérée;  il  y  a  moins  de  dix 
ans  que  ces  gens  vivoient;  c' étoient  des  paysans  de  Hon- 
grie, du  Banat  de  Temeswar.  Beaucoup  de  gens  doutent 
de  la  certitude  de  ces  faits.  M.  de  Lichtenstein  a  pris  au- 
jourd'hui son  audience  de  congé;  c'est  une  audience 
particulière.  11  a  fait  un  compliment  court  et  en  françois. 
Il  a  reparu  malgré  celace  soiret  joué  même  avec  la  Reine  ; 
il  compte  aller  encore  k  Fontainebleau  avant  que  de  partir. 
Dusamedi20,  Compiègne,  —  Hier  la  ville  de  Paris  eut  au- 
dience du  Roi  et  de  la  Reine.  M.  Turgot,  prévôt  des  mar- 
chands ,  dont  le  temps  est  fini ,  étoit  en  robe  rouge  ;  M.  de 
Vatan,  qui  prend  la  place,  avoit  une  robe  noire.  M.  d'A- 
ligre,  conseiller  au  Parlement ,  harangua  le  Roi  ;  celui 
qui  est  chargé  de  cette  commission  s^appelle  scrutateur. 
Ils  se  mirent  tous  trois  à  genoux  devant  S.  M.  et  M.  d'A- 
ligre ,  et  y  restèrent  pendant  la  harangue  ;  ce  n'est  qu\ln 
genou  à  terre.  M.  de  Maurepas  lut  le  serment  que  M.  de 
Vatan  prêta  ;  après  quoi  s' étant  retiré,  M.  Turgot  alla  quit- 
ter sa  robe  rouge  et  M.  de  Vatan  prendre  la  sienne. 
Comme  je  n'étois  pas  présent  à  la  harangue,  je  l'ai  de- 
mandéeàM.  de  Gesvres,  quime  l'a  envoyée,  et  jelajoins  ici 
quoiqu'elle  ne  soit  pas  trop  bonne. 


COPIE    DE    LA   HARANGUE    DE    LA    VILLE. 


Sire, 


Votre  bonne  ville  de  Paris  regardera  toujours  comme  un  hommage 
précieux  le  serment  de  fidélité  et  d'obéissance  qu'elle  vient  renouveler 
en  ce  jour  à  V.  M.  Avec  quelle  satisfaction  se  livre-t-elle,  au  pied  de 
votre  trône,  aux  sentiments  que  votre  bonté  lui  inspire  et  dont  votre 
goût  pour  la  vraie  et  solide  grandeur  est  flattée  ;  toutes  vos  actions , 
Sire,  ont  pour  objet  l'avantage  de  vos  sujets,  et  vous  ne  voulez  arriver 
à  rimmortalité  que  par  la  félicité  de  vos  peuples;  si  vous  faites  la 


AOUT  1740.  239 

guerre,  c^est  pour  leur  procurer  une  paix  solide  et  honorable;  si  vos 
armées  victorieuses  vous  assurent  une  ample  moisson  de  conquêles  et 
de  lauriers,  vous  sacrifiez  tous  ces  avantages  à  notre  repos  et  à  notre 
tranquillité;  la  victoire  précédée  de  troubles  et  d*alarmes,  toujours 
teinte  de  sang  et  suivie  de  sanglots  et  de  gémissements,  est  souvent 
conduite  par  la  fortune,  et  vous  n'êtes  touché  que  de  cette  gloire  qui  vous 
est  propre,  qui  prend  sa  source  dans  les  grandes  qualités  de  votre  es- 
prit et  de  votre  cœur.  Arbitre  des  plus  puissants  princes,  vous  n'ou- 
bliez jamais  que  vous  êtes  notre  père.  Les  plus  grands  intérêts  ne 
vous  empêchent  point  de  veiller  auit  nôtres.  Votre  générosité  prévient 
tous  nos  besoins  et  nous  rend  ce  que  la  rigueur  des  saisons  nous  avolt 
enlevé  (1).  D^un  Roi  si  accompli  le  ministre  ne  pourroit  être  moins 
parfait  :  sous  les  grands  rois ,  sont  les  grands  hommes.  Votre  règne 
nous  en  fournit  plus  d'un  exemple  :  quel  magistrat  plus  capable  que 
celui  qui  fait  l'objet  de  nos  regrets  !  quel  chef  pi  us  désirable  que  celui 
que  nous  avons  l'honneur  de  vous  présenter  !  Tout  contribue,  Siro,  à 
vous  rendre  le  plus  grand  des  monarques.  Vous  régnez  sur  un  peuple 
qui  n'imagine  rien  de  plus  noble  que  de  vous  consacrer  sa  vie  et  ses 
biens,  et  qui  ne  désire  d'autre  récompense  de  ses  services,  sinon  d'être 
à  portée  de  vous  en  rendre  de  nouveaux.  Le  nombre  et  la  beauté  des 
monuments  publics  dont  votre  bonne  ville  vient  d'être  ornée  font  ad- 
mirer la  magnificence  de  votre  règne,  mais  les  douceurs  et  les  charmes 
dont  nous  jouissons  font  envier  aux  peuples  les  plus  heureux  l'avantage 
de  vivre  sous  votre  domination . 

M.  de  Vatan  alla  ensuite  à  l'audience  de  la  Reine  con- 
duit de  même  par  M.  de  Gesvres  et  par  M.  de  Maurepas. 
M.  Turgot  et  M.  d'Aligre  n'y  vinrent  point.  M.  de  Vatan 
harangua  seul  et  un  genou  à  terre.  Tous  les  échevins 
sont  aussi  à  genoux  comme  chez  le  Roi.  La  harangue  fut 
très-courte,  et  la  réponse  de  la  Reine  fut  presque  aussi 
courte  ;  ils  allèrent  ensuite  chez  M.  le  Dauphin  que  M.  de 
Vatan  harangua,  mais  sans  se  mettre  à  genoux*  Us  ne 
rendent  ce  respect  qu'au  Roi  et  à  la  Reine.  M.  de  Gesvres 
et  M.  de  Maurepas  présentèrent  aussi  M.  de  Vatan  chez 
M.  le  Dauphin.  On  ne  peut  assez  donner  de  louanges  à 
l'administration  de  M.  Turgot  dans  la  place  de  prévôt 


(1)  Allusion  aux  mesures  prises  par  le  gouvernement  |)oiir  faire  diminuer 
le  pain  à  Paris.  {\o\r  Barbier,  t.  UI,  année  1740). 


UO  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

des  marchands  ;  il  parolt  que  ce  que  peut  désirer  son  suc- 
cesseur c^est  de  la  remplir  aussi  dignement. 

Jeudi  18;  fut  la  harangue  du  Clergé  dans  la  cham- 
bre du  Roi,  le  fauteuil  tourné  le  dos  à  la  cheminée.  Le 
Roi;  qui  alloit  à  la  chasse  ce  jour-là,  étoit  habillé  en  vio- 
let avec  sa  culotte  de  chasse.  On  ouvrit  les  deux  battants. 
Le  Clergé  étoit  présenté  par  M.  de  Maurepas  et  M.  de 
Brézé;  les  agents  à  la  tète,  ensuite  M.  Tarchevèque  de 
PariS;  MM.  les  Archevêques  et  Évéques^  puis  le  second  or- 
dre. CefutTévéque  de  Lescar  qui  porta  laparole^  il  s'ap- 
pelle deChàlons  (1).  Son  discours  fut  très-long  et  ne  parut 
pas  fort  approuvé.  Il  finit  par  demander  au  Roi  l'assem- 
blée des  conciles  provinciaux;  c'est  l'usage  de  faire  tou- 
jours cette  demande.  Ils  n'allèrent  point  chez  la  Reine; 
ils  ne  haranguent  que  le  Roi.  C'est  à  l'occasion  de  la  fin 
de  l'assemblée.  Pendant  les  trois  jours  qu'ils  ont  été  ici;  il 
y  a  eu  deux  bureaux  ou  assemblées  chez  H.  le  chancelier; 
c'est  aussi  l'usage  du  Clergé  de  faire  des  représentations 
tant  sur  les  charges  imposées  sur  le  Clergé  que  sur  ce  qui 
regarde  la  discipline.  M.  le  contrôleur  général  répond 
aux  premières,  et  M.  le  chancelier  aux  secondes. 

M.  le  Dauphin  partit  hier  d'ici;  la  Reine  part  demain; 
et  le  Roi;  qui  a  été  jusqu'à  présent  sans  vouloir  dire  pré- 
cisément son  départ;  l'a  enfin  déterminé  hier  pour  mardi 
Taprès-dlnée .  Il  va  à  la  Meutte  où  il  courra  le  daim  et  ti- 
rera; il  arrivera  vendredi  à  Versailles  après  souper;  il  y 
restera  jusqu'au  mardi  ou  mercredi  qu'il  ira  courre  à  Se- 
nars  et  coucher  à  Choisy  ;  il  revient  à  Versailles  le  samedi 
ou  le  dimanche;  donne  audience  à  l'ambassadeur  de  Ve- 
nise le  mardi  d'ensuite,  qui  est  le  6  septembre  ;  il  part  le 
15  de  Versailles  pour  Choisy,  va  le  22  à  Villeroy  et  ar- 
rive le  23  à  Fontainebleau. 

M.  le  comte  de  Clermontet  M.  le  prince  de  Conty  par- 
tirent il  y  a  quelques  jours  ;  leur  affaire  n'est  point  déci- 


(I)  Hardouifi  «le  Cliâlons. 


AOUT  1740.  241 

dée^  et  on  croit  que  cela  se  teraûnera  dans  le  moment 
présent  par  dire  que  le  Roi  veut  laisser  les  choses  comme 
elles  sont;  ce  n'est  pas  ce  que  désirent  les  princes  du 
sang;  ils  voudroient  une  décision  formelle.  On  prétend 
que  M.  le  comte  de  Chàrolois  ne  parolt  pas  si  vif  présente- 
ment pour  les  intérêts  des  légitimés;  cependant  il  est  venu 
coucher  ici  une  nuit  et  n'a  point  vu  Mademoiselle. 

Du  lundi  22,  Compiègne.  — 11  y  eut  encore  hier  grand 
couvert,  où  la  Reine  fut  servie  par  ses  officiers.  Ordinaire- 
ment c'est  le  maître  d'hôtel  de  quartier  qui  vient  avertir 
la  Reine  qu'elle  est  servie  ;  tout  cela  se  fait  de  même  chez 
le  Roi.  Hier,  comme  le  maître  d'hôtel  de  quartier  n'y  étoit 
pas,  ce  fut  le  gentilhomme  servant  qui  vint  avertir  la 
Reine  ;  il  avoit  une  serviette  à  la  main  et  c'est  la  règle.  La 
Reine  nous  dit  que  la  règle  étoit  aussi  qu'il  devoit  avoir 
la  serviette  sur  l'épaule  ;  à  l'égard  de  cet  avertissement, 
qu'il  lui  étoit  arrivé  d'avoir  son  souper  servi,  il  y  avoit 
quelque  temps,  sans  être  avertie,  parce  qu'il  y  avoit  dis- 
.pute  entre  le  contrôleur  et  le  gentilhomme  servant.  Cette 
dispute  a  été  réglée  en  faveur  du  gentilhomme  servant, 
puisque  c'est  lui  qui  vient  avertir  la  Reine. 

M.  le  duc  de  Chaulnes  travailla  vendredi  dernier  pour 
le  détail  de  la  compagnie  des  chevau-légers  avec  le  Roi, 
en  présence  de  M.  le  Cardinal,  suivant  Tusage  ordinaire. 
Dans  ce  travail,  il  demanda  permission  au  Roi  de  remettre 
le  détail  de  la  compagnie  à  M.  le  duc  de  Picquigny,  son 
fils,  qui  est  titulaire  de  la  charge;  il  avoit  conservé  l'exer- 
cice pendant  six  ans  ;  il  le  remet  avant  la  fin  de  la  sixième 
année.  11  traita  dans  ce  travail  une  question  qui  paroit 
être  refusée  ;  c'est  au  sujet  de  M.  de  Fontaine ,  maréchal 
des  logis  de  la  compagnie  et  second  aide-major,  qui  est 
brigadier.  Dans  la  dernière  promotion,  M.  de  Fontaine  n'a 
point  été  fait  maréchal  de  camp,  quoiqu'il  Teut  dû  être  par 
son  ancienneté;  mais  on  prétend  que  MM.  les  maréchaux 
des  logis  ne  doivent  point  être  faits  officiers  généraux. 
M.  de  Fortisson,  premier  aide-major,  est  cependant  mare- 
T.  m.  16 


242  MÉMOIRES  MJ  DUC  DE  LUYNES. 

• 

chai  de  camp.  Vutmge  àe  ces  compagnies  est  (jm  les  m»- 
réchaux  des  logis  ne  montent  point  an  grade  de  eoraette; 
ils  comptoient  en  être  dédommagés  par  l'espérance  de 
parvenir  aux  grades  militaires  suivant  leur  rang.  M.  de 
Cbaulnes  en  parla  dans  cette  occasion-ei,  d'abord  à  M.  le 
Cardinal  qui  lui  dit  qu'il  pouvoit  kb  demander  au  ftoi, 
mais  qu'il  ne  croyoit  pas  qu  il  Tobtlnt;  et  od  effet  cette 
demande  n'a  pas  réussi. 

Du  mercredi  '^k,  Paris.  —  Lundis  le  Roi  courut  le  cerf  à 
Compiègne,  et  soupa  dans  ses  cabinets,  tf^^  de  Clermont^ 
M°**'  de  Mailly  et  de  Yintimille  furent  à  la  chasse^  et  soupè- 
rent  avec  le  Roi.  Mademoiselle^  qui  étoit  demeurée  à 
Compiègne^  ne  fut  ni  à  la  chasse  ni  du  souper;  quelques 
gens  ont  cru  qu'il  y  avoit  autant  de  mauvaise  humeur 
que  de  mauvaise  santé  (1).  Il  y  avoit  eu,  à  ce  que  j'ai  oui 
dire^  une  petite  différence  de  sentiments  ;  il  avoit  été  ré- 
glé que  ces  quatre  dames  ])artiroient  le  lendemain  en 
habit  de  chasse.  Mademoiselle  avoit  représenté  que  le 
Roi  voyageant  escorté  par  les  troupes  de  sa  maison ,  Tha- 
bit  de  chasse  n'étoit  guère  convenable.  Je  ne  sais  ps^  si 
cette  difficulté  a  été  réellement  faite;  mais  ce  qui  est 
de  certain  c'est  que  les  quatre  sceitFS  sond  venues  en  hahit 
de  chasse  avec  le  Roi^  et  que  Mademoiselle,  en  arrivant  à 
la  Heutte^  s'est  mise  dans  son  lit  et  n'a  point  soupe  avec 
S.  M. 

M.  le  Dauphin,  en  arrivant  à  Versailles,  a  trouvé  qua- 
rante-deux poteaux  dans  son  apparteuHînU  La  Reine,  en 
partant  pour  Compiègne,  avoit  demandé  à  M.  Gabriel  de 
faire  visiter  le  plancher  de  sa  chambre,  où  il  y  avoit 
quelques  endroits  qui  avoient  baissé;  quoiqu'on  l'eût 
assuré  qu'il  n'y  avoit  rien  à  craindre,  elle  a  voulu  (fae 
cette  visite  fût  faite  ;  on  a  trouvé  toutes  les  poutres  de  la 
chambre  et  du  cabinet  pourries,  et,  comme  on  n'avoitpas 

(I)  Suivant  d'Ârgenson,  Mademoiselle,  dès  le  mois  de  mare  1740,  étoit  en 
pUikw  diAftrAcp.  Voy.  t.  fly  (k.  150  à  153. 


AOUT  I74ti.  24é 

lé  iêïhps  de  faire  la  réparation  en  entier  et  qu'il  n'y 
avàii  pas  méine  â  Versailles  dans  ce  moment  aé  poutres 
potit  y  remettre ,  on  a  mis  des  poteaux ,  en  attendant , 
Jiouf  la  soutenir. 

ÎI  y  élit  Itiridi  â  Versailles  ti6é  sédition  ;  elle  venait  de 
fitiir  quand  là  ftefîiié  arHvai.  tes  boulangers  de  Paris  sont 
dans  Fumage  de  Venir  àctieiér  des  farines  à  Versailles  ; 
ayant  fait  chargea  plusieurs  charrettes  pour  les  amener  à 
Parîà,  lé  péupfé  s^âttroiipà  au  nôinbrè  d'environ  deux 
mille,  ^épîô'uséà  tkÉ  boùlari^è^s  à  coups  de  pierre  j  us- 
^tî'à  Virofla'j^,  et  èrilévâ  les  sacs  de  deux  cbàrettés. 
Les  Suisàes  dés  âtfiiië  (i) ,  cîhargés  de  U  pôÙcé  a  Versaîl-  . 
les,  prirent  lés  drmèà,  et  écartèrent  fcientAt  cette  populace  ; 
îl  y  a  érutiù  dé  ces  èuSsses  dé  blessé  ;  dix  ou  douze  boulan- 
gers ont  aussi  été  blessés  dansl'émeute.  L'occasion  de  cette 
sédîtiôri  avôit  été  dé  6e  (^ue  le  samedi  d'auparavant  le 
pain,  qui  étoit  le  maitin  â  3è  sois  les  douze  livres,  se  trouva 
le  §oïi^  à  40.  Léé^  fcôuïatngers  étant  venus,  suivàht  ïeur 
usagé  ôrdirîâîrèy  eiilevér  dés  farines,  le  peuple  crut  que  le 
pain  aBoit encore  reiichéttr,  et  se  souleva.  M.  le  maréchal 
de  lïoaille^,  jxxgëkhi  ((iie  të  qui  venoit  d'arriver  le  lundi 
poùvoît  être  plds  ôcmsidérable  le  premier  jour  de  mar- 
ché, alla  surJe-cliamp  à  la  iSleutfe  en  rendre  compté  au 
Roi,  et  lai  demainda  un  ordre  pour  avoir  des  froupés  de  la 
gardé  3é  Versailles.  U  est  vraisemblable  que  comme 
M.  le  Cardinal  étôrt  à  Issy,  ST.  de  Noailles  alla  le  voir  ou 
lui  écrivit;  ô'éSt  ée  que  Je  n'ai  pu  savoir  sûrertient;  mais 
de  quoi  je  suis  certain ,  6'est  que  le  ftoi  écrivit  sur-le 
chatnp  ttn  ordre  tout  entier  dé  sa  main,  coi^çù  à  peu  près 
dans  éeé  termes  (je  sai^  (Quelqu'un  qui  a  M  6ét  ordre 
entre  les  maîtis  de  M.  ïe  comte  dé  Noailles)  :  «Lé  com- 
mandant dé  mâf  garde  k  Versailles  donnera  à  M.  de 
NoaîHes  les  trouvée  nécessaires  pour  empôchei^  les  éméu- 


(1)  Voir  an  9.5  septembre  17  iO,  qtielquea  détails  mr  cette  «anlo.  de  police 
coinposi^p  do  trente-six  Fioninftes. 

1(1. 


244  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

tes  et  maintenir  Tordre  et  la  police.  »  Le  maréchal  re- 
vint à  Paris^  et  envoya  son  fils  à  Versailles  avec  cet  ordre^ 
lui  disant  de  concerter  avec  le  commandant  de  la  garde 
les  troupes  qui  seroient  nécessaires  et  de  faire  tirer  s'il 
étoit  à  propos.  Le  comte  de  Noailles  confia  tout  cet  arran- 
gement à  un  de  ses  amis^  qui  lui  conseilla  d'aller  avec 
moins  de  vivacité  et  de  se  contenter  de  faire  faire  des  pa- 
trouilles aux  environs  du  marché.  Le  comte  de  Noailles 
envoya  quérir  le  commandant  de  la  garde^  et  lui  montra 
l'ordre  écrit  de  la  main  du  Roi  ;  le  commandant  approuva 
l'arrangement  des  patrouilles  qui  a  été  exécuté^  et  tout  s'est 
passé  aujourd'hui  sans  bruit.  Je  crois  que  M.  le  maréchal 
de  Noailles  auroit  bien  voulu  que  l'ordre  du  Roi  n'eût 
pas  été  montré;  il  a  même  paru  désapprouver  que  son  fils 
eût  été  aussi  vite. 

Du  vendredi  26,  Paris.  —  On  eut  hier  des  nouvelles 
de  l'élection  du  Pape;  il  y  avoit  plus  de  six  ou  sept 
mois  que  le  conclave  duroit.  Le  cardinal  Âldovrandi 
avoit  été  mis  sur  les  rangs  et  avoit  eu  jusqu'à  31  et  32 
voix.  On  sait  qu'il  faut  les  deux  tiers  et  même  je  crois 
une  ou  deux  par  delà;  maisle  cardinal  Aldovrandi,  voyant 
que  les  esprits  ne  se  réunissoient  point ,  avoit  sollicité 
lui-même  le  sacré  collège  de  jeter  les  yeux  sur  un  autre  ; 
enfin  le  cardinal  Lambertini  a  été  élu  et  prend  le  nom  de 
Benoit  XIV;  il  étoit  de  la  création  de  Benoit  XIll.  Je  de- 
mandai hier  à  M.  de  Lomellini,  envoyé  de  Gênes,  quel 
étoit  le  caractère  d'esprit  de  ce  pape;  il  me  dit  qu'il  l'a- 
voit  beaucoup  connu  parce  qu'il  a  été  archevêque  de 
Bologne  pendant  huit  ou  dix  ans  ;  que  c'étoit  un  prélat 
de  beaucoup  d'esprit  et  extrêmement  savant,  de  mœurs 
irréprochables;  quoiqu'il  soit  né  gentilhomme,  c'est 
pourtant  par  sa  science  qu'il  est  parvenu  à  la  qualité  de 
cardinal.  Il  passoit  à  Bologne  pour  être  fort  sévère  et, 
par  cette  raison,  n'y  étoit  pas  fort  aimé  ;  il  n'est  pas  riche, 
et  y  faisoit  peu  de  dépense,  il  est  aimable  dans  la  con- 
versation ,  il  passoit  même  alors  pour  un  peu  causti- 


AOUT  1740.  US 

que  (1).  Dans  le  temps  qu'il  étoit  à  Bologne,  il  avoit  con- 
tracté une  habitude  dont  il  se  sera  apparemment  corrigé, 
qui  étoit  de  mêler  dans  la  conversation  beaucoup  de  mots 
et  expressions  malhonnêtes,  quoique  cependant  sa  con- 
duite fût  des  plus  régulières.  G^estrintimeami  du  cardinal 
Tencin.  M.  le  cardinal  de  Fleury  est  plus  satisfait  qu'un 
autre  de  cette  élection,  le  cardinal  Lambertini  ayant  tou- 
jours déclaré  que  son  désir  étoit  que  l'on  défér&t  la  tiare 
à  notre  premier  ministre  et  qu'il  lui  donnoit  «a  voix  avec 
grand  plaisir.  Le  Pape  n'a  que  soixante -cinq  ans.  Il  me 
paroitque  l'on  convient  après  tout  que  c'est  le  plus  digne 
choix  que  l'on  pût  faire  pour  le  bien  de  l'Église. 

M*"*  la  duchesse  de  Gontaut  mourut  hier  à  quatre 
heures  du  matin;  elle  étoit  dame  du  palais.  Gette  place 
se  trouve  naturellement  remplie  par  M""*  de  Fleury,  qui 
étoit  surnuméraire.  M""*  de  Gontaut  n' avoit  que  quarante 
ans  ;  elle  est  morte  de  la  poitrine  ;  elle  étoit  fille  de  M"*  la 
maréchale  deGramont  et  petite-fille  de  M"*  la  maréchale  de 
Noailles,  qui  sont  toutes  deux  vivantes;  elle  avoit  épousé  le 
fils  aîné  de  M.  le  maréchal  de  Biron,  mort  depuis  plusieurs 
années;  elle  étoit  sœur  de  M.  le  duc  et  de  M.  le  comte  de 
Gramont.  Elle  avait  eu  un  garçon  et  une  fille;  le  garçon 
étoit  le  petit  duc  de  Lauzun,  mort  depuis  quinze  ou  dix- 
huit  mois  sans  avoir  été  marié;  la  fille  avoit  épousé  M.  de 
Montmirel,  aujourd'hui  Courtenvaux.  Elle  mourut  aussi 
il  y  a  deux  ou  trois  ans,  laissant  un  garçon  et  une  fille. 

C'étoit  hier  la  fête  Saint-Louis.  Le  Roi  qui  étoit  à  la 
Meutte  ne  chassa  point  ;  il  fut  à  vêpres  et  au  salut  aux  Bons- 
Hommes. 


(I)  Il  disoit  pendant  le  conclave:  «S'ils  veulent  pour  pape  un  grand  saint,  ils 
éliront  le  cardinal  Gottî  ;  s'ils  désirent  un  grand  politique,  ce  sera  le  cardinal 
Aldovrandi,  et  s'ils  veulent  un  grand  polisson,  ce  sera  moi  qu'ils  feront.  »  Cela 
est  dans  son  caractère.  Le  cardinal  Lambertini  est  Bolonois  ainsi  que  les 
cardinaux  Gotti  et  Aldovrandi.  (Note  du  duc  de  Luynes,) 


246  MRMOIRKS  pU  DUC  DK  LUYJSES. 


SEPTEMBBEa 

Audienee  de  congé  de  M.  de  Nassau.  —  Nouveaux  détails  sur  Télection  du 
Pape.  —  La  Reine  va  à  Bagnulet.  — Le  roi  de  Prusse  à  Strasbourg.  —  Goq- 
doie  doonée  au  Roi  par  la  ville  de  Paris.  —  Audience  de  ramt)assadeur  de 
Vefiis^.  •—  Droit  de  la  daqae  d*hof)neur  d^  nommer  te  garçon  chargé  de 
faire  du  feu  dans  Tappartement  de  la  IJeipe.  —  liettf^  de  T^y^ue  de  Bayeux 
sur  un  armateur  espagnol.  —  Trait  du  Dauphin.  —  Bénéfices  donnés.  — 
Visite  du  Roi  au  cardinal  de  Fieury.  —  Séditions  causées  par  la  cherté  des 
hiés.  —  Tr^nsiatiQD  f)e  la  châsse  de  saint  Oni^ime  à  la  chapelle  de  Ver- 
sailles. —  Voyage  de  Fontainebleau. 

Du  jeudi  1",  Versailles.  —  M.  de  Nassau  put  avant- 
hier  audience  de  congé.  J^ai  marqué  plus  baut  que  ce 
M.  de  Nassau  est  Weilbourg;  il  a  beq.pcoup  joué  d^n^  ce 
pays -ci  et  phacun  pherchoit  à  le  gagner  ;  je  crois  qu'on 
n'y  a  pas  réussi.  II  n'eut  qu'i^ne  ^udigRce  particulière. 
J'^tois  ^  cellp  qu'il  eut  chez  la  I^eine.  U  y  fut  ponduit 
par  H.  de  Sainctot,  introducteur,  pt  M-  de  }fi  Tournelle , 
sous-introducteur  des  ambassadeur^.  La  Reine  étoit  de- 
bout auprès  dp  sa  table. 

Ce  même  jour,  le  nonce  put  ai|ssi  ftwdience  particulière 
du  Roi  ppur  lui  faire  part  de  l'éleptiqn  du  Pape,  qui  f^t 
fai^e  le  17  de  ce  moi^.  {1  apporta  s^u  Rpi  upe  lettre  de  Sa 
Sainteté;  ce  n'est  point  un  l^fef  ;  les  brefs  sont  signés  à 
ladaterie  et  nop  ^u  Pape,  et  cpUe-ci  es^  datée  de  ]^  main 
dit  Pape.  Le  Roi  nous  paru|  fort  content  4^  cette  lettre. 
M.  le  Cardinal ,  qui  étoit  à  rau4iencp  de  BJ.  4©  Nassau 
chez  la  Reiqe,  croyoit  que  le  nonpp  y  yiendrpit  ftqs^i^j  mais 
il  n'en  fut  pas  question. 

J'ai  déjà  marqué  ci-dessus  que  le  cardinal  Aldovrandi 
avoit  eu  pendant  longtemps  trente-deux  ou  trente -trois 
\o\x  sur  cinquante,^  et  i\  ri'en  f^vit  q^e  Ips  ^p^îf  tiers  et 
une  par  delà  ;  ainsi  on  ne  peut  en  avoir  appraohé  da- 
vantage. Voici  ce  que  j^ai  appris  sur  cette  affaire. 
Comme  la  faction  du  cardinal  Albani,  qui  est  camerlingue, 
étoit  toujours  opposée  à  celle  du  cardinal  Aldovrandi,  et 


SEPTEMBRE  1740.  247 

que  cependant  il  paroi ssoit  que  celle-ci  devoit  à  la  iiu 
remporter,  puisque  dans  deux  scrutins  et  deux  accessit 
qu'il  y  a  par  jour  elle  se  soutenoit  depuis  deux  mois,  un 
cordelier  (1),  connu  du  cardinal  Aldovrandi,  lui  écrivit 
et  lui  proposa  de  lui  permettre  de  faire  quelques  dé- 
marches auprès  de  la  famille  du  cardinal  camerlingue. 
Aldovrandi  eut  la  faiblesse  d'y  consentir  et  de  faire  une 
réponse  par  écrit  au  cordelier  ;  il  lui  manda  :  a  Vous 
êtes  maître  en  Israël,  et  vous  pouvez  faire  ce  que  vous 
jugerez  à  propos,  pourvu  qu'il  n'intéresse  ni  mon  hon- 
neur ni  ma  conscience.  »  Sur  cette  réponse ,  le  cordelier 
ayant  agi  auprès  de  la  famille  du  camerlingue,  obtint 
des  lettres  qui  furent  écrites  à  ce  cardinal  par  ses  parents 
et  parentes  pour  le  prier  de  ne  plus  s'opposer  à  l'élec- 
tion d'Aldovrandi,  qui  paroissoit  être  désiré  presque 
d'un  commun  consentement.  Albani,  surpris  de  ces  re- 
commandations non  attendues,  chercha  à  en  pénétrer  le 
motif,  et  sachant  la  confiance  qu'avoit  Aldovrandi  en  ce 
cordelier,  envoya  chercher  ce  religieux,  etl'entretintdans 
une  espèce  de  parloir,  comme  il  y  en  a  au  conclave.  Il  le 
tourna  de  tant  de  façons  que  le  cordelier  avoua  la 
lettre  d'Aldovrandi  ^a.  montra  et  la  remit  même  au  car- 
dinal Albani.  Albani  lit  sur-le-champ  usage  de  cette 
lettre  pour  faire  voir  aux  cardinaux  qu'il  y  avoit  de  la 
simonie  dans  cette  élection.  Les  partisans  d'Aldovrandi 
se  rassemblèrent  alors  pour  jeter  les  yeux  sur  un  autre 
sujet ,  et  tout  se  tourna  du  côté  du  cardinal  Lambertini. 
On  prétend  que  la  réponse  d'AldovrançU  avoit  été  écrite 
à  la  marge  sur  la  lettre  même  du  cordelier,  et  que  lorsque 
cette  réponse  fut  remise  à  Albani,  la  lettre  du  cordelier 
se  trouva  effacée  avec  de  l'eau-forte  ou  coupée,  mais 
qu'enfin  il  ne  parut  que  l'écriture  d'Aldovrandi.  On 
prétend  aussi  que  le  cordelier  avoit  la  confiance  d' Albani 


(1)  Ce  n*est  pas  un  conlelier,  c'e&t  un  augustin.  {Noie  du  duc  de  LuyneSé) 


348  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

et  que  c'étoit  lui  qui  Tavoit  fait  agir.  Ce  qui  paroit  le 
plus  certain,  c'est  la  réponse  ou  lettre  d'Aldovrandi  au 
cordelier. 

La  Reine  fut  hier  à  Bagnolet  (1)  ;  elle  partit  d'ici  à  trois 
heures  ;  elle  avoit  trois  carrosses  sans  compter  celui  des 
écuyers.  Elleavoit  quatorze  dames  avec  elle,  M"*  deLuynes 
et  M"*®  de  Mazarin  dans  son  carrosse  suivant  Tusage.  11  n'y 
eut  point  de  fête  à  Bagnolet;  M"^  de  Luynes  présenta  la  ser- 
viette à  M"*  d'Orléanspour  la  présenter  à  la  Reine.  D'abord 
ce  fut  une  promenade  dans  le  jardin  et  dans  les  différents 
cabinets.  Dans  le  premier  de  ces  cabinets  l'on  apporta  des 
glaces,  la  Reine  en  prit  ;  on  remarqua  qu'elle  n'avoit  point 
proposé  à  M"* la  duchesse  d'Orléans  d'en  prendre  avec  elle. 
Il  y  eut  un  grand  souper  et  ensuite  un  grand  cavagnole 
à  vingt  tableaux,  qui  dura  jusqu'à  deux  heures  et  demie 
que  la  Reine  est  partie.  Elle  est  arrivée  ici  à  cinq  heures. 

Je  fus  hier  à  Ghoisy.  Le  Roi  étoit  à  la  chasse  ;  M"^  de 
Clermont,  M"**  de  Mailly ,  de  Vintimille  et  de  Ségur  y 
étoient  en  calèche.  M"*  la  maréchale  d'Estrées  étoit  de- 
meurée à  Choisy,  et  Mademoiselle  y  arriva  à  huit  heures 
du  soir.  Pendant  le  souper  le  Roi  lut  tout  bas  une  lettre 
fort  longue ,  qui  est  du  maréchal  ée  Broglie  ou  de  M.  de 
Breteuil ,  par  laquelle  on  lui  rendoit  compte  de  l'arrivée 
du  roi  de  Prusse  à  Strasbourg.  Il  y  arriva,  lui  quatrième, 
il  y  a  cinq  ou  six  jours;  il  avoit  avec  lui  le  prince  Guil- 
laume-Auguste, son  frère.  Le  roi  de  Prusse,  en  passant  à 
Kehl,  s' étoit  annoncé  sous  le  nom  d'un  comte  prussien 
nommé  le  comt^Dufour  ;  il  alla  loger  à  l'auberge  ;  mais 
comme  il  avoit  curiosité  de  raisonner  avec  quelques-uns 
de  nos  officiers  sur  le  détail  des  troupes ,  il  en  pria  quel- 
ques-uns à  dîner.  Ces  officiers  ayant  quelque  soupçon  que 
ce  pouvoit  être  le  roi  de  Prusse,  vinrent  le  dire  à  M.  le 
maréchal  de  Broglie,  qui  se  servit  de  quelques  Prussiens 


(1)  Maison  appartenant  à  la  duchesse  d'Orléans. 


SEPTEMBRE  1740.  249 

de  la  garnison  de  Strasbourg  pour  s'assurer  de  la  vérité. 
Le  prétendu  comte  Dufour  vint  voir  M.  le  maréchal  de 
Broglie,  qui  lui  demanda^  en  l'appelant  cependant  Sire 
et  Votre  Majesté,  s'il  vouloit  être  traité  en  roi  ou  en 
comte  Dufour.  Le  roi  de  Prusse  lui  ayant  répondu 
qu'il  vouloit  être  traité  en  comte  Dufour,  M.  de 
Broglie  ne  se  servit  plus  des  mômes  termes,  mais  lui 
parloit  toujours  à  la  tierce  personne.  Il  lui  donna  un 
ingénieur  pour  lui  faire  voir  les  fortifications;  il  vit 
monter  aussi  la  parade  et  fut  fort  content  de  la  garnison. 
Ayant  eu  envie  d'aller  à  la  comédie ,  M.  le  maréchal  de 
Broglie  y  fit  mettre  un  fauteuil  et  un  tapis  de  pied,  ce 
qui  détermina  le  roi  de  Prusse  à  n'y  point  aller  et  même  à 
partir,  d'autant  plus  qu'il  étoit  tellement  reconnu  qu'on 
le  suivoit  dans  les  rues.  Il  partit  donc  sur  les  six  heures 
du  soir,  le  lendemain  de  son  arrivée,  sans  retourner  chez 
H.  le  maréchal  de  Broglie,  à  qui  il  écrivit  pour  lui  en  faire 
des  excuses.  J'oubliois  une  circonstance,  c'est  que  dans  le 
premier  moment,  M.  de  Broglie ,  dans  l'incertitude  si  le 
roi  de  Prusse  étoit  du  nombre  de  ces  quatre  étrangers , 
leur  proposa  d'entendre  la  messe  ;  c'étoit  apparemment 
un  dimanche;  il  n'y  en  eut  qu'un  des  quatre ,  lequel  est 
catholique ,  qui  fut  à  la  messe  ;  les  autres  dirent  qu'ils 
ne  l'entendoient  point ,  ou  qu'ils  aimoient  mieux  aller  se 
promener,  ce  qui  confirma  encore  davantage  M.  de  Broglie 
dans  le  soupçon  qu'il  avoit. 

Du  dimanche  4,  Versailles.  —  Le  Roi  alla  lundi  der- 
nier tirer  dans  le  petit  parc  ;  M.  le  Dauphin  suivit  S.  M.  et 
ne  tira  point. 

Les  vingt-quatre  violons,  qui  ont  coutume  de  jouer  au  dî- 
ner du  Roi,  au  retour  des  voyages  de  Compiègne  et  de  Fon- 
tainebleau et  le  jour  de  Saint-Louis,  ne  firent  ce  concert 
que  dimanche  dernier,  lequel  a  été  pour  le  retour  et  pour 
la  fête  de  Saint-Louis.  Le  Roi  étoit  à  la  Meutte  le  jour 
Saint-Louis,  et  les  vingt-quatre  n'y  jouèrent  point.  S.  M.y 
étoit  restée  jusqu'au  26  ou  27. 


360  MÉMOIRES  PU  DUC  DE  LUYNES. 

y  al,  je  crois ,  marqué  >  il  y  a  eoviroa  quinze  jours,  la 
mort  de  W.  de  la  Fare«Toumac  ;  il  étoit  gouverneur  de 
ViUefranche  en  Roussillon  ;  ce  gouvernement  vient  d'élre 
donné  h  Sf.  le  marquis  de  Montai,  lieutenant  général^  qui 
avoit  épousé  la  sœur  de  M.  de  Villacerf. 

D^  mardi  6 f  Venailhs.  -^  Le  Roi  est  revenu  cette  nuit 
de  Cboisy.  Hier,  au  retour  de  la  chasse  à  Sénart,  il  monta, 
dans  ses  gondoles,  qu'il  avoit  fait  avancer  jusqu'à  la 
hauteur  de  Soizy^sous-Étioles ,  vis-à-vis  Petit-Bourg  ;  il  y 
avoit  la  grande  gondole  de  la  ville  et  une  autre  plus 
petite,  qui  vient  aussi  de  la  ville,  et  plusieurs  chaloupes. 
Le  Hoi  se  déshabilla  dans  un  de  ces  bàtimentg.  Les  deux 
princesses  et  les  dames  qui  avoient  été  à  la  chasse  s'em- 
barquèrent avec  le  Roi  ;  on  se  mit  à  table  avant  sept 
heures ,  toutes  les  chaloupes  et  gondoles  fort  éclairées , 
ce  qui  faisoit  un  beau  spectacle.  On  descendit  la  riviôre 
au  courant  de  Teau,  et  le  Roi  fit  jeter  l'ancre  à  une  demi- 
lieue  de  Cboisy,  jusqu'à  ce  que  son  souper  fût  fini.  M"*^  de 
Slailly,  qui  est  de  semaine ,  avoit  demandé  permission 
jusques  aujourd'hui.  Le  Roi  retourne  vendredi  matin  à 
Cboisy,  mais  les  dames  n'iront  que  le  samedi. 

Aujourd'hui  étoitraudiencedeTambassadeur  de  Venise; 
il  fit  son  entrée  dimanche  à  Paris^  partant  de  Picpus  à 
Fordinaire,  conduit  par  M.  le  maréchal  d'Asfeldt.  J'ai 
déjà  s^rom^nt  marqué  que  c'est  l'usage  que  les  amhassa* 
deurs  soient  conduits  par  un  maréchal  de  France  à  leur 
entrée  à  Paris  et  par  un  prince  lorrain  à  Versailles.  C'est 
M.  de  Rrionne  qui  conduisoit  aujourd'hui  l'ambassadeur 
et  qui  marchoità  sa  droite^  et  M.  de  Sainctot  à  sa  gauche. 
Il  n'y  a  rien  de  particulier  à  cette  entrée  ;  l'ambassadeur 
a  eu  rhonneur  des  armes;  le  capitaine  des  gardes  l'a  reçu 
à  l'entrée  de  la  salle  des  gardes  che^  le  Roi,  et  le  chef  de 
brigade  c\\e%  la  Reine  ;  le  fauteuil  du  Roi  étoit  dans  le 
balustre^  Qn  a  ouvert  les  deux  battants  chex  la  Reine; 
sQp  fauteuil  étoit  dans  le  grand  cabinet  avaut  sachambre, 
un  valet  de  chambre  seul  derrière  le  fauteuil.  L'ambassa* 


SEPTEMBRE  ^740.  S^i 

deur  étoit  habillé  à  la  mode  vénitienne  ;  c'est  un  manteau 
noir  pUssé^  4  peu  près  comme  celui  des  maîtres  des  requèf 
tes^  m^is  renoué  avccdeç  rubans  noirs.  Les  carrosses  de 
rambassadeupont  été  trouvés  fort  beaux;  il  y  en  a  quatre. 
La  maladie  du  nommé  Brunet,  lequel  est  chargé  de 
faire  du  fei;  dans  tous  les  appartements  et  les  cabinets  de 
la  Reine,  me  jjonne  pecasipn  (Jj^  parler  d'un  des  droits  de. 
la.d^me  ^'konn^ur.  C^tte  place  vaut,  àce  que  Ton  dit,  8  ou 
900  francs;  l'habillement  en  est  assez  beau,  car  c'est  un 
habit  rouge,  galonné  d'argent  sur  toutes  les  coutures. 
Brunet  avoit  été  mis  dans  cette  place  par  M*"®  la  u^aré- 
chalede  Bouf fiers,  a^  ipariage  de  la.  Rei^e.  Comme  il  est 
dans  un  éti^t  où  Ton  n'attend  que  I0  moment  de  sa  mort, 
un  des  gens  de  H*^*  de  Luynes  lui  avoit  demandé  cette 
place;  et  comme  elle  n'a  point  été  vacante  depuis  le 
msiriagede  la  Reine,  M"®  de  Luynes  avoit  quelque  incer- 
titude sup  le  droit  qu'elle  avoit  d'y  nommer,  l^a  Reine,  à 
qui  Q\x  pn  ^vmt  proposé  un  qa'eUe  désiroit  de  faire  suc- 
céder à  Brunet,  demanda  il  y  a  quelques  jours  à  H.  de 
Haurepas,  qui  me  l'a  conté  aujourd'hui,  ce  qu'elle  devoit 
faire  par  ^apport  à  M"*  de  Lûynès,  M.  de  Maurep^s  lui 
conseilla  de  lui  en  parler;  en  conséquence,  la  Reine  dit 
hier  à  M"™^  de  Luynes  qu'elle  avoit  une  affaire  à  elle  et 
lui  parla  de  cejui  qu'elle  désiroit  mettre  à  la  place  de 
Brunet,  lui  demandant  en  quelque  manière  son  agrément. 
Qn  sait  que  d©  pareilles  démarches  sont  des  ordres. 
M.  de  maurepas  m'a  dit  que  le  droit  de  nomination  à 
cette  place  appartenait  sûrement  ou  à  la  surintendante 
ou  à  la  dame  d'honneur,  qu'il  ne  pou  voit  y  avoir  de  dif- 
ficulté sur  cela  qu'entre  ces  deu^  charges. 

flxirqU  d^mçlettrs  d^  J4.  Pévfqm  de  Bqj^uqo  (t),  du  Vi  septembre 
*  ^740,  datiç  de  Sov(i,WiervkiLoç, 

Nous  avons  ici  sur  notre  cqte  un  armateur  espagnol  qui  donne  la 
chasse  aux  vaisseaux  anglois  et  gène  beaucoup  leur  commerce  dans  la 

(UPa.ul4'4«»ei[t(|el,pyi^g. 


252  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Manche  ;  il  a  déjà  pris  quatre  de  leurs  vaisseaux  marchands.  Son  bâ- 
timent est  une  demi-galère  à  seize  rames,  huit  de  chaque  côté;  il  n'y 
a  qu'un  pont  ;  il  ne  prend  que  quatre  pieds  d*eau  ;  il  a  trois  voiles, 
huit  pièces  de  canon  et  quarante  hommes  d'équipage;  chaque  homme 
a  cinq  coups  à  tirer,  un  sabre,  une  hache,  et  une  espèce  de  massue, 
formée  par  deux  balles  ramées,  de  la  pesauteur  de  six  livres.  Il  est  très- 
bien  fourni  de  toutes  sortes  de  munitions;  les  hommes  de  cet  équipage 
sont  de  toutes  nations,  jeunes,  déterminés,  dispos.  Dès  qu'un  vaisseau 
parott,  ils  vont  le  reconnottre;  leur  bâtiment  vole;  quand  il  y  a  du 
vent  il  fait  sept  lieues  par  heure;  dans  la  bonace  ils  voguent  avec  les 
rames;  si  le  bâtiment  qu'ils  reconnoissent  est  anglois  et  n'est  point 
très-fort,  ils  vont  d'abord  à  l'abordage,  se  battent  comme  des  lions, 
grimpent  comme  des  chats  et  l'affaire  est  bientôt  décidée.  Si  le  vais- 
seau est  trop  fort,  ils  le  laissent  passer  ;  et  lorsqu'on  vont  leur  donner 
la  chasse,  ils  s'éloignent  comme  un  trait  et  trouvent  toujours  une  re- 
traite assurée  dans  le  voisinage  de  la  terre ,  qu'ils  ne  craignent  pcmit, 
attendu  le  peu  d'eau  que  prend  leur  bâtiment.  On  arme  deux  bâti- 
ments en  Angleterre  pour  lui  donner  la  chasse,  mais  il  parott  ne  s'en 
pas  beaucoup  embarrasser.  Il  est  venu  il  y  a  huit  jours  pour  faire 
de  l'eau  à  Courseules,  à  une  lieue  d'ici.  C'est  par  là  que  je  sais  tous 
ces  détails,  et  il  y  avoit  longtemps  que  l'on  parloit  des  prises  quil 
faisoit. 

Jeudi  15,  Dampierre.  —  Il  y  a  quatre  ou  cinq  jours 
que  M"*  de  Lichtenstein  prit  congé  du  Roi  et  de  la  Reine, 
mais  sans  aucune  cérémonie;  elle  fut  seulement  au 
souper. 

Le  Roi  alla  à  Choisy  vendredi  dernier.  Il  partit  le  matin 
pour  aller  courre  à  Sénart,  d'où  il  revint  coucher  à  Choisy. 
Il  n'y  avoit  point  de  dames;  M"*'  de  Mailly,  qui  étoitde 
semaine,  n'y  alla  que  le  samedi  ;  M°*  de  Vintimille  partit 
le  samedi  matin. pour  aller  avec  M""  sa  sœur  à  Choisy; 
outre  ces  deux  dames,  il  y  avoit  M"®  de  Clermont,  M™*  la 
maréchale  d'Estrées  et  M"*^  de  Talleyrand.  Le  Roi  est  re- 
venu cette  nuit  ;  il  courut  hier  à  Sénart  et  vint  monter 
dans  sa  gondole  de  la  ville,  comme  le  dernier  voyage,  à 
Soizy.  Il  soupa  dans  cette  gondole  (la  table  étoit  de  2^ 
couverts),  et  revint  à  Choisy  en  se  laissant  aller  au  cours 
de  la  rivière.  Il  retourne  dimanche  prochain  à  Choisy  ; 
mais  il  ira  auparavant  souper  chez  M.  le  Premier  à  Ivry, 


SEPTEMBRE  1740.  353 

et  lundi  à  la  petite  maison  de  M.  le  prince  de  Dombes  à 
Laqueue.  Il  va  toujours  jeudi  souper  àVilleroy,  et  arrive 
vendredi  à  Fontainebleau. 

Du  lundii9,Dampierre, — M.  l'abbé  de  Guisiel  nous  ap- 
porta hier  ici  la  liste  des  bénéfices^  que  -M.  Gérard  lui 
avoit  donnée .  Personne  n'en  savoit  encore  rien  à  Versailles, 
pas  même  l'abbé  de  Sainte-Hermine,  aumônier  de  la  Reine. 
La  Reine  n'en  savoit  rien  non  plus.  Avant-hier  j'étois  à 
Versailles  et  je  causois  tête  à  tête  avec  M.  Fevêque  de  Mi- 
repoix,  qui  me  dit  que  Ton  avoit  parlé  de  donner  les  bé- 
néfices, mais  qu'apparemment  cela  étoit  remis.  Gela 
prouve  combien  les  secrets  de  H.  le  Cardinal  sont  difficiles 

• 

à  pénétrer. 

Dans  cette  même  conversation,  M.  de  Mirepoix  me  ra- 
contoitun  trait  d'esprit  et  d'amitié  de  M.  le  Dauphin,  qui 
mérite  d'être  rapporté.  M.  de  Mirepoix  a  eu  pendant  quel- 
ques jours  son  valet  de  chambre,  nommé  Paumier,  ma- 
lade dangereusement;  il  l'aime  fort,  il  en  étoit  inquiet. 
Les  enfants  en  général,  et  les  Bourbons  en  particulier,  re- 
tiennent fort  bien  les  noms  des  domestiques.  M.  le  Dauphin 
savoit  le  nom  de  Paumier,  et  en  demandoit  des  nouvelles 
souvent  avec  vivacité  et  amitié.  Il  proposa  à  M.  de  Mire- 
poix  de  s'aller  promener  avec  lui  à  Trianon  ;  et  après 
deux  heures  de  promenade  il  s'approcha  de  lui  en  reve- 
nant, et  lui  dit:  «  Vous  étiez  inquiet  de  Paumier,  j'ai  été 
bien  aise  de  vous  faire  passer  deux  heures  de  bon  temps.  » 

M.  le  Dauphin  part  demain  et  va  dîner  à  Ghoisy  avec 
le  Roi.  Comme  M*"®  deChàtillon  part  le  même  jour,  le  Roi 
lui  a  fait  dire  par  M.  de  Ch&tillon  d'aller  aussi  dîner  à 
Ghoisy. 

LISTE  DES  BENEFICES   DONNÉS   AU   MOIS   DE   SEPTEMBRE 

1740. 

Lyon,  à  M.  le  cardinal  de  Tenein. 

Embrun;  abbé  Fouquet,  ancien  agent  générai  du  Clergé. 

Nevers;  Hugues,  vicaire  général  d'Embrun. 


ié4  MÉMOIRES;  hv  Itbt  ht  i.itïnes. 

T«#Mf  de  ftemitMiitaé  Satfi^AfiMfe,  fkAirif  géa^rM  fléPéri- 

Abbaye  de  Bolbonne,  à  Tévèque  d^lMtttpeflItr. 

De  Releeq,  à  Tâbbé  ée  UtsiM^  antteo  ageatgétiAM  dv  GMgé. 

De  Saint-Sattveur-le-Vieomtei  âbbé  de  Léon. 

D*£ssey }  abbé  d*£spaluDqiie»¥ieaire  général  de  Lensar. 

De  Hambies  ;  abbé  de  Pontac,  aamônier  de  la  Beine. 

De  Chaage  ;  abbé  de  Polastron. 

De  Tréport  ;  abbé  de  Saiot-Pierre,  archidiacre  de  Rouen. 

Dés  Échalis  ;  abbé  de  Coriolis. 

De  Saint^Martin  des  Aifs  ;  abbé  de  Macbecô  de  ^réirieiHix. 

Dé  Safût-Polyearpe,  coTftmandataîfe  ;  âbbé  dû  Prtit,  vicâM  gé^ 

Béral  de  Montpellier . 
DeSaint-Hilairede  la  Celle,  à  M.  rabbéd*ArimontMlM1féa. 
D' Aabepierre  ;  abbé  de  Satnt-Savtimr/ 
De  Sftint-Genott  de  TÉlrée  ;  abbé  de  €hrosbcfls. 
De  Saint-Thibery  ;  abbé  de  GriHon. 
De  Pootifroy  ;  abbé  de  Gouyon  deLaunay-Commata. 
De  l'Étoile,  régulière  ;Donai de  Tilly. 
Prieuré  deMonnais;  abbé  de  Ghérité  de  la  Yerderie. 
Celui  de  laBloutière;  abbé  de  Voisenon,  doyen  de  Boulogne. 
Celui  de  Fougères;  abbé  d*Estrées. 
Celui  de  Rfontjean  ;  àbbé  Lèrouge,  cbapefain  de  la  ftéine. 


Du  dimanche  â&,  FontaiMbleau. — i^ai  marqué  cf^dessoff 
que  le  Roi  devoit  aller  le  dimanche  18  souper  à  ivry  (1). 
S.  M.  partit  effectivement  ce  jour-là  dans  sa  gondole  aTOo 
M"""  de  Mailly^  M"""  de  Vintimille  et  plasieurs  homme»,  erl 
alla  d'abord  à  Issy  au  séminaire  ;  il  descendit  à  la  po#te  ; 
H.  le  Cardinal  vint  le  recevoir.  Les  dame»  ne  desoenidi-i 
rent  point,  mais  seulement  les  hommes.  Le  Roi  ihonta 
chez  M.  le  Cardinal;  ils  entrèrent  dans  la  chambre,.  M  y 
restèrent.  Le  Roi  entra  dans  le  cabinet  avec  M.  le  Car- 
dinal ;  la  porte  denrietrra  ouverte  et  le  supérieur  du  sémi- 
naire fut  toujours  en  tiers.  Le  Roi  ne  fut  pas  un  demi- 
quart  d'heure  dans  le  cabinet  et  à  peu  près  au4;ant  dans 

'~' — ' —      — ' • -^ : — — — ^ —  .  -  -  _ .    -   -      ■_   — ^  -  nri  m  >i  .  ■■!   ■        ■  i  i     ■!■  ^n  f — ■ 

(1)  Maison  du  premier  écuyer. 


kt  ehmakinf^  après  qa^à  il  rei&Mti  ctefini^  m  tait«^e#t  pMUt 
aiii  traters  de  Pafi»^  Il  û^y  eut  ptiEé  beâtréoilfi  de  6i1§  dé 
joie  à  ce  passage,  cependant  il  n'y  eut  point  de  plaintes. 
Pendant  le  sonper  à  Ivfy,  M*®  de  Mailly,  qnï  eà<  timjôtirs 
à  c64é  du  Roi,  à  moins  qu'il  n'y  ait  des  princesses  dtf  èê^ng 
(car  alors  elle  est  toujours  à  la  seemde  place  à  droite)  ^ 
dit  au  Roi  i  <x  Mais^  l^re,  vous  arîez  donc  quelque  chose 
à  dire  àM.  le  Cardinal?  »  Le  Roi  lui  répondit  que  non  ; 
M"**  de  Mailly  répliqua  :  c<  11  doit  donc  être  bîeô  teuché 
de  cette  tîsite  !  y^  Ge  voyage  dissy  avoit  donné  occasion  à 
beaucoup  de  raisonnements  dont  on  voit  le  peu  defonde^ 
ment.  Je  n'étois  point  à  ce  voyage,  mais  je  sais  ce  détail  de 
quelqu'un  de  sensé  qui  y  éteit. 

La  cherté  des  blés  donne  occasion  à  beaucoup  de  mur- 
mures; le  pain  vaut  jusqu'à  &,sol#  6  deniers  etd  sols 
la  livre  à  Paris^  à  Versailles  et  ici;  il  y  a  même  des 
lieux  où  il  est  plus  cher  ;  cependant  il  y  a  des  provinces 
où  il  ne  vaut  que  1 8  deniers,  comme  par  exemple  dans  lé 
pays  du  Maine  et  dans  les  Troi&'Évèchés.  Il  est  vrai  que  dans 
lesTrois-Évéchés  on  doit  l'abondance  aux  soins  et  àFe^rac- 
titude  de  M.  de  Belle-Isle  qui  a  empêché  qu'il  ne  sortit 
aucuns  blés,  ce  qui  a  été  exécuté  tf  ès-régulièrément.  Il  y  a 
eu  de  petites  séditions,  non-seulement  à  Versailles,  comme 
j'ai  marqué  ci^dessus,  mais  à  Bicétre,  où  on  à  été  obligé 
d'y  faire  venir  la  maréchaussée  et  le  giset;  il  y  a  eu  quinze 
ou  vingt  personnes  tuées  ou  blessées.  Il  y  en  a  eu  aussi  à 
Besançon, où  cinq  ou sixcentsfemmess'étoieirt assemblées 
et  vouloient  piller  la  maison  de  l'intendant. 

H.  le  prince  de  Bombes  m'a  dit  aujourd'hui  qu'il  fe« 
roit  ses  représentations  au-  sujet  de»  gardes  suisses,  à  qui 
l'on  veut  vendre  dans  les  villages  où  ils  sont  en  quartier, 
ici  autour,  &.  sols  6  deniers  la  livre  de  pain  et  9  sols  celle 
de  viande.  Le  Parlement  vient  de  rendre  un  arrêt  pour  dé- 
fendre aux  boulangers  défaire  plus  de  deux  sortes  de  pain, 
le  pain  blanc  et  le  pain  bi»«blanc;  ils  avoient  coutume  d'en 
faire  de  quatre  sortes.  On  dit  qu'on  attend  une  grande 


3&6  MËMOIEES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

quantité  de  blé  acheté  en  Sicile,  à  fort  bon  marché^  et  une 
moindre  provision  achetée  en  Hollande  y  qui  coûte  plus 
cher. 

Il  paroit  que  Ton  craint  beaucoup  que  la  vendange 
ne  soit  mauvaise.  M.  le  Cai*dinal  disoit  hier  au  Roi  qu'eu 
1536  ilavoit  fait  si  chaud  dans  l'automne  et  à  l'entrée  de 
rhiver,  que  Ton  portoit  des  habits  d'été  à  Noël.  Pareil 
événement  seroit  à  désirer  pour  le  moment  présent  pour 
la  récolte  du  vin. 

Gomme  il  ne  reste  personne  à  Versailles^  Mesdames 
étant  ici,  ce  qui  ne  s'est  point  vu  depuis  nombre  d'an-^ 
nées,  on  a  fait  venir  une  compagnie  d'invalides  avec 
deux  lieutenants  pour  garder  le  château;  on  ne  fait  point 
venir  de  capitaine  par  attention  pour  le  sieur  Forestier, 
ci-devant  sergent  aux  gardes,  à  qui  l'on  a  donné  un  bre- 
vet de  capitaine  et  qui  commande  ce  qu'on  appelle  les 
Suisses  des  douze,  lesquels  sont  au  nombre  de  36,  char- 
gés de  la  police  de  Versailles  et  de  la  garde  du  château, 
sous  les  ordres  du  gouverneur. 

M.  le  Dauphin  fut  le  mardi  20  à  Choisy  ;  il  vit  le  Roi  à 
son  lever,  après  quoi  le  Roi  alla  à  la  chasse.  M.  le  Dau- 
phin dina  dans  l'appartement  du  Roi  seul.  Il  y  eut  une 
table  pour  M.  et  M"**  de  Chàtillon,  M.  de  Hirepoix,les 
sous-gouverneurs  et  les  gentilshommes  de  la  manche. 

On  n'a  point  discontinué  les  b&timents  de  Choisy , 
comme  on  l'avoitjdit;  mais  au  lieu  de  trois  cent  cin- 
quante ouvriers  il  n'y  en  a  plus  que  cent  cinquante.  Ma- 
demoiselle n'arriva  que  mercredi  à  Choisy  ;  elle  n'a  été 
ni  à  Ivry  ni  à  Laqueue. 

Jeudi,  nous  eûmes  à  Versailles  la  translation  de  la 
châsse  de  saint  Onésime  de  la  paroisse  à  la  chapelle. 
J'ai  parlé  ci-devant  de  cette  relique,  qui  a  été  envoyée  de 
Rome  à  la  Reine.  On  doute  beaucoup  si  ce  saint  Onésime 
est  le  disciple  de  saint  Paul,  parce  que  celui  qui  est  à 
Versailles  a  été  martyrisé  à  Rome.  On  peut  voir  dans  Mo- 
réri  que  le  disciple  de  saint  Paul  fut  à  Rome  et  qu'il  y 


SEPTEMBRE  1740.  957 

fut  martyrisé.  La  paroisse  Saint-Louis  et  les  Récollets 
allèrent  prendre  la  châsse  à  Notre-Dame ,  les  Récollets 
marchant  devant,  ensuite  la  paroisse  Saint-Louis  et 
celle  de  Notre-Dame,  et  environ  deux  cents  petites  filles 
de  Versailles  habillées  de  blanc.  La  procession  traversa 
la  cour  des  ministres  et  la  cour  royale ,  passa  par-dessous 
la  voûte  et  entra  dans  la  chapelle  par  le  vestibule.  La 
châsse  fut  mise  sur  une  petite  banquette  au  bas  de  la 
première  marche  du  sanctuaire,  et  après  les  psaumes  et 
oraisons^  le  curé  de  Notre-Dame  et  ensuite  celui  de  Saint- 
Louis  baisèrent  la  châsse,  après  eux  les  prêtres  officiants  ; 
ensuite  la  Reine,  accompagnée  de  H.  de  Tessé  et  de 
M"*  de  Luynes,  se  leva  de  son  prie-Dieu  et  alla  baiser  la 
châsse.  Après  la  Reine,  tout  le  clergé  fit  la  même  céré- 
monie, après  quoi  ils  retournèrent  en  procession  à  la 
paroisse.  Le  salut  se  dit  à  l'ordinaire  ;  la  Reine  rentendit 
d'en  bas. 

Du  lundi  26,  Fontainebleau,  —  J'appris  il  y  a  trois  ou 
quatre  jours,  que  tous  les  princes  et  princesses  avoient 
signé  la  requête  ou  mémoire  contre  la  prétention  des 
légitimés.  J'ai  déjà  marqué  que  ceux-ci  avoient  dans 
leur  parti  M.  le  duc  d'Orléans,  lequel  comprend  M.  le 
duc  de  Chartres  et  H.  le  comte  de  Charolois,  qui  est  le  plus 
vif  pour  leurs  intérêts.  Comme  M.  le  comte  de  Charolois 
est  aujourd'hui  à  la  tête  de  la  maison  de  Condé,  qu'il  a 
de  très-bons  procédés  pour  M"*®  sa  belle- sœur,  par  consi- 
dération pour  lui  elle  n'a  pas  voulu  signer  la  requête. 

Le  Roi  arriva  ici  vendredi,  après  avoir  couché  à  Ville- 
roy,  et  soupa  dans  ses  cabinets.  Le  lendemain^  H.  de  Cas- 
tropignano  vint  au  lever  du  Roi  avec  son  habit  uniforme 
de  capitaine  général;  c'est  leur  habit  de  cérémonie,  ce 
qu'ils  appellent  habit  de  gala.  Je  lui  demandai  des  nou- 
velles de  la  reine  des  Deux-Siciles  avant  qu'il  fût  entré 
chez  le  Roi  ;  il  me  dit  :  «Je  ne  puis  encore  rien  dire,  mais 
vous  voyez  mon  habillement.  »  U  me  dit  ensuite  à  Toreille 
qu'elle  étoit  accouchée  d'une  princesse.  M.  de  Castropi- 

T.  IIÎ.  17 


ti»  MËM0IRK9  DU  DUC  »>K  I.UYNKS. 

gnano  aToil  une  letira  à  remeUre  «ai  Roi  ;  M.  le  G«rdiiial 
n'étant  pas  encore  arrivé^  il  étoit  un  peu  embarrassé.  Il 
entra  au  lever  et  s'approcha  du  RfÂ,  à  qui  il  dit  la  noo- 
velle  dont  il  étoit  chargé  de  lui  faire  part  ;  il  dit  ausu 
au  Roi  qu'il  avoit  une  lettre  à  lui  remettre^  mais  le  Roi 
ne  la  lui  ayant  point  demandée,  il  jugea  à  propos  d'at  * 
tendre  Tarrivée  de  H.  le  Cardinal^  lequel  le  mena  le  soir 
au  retour  de  la  chasse  chez  le  Roi  ;  M.  Amelot  y  étoit^  et 
M.  de  Gastropignano  remit  au  Roi  la  lettre  du  roi  des 
Deux*Siciles,  après  quoi  il  attendit  Farrivée  de  la  Reine 
pour  lui  faire  part  de  la  même  nouvelle;  il  ne  doit  pas 
donner  defète^  mais  seulement  une  illumination  à  Paris, 
et  un  dîner  ou  souper  ici. 

Samedi  étant  jour  de  jeûne  et  la  Reine  ayant  dîné  en 
chemin, le  Roi  soupa  dansas  cabinets  et  la  vint  voir  seu- 
lement un  moment  avant  de  se  mettre  à  table.  Le  ven- 
dredi j'étois  chez  Mademoiselle  ;  il  n'y  avoit  que  M'"'*  de 
Mailly^  de  Yintimille,  la  maréchale  d'Estrées  et  de  Mont- 
morin.  Le  Roi  y  envoya  à  souper  en  maigre  et  n'y  vint 
pointaprès  souper;  il  se  coucha  de  bonne  heure,  et  M*"'  de 
HaiUy ,  qui  jouoit ,  quitta  le  jeu  un  moment  après  que  le 
Roi  se  fut  retiré  ;  mais  le  samedi ,  après  son  souper,  le 
Roi  alla  jouer  chez  Mademoiselle. 

Du  vendredi  30,  Fontainebleau.  —  Le  Roi  fut  souper 
avant-hier  à  la  Rivière  ;  il  mena  avec  lui  les  quatre  soeurs 
et  M"''  la  maréchale  d'Estrées,  et  il  y  avoit  à  la  Rivière 
M™*^  de  Rupelmonde,  sa  belle-fille.  Il  y  a  apparence  que, 
dans  la  situ9.tion  où  sont  les  esprits  à  présent  entre  Made- 
moiselle et  M*"^  la  comtesse  de  Toulouse ,  au  sujet  de 
l'affaire  des  princes  légitimés ,  dont  j'ai  parlé  ci-dessus , 
Mademoiselle  n'auroit  pas  été  à  la  Rivière  sans  le  Roi^ 
J'ai  marqué  que  dans  le  dernier  voyage  de  Choisy,  le  Roi 
fut  le  mardi  à  Laqueue  souper  chez  M.  le  prince  de 
Bombes.  M'"^  la  comtesse  de  Toulouse  y  étoit  venue 
exprès,  mais  Mademoiselle,  ni  M"*  de  Clermont  n'y 
étoient  pas.  Pour  Mademoiselle,  elle  ne  vint  que  le  mer- 


ccedi  à  Cboi$y  ;  je  V^i  wm  mar€|ujé  ci-dQ$3us;  mais  à 
regard  de  M"'  de  ClormoAt^  elle  étoit  à  CbAÎ^y  ;  elle  prit 
le  prétexte  de  sa  santé  pour  ne  pas  faire  c^  petit  voyage^, 
et  elle  fut  ce  même  jour  souper  à  Atia  chez  M"*'  la  maré- 
chale de  Villars.  Je  sais  sûrement  que  M'°^  la  comtesse  de 
Toulouse  se  plaint  beaucoup  de  Mademoiselle^  et  que 
Mademoiselle ,  de  son  côté^  prétend  n'avoir  aucun  tort. 
Le  mémoire  des  princes  du  sang  ne  paroit  point  encore  ; 
on  m'a  dit >  comme  je  Tai  déjà  marqué  ci-dessus,  qu^ 
les  entreprises  des  biitards  y  étoient  fort  détaillées,  et  sur-* 
tout  leurs  progrès  depuis  1694- jusqu'en  17U. 

Il  y  eut  encore  souper  hier  dans  les  cabinets  avec  les 
mêmes  dames;  M*""*  de  Maiïly ,  quoique  de  semaine,  ^Ua 
avant-hier  à  la  Rivière  avec  le  Roi  ;  elle  s'est  mise  sur 
le  pied  de  ne  retourner  jamais  le  soir  chez  la  Reine. 


OCTOBRE. 


Arf«8tetk>a  du  S'  Pecqueft.  —  Émeute  à  Besançon.  -^  Détails  du  séjour  d« 
FoolmeUeaa.  ^  M.  de  Capiaa.  -^  Lea  géat^.  -^  Affûrt  du  cacdiMl  AUo- 
yrandi.—  Péniiavce  dU  Dauphin. 

Du  samedi  !•',  Fontainebleau.  —  J'appris  hier  au  soir, 
et  cette  nouvelle  s'est  confirmée  ce  matin,  que  le 
S'  Pecquet,  premier  commis  des  affaires  étrangères, 
fut  arrêté  à  sa  maison  de  campagne  et  a  été  conduit  à 
Vincennes  ;  on  n*en  dit  point  encore  le  sujet.  On  Ta  mené 
auparavant  à  Versailles  pour  mettre  devant  lui  le  scellé  à 
son  cabinet. 

Du  mardi  4,  Fontainebleau.  —  Le  Roi  fut  hier  à  six 
heures  et  demie  du  matin  dans  un  canton  de  la  forêt  que 
Ton  appelle  la  Haute-Plaine,  pour  voir  le  rut  ;  il  mena 
avec  lui  M""  de  Mailly  et  M""  de  Vintimille,  qui  coururent 
ensuite  dans  une  calèche  où  furent  aussi  MM.  de  Bouillon 
et  de  Luxembourg. 

17. 


360  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

A  neuf  heures,  le  Roi  déjeuna  dans  la  forêt  et  corn* 
menoa  à  courre  à  dix  heures  et  demie.  S.  M.  ne  revint 
que  sur  les  sept  heures  du  soir^  et  soupa  dans  ses  ca- 
binets ;  il  y  avoit  les  quatre  sœurs ,  M"^  la  maréchale 
d'Estrées  et  M"^  de  Maurepas.  Le  Roi ,  après  le  souper, 
joua  dans  ses  petits  appartements  en  bas  au  piquet,  et  le  s 
dames  à  cavagnole. 

M.  le  prince  de  Dombes  a  (^tenu  pour  les  gardes 
suisses  qu'ils  ne  demeureroient  plus  en  quartier,  pour 
ce  voyage-ci  seulement ,  dans  les  villages  qui  sont  ici 
aux  environs.  La  garde  relevante  viendra  la  veille 
coucher  à  Gorbeil ,  comme  la  garde  françoise  vient  à 
Melun.  Gela  se  pratique  de  même  pendant  les  voyages 
.  de  Compiègne  ;  outre  cela ,  en  considération  de  la  cherté, 
le  Roi  a  accordé  aux  soldats  des  gardes  françoises  et 
suisses  2  sols  d'augmentation ,  et  aux  sergents  4  sols  ;  il 
est  dit  que  ce  n'est  que  pour  le  mois  d'octobre. 

Il  y  eut  le  mois  passé  une  assez  grande  émeute  à 
Besançon  au  sujet  du  blé  ;  cependant  ce  jour  même  le 
pain  bis  ne  valoit  que  18  deniers;  il  ne  peut  jamais 
être  cher  à  Besançon,  parce  qu'il  y  a  toujours  un  grenier 
rempli  d'environ  4,000  mesures  de  blé.  Effectivement, 
trois  heures  après  Témeute,  on  apporta  au  marché  du  blé 
du  grenier,  et  il  dimin'ua  sur-le-champ.  Cette  émeute  * 
n'étoit  composée  que  de  femmes,  au  nombre  de  deux  cents 
environ,  qui  avoient  allumé  des  brandons  de  paille  pour 
aller  brûler  la  maison  de  Tintendant.  Il  y  avoit  eu  quel- 
ques jours  auparavant  une  requête  signée  d'environ  cent 
cinquante  habitants  des  principaux,  présentée  au  pro- 
cureur général;  il  me  parolt  que  l'on  est  mécontent  de 
ce  dernier  de  ce  qu'il  a  reçu  cette  requête ,  et  que  l'on 
trouve  que  le  lieutenant  de  Roi ,  qui  commande  en  l'ab- 
sence de  H.  de  Duras,  qui  est  ici,  et  le  Parlement,  se  sont 
conduits  trop  mollement  dans  cette  occasion. 

Du  lundi  10,  Fontainebleau.  —  M.  de  CasteUane  n'est 
point  encore  parti  pour  son  ambassade  de  Constantino' 


OCTOBRE  1740.  261 

pie.  Il  me  dit  Vautre  jour  que  les  appointements  du  Roi 
sont  36)000  livres^  mais  à  cause  du  change  on  lui 
donne  Sil^^OOO  livres  de  notre  monnoie ,  sur  quoi  on  lui 
a  payé  un  quartier  d^avance.  Il  ne  sait  pas  encore  de  quel 
.temps  courront  ses  appointements.  Il  a  touché  outre 
cela24>;000  francs  pour  ses  frais  de  voyage  et  son  établis- 
sement, et  15^000  livres  de  gratification.  J'ai  marqué  ci- 
dessus  qu'il  avoit  vendu  sa  charge  de  cornette  des  mous- 
quetaires; il  Fa  vendue  100,000  francs^  et  il  a  acheté  une 
compagnie  de  dragons  à  la  suite  du  régiment  d'Orléans, 
au  moyen  de  quoi  il  conserve  le  rang  de  colonel. 
'  Le  Roi  soupe  trois  ou  quatre  fois  la  semaine  dans  ses 
cabinets.  M""^  la  princesse  de  Gonty  est  arrivée  depuis 
deiix  ou  trois  jours;  M"^  de  Sens  arriva  hier. 

La  Reine  est  allée  aujourd'hui  souper  à  la  Rivière. 

Du  jeudi  13,  Fontainebleau.  —  Lundis  souper  dans  les 
cabinets  au  retour  delà  chasse;  il  n'y  avoit  point  de 
dames  ;  les  deux  sœurs ,  M""  de  Mailly  et  de  Yintimille , 
soupèrent  chez  Mademoiselle  ;  le  Roi  y  vint  après  le  sou- 
per et  y  joua.  Mardi ,  encore  souper  dans  les  cabinets , 
après  la  chasse  du  cerf.  M*"^'  de  Mailly  et  de  Yintimille 
étoient  à  cette  chasse  en  calèche  avec  M.  de  Luxembourg, 
lequel  ne  monte  plus  à  cheval^  comme  je  l'ai  dit  plus 
haut.  M.  de  Luxembourg  soupà  dans  les  cabinets  ;  il  y 
avoit  les  quatre  sœurs,  lA^^  de  Chalais  et  M*"®  la  maréchale 
d'Estrées;  le  duc  de  Villars  y  soupa  aussi  et  .M.  de  Mau- 
repas^qui  avoit  été  à  la  chasse  à  cheval.  Le  duc  de  Yillars 
soupe  rarement  dans  les  cabinets^  et  ce  fut  une  espèce  de 
nouvelle  ;  il  est  fort  bien  avec  M*"'  de  Mailly  ;  on  prétend 
qu'il  lui  prête  de  l'argent;  on  prétend  aussi  que  H.  de 
Luxembourg  lui  en  prête  ;  ce  qui  est  certain  c'est  qu'il 
n'aime  point  la  chasse ,  et  qu'il  n'y  va  que  par  complai- 
sance et  pour  faire  sa  cour. 

Z>ti  jeudê  20,  Fontainebleau.  —  Il  y  eut  lundi  et  mardi 
souper  dans  les  cabinets.  Lundi  étoit  chasse  du  cerf;  il 
n'y  avoit  point  de  dames  à  la^  chasse,  parce  que  M*"'  de 


Mo  MÉMOIRE  DU  DUC  Dfe  LUYINES. 

Mailly  est  de  semaine.  Il  n'y  eut  au  souper  que  cinq 
daines ,  M"*  de  Clermont ,  M*~  de  Mailly ,  de  Vintimille , 
de  Saint-Germain^  et  la  maréchale  d'Estrées.  Mademoi- 
selle est  incommodée;  leftoi  vint  ehezelle  aprèsle  souper  ; 
il  y  joua  à  quadrille  et  il  y  eut  deux  tables  de  cavagnole. 
le  lendemain  mardi  y  jour  de  chasse  du  sanglier^  il  n'y 
eut  à  souper  que  les  deux  sœurs  et  It**  la  maréchale 
d'Estrées. 

Hier  c'étoit  une  fête  de  ce  diocèse^i;  le  Roi  fut  au  salut 
et  il  n'y  eut  point  de  chasse.  Quoique  les  choses  soient 
toujours  au  même  état  entre  les  princes  du  sang  et  les 
légitimés,  cependant  Mademoiselle  et  M"*  la  comtesse 
de  Toulouse  ne  sont  pas  brouillées  ensemble  comme  on  Ta* 
voit  cru  ;  M"*'  la  comtesse  de  Toulouse  a  envoyé  savoir 
des  nouvelles  de  Mademoiselle  plusieurs  fois  tous  ces 
jours-ci  ;  elle  fut  même  che«  elle  il  y  «quelques  joure.  On 
prétendoit  que  Mademoiselle  avoit  fait  di^e  qu'elle  étoit 
sortie,  mais  cela n^est  pas  vrai;élte  étoit  réellement 
allée  faire  une  visite. 

M.  de  Camas  est  encore  ici  et  ne  doit  s^n  retourner  que 
dans  un  mois;  il  tient  une  fort  bonne  maison,  il 
donne  à  dîner  très-souvent  et  ftiit  grande  et  bonne 
chère  ;  il  paroit  avoir  de  l'esprit  et  de  la  politesse  ;  il 
parle  bien  françots;  sou  père  avoit  servi  longtemps 
dans  les  troupes  du  grand^père  du  Roi  d'aujourd'hui. 
M.  de  Oamas  étoit  fort  bien  avec  te  feu  roi  de  Prusse.  C'est 
au  siège  d'Aire,  en  1710 ,  qu'il  a  eu  le  bras  gauche  em- 
porté. Lorsqu'il  eut  sa  première  audience  du  Roii  il  dit 
que  c'étoit  au  siège  de  Lille  ;  c'étoit  en  «effet  l'embÉrrais  de 
cette  cérémonie,  «ar  il  avoit  dit  auparavant  à  M*  le  Car- 
dinal que  c'étoit  au  siège  d'Aire.  M.  Chambrier,  «itnistre 
ici  du  rôi  de  Prusse,  m'a  dit  que  toulela  dépense  que 
M .  de  Camas  faisoit  ici  étoit  aux  dépens  du  Roi  «on  tncdtre, 
lequel  lui  donne  unie  ^mme  d'argent  asseK  «onetdérable 
pour  qu'il  ne  lui  en  «oûte  rien.  M.d«  Oam^sa  8,000  li- 
vres de  pension  du  roi  de  Pru»<e ,  un  gouvernement 


OCTOBRE  i740.  862 

assez  considérable  pour  l'étendue ,  mais  qui  ne  vaut 
pourtant  que  5  à  6,000  livres.  Le  roi  de  Prusse  d'aujour* 
d'hui  vient  de  lui  donner  un  régiment  ;  et  un  régiment 
dans  ce  pays-là  vaut^i^OOO  livres  de  rente.  Ce  régiment 
est  un  des  huit  nouveaui:  que  le  Roi  de  Prusse  vient  de 
faire^  au  lieu  et  place  des  grands  hommes  ou  géants  que  le 
feu  roi  de  Prusse  entretemnt  avec  si  grand  soin  et  qui  lui 
ooùtoient  plus  de  2,800 ji300  livres  par  an. 'Quelques  jours 
avant  que  de  mourir,  il  fit  venir  le  prince  royal  et  lui  dit 
qu'il  reconnoissoit  qu'il  avoit  fait  une  folie  et  dépensé  un 
argent  prodigieux  pour  l'engagement  et  entretien  de  ces 
géants;  qu'il  lui  conseilloit  aussitôt  après  sa  mortde  se  dé- 
faire de  ces  troupes  qui  et  oient  trop  àcharge  à  l'État.  Effee*- 
tivement,  les  huit  régiments  que  le  roi  de  Prusse  vient  de 
lever  coûteront  100,000  écus  de  moins  que  les  grands 
hommes;  il  y  avoit  tels  de  ces  grands  hommes  qui  cod- 
toient  10,000  écus  d'engagement. 

H,  le  cardinal  de  Rohan  est  parti  de  Rome  au  com- 
mencement de  ce  mois;  il  ne  reviendra  à  la  Cour  qu'au 
commencement  de  l'année^  ou  tout  an  plus  tôt  à  la  fin  de 
celle-ci.  On  m'a  dit  aujourd'hui  que  le  cardinal  Lamber*- 
ttni,  qui  est  le  Pape,  avoit faii;  un  écrit  pour  justifier  la 
conduite  du  cardinal  Aldovrandi,  et  que  depuis  son 
éleetion  il  avoit  dit  qu'il  fàlloit  que  «a  cause  fût  bien 
bonne  puisque  Dieu  avoî|  ainsi  béni  son  avocat.  J'ai  parlé 
ci-dessus  de  l'affaire  du  cardinal  Aldovrandi,  d'une  lettre 
qui  lui  fut  écrite  par  un  reli^uK  de  ses  anus,  j'ai  mis  que 
c'étoit  un  Gordelier ,  et  c'esft  un  Augustin.  Le  cardinal  Al- 
dovrandi avoit  fait  répon^au  dos  de  la  lettre  et  avoit  mar- 
qué: «Vous  êtes  maître  en  Israël,  vous  pouvez  faire  ce  que 
vous  jugerez  à  propos  ;  ce  qui  est  certain ,  c'est  que  je  ne 
garde  point  de  rancune  et  que  je  ne  manque  point  de 
i^eoonnotssanee.  ))  Cette  réponse  a  paru;  et  on  prétend 
que  la  lettre  de  l' Augustin  a  été  tellement  effacée  qu'il 
n'en  est  pas  resté  le  moindre  vestige- Une  circonstance  que 
j'ai  apprise  encore,  c'e^.que  le  cardinal  Albani,  quieçt 


364  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYMES. 

le  cardinal  camerlingue,  lequel  soutenoit^  comme  je  Tai 
dit^  contre  la  puissante  faction  du  cardinal  Aldovrandi , 
alla  le  jour  même  de  Félection  du  Pape  chez  le  cardinal 
Biacei^  à  minuit^  pour  essayer  encore  de  le  détacher  de  cette 
faction^  et  quHl  fut  bien  surpris  lorsque  le  ce^^rdinal  Macei 
lui  dit  que  le  Pape  étoit  fait,  que  même  les  chefs  d'ordre 
avoient  déjà  été  chez  lui.  Enfin  le  cardinal  Âlbani  prit 
lui-même  le  phrti  d^aller  sur-le-champ  rendre  visite  au 
Pape.  On  dit  que  ce  cardinal  est  à  la  campagne  depuis 
Texaltation  du  Pape  ;  on  peut  juger  qu'il  n^a  pas  lieu  d'è^ 
tre  content. 

Ihi  samedi  29,  Paris.  —  Quoique  M"«  de  Mailly  n'ait 
point  été  à  la  chasse  pendant  sa  semaine ,  cependant 
M"*  de  Yintimille  y  fut  le  jeudi  avec  M""*  de  Saint-Ger- 
main et  M.  de  Luxembourg.  Le  lundi  de  la  semaine  sui* 
vante,  qui  étoit  le  2&,  le  Roi  alla  souper  à  la  Rivière  (1)  ; 
il  y  inena  les  quatre  soeurs ,  M"**  la  maréchale  d'Estrées 
et  M""®  la  duchesse  de  Ruffec.  Le  mercredi ,  il  y  eut 
souper  dans  les  cabinets;  il  y  eut  vingt  personnes 
à  la  grande  table  et  huit  à  la  petite.  Les  dames  étoient 
les  quatre  sœurs,  M^'^de  Ghalaiset  M'^^d'Antin.  Avant- 
hier  jeudi  27,  étoit  chasse  du  sanglier.  Ordinairement 
M*"^  de  Mailly  ne  va  point  à  cette  chasse  ;  cependant  elle 
y  fut  avec  M'"*  de  Yintimille,  H.  de  Luxembourg  et 
M.  du  Bordage.  On  prétend  que  ce  fut  pour  faire  voir 
à  M.  du  Bordage  un  sanglier  en  vie  ;  il  disoit  qu'il  n'a- 
voit  jamais  vu  que  du  boudin  de  sanglier. 

Il  y  a  déjà  quelques  jours  que  M. ,  le  Dauphin  fut  mis 
en  pénitence  pour  deux  ou  trois  jours ,  c'est-à-dire ,  il  y 


(1)  Ce  même  joar,  le  Roi  ayoit  couru  le  cerf.  M">e«  de  Mailly  et  de  Vinti* 
mille  étoient  à  cette  chasse  avec  M.  de  Luxembourg  en  calèche.  £iles  pensè- 
rent périr  dans  un  passage  du  Long  Rocher;  une  roche  arrêta  la  roue  dé  la 
calèche  et  un  des  chevaux  ne  fut  soutenu  que  par  son  trait ,  ce  qui  leur  donna 
le  temps  de  descendre,  et  le  cheval  tomba  dans  un  trou  assez  profond  parce 
qu'on  coupa  les  traits.  (  Note  du  duc  de  luynes,  ) 


NOVEMBRE  1740.  365 

avôit  ordre  de  ne  laisser  entrer  chez  lui  que  les  entrées. 
Le  sujet  étoit  un  petit  moment  de  vivacité  qu'il  eut  pen- 
dant Tétude  contre  M.  l'abbé  de  Harbeuf^  son  lecteur; 
comme  M.  le  Dauphin  badinoit  etne  vouloit  point  écouter^ 
M.  de  Harbeuf  demanda  à  H.  de  Mirepoix  s'il  vouloit 
qu41  allât  avertir  M.  de  Ch&tillon  ;  sur  cela  M.  le  Dau- 
phin^ fort  en  colère,  vint  à  Tabbé  de  Harbeuf  et  lui  donna 
quelques  coups  de  pied  ;  on  dit  même  un  soufflet. 


NO^ 


'AM:) 


Mort  de  l'eniperear.  Charles  vr.  —  VAnti» Machiavel  du  roi  de  Prusse.  — 
Départ  -de  Fontainebleau.  —  Audience  du  prince  de  Lichtenstein.  —  Mort 
de  la  czarine  Anne  Ivano^na.  —  Testament  de  Ferdinand  I*^,  frère  de 
Charles-Quint.  —  Mne  de  Maîlly  impose  silence  à  la  maréchale  d^Estrées; 
son  caractère.  — .  Plaisanterie  du  Dauphin.  —  Mariage  de  M*'^  de  Vemeuil 
avec  M,  de  la  Guiche.  —  Audience  de  congé  de  M.  de  Camas.  —  Moi't  de 
M.  de  la  Tonmelle.  —  Mme  de  Talleyrand  déclarée  dame  du  palais  de  la 
Reine.  --  Mort  de  M.  de  Saint-Hilaire. 

Du  samedi&y  Fontainebleau. — Samedi  29  octobre,  j'étois 
à  Paris;  j'ai  appris  qu'il  étoit  arrivé  à  Fontainebleau  un 
courrier  qui  apportoit  la  nouvelle  de  la  mort  de  Tempe* 
reur  (1);  ce  n'étoit  encore  que  la  nouvelle  de  la  dernière 
extrémité^  car  il  n'est  mort  que  le  20,  à  minuit^  des  suites 
d'une  indigestion.  C'est  le  dernier  c(e  la  maison  d'Autriche. 
Il  a  fait  un  testament  par  lequel  il  institue  l'archiduches- 
se (2),  femme  du  grand  duc  (3)  >  héritière  de  tous  ses  États 
héréditaires  (k).  C'est  le  plus  grand  événement  qui  soitar- 


(1)  CharleA  TI,  né  le  1^'  octobre  1685,  élu  empereur  le  12  octobre  1711. 
(Note  du  duc  de  Luynes.) 
(3)  Marie-Thérèse,  née  le  13  mai  1717. 

(3)  François  de  Lorraine»  né  le  8  décembre  1708,  d'abord  duc  de  Lorraine, 
pois  grand-duc  de  Toscane  après  la  paix  de  Vienne,  marié  le  12  février  1736. 

(4)  Les  États  héréditaires  de  la  maison  d*Autriclie  comprenaient  à  peu  près 
TËmpire  d'Autriche  actuel. 


266  MÉMOIRES  DU  DCt  DE  LUYNES. 

rivé  depuis  longtemps  en  Europe.  Le  Reine  parla  ici  dé  la 
mort  de  l'empereur  que  lundi  31,  et  dit  en  même  temps 
quHl  ne  vouloit  pas ,  dans  cette  circonstance-ci^  se  mêler 
de  rien ,  qu'il  demeureroit  les  mains  dans  ses  poches 
(  t'est  son  expression  ) ,  à  moins  que  l'on  ne  voulût  élire  un 
protestant.  Il  est  vraisemblable  que  la  maison  de 
Bavière  [l),  qui  a  de  grandes  prétentions,  en  vertu  d'un 
acte  passé  entre  la  maison  d'Autricbe  et  elle,  portant  ré^ 
version  réciproque  de  leurs  États  à  défaut  d'hoirs  mÀles, 
fera  valoir  ce  droit  encore  plus  que  celui  que  pourroit 
prétendre  Télectrice,  qui  est  archiduchesse  fille  de  l'em- 
pereur Joseph ,  mais  qu  n'est  qne  cadette  de  Télectrice 
de  Saxe,  reine  de  Pologne  (2). 

Le  jour  de  la  Saint-Hubert,  avant-hier,  le  Roi  soupa 
dans  ses  cabinets  ;  il  y  avoit  de  dames  :  Mademoiselle , 

11*»^  de  Ibilly,  d£  Vintimille,  d'Antin ,  et {  M'''  de 

dermont  n'y  étoit  point ,  parce  qu'elle  est  incommodée. 

Du  dimancheB,  FofUaimbUau.  —  M.  le  prince  de  Lich- 
tenstein  est  arrivé  ici  avant-hier  au  soir  ;  il  vit  hier  matin 
H.  le  Cardinal,  et  fut  enfermé  longtemps  avec  lui;  il  est 
dans  une  grande  affliction.  Il  n'y  a  encore  rien  de  dé- 
cidé pour  le  deuil.  A  la  mort  de  Louis  XC¥,  l'empereur 
drapa  ;  on  croitcependant  que  celui-ci  ne  sera  que  de  trois 
semaines. 

11  paroit  depuis  quelques  jours  un  livre  intitulé  :  ^nlt- 
MMhwMl ,  ou  Bssai  critique  sur  Machiavel  j  il  est  dit 
que  oe  livre  est  publié  par  M.  de  Voltaire;  il  y  a  une  pré- 
face oà  Voltaire  dit  que  le  manuscrit  lui  en  ayant  été 
donné  il  en  a  fait  présent  au  libraire  ;  que  c'est  IViuvrage 
d'un  îeune  étranger  auquel  il  donne  beaucoup  de  louan- 
ges. Le  texte  de  Machiavel  est  imprimé  à  mi-marge.  Les 


<4)La  ii(iai80B  4e  Baiière  avait  «knrspoar  ehef€li«rteB- Albert,  né  en  14997, 
électeur  de  Bavière  «a  1726,  marié  en  172^  à  Marie* Amélie,  tiHe  puînée  et 
rerapereur  Idaeph  l*',  frère  atné  de  r«iii|)erenf  Charles  VI,  née  en  1701. 

(2)  Marie- Josèphe,  fille  aînée  de  Tempereur  JoseplK  1^,  aéeen  lé9S. 


NOVEMBRE  1740.  m 

réflexions  sont  sages  etles  principes  dignes  d'admiration, 
surtout  dans  la  bouche  d'un  prince,  car  il  parolt  cons- 
tant que  c'est  l'ouvrage  du  roi  de  Prusse.  Le  style  est  vif 
et  concis;  il  y  a  quelques  expressions  qui  ne  sont  pas 
d'un  françois  correct ,  mais  en  tout  le  livre  est  bien  écrit, 
et  les  sentiments  qu'il  contient  dignes  de  servir  d'instruc- 
tion aux  princes.  Quelques  gens  veulent  douter  que  ce  soit 
l'ouvrage  du  roi  de  Prusse  et  prétendent  que  ce  prince 
a  une  très-grande  difficulté  A  écrire;  cependant  je  sais* 
d'autres  personnes  dignes  de  foi ,  qui  ont  vu  ttn  grand 
nombre  de  ses  lettres  écrites  àe  sa  main,  dont  le  style  et 
les  sentiments  prouvent  la  vérité  de  VAnti-McKhiavèl.  On 
pourroit  plutôt  dire  que  Mûchimél  «st  un  livre  si  dér 
€rié,  que  ce  n'est  plus  un  ennemi  à  combattre,  que  d'ail- 
leurs un  prinoe  qui  établit  publiquement  et  presque  sous 
son  nom  des  principes  de  gouvernement  aussi  sages, 
mais  si  rares  ji  pratiquer  eteetement»  prend  en  quelque 
manière  avec  le  publie  des  engagements  bien  difficiles  à 
remplir  dans  toute  leur  élendixe.  Il  y  a  déjà  deux  éditions 
de  ce  livre,  l'une  telle  qu'elle  est  sortie  vraisemblable- 
ment des  mains  dm  roi  de  Prusse,  et  l'autre  corrigée 
par  Voltaire.  Les  mêmes  pensées  y  sont ,  mais  les  expres- 
sions sont  adoucies;  il  y  a  quelques  endroits  «ur  Louis 
XIV  un  peu  hasardés  et  une  digression  sur  la  chasse  dont 
les  principes  paroissent  peut^lre  trop  sévères. 

Ce  prince  joue  ae^oelleoietit  un  grand  personnage , 
étant  de  tous  les  électeurs  celtii  cpji  a  le  plus  de  troupes 
et  d'argent.  Il  a  tromvé  dans  le  trésor  du  roi  son  père  au 
«doias  liO  millions  qui  avment  été  amassés  peu  à  peu 
depuis  plttiîeurs  lomées  par  les  épargnes  de  ce  prince. 
Le  roi  de  I^sse  a  cent  dix  Bitlk  hommes  sur  pied. 
M.  Ohambrier  m'a  dit  que  son  revenu  étoit  de  56  millions 
par  an.  On  prétend  que  le  doc  de  Lorraine  (i)  est  comme 


(1)  françois  de  Loii[lAi« ,  4«c  ée  T^èeàne,  i^lne  de  Ohâries  Tj. 


968  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

assuré^  dans  Félection  d'jm  empereur^  de  la  voix  des  éleo* 
teurs  de  Mayence  et  de  Trêves.  L^électeurde  Bavière^  de 
son  côté,  a  pour  lui  rôlecteur  de  Cologne ,  son  frère  ^  et 
rélecteur  palatin,  ()ui  n'est  pas  en  &ge  de  prétendre  rien 
pour  lui-même,  et  qui  est  de  même  maison  que  Télecteur 
de  Bavière;  restent  trois  électeurs  :  Saxe ,  Brandebourg  et 
Hanovre,  dont  il  y  en  a  deux  protestants;  on  pourroit 
même  dire  tous  trois ,  mais  l'électeur  de  Saxe  a  fait 
.abjuration  avant  même  que  d'être  roi  de  Pologne.  Ce^ 
pendant  il  est  toujours  chef  de  la  ligue  protestante,  et  son 
électorat  n'a  point  changé  de  religion. 

IHi  lundi  7,  Fontainebleau.  —  Mardi  1^"  novembre,  il 
y  eut  sermon  à  l'ordinaire;  c'est' le  P.  Renauld,  domini- 
cain, qui  prêcha.  J'étois  à  Paris;  mais  Ton  m'a  dit  que 
son  compliment  avoit  été  assez  bien,  et  qu'à  l'occasion 
de  la  nouvelle  de  l'empereur,  que  le  Roi  avoit  déclarée 
la  veille,  il  avoit  ajouté  un  mot  que  quelques  personnes 
ont  voulu  critiquer  sans  sujet,  d'autant  plus  que  ce  mot 
étoit  fort  court  et  nesignifioit  que  le  bonheur  qu'aur  oient 
les  sujets  de  l'empire  d'avoir  le  Roi  pour  maître. 

Ce  même  jour.  Madame  soupa  pour  la  première  fois  au 
grand  couvert  avec  le  Roi  et  la  Reine. 

M.  l'ambassadeur  d'Espagne  sort  d'ici  où  il  m'a  mon- 
tré des  lettres  de  Madame  Infante  pour  le  Roi,  la  Reine 
et  Madame.  Voici  quelles  sont  les  suscriptions  :  au  Roi , 
Monseigneur  et  père,  à  la  jRetne,  Madame  et  mère,  et  pour 
Madame,  Madame,  ma  sosur. 

Du  mardiSy  Fontainebleau.  -*-  Le  Roi  soupa  hier  dans 
ses  cabinets;  il  y  avoit  environ  vingt- cinq  couverts,  sur 
quoi  six  dames,  savoir  :  Mademoiselle  et  M"*^  les  comtesses 
de  Mailly  et  de  Vintimille  (  M"®  de  Clermont  est  toujours 
incommodée  ),  M"*  la  maréchale  d'Estrées,  M"^  la  du- 
chesse de  Ruffec  et  M"*  la  duchesse  d'Antin. 

Du  mercredi  9,  Fontainebleau.  —  M.  le  duc  de  Charost 
est  malade  depuis  plusieurs  jours;  la  Reine  le  vint  voir 
il  y  a  quelques  jours.  Le  Roi  y  vint  aussi  hier  sur  les  trois 


NOVEMBRE  i740.  969 

heures  après  midi.  H*"*  de  Mailly,  qui  est  depuis  long- 
temps fort  amie  de  M.  le  duc  de  Charost,  étoit  venue  un 
peu  auparavant  et  y  resta  pendant  et  après  la  visite  du 
Roi.  Cette  visite  dura  près  d'un  quart  d'heure^  le  Roi  tou- 
jours debout.  Toute  la  famille  de  M.  de  Charost  y  étoit. 
Il  est  parti  aujourd'hui  dans  la  gondole  que  la  Ville  a 
donnée  au  Roi  et  dont  j'ai  parlé  ci -dessus.  Cette  gondole^ 
qui  ne  fait  qu'un  grand  salon  lorsque  le  Roi  y  soupe/ se 
partage,  par  des  cloisons  >  en  antichambre ,  chambre  et 
cabinet,  et  il  y  a  un  lit.  Il  va  coucher  à  Choisy,  et  demain 
à  Versailles  dans  une  voiture  de  BP^  de  Mazarin  où  il  y  a 
un  lit. 

Le  Roi  part  mardi  15  d'ici  ;  il  va  coucher  à  Choisy,  d'où 
il  reviendra  le  18  à  Versailles;  la  Reine  partie  lundi  14; 
Mesdames  demain  10,  et  H.  le  Dauphin  le  samedi  12. 

Du  vendredi  11,  Fontainebleau.  —  M.  le  prince  de 
Lichtenstein  eut  hier  audience  particulière  du  Roi  dans 
le  cabinet,  sans  aucune  cérémonie;  il  n'a  plus  de  carac- 
tère et  a  pris  congé  il  y  a  longtemps ,  comme  j'ai 
marqué  ci-dessus.  La  grande-duchesse ,  qui  se  fait  ici 
appeler  présentement  la  reine  de  Bohème  et  de  Hongrie, 
lui  avoit  envoyé  une  lettre  pour  le  Roi  ;  mais  cette  lettre 
n'a  pas  été  jugée  d'un  style  à  être  présentée  à  S.  M. 
Ainsi  M.  de  Lichtenstein  a  seulement  dit  au  Roi  que  la 
reine  de  Bohème  et  de  Hongrie  l'avoit  chargé  de  rendre 
compte  à  S.  H.  de  la  perte  qu'elle  avoit  faite  ;  il  ajouta 
aussi  un  mot  sur  la  protection  ou  secours  qu'elle  espéroit 
du  Roi.  Je  ne  sais  point  les  termes,  je  n'y-  étois  pas;  et 
l'on  ne  m'a  pu  dire  exactement  les  expressions;  mais  le 
Roi  lui  répondit  à  peu  près  en  ces  termes  :  a  Vous  assure- 
rez la  grande-duchesse.  Monsieur,  de  la  part  que  je  prends 
à  sa  douleur  et  de  l'affliction  que  je  ressens  moi-même 
de  la  perte  qu'elle  a  faite,  et  vous  lui  manderez  que  je  ne 
manquerai  en  rien  à  mes  engagements.  » 

Nous  avons  garanti  la  pragmatique.  L'électeur  de  Ba^ 
vière  prétend,  à  ce  qu'il  me  paroit,  que  cette  pragmatique 


270  Mr^lMOIRBS  QU  l^UC  DE  LUYNES. 

doit  être  regardée  comme  BuUe,  la  maî^ou  ^'Aukii^b^ 
ayant  avec  celle  de  Bavière  des  engagemeots  antérieur» 
et  entièrement  opposés  à  ce  qui  est  réglé  par  U  dite 
pragmatique.  J'ai  appris  aujourd'hui  que  la  Hollande 
et  TAngleterre  paroissent  fort  déterminées  à  soutenir  les 
intérêts  du  grand-duc  en  tout.  On  ne  dit  point  encore 
quel  parti  nous  prendrons. 

Le  Roi  avoit  annoncé  hier  qu'il  pourrolt  bien  aller  à  la 
chasse  aujourd'hui  ;  il  ne  put  y  aller  hier  ni  avant-hier, 
à  cause  de  la  gelée.  Ce  matin  tout  étoit  prôt.  Au  lever^ 
H.  le  comte  d'Estrées  (  Courtenvaux)  a  dit  au  Roi  qu'U 
avoit  eu  quelque  moment  d'inquiétude  en  apprenant  que 
l'ordre  pour  la  chasse  étoit  changé^  maisqu'il  avoit  itéra»- 
sure  bientôt  après,  ayant  su  que  c' étoit  par  rapport  au 
terrain  qui  s'étoit  trouvé  mauvais  à  courre.  Soit  que  le 
Roi  ait  cru  que  l'on  avoit  soupçonné  qu'U  auroit  pu  se 
trouver  incommodé  ou  autrement^  il  a  répondu  assez  sè^ 
chement  que  ce  n'étoit  point  par  rapport  au  terraiUj 
mais  que  c'étoit  fête  aujourd'hui;  qu'il  ne  l'avoil  appris 
que  ce  matin.  (U  y  a  plusieurs  fêtes  dans  ce  diocèse  qui 
ne  sont  point  fêtées  partout,  et  saint  Martin  Test.  )  Le  Roi 
a  été  au  salut»  S.  H.  a  dit  ce  soir  à  souper  que  la  cza- 
rine  (1)  étoit  à  l'extrémité. 

Du  lundi  Ik,  Fontainebleau.  —  M.  de  Castropignano  a 
toujours  resté  ici,  logé  aux  dépens  du  Roi  dans  une  mai- 
son louée  en  ville,  suivant  l'usage  ;  il  a  donné  un  grand 
dîner  le  6  de  ce  mois;  il  avoit  emprunté  pour  cet  effet  ce 
qu'on  appelle  le  Gouvernement  ;  il  y  avoit  quatre  ou  cinq 
tables  et  cinquante  ou  soixante  personnes.  Lorsqu'il  ren^ 
dit  compte  de  cet  arrangement  à  H.  le  Cardinal,  S.  £m. 
lui  conseilla  de  ne  point  faire  tant  de  dépense  ',  il  répon- 
dit qu'il  avoit  ordre  de  faire  plus  que  le  jour  des  nais- 
sances, et  que  ces  jours  de  naissance  du  Roi  ou  de  la 


•\ 


•— «■ 


(J)*Annp  tvanovna,  n«^»en  1693. 


reine  des  Deux-^iciles;,  il  a^oit  ordre  de  donner  à  diner  è 
treEQte  ou  quarante  personnes  ;  M*  le  Cardinal  n'eut  rien  à 
répondre;  mais  il  parut  à  M.  de  Castropignano ,  à«  ce 
qu'il  m'a  dit^  que  cette  fête  n'étoit  pas  trop  de  son  goût, 
La  circonstance  de  la  mort  de  l'Empereur  n'a  rien  changé 
à  cet  arrangement  parce  qu'il  étoit  tout  préparé^  maïs 
H.  de  Castropignano  m'a  dit  que  sans  cela  il  auroit  dif* 
féré  la  fête  d'un  mois  ou  deux. 

Du  samedi  19,  Versailles.  —  Il  y  a  déjà  quatre  ou  cinq 
jours  que  Ton  sait  la  mort  de  la  clarine;  on  a  dit  qu'elle 
étoit  morte  d'une  goutte  remontée  ;  on  soupçonne  cepen- 
dant que  cette  mort  pourroit  bien  n'être  pas  naturelle. 
Elle  avoit  fait  faire  depuis  environ  un  an  plusieurs  exé- 
cutions de  gens  considérables,  comme  complices  de  cons- 
pirations faites  contre  elle.  Elle  a  fait  un  arrangement  pour 
la  succession  à  l'empire  de  Russie,  que  l'on  peut  voir 
dans  la  Gazette.  Cet  arrangement  a  été  suivi  jusqu'à  pré- 
sent ,  et  c'est  un  enfant  de  trois  mois  qui  lui  a  succédé  ;  il 
s'appelle  Ivan  et  est  fils  du  duc  Ulrich  de  Brunswick  et 
de  la  princesse  Anne  y  petite-fille  de  Jean,  lequel  étoit 
frère  du  czar  Pierre  I",  celui  qui  vint  en  France  en  1717 
et  qui  fit  mourir  à  son  retour  son  fils.  La  czarine  avoit 
quarante-sept  ans.  C'est  le  duc  de  Courlande  (1)  qui  est 
administrateur  de  Russie  par  l'arrangement  qu'elle  a 
fait.  Cette  mort  peut  faire  un  grand  changement  par  rap- 
port aux  intérêts  du  grand-duc,  qui  croyoit  avoir  lieu  de 
compter  beaucoup  sur  la  czarine. 

M.  de  Lichtensteinest  venu  ici  aujourd'hui,  et  a  apporté 
à  M.  le  Cardinal  un  extrait  du  testament  de  Ferdinand  V% 
frère  de  Charles-Quint.  J'ai  vu  quelqu'un  très-digne  de 
foi  à  qui  M.  de  Wassenaer  a  montré  ledit  extrait;  il  porte 
que  Ferdinand  I"  veut  et  entend  que  les  royaumes  de  Hon- 


(1)  £rneBr>Jean  comte  de  Biren»  amant  de  la  ciarine  et  son  premier  mi- 
nistre. Pendant  son  gouvernement,  Biren  fit  supplicier  12,000  personnes  et  exi- 
ler 20,oro  autres. 


373  MÉMOIRES  BU  DUC  DE  LUTNES. 

grie  et  de  Bohème  passent  àla  fille  aînée,  au  défaut  d'hoirs 
mâles,  du  dernier  empereur  de  la  maison  d'Autriche. 
L'électeur  de  Bavière,  au  contraire,  prétend  que  lesroyau- 
mes  de  Hongrie  et  de  Bohème,  donnés  par  le  testament  de 
Ferdinand  F',  à  défaut  d'hoirs  mâles,  à  Anne,  fille  de  Fer* 

dinand,  lacpielle  avoit  épousé  Albert,  duc  de  Bavière 

Il  est  à  observer  premièrement  que  Ferdinand  avoit 
épousé  Anne,  fille  de  Ladislas,  roi  de  Hongrie  et  de  Bo- 
hème, dont  il  eut  entre  autres  enfants  la  duchesse  de 
Bavière  ;  secondement  que  la  duchesse  de  Bavière  avoit  à 
la  vérité  une  sœur  ainée,  nommée  Elisabeth,  qui  épousa, 
en  1543,  Sigismond-Auguste,  roi  de  Pologne,  maisqu'eUe 
mourut  en  1 54.5,  et  que  la  duchesse  de  Bavière  ne  fut 
mariée  qu'en  15&>6.  M.  de  Lichtenstein  a  ajouté  que  le 
ministre  de  Bavière  avoit  produit  la  copie  que  Télecteur 
avoit  du  testament  de  Ferdinand  P',  et  que  cette  copie 
s'étoit  trouvée  n'être  pas  conforme  à  l'original  gardé  à 
Vienne,  que  l'on  avoit  fait  assembler  les  ministres  étran- 
gers, que  la  confrontation  avoit  été  faite  de  la  copie  et  de 
Toriginal,  et  que  le  ministre  de  Bavière  avoit  été  obligé 
d'en  convenir. 

Le  Roi  soupa  le  lundi  Ik  dans  ses  cabinets  ;  il  n'y  avoit 
de  dames  que  Mademoiselle,  M*"*^'  deMailly  etdeVintimille 
et  M"*  la  maréchale  d'Estrées.  M*"**  de  Clermont  étoit  par- 
tie avec  la  Reine.  M"*  de  Hontmorin  étoit  à  Fontainebleau , 
et  on  lui  proposa  de  souper  avec  le  Roi  ;  elle  refusa  et  dit 
qu'elle  étoit  incommodée.  Comme  c'étoit  la  première  fois 
de  tout  le  voyage  qu'on  lui  avoit  proposé  de  souper  dans 
les  cabinets,  on  a  jugé  qu'elle  avoit  bien  pu  chercher  une 
excuse.  Le  Roi  joua  après  souper  dans  un  salon  qui  est 
de  plain-pied  à  celui  où  il  mange  ;  il  y  avoit  une  table  de 
quadrille  pour  S.  M.,  une  pour  M"*  la  maréchale  d'Es- 
trées et  ui\e  de  cavagnole,  où  jouoit  M"*  de  Mailly.  Comme 
la  piècen'estpasfort  grande  et  que  M'"*  la  maréchale  d'Es- 
trées parloit  assez  haut,  on  avoit  de  la  peine  à  s'entendre 
au  cavagnole.  M"**  de  Mailly,  qui  étoit  à  l'autre  bout  de 


NOVEMBRE  1740.  273 

la  table,  éleva  la  voix  et  lui  dit  :  «  Madame  la  maréchale^ 
taisez-vous,  vous  faites  trop  de  bruit  ;  »  elle  fut  obéie  sur- 
le-cbamp.  Ce  fait  est  certain,  car  j'y  étois. 

Le  samedi  d'auparavant,  le  Roi,  ayant  soupe  dans  ses 
cabinets,  passa  chez  Mademoiselle  ;  on  proposa  un  cava- 
gnole;  M"*  de  Hailly  n'y  voulut  point  jouer;  elle  alla  se 
placer  auprès  du  Roi  qui  jouoitau  piquet;  et^  comme  elle 
étoit  fort  près  du  Roi ,  elle  marquoit  son  jeu.  Le  Roi  pa- 
roissoit  fort  content  qu'elle  fût  auprès  de  lui  ;  et  même, 
pendant  la  partie,  il  prit  en  badinant  un  jeu  de  cartes 
qu'il  mit  sur  la  tète  de  M"*  de  Mailly . 

Le  mardi  15,  le  Roi  partit  de  Fontainebleau  dans  sa 
calèche,  H.  d'Harconrt  à  côté  de  lui,  et  sur  le  devant  M.  le 
Premier  et  M.  de  Chalais.  Ceux  qui  étoient  venus  avec  le 
Roi  suivoient  dans  une  gondole.  S.  M.  trouva  en  arrivant 
à  Choisy  ses  bâtiments  finis  ;  et  Ton  travailla  ce  même 
jour  dans  lacuisine  nouvelle.  Uy  a  actuellementde  quoilo- 
ger  quatre-vingt-dix  chevaux  dansTécurie.  Mademoiselle 
arriva  ce  même  jour  à  Choisy  avec  M"*  de  Yintimille , 
W^'  de  Mailly  et  M"«  la  maréchale  d'Estrées;  M'"*  de  Cler- 
mont  y  arriva  aussi  de  Versailles,  et  M"®  d'Antin  de  Paris. 
11  y  eut  un  cavagnole  devant  et  après  souper.  Mademoi- 
selle et  M"*®  de  Mailly  y  jouèrent  Tune  et  l'autre,  mais  non 
sans  humeur  de  la  part  de  M'^'^de  Mailly,  qui  se  plaignoit 
du  malheur  dont  elle  jouoit  et  de  la  fortune  de  Mademoi- 
selle ;  cette  humeur  avoit  commencé  dès  le  samedi  à  Fon- 
tainebleau. M'^^de  Mailly  avoit  pris  la  résolution  déjouer  le 
lendemain  chez  elle,  et  elle  avoit  même  averti  des  joueurs  ; 
cependant  le  lendemain,  ayant  diné  chez  la  maréchale 
d'Estrées,  où  elle  dîne  tous  les  jours ,  elle  y  joua  à  cava* 
gnole,  et  pendant  le  jeu  elle  reçut  une  lettre ,  que  lui 
apporta  sa  femme  de  chambre,  à  laquelle  elle  fit  réponse 
sur-lé-champ  sur  la  table  même  du  jeu.  Je  ne  sais  ce  que 
contenoit  ce  billet;  mais,  ce  qui  est  certain,  c'est  que 
M*"^  de  Mailly  quitta  le  jeu  à  cinq  heures  trois  quarts,  des- 
cendit chez  Mademoiselle ,  où  le  Roi  arriva  le  moment 

T.  III.  18 


374  MÉMOIRi»  DU  DUC  DE  LUYNES. 

d'après.  Q  y  eut  un  cav^^nole  et  M*^  de  Maîlly  y  joua; 
mais  oetie  même  humeur  ce  renouvela  le  mercredi  à 
Choisy.  H"*^  de  Mailly  resta  dans  sa  chambre;  liaidemoi- 
seile  envoya  aTertîr  des  joueurs,  et  entre  autres  le  vidame 
de  Vasséy  qui  étoit  dans  ce  moment  ehez  IP*  de  Mailly  ; 
elle  descendit  fort  peu  de  temps  après,  de  fort  mauvaise 
humeur  de  ce  qu'on  ne  lui  avoit  rien  dit,  et  trouva  le  jeu 
commencé.  De  ce  moment  elle  prit  la  résolution  d'envoyer 
sur-le-champ  chercher  un  cavagnole  à  Paris  pour  pou- 
voir y  jouer  de  son  côté  ;  elle  y  envoya  effectivement  ;  et, 
après  le  souper,  elle  dit  à  quelqu'un ,  qui  me  Ta  conté , 
que  son  cavagnole  étoit  arrivé.  Cet  homme ,  qui  est  de 
ses  amis  et  fort  sensé ,  sentit  que  cette  démarche  alloit 
faire  une  scène,  et  conseilla  à  M"^^  de  Mailly  de  ne  pas  faire 
usage  du  cavagnole  :  elle  suivit  ce  conseil  et  le  cavagnole 
est  demeuré  enfermé  pendant  tout  le  voyage  ;  et  pendant 
tout  ce  temps  elle  a  joué  avec  Mademoiselle. 

Le  Roi  revint  ici  vendredi  avec  les  dames. 

Dimanche  dernier,  après  le  salut,  laReineallavoirM.  le 
duc  deCharost,  qui  est  toujours  malade;  elle  avoit  déjà  été 
le  voir  à  Fontainebleau ,  comme  je  crois  Tavoir  marqué. 

La  Reine  est  partie  le  lundi  1  &•.  11  y  avoit  dans  son  car- 
rosse M"*  de  Clermont  à  côté  de  S.  M.,  M°"*^  de  Luynes  et 
M"''  de  Montauban  sur  le  devant ,  M"^*  de  Villars  et  de 
Bouzolsaux  portières.  Dans  le  second  carrosse,  M*"^'  de 
Tessé  et  d'Âncenis.  Dans  le  carrosse  des  écuyers,  M.  de 
Nangis,  l'écuyer  de  quartier  et  M.  Tabbé  d'Alègre,  au- 
mônier de  la  Reine ,  à  qui  M.  de  Tessé  a  bien  voulu  don- 
ner une  place.  L'écuyer  cavalcadour  est  malade.  En 
venant  ici,  H.  Helvétius,  premier  médecin ,  étoit  dans  le 
carrosse  des  écuyers.  M.  de  Tessé  m'a  dit  qu'il  avoit  droit 
d'être  dans  ce  carrosse.  Comme  M.  Helvétius  est  parti  avec 
M.  le  duc  de  Charost,  M.  de  la  Vigne  ,  médecin  ordinaire, 
a  fdit  demander  s'il  pourroit  avoir  dans  ce  carrosse  la 
place  qu'a  voit  occupée  M.  Helvétius,  et  on  lui  dit  quecela 
ne  se  pouvoit  pas. 


&u  mardi  ââ^  Versailleê.  —  On  a  beaucoup  parlé 
ici  d'une  plaîsaaterie  que  M.   le  Dauphin   fit  il  y  a 
quelques  jours»  M.  de  ChÀtillon  étdit  à  Paris  ;  M.  le  Dau- 
phin^  qui  lui  fait  beaucoup  d'amitié    et   qui   Faime 
réellement  ^  imagina  de  lui  écrire.   M.  de  Ghàtillon 
lui  fit  réponse  sur-le-champ.  LavBque  M.  le  Dauphin 
reçut  ûeUè  réponse,  il  étoit  seul  dans  aon  cabinet  avec 
M.  de  Muy,  lequel  lisoit.  Il  voulut  montrer  À  M.  de  Muy 
1^  lettre  d;  M.  de  Ch&tillon ,  mais  M.  de  Muy  ne  voulut 
pas  fat  voir.  U^  le  Dauphin  demanda  une  plume  et  du  pa- 
pier et  dit  qull  vouloit  écrire  ;  il  écrivit  effectivement 
quatre  pages  de  papier  d'une  écriture  un  peu  différente 
djB  son  écriture  ordinaire;  il  les  plia  ensuite  et  les  mit 
dans  la  lettre  de  H.  de  Ghàtillon  ;  puis  il  demanda  à 
M.  de  Muy  s'il  vouloit  lire  des  nouvelles  qui  étoient  dans 
cette  lettre.  M.  de  Muy^  qui  ne  se  doutoit  de  rien^  pria 
M,  le  Dauphin  de  vouloir  bien  les  lui  lire  lui-même  ; 
H.  le  Dauphin  les  lut  et  M.  de  Muy  crut  que  c^étoit  effec- 
tivement un  gazetin  que  M.  de  Ghàtillon  lui  avoit  envoyé. 
Il  y  étoit  parlé  de  la  mort  de  la  cEarine ,  des  raisons 
qu'on  avoit  de  croire  qu'elle  pouvoit  bien  avoir  été  em^ 
poisonnée ,  des  différents  seigneurs  moscovites  qui  pour- 
roient  disputer  la  couronne  au  czar  Ivan  ;  H.  le  Dauphin 
avoit  composé  des  noms  qui  paroissoient  vraisemblables. 
Il  étoit  encore  parlé  des  intérêts  que  la  Suède  avoit  à 
exercer  dans  ces  conjonctures  par  rapport  au  pays  qu'elle 
avoit  été  obligée  de  céder  à  la  Russie  et  qu'elle  cherche- 
roit  vraisemblablement  à  recouvrer.  Ces  nouvelles  furent 
ensuite  données  dans  le  caveau  (1)  de  M.  le  Dauphin,  où 
l'on  s'entretient  quelquefois  de  politique,  et  y  furent  lues 
comme  véritables  ;  et  ce  ne  fut  qu'au  retour  de  M.  de  Ghâr 
tiUon  que  l'o/a  sut  qu'il  n'avoit  point  envoyé  de  nouvelles 
à  M.  le  Dauphin,  et  que  c'ëtoit  lui-même  qui  les  avoit 


(1)  Petite  pièce  de  rappartement  du  grand  Dauphin,  fils  de  Louis  X[V,  sou- 
vent citée  par  Dangcau  et  Saint-Simon. 

IS. 


376  MÉMOIRES  DU  DUC  D£  LUYNES. 

composées.  Ce  gazetin  a  été  montré  au  Roi  et  à  la  Reine  ; 
mais  ou  n'a  pas  voulu  qu'il  courût  ;  M.  de  Ghàtillon  a 
dit  qu'il  étoit  brûlé  ;  et  c'est  M.  de  Muy  qui  m'a  dit  à  peu 
près  ce  que  je  viens  de  marquer. 

Mercredi  dernier  fut  fait  à  Paris  chez  M"*  la  Duchesse  mère 
le  mariage  de  M''^  de  Verneuil  avec  M.  de  la  Guiche.  M.  de 
la  Guiche  est  homme  de  condition,  je  crois^  de  Bourgogne, 
et  neveu  à  la  mode  de  Bretagne  de  H*"*  deLassay.  M.  de 
Lassay,  qui  n'a  point  d'enfants,  le  regarde  presque  comme 
son  fils.  M.  de  la  Guiche  est  colonel  d'un  des  régiments  de 
M.  le  prince  deConty.  11  a  actuellement  25,000  livres  de 
rente.  M^^^  de  Verneuil  a  été  élevée  chez  Martin,  apothicaire 
de  M.le  Duc,  comme  nièce  du  dit  Martin  ;  elle  est  bâtarde 
de  M.  le  Duc,  qui  Ta  reconque  quelque  temps  avant  que 
de  mourir  et  lui  a  laissé  par  son  testament  15,000  livres 
de  rente.  M"*^  la  Duchesse  mère  outre  cela  lui  a  assuré 
9,000  livres  de  rente.  Bien  des  gens  croient  qu'il  auroit 
été  plus  convenable  de  marier  M"*  de  Verneuil  en  pro- 
vince que  dans  ce  pays-ci,  d'autant  plus  que  sa  mère,  qui 
estmorte,  quoiqu'elle  ne  soit  point  nommée,  étoit  fort  con- 
nue et  considérable  dans  ce  pays-ci  et  tient  à  beaucoup  de 
gens.  M*°^laDuchesseetM.  deLassay  ont  voulu  absolument 
ce  mariage  et  Tout  fait,  quoique  le  Roi  ait  refusé  de  signer 
au  contrat,  comme  je  Tai  marqué  plus  haut.  M*""  la  Du- 
chesse donna  un  grand  souper  le  mercredi;  il  y  avoit 
quatre  tables  de  quinze  ou  seizecouverts  chacune.  Aujour- 
d'hui elle  a  présenté  M*"^  de  la  Guiche  au  Roi  età  la  Reine. 
La  présentation  s'est  faite  à  l'ordinaire  ;  M*"^  la  Duchesse 
n'avoit  avec  elle  que  ses  deux  dames  ;  M"*'  de  la  Guiche 
n  a  pas  encore  quinze  ans  ;  elle  est  bien  faite  etassez  jolie. 

M.  de  Camasaeu  aujourd'hui  son  audience  de  congé; 
Il  est  venu  dans  les  carrosses  du  Roi,  à  l'ordinaire,  et  a 
fait  un  compliment  fort  court  au  Roi  et  à  la  Reine.  L'au- 
dience du  Roi  étoit  dans  le  cabinet,  et  celle  de  la  Reine 
dans  le  cabinet  avant  sa  chambre;  M.  de  Nangis  seul 
derrière  le  fauteuil  de  la  Reine.  M.  le  cardinal  de  Fleury 


lïOVËMBRË  1740.  2?7 

y  étoit  et  a  toujours  resté  debout  même  pendant  que  les 
dames  étoient  assises.  H.  de  Gamas  a  dîné  dans  la  salle 
dés  ambassadeurs  y  suivant  Fusage. 

Je  me  suis  informé  aujourd'hui  plus  particulièrement 
de  ce  qui  s'est  passé  à  Vienne  au  sujet  de  Télecteur  de 
Bavière  ;  il  est  certain  que  le  5  de  ce  mois  ^  sur  la  de- 
mande faite  par  H.  de  la  Pérouse  y  ministre  de  Bavière 
à.  Vienne,  le  testament  de  Ferdinand'  T' a  été  montré  et 
confronté  avec  la  copie  envoyée  de  Munich.  Il  y  avoit  dans 
la  copie  que  les  royaumes  de  Bohème  et  de  Hongrie  pas* 
seroient  à  Télecteur  de  Bavière  à  défaut  d'hoirs  mêles. 
Le  mot  allemand  est  :  Mannliche  Erbeny  héritiers  mêles , 
et  on  a  trouvé  dans  l'original  du  testament  ces  mots  : 
Eheliehe  Erberiy  héritiers  légitimes.  M.  de  Grimberghen , 
à  qui  j'en  ai  parlée  ne  sait  pas  encore  quels  ordres  il  re- 
cevra à  ce  sujet  de  la  cour  de  Munich;  mais  il  prétend 
que  la  copie  dont  est  question  a,  dit-on^  été  donnée  depuis 
peu  d'années  à  l'électeur  d'aujourd'hui ,  et  qu'il  a  con- 
noissance  qu'il  y  a  plus  de  vingt  ans  que  le  feu  électeur 
regardoit  son  droit  sur  la  Bohème  comme  incontestable  ; 
qu'il  y  a  plusieurs  années  qu'il  demandoit  que  l'on  mon- 
trât le  testament  de  Ferdinand  sans  pouvoir  l'obtenir  ; 
que  l'on  avoit  insisté  à  Vienne  pour  qu'ils  remissent  la 
copie  qu'ils  avoient  de  ce  testament,  et  qu'enfin  on  n'avoit 
pu  voir  l'original  que  dans  l'occasion  présente.  On  soup- 
çonne qu'il  ne  seroit  pas  impossible  que  ce  titre ,  quoi- 
qu'ancien,eûtété falsifié,  d'autant  plusque  le  changement 
du  mot  essentiel  n'est  pas  difficile  comme  il  vient  d'être 
expliqué.  11  y  a  même  déjà  un  exemple  dans  la  maison 
d'Autriche.  L'an  1547,  Granvelle ,  ministre  de  l'empereur 
Gharles  V ,  au  lieu  d'avoir  mis  dans  la  convention  faite 
pour  la  liberté  dulandgrave  deHesse,  ces  mots  :  Ohne  Eini^ 
ges  Gefangniss  (1),  y  substitua  OAne  Ewiges  Gefangnisi  (2) . 


(1)  Sans  aucune  prison. 

(2)  Sans  prison  perpétuelle. 


278  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Du  mercredi  23,  Versailles,  —  Depuis  que  M.  le  duc  de 
Charost  est  arrivé  ici,  la  Reine  a  été  lui  rendre  visite.  Le 
Roi  y  fut  aussi  hier  à  trois  heures  après  midi.  M""  de  Mailly 
n'étoit  point  ici  ;  elle  étoit  allée  à  FOpéra  avec  des  chevaux 
de  la  Reine  que  H.  de  Tessélui  avoit  prêtés;  elle  avoit 
mené  avec  elle  M'^'de  Vintimille  et  M.  d'Ayen;  elle  revint 
le  soir. 

Du  dimanche'^*! y  Versailles.  —  M.  de  laTourn^De  mou- 
rut mercredi  dernier,  23  de  ce  mois,  de  la  petite  vérole  ; 
il  avoit  épousé  la  sœur  de  M™»  de  Flavacourt  et  de 
M"*"  de  Mailly  et  de  Vintimille  etdeM"*"  de  Hontcavrel. 
M"*^  de  la  Tournelle,  qui  est  une  des  plus  belles  femmes 
de  ce  pays-ci,  reste  avec  environ  16,000  de  rente;  elle 
a  eu  9,000  li^es  en  se  mariant,  en  60  actions,  et  a  renoncé 
à  tous  droits  de  succession.  On  lui  a  donné  5,000  livres 
de  douaire ,  2,000  livres  d^habitation  et 20,000  livres  de 
préeiput.  M  de  la  Tournelle  n^a  été  presque  connu  que 
depuis  sa  m^t  ;  il  étoit  extrêmement  jeune  et  vivoit  peu 
dans  ce  pays-ci  ;  il  étoit  dans  la  grande  piété,  et  faisoit 
prodigieusement  d'aumônes.  Son  bien  con^stoit  en  une 
terre  aux  environs  d'Autun,  valant  52,000  livres  de 
i^ente.  Il  à  m.  mère  e4  tlne  soeur  qui  se  meurt,  lesquelles 
vivoient  sur  cette  terre,  dé  sorte  qu'il  ne  lui  restoit  pas 
30>00(l  Mviteg  de  rente.  Cette  terre ,  dont  le  revenu  est 
priiicipalement  en  bote,  ne  vaioit  que  4  à«SiOOO  livres 
<le  renie  ;  elle  s^'ëppoRe  la  TôurtieUe;  M^  le  maréchal  de 
Taubati ,  ami  du  ^ranâ-pè)>e  6u  du  bisaltol  de  M.  de  la 
Tournelle ,  étant  âfflâ  ie  voir  dans^cette  terre ,  lui  dit  qu'il 
étoit  bien  singuli#  qû^avee  une  ans»  fn^odigieuse  quan- 
tité de  bois,  il  eût  aussi  peu  de  r^evétitts;  il  voulut  aller 
lui-même  examiner  s'il  ne- pou  voit  point  y  avoir  de  dé- 
bouchés à  cesiM)is>  et  apfès  avoir  fris  une  exacte  con- 
uoissance  du  terrain,  il't]^oôva  que  Ton  pouvoit^  sans 
l)eaucoup  de  frais,  faire  un  petit  canal  qui  conduiroit  à  une 
petite  rivière  assez  forte  pour  que  Ton  y  pût  jeter  le 
bois,  ce  que  Ton  appelle  à  bois  perdu.  Cette  piroposition 


NOVEMBRE  1740.  27» 

bien  examinée  fut  trourée  fort  aisée  à  exécixter.  M.  de  la 
Tournelle  demanda  à  M.  de  Vauban  de  vouloir  bien  lui 
garderie  secret  sur  cette  idée^  etencoQséqaenee  il  chercha 
à  acheter  tout  le  plus  quHl  lui  fui  possible  des  bmscircon- 
voisins;  après  quoi  il  fit  faire  le  canal^  et  cette  terre  est 
aujourd'hui  affermée  Sâ^OOO  livres.  Si  la  scBur  de  M.  de 
la  Tournelle  meiirt^  tous  ces  biens  passent  aux  enfants  de 
son  oncle» 

Le  Roi  alla  à  .la  Heutte  mercredi  dernier,  et  en  revint 
hier.  Il  y  avoit  à  ce  voyage  les  quatre  sœurs,  M°*"  de 
Chalais  et  de  Talleyrand. 

M.  de  Chambonas ,  fils  unique  de  la  dame  d'honneur 
de  IP^  la  duchesse  du  Maine,  épouse  M^^^  du  Roure,  dont 
la  mère  est  fille  de  M.  le  maréchal  de  Riron. 

H.  de  Gastellane ,  ambassadeur  du  Roi  à  Constanti- 
nople,  part  dans  huit  ou  dix  jours;  il  s'embarque  à 
Toulon.  Le  Roi  lui  donne  deux  vaisseaux  de  guerre,,  com- 
mandés par  un  chef  d'escadre  qui  est  H.  de  Gabaret;  il 
compte  qu'il  lui  faut  cinq  semaines  pour  faire  son  voyage 
de  Toulon  à  Constantinople.  On  compte  trois  cents  lieues 
seulementde  Toulon  allaite.  Cette  distance  est  remarquable 
par  deux  événements  singuliers  et  qui  passent  pour 
constants  et  bien  prouvés  ;  l'un^i  d'im  marchand  de  Malte 
qui,  ayant  un  procès  à  Aix,  partit  utt  dimanche  après 
avoir  entendu  la  mâ$se ,  arriva  à  Marseille ,  alla  à  Aix , 
distant  de  cinq  lieues  de  cette  ville,  fit  juger  son 
procès,  leva  Tarrèt,  se  rembarqua,  et  arriva  à  Malte  assez 
à  temps  pour  y  entendre  la  messe  le  dimanche  suivant. 
L'autre  fait  est  d'un  oiseau  de  proie,  un  faucon  de  la  fau- 
connerie, lequel,  sous  Louis  XIV,  volant  une  bécasse  s'en 
alla,  et  fut  perdu;  on  remarqua  l'heure  et  le  moment, 
vingtrquatre  ou  vingt-sept  heures  après,  le  même  faucon  et 
la  bécasse  arrivèrent  à  Malte  dans  la  place.  On  reconnut 
que  le  faucon  appartenoit  au  Roi,  et  il  lui  fut  renvoyé. 
Ces  deux  faits  m'ont  été  contés  par  H.  le  bailli  de  Conflans 
et  M.  le  bailli  de  Froulay. 


380  BIÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYT<ES. 

Du  mardi  i9,  Virmlles.  —  Dimanche  au  soir  27  de  ce 
mois^  H""*  de  Talleyrand  fut  déclarée  dame  du  palais  de 
la  Reine  à  la  place  de  VP^  de  Chalais^  sa  mère ,  qui  se 
retire  ;  elle  ne  prendra  pas  la  même  semaine  qu'avoit 
M"*^  de  Chalais ,  mais  elle  sera  de  semaine  avec  M"*'  de 
Boufflers  et  de  Yillars  ;  et  H**  de  Fleury ,  qui  étoit  dans  la 
semaine  de  ces  dames  à  la  place  de  }P^  de  Gontaut,  passe 
dans  la  semaine  où  étoit  H"*^  de  Chalais.  L^on  observe  au-> 
tant  qu'il  est  possible  qu'il  y  ait  moitié  d^  femmes  titrées^ 
à  cause  des  dîners -et  soupers  de  la  Reine. 

Au  mariage  de  la  Reine ,  les  douze  dames  du  palais 
furent  H"''"  d'Egmont ,  de  Tallard ,  de  Mérode  et  de  Ma- 
tignon pour  une  semaine;  pour  une  autre.  H"""  de 
Chalais ,  de  Béthune ,  de  Nesle  et  de  Rupelmonde  ;  pour 
la  troisième  semaine ,  M°^'  la  maréchale  de  Yillars  et 
duchesse  d'Antin ,  M*"^'  de  Prie  et  de  Gontaut.  On  sait 
que  M"**  de  Gontaut  a  été  longtemps  sans  être  titrée. 
M"®  d'Egmont  s'étant  retirée ,  H"^  la  marquise  de  Resnel, 
depuis  Clermont-d' Amboise ,  fut  mise  à  sa  place  ;  elle  se 
retira  aussi  quelque  temps  avant  sa  mort ,  et  sa  place  fut 
donnée  à  M"'  sa  sœur,  M"*  de  Bouzols.  M"*  de  Tallard 
ayant  été  faite  gouvernante  des  enfants  de  France, 
M"*^  la  princesse  de  Montauban  eut  sa  place.  Après  la 
mort  de  M"*  de  Béthune ,  M"»*  d'Ancenis ,  sa  belle-fille , 
a  été  faite  dame  du  palais ,  de  même  que  M""^  de  Hailly 
après  la  mort  de  M"'  de  Nesle ,  sa  mère.  H*"*  la  maréchale 
de  Yillars  céda  sa  place  à  H"**  la  duchesse  de  Yillars,  sa 
belle-fille.  M"^  de  Prie  étant  morte,  M"*'  d'Alincourt, 
fille  de  M""*  la  maréchale  de  Boufflers,  fut  mise  à  sa  place, 
et  depuis  s'étant  retirée  elle  fut  remplacée  par  M"®  la 
duchesse  de  Boufflers.  M"*'  la  duchesse  de  Fleury,  laquelle 
comme  j'ai  marqué  ci-dessus  avoit  été  nommée  treizième 
dame  du  palds ,  a  eu  une  place  à  la  mort  de  M"**  de  Gon- 
taut. Ainsi,  depuis  quinze  ans  il  est  mort  six  damés  du 
palais,  savoir  :  M""  de  Nesle,  de  Prie  ,  d'Alincourt,  de 
Béthune,  de  Resnel  et  de  Gontaut,  sans  compter  la  dame 


NOVEMBRE  1740.  381 

d^honneur^  M"*^  la  maréchale  de  Boufflers ,  et  la  dame 
d'atoars,  M"* de  Hailly  ;  elles  s'étoient  retirées  toutes  deux. 
M*"*^  de  Luynes  a  eu  la  place  de  M*"*  de  Boufflers,  et  M"*  de 
Mazarin  celle  de  M*"'  de  Hailly,  âa  mère.  Il  ne  reste  plus 
actuellement  de  dames  du  palais  de  la  création,  que 
quatre  :  M"^  d'Antin ,  de  Rupelmonde ,  de  Hérodes  et  de 
Matignon.  M""®  de  Chalais  demanda  le  dimanche  à  la 
Reine  la  permission  de  lui  amener  M"*  de  Talleyrand  ; 
mais  la  Reine  lui  répondit  qu'il  falloit  que  cela  passât 
par  M"®  de  Luynes  ;  et  effectivement  M"*  de  Chalais  s'é- 
tant  trouvée  incommodée  hier,  ce  fut  M""^  de  Luynes  seule 
qui  mena  M"*  de  Talleyrand,  d'abord  chez  M.  le  Cardinal , 
ensuite  chez  le  Roi,  chez  la  Reine,  chez  M.  le  Dauphin  et 
chez  Mesdames. 

M.  de  Saint-Hilaire  mourut  il  y  a  quelques  jours  ;  il 
étoit  lieutenant  général  d'artillerie  et  avoit  quatre-vingt- 
huit  ou  quatre-vingt-neuf  ans  au  moins.  Tout  le  monde 
sait  ce  qui  se  passa  à  la  mort  de  M.  de  Turenne,  eu  1675. 
M.  de  Saint-Hilaire ,  père  de  celui-ci,  eut  le  bras  emporté 
du  même  boulet  de  canon  qui  tua  M.  de  Turenne.  M.  de 
Saint-Hilaire ,  qui  vient  de  mourir,  vint  à  lui  fondant  en 
larmes  ;  mais  le  père  avec  une  fermeté  héroïque ,  lui 
montrant  M.  de  Turenne ,  lui  dit  :  «  Ce  n'est  point 
sur  moi  qu'il  faut  pleurer,  mon  fils,  c'est  la  mort  de  ce 
grand  homme.» 

M.  de  Cantimir  a  donné  part  aujourd'hui  de  la  mort 
deJa  czarine  ;  il  est  venu  en  pleureuse  chez  le  Roi  conduit 
par  M.  de  Sainctot;  il  est  entré  dans  le  cabinet,  M.  de 
Sainctot  est  sorti  et  on  a  fermé  la  porte;  c'est  l'usage. 
M.  de  Cantimir  a  remis  une  lettre  au  Roi  ;  il  n'a  point 
donné  part  à  la  Reine ,  n'ayant  point  de  lettre  à  lui 
remettre  ;  il  a  été  seulement  à  la  toilette,  et  la  Reine 
même  ne  lui  a  rien  dit.  On  prendra  le  deuil  jeudi  pour 
trois  semaines. 


283  MÉMOIRES  DU  IWC  DE  LUYNES. 

DÉCEMBRE. 

Tapisseries  des  Gobelîns.  —  ÂfTaire  du  régiment  de  Coodé.  —  Prétentions  de 
réiectewr  de  Bayière.  ^  Révérence  de  M.  de  RottenboMg  a»  Roi  et  à  b 
Reine.  —  Arrestation  du  duc  de  Coudande.  —  M.  de  Relle-Isle  nommé 
ambassadeur  à  Francfort  —  Visites  du  Roi  au  duc  de  Charost  ;  détails 
donnés  par  ce  duc  au  duc  de  Luynes.  —  Vt^"  de  Chefyrense  prend  congé  dv 
Roi  et  dfe  la  Rdne.  ^  PréBentatiMi  de  la  mafqoise  de  Gasiel  dos  Rioa,  àa 
marquis  de  StafTort  et  de  M.  de  Rosset.  —  Débordement  de  la  rivière.  — 
Mort  dn  comte  de  Montmorency. 

Du  samedi  3,  Versailles.  —  Le  Roi  a  été  eneore  aujour- 
d'hui voir  M.  le  duc  de  Charost;  c'est  la  troisième  visite 
depuis  qu'il  est  malade^  et  d'autant  piusremarquable  que 
ce  n^est  point  que  le  mat  de  H.  de  Charost  soit  plus  consi- 
dérable, au  contraire,  il  est  mieux.  M°"  de  Mailly  et  de 
VintimiUe  j  étoient  et  la  famille  de  H.  de  Cbarost.  Le  Roi 
y  a  resté  près  d'un  quart  dTieure,  debout. 

On  a  tendu,  depuis  le  retour  de  Fontainebleau,  dans 
l'appartement  du  Roi,  des  tapisseries  nouvellement  faites 
aux  Gobelins  sur  les  dessins  de  Jules  Romain  centre  autres 
il  y  en  a  une  qui  représente  le  temple  de  Jérusalem  ;  l'on 
est  assez  étonné  de  voir  le  Pape  dans  cette  tapisserie.  Le 
Roi  disoit  aujourd'^bui  l'origine  de  cette  singularité;  c'est 
que  Jules  Romain,  ayant  peint  le  teoâpie  de  Jérosalra», 
h  PUpe  eut  la  curiosité  d'aller  voir  eet  ouvrage,  et  le 
peintre,  ayant  trouvé  une  place  vacante  dansscm  taMeau, 
crut  devoir  y  mettre  le  Pape  pour  marquer  Fbenneur 
qu'il  recevoit.  ^ 

Ihunereredil,  Versailles.  — Ilyaééjàqmlqaesjoors 
que  la  grande  croix  de  SainlrLouis  vacaxte  par  la  mort 
de  H.  de  Saint*BUaire  fat  donnée  à  M.  d'Erlaeh ,  cordoa 
rouge,  commandant  des  Suisses.  Les  cordons  rouges  v»* 
lent  ou  3  ou  ik^OCO  livres  ;  il  y  e»  a  de  deux  espèces.  La 
grande  croix  vaut  6,000  livres. 

Le  régiment  de  Condé ,  vacant  par  la  mort  de  M.  de  la 
Tournelle,  n'est  pas  encore  donné.  C'est  M.  le  comte  de 
Clermontqui,  comme  je  l'ai  déjà  marqué,  se  mêle  du  détail 


DÉCEMBRE  1740.  2»S 

des  régiments  de  M.  le  prince  de  Condé.  On  disoit  que  ce 
régiment  semt  donné  à  M.  de  Coëtlogon^  premier  écuyer 
de  M.  le  comte  de  Ctermont^  dont  la  femme  est  dame 
d^honneur  de  M™'  la  Duchesse  mère ,  non  pas  pour  hii , 
car  il  n'a  jamais  servi  et  a  été  ecclésiastique  et  même  je 
crc^s  sous^diacre  ou  diacre  ;  mais  il  a  deux  filles,  et  Fon 
comptoit  qu'il  aûroit  la  permission  d'en  disposer  en  fa- 
veur de  celui  qui  épouseroii  sa  fille  aînée  ;  ce  discours 
n'étoit  pas  sans  quelque  fondement.  M.  de  Sabroa^  fils  de 
M'^'^de  Sabran(Foix),  devoit  épouser  W^^  de  Moiiteavrel , 
qu'on  appelle  présentement  Mailly,  sœur  de  M"®  de  Mailly . 
M"®  de  Flavacourt,  aussi  une  de  ses  sœurs,  avoit  prié 
Sf"*'  de  Mailly  de  demander  à  M.  le  comte  de  Clermont 
Tagrément  du  régiment  pour  U.  de  Sabran ,  en  eonsidé^ 
ration  du  mariage.  M*"^  de  Mailly  lui  répondit  que  M.  le 
comte,  de  Clermont ,  ayant  déjà  manqué  à  un  engage^ 
ment  pour  ce  même  régiment  à  sa  prière,  pomr  le  donner 
à  M.  de  la  Tournelle ,  elle  ne  vouloit  ni  ne  pouvoit  plus 
lui  faire  une  nouvelle  prière.  M"®  de  Mailly  a  appris  de- 
puis (c'est  elle  qui  me  Ta  dit)  que  l'on  soUicitoit  auprès 
de  M.  le  comte  de  Clermont  le  régiment  pour  M.  de  Sabran, 
qui  devoit  épouser  M"®  de  Coôtlogon,  et  que  le  mariage 
avec  tf  ^'  de  Mailly  éfoit  rompu.  M"^  de  Mailly  a  été  très- 
piquée.  Elle  a  commencé  par  aller  chez  M.  de  Breteuil 
lui  demander  nommément  l'exclusion  pouif  M.  de  Sabran  ; 
elle  n'en  est  pas  demeurée  là;  elle  parla  hier  ou  avanir- 
hier  tout  haut  au  Roi ,  chez  M"*®  la  comtesse  de  Toulouse , 
et  lui  demanda  la  même  chose;  et  elle  a  fait  dire  à  M.  le 
Cardinal  qu'elle  avoit  demandé  au  Roi  cette  exclusion. 
En  conséquence  elle  a  écrit  à  M.  le  comte  de  Clermont 
pour  qu'il  n'apprit  point  par  d'autres  ce  qu'elle  a  fait,  et 
elle  montra  le  même  soir  sa  tetke  au  Roi. 

M.  le  procTtreiir  général  a  obtenu  pour  son  fils ,  qui 
est  avocat  général  et  a  au  plus  trente  ans,  la  survivance 
de  sa  charge  de  proettreur  général  ào.  Pai?Lement;  il  re- 
miercia  hier  le  Roîi. 


384  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Je  crois  avoir  oublié  de  marquer  que,  lorsque  M"^  la 
princesse  Esterhazy  vit^  il  y  a  quelques  jours,  la  Reine  en 
particulier  dans  ses  cabinets,  sans  être  en  habit  de  cour, 
elle  lui  fut  menée  par  M""^  de  Luynes  et  baisa  le  bas  de  la 
robe  de  la  Reine  comme  à  une  présentation  ordinaire. 

Vendredi  d^Versailles.  — Le  gouvernement  de  Belle-Isle 
vacant  par  la  mort  de  M.  Saint-Hilaire  n'est  pas  encore 
donné  ;  il  demande  résidence.  M.  de  Saint-Hilaire,  à  cause 
de  son  grand  âge,  n'y  résidoit  plus  ;  on  a  déclaré  quMl  ne 
seroit  donné  qu^à  la  condition  de  résidence. 

M.  Tévêque  de  Rennes  (Vauréal),  revint  ici,  il  y  a  quel- 
ques jours;  il  étoit  à  Rennes d^où  on  lui  avoit  mandé  de 
revenir.  Il  fut  déclaré  hier  qu'il  alloit  en  Espagne  en 
qualité  d'ambassadeur.  H.  le  comte  de  la  Marck  est  fort 
incommodé  et  revient.  On  n'a  point  encore  nommé  celui 
qui  ira  à  la  diète  de  Francfort. 

M.  le  marquis  de  Grave^  veuf  depuis  deux  ou  trois  ans 
d'une  sœur  de  M.  de  Matignon^  vint  hier  demander  l'a- 
grément du  Roi  pour  se  marier  ;  il  a  cinquante-cinq  6u 
cinquante-six  ans  ;  il  épouse  une  fille  de  quinze  ou  seize 
ans  ;  c'est  M"*  de  Laval-Montmorency^  que  Ton  appelle  la 
Mentonnière.  Le  fils  de  ce  M.  de  Laval  épouse  la  seconde 
fillede  M.  le  marquis  de  Fervaques;  Talnée,  c'est  M"**  la 
duchesse  d'Olonne.  M.  deLaval  a  épousé  M*"' le  Bayer.  M.  le 
Bayer  étoit  la  Rochefaucauld .  Pour  elle,  elle  est,  je  crois, 
sœur  ou  belle-sœur  de  M"*  Huguet,  grande  mère  de  MT  la 
duchesse  d'Ancenis. 

L'électeur  de  Bavière  paroit  n'avoir  point  abandonné  ses 
prétentions  sur  les  pays  héréditaires  ;  il  prétend  que  le 
mot  Eheliche  Erhenest  suffisant  pour  constater  son  droit; 
cette  prétention  n'est  point  encore  éclaircie.  On  dit  que 
la  grande-duchesse,  aujourd'hui  reine  de  Hongrie  et  de 
Bohème,  a  toute  la  hauteur  de  la  maison  d'Autriche  et 
qu'elle  est  cependant  fort  aimable  et  séduisante.  On  me 
contoitque,lorsquelle  vit  M"®  la  duchesse  de  Lorraine,  sa 
belle-mère  (je  crois  àinspruck)  ,elle  se  jeta  à  genoux  de- 


DÉCEMBRE  1740.  385 

vant  elle^  etluifitmille  amitiés;  que  pendant  huit  ou  neuf 
jours  qu'elles  furent  ensemble,  elle  ne  manqua  pas  un 
seul  jour  d'aller  à  la  toilette  deH'"*'  sa  belle-mère  et  de 
lui  donner  sa  chemise  ;  qu'elle  avoit  eu  Fattention  de  se 
£aire  instruire  des  noms,  qualités  et  naissance  de  tous  les 
Lorrains  qui  accompagnoient  M""*^  de  Lorraine^  et  des  dé- 
tails sur  chacun  d'eux,  de  sorte  que,  dès  le  jour  même  de 
l'arrivée,  elle  parla  à  chacun  d'eux  comme  si  elle  les  avoit 
tous  connus.  Dès  ceméme  jour  elledonna  les  entrées  chez 
elle  aux  Lorrains  qui  étoient  avec  M"*''  sa  belle-mère,  et 
idit  aux  Allemands  qui  étoient  avec  elle  :  «  Messieurs,  ne 
soyez  point  étonnés  de  ce  que  je  fais  pour  MM.  les  Lorrains; 
je  leur  ai  enlevé  leur  maître,  leur  souverain,  leur  pays  ; 
il  est  juste  que  je  cherche  à  les  en  dédommager.  i> 
:  Le  Roi  part  dimanche  pour  Ghoisy  pour  jusqu'à  jeudi 
ou  vendredi. 

Le  procès  de  M.  l'évèque  de  Metz  contre  les  abbesses 
des  deux  chapitres  de  Metz,  Saint-Pierre  et  Sainte-Marie, 
n'est  pas  encore  jugé  ;  il  prétend  les  soumettre  à  sa  juri- 
diction, quoiqu'elles  soutiennent  n'être  dépendantes  que 
du  Saint-Siège;  il  prétend  aussi  prouver  que  leurs  maisons 
ne  sont  que  des  Communautés  religieuses  et  non  des  ab- 
bayes, et  qu'elles  doivent  faire  des  vœux.  Cette  affaire  fait 
ici  beaucoup  de  bruit.  La  noblesse  du  pays  Messin  parolt 
fort  désapprouver  l'entreprise  de  M.  de  Metz,  et  dit  que 
ses  prédécesseurs,  M.  d'Aubusson  et  M.  de  Coislin,  avoient 
eu  le  même  projet  et  l'avoient  abandonné. 

Du  dimanche  H,  Versailles.  —  Le  régiment  de  Condé 
a  été  donné  à  M.  de  Sabran,  qui  épouse  M^^*"  de  Coëtlogon. 
Onpourroit  être  surpris  de  cet  arrangement  après  ce  que 
j'ai  marqué  ci-dessus;  mais  M°°^  de  Sabran  est  venue  ici  et 
a  eu  un  grand  éclaircissement  avec  M*"^  de  Mailly ,  dans  le- 
quel elle  lui  a  fait  voir  clairement  qu'elle  n'avoit  point 
du  tout  les  procédés  qu'on  lui  avoit  imputés  et  qu'elle 
n'étoit  coupable  en  rien.  M"®  de  Mailly  en  a  été  si  con- 
vaincue, qu'elle  a  écrit  très-fortement  à  M.  le  comte  de 


286  MÉMOIRKS  DU  PIfC  DE  LUYNES. 

Clfermoatêii  fav^eur  de  M.  dm  Sabran^  et  o^estoe  qui  a  fait 
décider  pour  le  régimeot. 

M.  de  fiottembourg^  héritiier  de  fèu  M.  le  comte  de 
Rottembourgy  fit  hier  sa  réyéreuce  au  Roi  et  à  la  Reine  ;  il 
arrive  de  Prusse  ;  son  pèpe  et  30Q  firère  sont  dans  les  États 
du  roi  de  Prusse,  Ce  prince  lui  a  donné  u  ne  promesse  par 
écrit,  que  j'ai  lue,  dans  laquelle  il  s'engage  de  lui  donn^ 
à  son  retour  un  régiment  de  dragons  ;  de  laîjBser  à  lui,  à 
sa  femme  et  à  toute  leur  famille  le  libre  exercice  de  la 
religion  catholique,  et  en  cas  qu'il  vint  à  mourir  à  son 
service^  de  donner  une  pension  de  3,000  écusàsa  femme. 
y  M.  de  Rottembourg  a  épousé  M^^"  de  Parabère,  laquelle 
n'est  pas  encore  décidée  à  s'aller  établir  en  Prusse;  pour 
lui,  il  est  venu  ici  demander  Tagrément  du  Roi,  et  compte 
partir  au  mois  de  février  ;  il  m'a  dit  que  le  régiment  de 
dragons  que  lui  donnoit  le  roi  de  Prusse  porteroit  son 
nom  et  lui  vaudroit  32,000  livres  de  rente.  Là  suc* 
cession  qu'avoit  recueillie  M.  de  Rottembourg  est  fort  con- 
sidérable, mais  il  avoit  beaucoup  perdu  au  jeu.  H.  de 
Rottembourg  fit  sa  révérence  à  la  Reine,  comme  on  a  cou- 
tume de  faire  dans  les  présentations,  ou  en  partant,  ou 
en  arrivant  ;  il  la  fit  même  plus  respectueusement  que 
beaucoup  d'autres  n'ont  coutume  de  faire.  On  sait  que 
la  révérence  respectueuse  est  de  s'incliner  profondément 
et  déporter  la  main  presque  jusqu'à  terre.  M.  de  Nangis 
prétend  qu'on  devroit  baiser  le  bas  de  la  robe  de  la  Reine. 
Cette  question  fut  agitée  devant  la  Reine  môme,  qui  pense 
de  la  même  façon;  ce  qui  est  certain,  c'est  que  cela  ne 
se  pratique  pas  depuis  bien  longtemps  ;  il  n'y  a  que  les 
dames,  lesquelles  aux  présentations  baisent  le  bas  de  la 
tobe. 

Le  Roi  apprit  avant-hier  au  soir  par  un  courrier  que 
M.  le  duc  de  Courlande  avoit  été  arrêté.  J'ai  marqué  ci- 
dessus  que,  par  les  dispositions  de  laczarine,  il  avoit  été 
nommé  régent  pendant  la  n^inorité  duczar  Jean.  Le  gé- 
néral Munich  avoit  paru  fort  occupé  de  lui  faire  rendre , 


tout  06  qui  lui  éioit  dâ,  ayant  même  &it  punir  d^  mort 
quatre  officiers  quiavoient  manqué  de  respect  au  duc.  Ce 
n'étoit  que  pour  mieux  cacher  sou  dessein  ;  car  ayant  pris 
son  habit  uniforma,  il  alla  chez  le  duc  de  Courlaude,  fit 
venir  l'officier  ccHnmaodant  la  garde  da  ce  duc  et  lui  de- 
manda s'il  conuoissoit  sa  personne  et  «on  habit  et  s'il  se 
souvenoit  du  serment  qu'il  avoit  prêté  de  lui  obéir  ;  en 
conséquence,  U  luiordonna  d'arrêter  le  duc  de  Courlande^ 
qui  étoit  dans  son  lit,  lequel  a  été  conduit  en  prison^ 

Du  vefidr0di  16,  Vêrêoilleg. — Le  Roi  partit  dimanche  der^ 
nier,  11  de  ce  mois,  sur  les  quatre  heures,  pour  aller  à 
Choisy .  La  Reine  fut  seule  au  sermon  ;  et,  comme  c*est  Tu- 
sage  que  le  prédicateur  lui  fasse  un  compliment  le  pre- 
mier jour  qu'il  a  l'honneur  de  prêcher  devant  elle  en 
l'absence  du  Roi,  le  prédicateur  lui  adressa  la  parole,  & 
peu  près  au  milieu  de  son  second  point  ;  le  compliment 
fut  assez  court,  et  le  sermon  assez  médiocre,  surtout  le 
second  point. 

Les  dames  du  voyage  de  Choisy  étoient  les  quatre 
sœurs  et  M*^  la  maréchale  d'Estrées.  Le  Roi,  pendant  ce 
voyage,  acouru  le  cerf  à  Verrières,  et  les  autres  jours  s'est 
promené  et  a  joué  à  l'hombre  avec  M.  du  Bordage>et  M.  le 
comte  d'Estrées.  Tous  les  jardins  bas  de  Choisy  sont  inon- 
dés ;  et  il  y  a  dans  le  pavillon  qui  est  au  bout  de  la  terrasse 
plus  de  trois  pieds  d'eau.  L'inondation  de  1711  étoit 
encore  plus  considérable  ;  on  en  voit  la  marque  à  ce 
même  pavillon.  Le  Roi  revint  hier  jeudi,  après  la  chasse, 
avant  cinq  heures;  il  n'alla  point  chez  la  Reine  ;  il  desh 
cendit  à  sept  heures  chezM'"^  la  comtesse  de  Toulouse;  il 
y  avoit  H*"^"  de  HaiUy  et  de  Viniimille,  H.  le  comte  de 
Noailles  et  M.  le  comte  d'Estrées.  U  descend  seul  par  le 
petit  escalier,  par  où  descendoit  le  feu  Roi  en  allant  chez 
M"^  de  Montespan  ;  il  n'est  suivi  que  par  son  premier  valet 
de  chambre;  il  y  vient  sans  chapeau  et  sans  y  être  attendu. 
Nous  venions  d'entrer  chez  M™*  la  comtesse  de  Toulouse, 
M.  le  comte  d'Estrées  et  moi,  quand  le  Roi  y  arriva;  il  y 


288  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUTIŒS. 

resta  un  bon  quart  d'heure^  faisant  la  conversation  fort 
gaiement. 

Ce  matin,  le  Roi  a  nommé  M.  de  Belle-Isle  son  ambas* 
sadeur  à  Francfort  (1)  ;  M.  de  Belle-Isle  a  été  suivant  Tu- 
sage  faire  sa  révérence  et  son  remerclment  à  la  Reine  ; 
il  a  été  aussi  cbez  M.  le  Dauphin  et  chez  Mesdames. 

M"'  la  maréchale  d'Harcourt  est  ici,  et  présente  cette 
après-midi  M**  de  Guerchy,  la  troisième  fiUede  M.  leduc 
d^Harcourt,  qui  ressemble  beaucoup  à  son  père  ;  elle  a 
aussi  amené  avec  elle  la  seconde  M'^*  d'Harcourt,  qui  est 
beaucoup  mieux  que  les  deux  autres,  ressemblant  un 
peu  à  feu  M"*  d'Harcourt. 

Le  Roi  a  été  aujourd'hui  chez  M.  le  duc  de  Charost  ; 
c'est  la  troisième  visite  qu'il  lui  fait;  M"**  deMailly  et  de 
Vintimille  y  étoient. 

Jlfardî20,  Versailles.  — Hier,  la  Reine  fut  chez  M.  le  duc 
de  Charost;  il  est  entièrement  hors  d'affaire;  il  me  con* 
toitaujourd'hui  quelques  faits  qui  méritent  de  n'être  point 
oubliés.  Premièrement,  au  sujet  du  caractère  du  roi 
d'Espagne,  il  me  disoit  que  l'année  du  départ  de  ce  prince, 
qui  étoit  alors  duc  d'Anjou,  feu  H.  de  Beauvilliers  lui 
avoit  dit  :  a  C'est  un  prince  naturellement  vertueux;  j'ai 
été  obligé  de  le  reprendre  plusieurs  fois,  mais  jamais  deux 
fois  sur  une  même  chose.  H.  le  duc  de  Bourgogne,  qui  est 
d'un  caractère  impétueux  et  violent,  n'aime  point  naturel- 
lement M.  le  duc  de  Berry,  son  frère.  C'est  H.  le  duc  d'Anjou 
qui,  avec  cette  gravité  que  vous  lui  connoissez,  est  tou- 
jours le  pacificateur  entre  les  deux  frères.  » 

M.  de  Charost  me  parloit  aussi  de  la, peine  qu'il  avoit 
eue  à  faire  entrer  dans  le  service  M.  de  Belle-Isle  d'aujour- 
d'hui, à  cause  de  la  prévention  que  l'on  avoit  sur  le  nom 
de  Fouquet.  Il  m'a  ajouté  que  cependant  le  feu  Roi , 
un  an  ou  deux  avant  sa  mort,  avoit  remarqué  avec  plaisir 
la  grande  volonté  de  M.  de  Belle-Isle,  qui  avoit  demandé 


(1)  Voy.  Parlicleda  15  janvier  1741. 


DÉCEMBRE  1740.  289. 

avec  empressement  à  servir  isté  toit  parti  pour  aller  servir 
en  Espagne  pourune  expédition  où  ilfallut  envoyer promp- 
tement  quelques  troupes.  Il  m'a  ajouté  enfin  que  M.  de 
Beauvilliers  lui  avoit  dit,  en  171 3,  que  le  Roi  lui  déclara 
qu'il  comptoit  qu'il  se  chargeroit  de  l'éducation  du  Dau- 
phip.  M.  de  Beauvilliers  lui  répondit  qu'il  seroit  toujours 
prêt  à  exécuter  ses  ordres  ;  mais  que  son  âge  et  sa  santé  ne 
lui  permettoient  plus  de  remplir  les  devoirs  de  cet  emploi 
avec  la  même  exactitude,  et  qu'il  lui  demandoit  pour 
adjoint  M.  le  duc  de  Charost.  Le  Roi  y  consentit,  et  en  con- 
séquence MM.  de  Beauvilliers  et  de  Charost  eurent  plu- 
sieurs conférences  pour  leurs  arrangements.  M.  de  Beau- 
villiers mourut  en  1714;  et  M"®  deMaintenon,  qui  aimoit 
M .  le  maréchal  de  Villeroy,  détermina  le  Roi  en  sa  fa- 
\*eur. 

Dans  les  provisions  qui  furent  données  à  M.  le  duc  de 
Charost,  lorsqu'il  fut  fait  gouverneur  du  Roi ,  il  est  dit 
(  c'est  le  Roi  qui  parle  )  ;  a  Qu'il  s'est  déterminée  ce  choix 
avec  d'autant  plus  de  plaisir  qu'il  savoit  que  ç'avoit  été 
l'intention  de  feu  M.  le  ducde  Bourgogne.  »  M.  le  ducd'Or- 
léans  avoit  recommandé  à  H.  le  comte  de  Haurepas  d'y 
ajouter  cette  expression. 

Dimanche  dernier^  Madame  mena  chez  le  Roi  M"""^  de 
Montauban ,  seconde  fille  de  M.  le  prince-  de  Montauban  ; 
elle  n'a  que  sept  ans  ;  elle  prit  son  tabouret  chez  le  Roi  et 
chez  la  Reine. 

Le  Roi  signa  ce  même  jour  le  contrat  de  mariage  de 
M.  le  marquis  de  Crussol^  fils  de  H.  de  Crussol  et  de 
M"'  de  Villacerf ,  avec  M"*"  de  Morville,  seconde  fille  de  feu 
M.  de  Morville,  qui  avoit  été  secrétaire  d'État  des  affaires 
étrangères,  et  sœur  de  M°*' de  Surgères.  M"*  de  Morville,  sa 
mère,  est  fille  de  feu  M.  de  Vienne,  conseiller  de  grande 
chambre. 

Du  jeudi  22,  Versailles.  —  Hier  et  avant-hier,  le  Roi 
dîna  au  grand  couvert  ;  ce  sont  les  deux  premières  fois  qu'il 
ait  recommencé  à  dîner  avec  la  Reine,  Avant-hier  le  Roi 
T.  m.  19 


290  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

soupa  chez  M*'  la  comtesse  de  Toulouse  où  étoient  M"**  les 
comtesses  de  Mailly  et  de  Vintimille;  ilétoit  venu  à  neuf 
heures  chez  la  Reine  faire  une  visite  d'un  moment^  comme 
àTol^dinaire.  Hier,  il  vint  de  même  chez  la  Reine.  M"* de 
Mailly  avoit  joué  à  cavagnole  et  avoit  quitté  ;  avant-hier, 
elle  y  avoit  aussi  joué ,  et  elle  ne  quitta  point  avant  Tapri- 
vée  du  Roi.  C'est  toujours  à  neuf  heures  que  le  Roi  va 
chez  la  Reine.  Hier  M"'  de  Mailly  me  dit  qu'elle  vouloit 
quitter  un  peu  avant  neuf  heures,  et  effectivement  elle 
donna  son  tableau  et  se  tint  derrière  jusqu'à  l'arrivée  du 
Roi.  Dans  l'instant  que  le  Roi  fut  sorti  de  chez  la  Reine , 
elle  sortit  par  la  galerie.  M"*  la  comtesse  de  Toulouse 
s'étoit  trouvée  incommodée ,  et  personne  ne  savoit  hier 
ce  que  le  Roi  avoit  fait.  Ordinairement  il  ne  soupe  dans  ses 
cabinets  qu'après  avoir  été  à  la  chasse;  cependant  j'ai 
appris  qu'il  y  soupa  hier  avec  M""  de  Mailly,  de  Vinti- 
mille et  d'An  tin,  lesquelles  furent  ensuite  jouer  au  cava- 
gnole chez  Mademoiselle,  parce  que  le  Roi  se  coucha  de 
bonne  heure,  à  cause  de  la  chasse  d'aujourd'hui. 

L'inondation  de  la  rivière  augmente  toujours;  elle  est 
presque  au  pavé  de  Meudon,  à  Issy. 

Mon  fils  et  ma  belle-fille  partent  ces  jours-ci  pour  aller 
à  Toulouse  solliciter  un  procès.  M""  de  Luynes  mena 
hier  M""*  de  Chevreuse  au  dîner  du  Roi  ;  après  le  dîner, 
elles  entrèrent  dans  la  chambre  de  la  Reine,  où  le  Roi  reste 
toujours  un  moment  ;  et,  lorsque  le  Roi  s'en  alla ,  M"'  de 
Luynes  et  M"""  de  Chevreuse  le  suivirent ,  et  M"'  de  Luynes 
lui  dit  que  M"'  de  Chevreuse  avoit  l'honneur  de  prendre 
congé  dé  S.  M.  ;  après  quoi,  M""*  de  Chevreuse  rentra  (5hez 
la  Reine,  etM^^de  Luynes  conduisitle  Roi  jusqu'à  la  porte 
de  la  galerie.  M"**  de  Chevreuse  arriva  pour  le  dîner,  lors- 
que leRoiétoit  déjà  à  table;  en  ce  cas,  il  seroit  contre  le 
respect  d'aller  se  mettre  en  place;  M^Me  Luynes  fit  de- 
mander au  Roi  par  M.  de  la  Trémoille  s'il  trou  voit  bon 
qu'elles  arrivassent  toutes  les  deux,  et  elles  n'arrivèrent 
qu'avec  la  permission  du  Roi. 


DÉCEMBRE  1740.  291 

Du  vendredi  23,  Versailles,  — M.  de  Ségur  remercia 
hier  le  Roi  et  la  Reine  ;  il  commandoit  à  Nancy,  sous  les 
ordres  de  M.  de  Belle-Isle.  Pendant  l'absence  de  M.  de 
Belle-Isle,  il  va  s'établira  Metz,  où  il  commandera  en  chef. 

M"*  la  marquise  de  Castel-dos-Rios,  grande  d'Espagne, 
vint  ici  il  y  a  deux  jours;  elle  est  fille  de  M.  le  prince  de 
Campo-Florido,  ambassadeui^  d'Espagne  ;  elle  désire  d'é-* 
tre  présentée.  On  étoit  hier  incertain  si  elleseroit  présen- 
tée au  Roi  chez  lui  ou  chez  laReine^  parce  que  M"*'  sa  mère, 
suivant  l'usage  des  ambassadrices,  n'a  fait  sa  révérence  au 
Roi  que  chez  la  Reine.  M.  de  la  Trémoille  prit  hier  l'ordre 
du  Roi.  Ce  sera  dans  le  cabinet  du  Roi  que  M""*"  de  Castel- 
dos-Rios  sera  présentée  deçiain,  et  c'est  M™*  de  Luynes 
qui  la  présente. 

Du  samedi  24 ,  Versailles.  —  M°"  de  Luynes  a  présenté 
aujourd'hui  au  Roi  dans  son  cabinet  M*"*  la  marquise  de 
Castel-dos-Rios.  M"'de  Campo-Florido,  sa  mère ,  ne  s'est 
point  trouvée  à  cette  présentation,  soit  que,  comme  am- 
bassadrice, elle  n'a  jamais  vu  le  Roi  que  chez  la  Reine,  soit 
parce  que  M"*  de  Luynes  en  présentant  auroit,  suivant  l'u- 
sage, passé  la  première  ;  et  que,  comme  la  présentée  mar- 
che toujours  la  seconde.  M™*  de  Campo-Florido  n'auroitpu 
entrer  que  comme  à  la  suite  de  sa  fille.  M"**  de  Castel-dos- 
Rios  a  pris  son  tabouret  chez  le  Roi,  comme  grande  d'Es- 
pagne. De  chez  le  Roi,  M""*  de  Luynes  Ta  menée  chez  la 
Reine.  Tout  cela  s'est  fait  immédiatement  après  les  pre- 
mières vêpres,  tf  de  Campo-Florido  étoit  déjà  entrée 
chez  la  Reine  j  et  c'est  M"*  de  Luynes  qui  a  présenté  à  la 
Reine  M""  de  Castel-dos-Rios,  laquelle  a  baisé  la  robe  de 
la  Reine.  Ordinairement  la  Reine  ne  reçoit  point  de  pré- 
sentation la  veille  de  Noelj  mais  le  Roi  fut  à  la  chasse 
hier  et  avant-hier,  et  avoit  remis  la  présentation  à  aujour- 
d'hui ;  et  la  Reine  a  trouvé  bon  qu'elle  se  fit  tout  de  suite 
chez  elle.  M*""  de  Luynes  a  mené  ensuite  M™*'  de  Castel- 
dos-Rios  chez  M.  le  Dauphin  et  chez  Mesdames  ;  mais 
M'"*  de  Campo-Florido  n'y  a  point  été. 

19. 


294  IVlÉxMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

pèrent  aussi.  On  peut  juger  ^xie  Mademoiselle  n^y  étoit 
pas;  depuis  le  mardi  elle  a  toujours  été  incommodée; 
M"^  de  Clermont  a  été  à  Paris  tous  ces  jours-ci. 

M.  de  Livry^  fils  du  premier  maître  d'hôtel  du  Roi^  re- 
mercia Merle  Roi  et  la  Reine  pour  la  survivance  de  cette 
charge  ;  il  a  aussi  la  survivance  de  la  capitainerie  de 
Livry  ;  on  dit  qu'il  doit  épouser  incessamment  M'^  de  Ma- 
niban^  fille  du  premier  président  de  Toulouse  et  sœur  de 
M"**  de  Halause  ;  mais  cela  n'est  point  encore  public. 

Le  Roi  n'a  point  été  à  la  messe  aujourd'hui  ;  il  a  depuis 
quelques  jours  un  petit  bouton  sur  l'œil;  il  a  diné  dans 
sa  chambre  et  doit  faire  médianoche. 

M"*^  de  Luynes  parla  hier  à  M.  de  Maurepas  au  sujet  de 
ce  qui  arrive  tous  les  jours  lorsque  la  Reine  sort  et  qu'elle 
est  suivie  par  M.  le  Dauphin  ou  par  Mesdames.  Lorsque 
la  Reine  est  seule^  entre  sa  personne  et  sa  dame  d'hon- 
neur il  n'y  a  que  celui  qui  porte  sa  robe  et  l'officier  des 
gardes;  mais,  lorsque  M.  le  Dauphin  suit  la  Reine,  les 
deux  gentilshommes  de  la  manche,  M.  de  Chàtillon  et 
même  quelquefois  M.  Tévêque  de  Mirepoix  et  le  chef  de 
brigade  qui  suit  M.  le  Dauphin  passent  tous,  de  manière 
que  la  surintendante ,  si  elle  y  est,  sinon  la  dame  d'hon- 
neur ou  la  dame  d'atours ,  se  trouve  extrêmement  éloi- 
gnée  de  la  Reine.  lise  joint  même  encore  souvent  d'autres 
gens  sans  aucune  apparence  de  droit;  de  sorte  que,  si  la 
Reine  avoit  par  hasard  besoin  de  quelque  service,  elle 
n'auroit  pas  une  dame  auprès  d'elle.  Lorsque  Mesdames 
suivent  la  Reine,  c'est  Téouyer  de  Madame,  celui  qui  porte 
la  robe,  etM"^  deTallard.  M"*^  de  Luynes  avoit  représenté 
plusieurs  fois  que  cet  arrangement  paroissoit peu  convena- 
ble; M.  de  Maurepas  lui  dit  hier  que  cela  avoit  été  réglé 
par  le  Roi  ;  que,  lorsque  M.  le  Dauphin  estavec  la  Reine, 
il  doit  marcher  devant  elle,  de  même  qu'il  marche  devant 
le  Roi  ;  qu'à  Tégard  de  Madame,  elle  doit,  à  la  vérité,  suivre 
la  Reine;  mais  que  la  surintendante,  la  dame  d'honneur, 
ou  dame  d'atours  doit  marcher  immédiatement  après 


DÉCEMBRE  1740.  293 

Angleterre^  où  il  mourut  en  1433;  il  eut  trois  enfants 
légitimes ,  dont  le  troisième,  Louis,  fit  la  branche  des 
comtes  de  Hontpensier.  Le  fils  aîné  de  Jean  P'  fut  Char- 
les I*^*,  qui  épousa  Anne  de  Bourgogne,  dont  il  eut  onze 
enfants.  Le  premier,  Jean  11^  qui  continua  la  branche  ;  le 
cinquième  fut  Louis,  évéque  de  Liége^  tué  l'an  1482  par 
Guillaume  de  laMarck,  seigneur  de  Lumain  y  surnommé 
le  sanglier  d'Ardennes.  Ce  Louis,  évéque  de  Liège,  laissa 
trois  enfants  bâtards,  dont  le  premier  fut  Pierre ,  tige 
des  comtes  de  Busset.  Ce  Pierre  fut  nommé  le  Bâtard  de 
Liège.  On  prétend  que  Louis,  son  père,  avoit  épousé  une 
princesse  de  la  maison  de  Gueldres  avant  d'être  évéque  ; 
que  le  mariage  fut  cassé,  mais  que  Pierre  étoit  né 
dans  la  bonne  foi  du  mariage.  Ce  Pierre  épousa  la  fille  de 
Bertram  d'Alègre,  seigneur  de  Busset  en  Auvergne,  d'où 
descend  M.  de  Busset  dont  c'est  ici  l'article. 

Du  dimanche  23,  Versailles.  —  Le  débordement  de  la 
rivière  est  plus  haut  de  deux  pouces  que  celui  de  171 1 . 

Du  vendredi  30.  —  Dimanche  25  de  ce  mois,  le  Roi 
fut  à  tout  Foffice.  Ce  fut  M"'  la  duchesse  de  Rolian,  fille 
de  M.  le  duc  de  Chàtillon,  qui  quêta.  Le  compliment 
du  prédicateur  fut  assez  médiocre,  à  ce  que  j'ai  ouï  dire. 
J'étois  allé  à.  Paris  voir  M.  et  M™®  de  Chevreuse,  qui  par- 
tôient  le  lendemain  pour  Toulouse  avec  mon  frère. 

Lundi,  le  Roi  devoit  aller  à  la  chasse  ;  le  mauvais  temps 
l'en  empêcha;  il  soupa  dans  ses  cabinets  en  bas,  où 
étoient  M""'  de  Mailly,  de  Vintimille  et  d'Antin  ;  il  avoit 
chargé  M""*  de  Mailly  de  prier  Mademoiselle  pour  le  len- 
demain à  souper. 

Le  mardi,  le  Roi  fut  à  la  chasse  et  soupa  dans  ses  cabi* 
nets  avec  Mademoiselle  et  les  trois  mêmes  dames  que  je 
viens  de  nommer.  Hier  et  avant-hier  il  n'y  eut  point  de 
chasse,  et  le  Roi  soupa  cependant  dans  ses  cabinets  en 
bas;  les  mêmes  trois  dames  y  étoient. 

Le  dimanche,  le  Roi  soupa  chez  M"*^  la  comtesse  de 
Toulouse;  M">^' de  Mailly ,  de  Vintimille  et  Jd'Antin  y  sou- 


294  IVIÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

pèrent  aussi.  On  peut  juger  cjwe  Mademoiselle  n'y  étoit 
pas;  depuis  le  mardi  elle  a  toujours  été  incommodée; 
M"*  de  Clermont  a  été  à  Paris  tous  ces  jours-ci. 

M.  de  Livry,  fils  du  premier  maître  d'hôtel  du  Roi,  re- 
mercia hier  le  Roi  et  la  Reine  pour  la  survivance  de  cette 
charge  ;  il  a  aussi  la  survivance  de  la  capitainerie  de 
Livry;  on  dit  qu'il  doit  épouser  incessamment  M"®  de  Ma- 
niban,  fille  du  premier  président  de  Toulouse  et  sœur  de 
M""*  de  Malause  ;  mais  cela  n'est  point  encore  public. 

Le  Roi  n'a  point  été  à  la  messe  aujourd'hui  ;  il  a  depuis 
quelques  jours  un  petit  bouton  sur  l'œil;  il  a  dîné  dans 
sa  chambre  et  doit  faire  médianoche. 

M™®  de  Luynes  parla  hier  à  M.  de  Maurepas  au  sujet  de 
ce  qui  arrive  tous  les  joiu's  lorsque  la  Reine  sort  et  qu'elle 
est  suivie  par  M.  le  Dauphin  ou  par  Mesdames.  Lorsque 
la  Reine  est  seule,  entre  sa  personne  et  sa  dame  d'hon- 
neur il  n'y  a  que  celui  qui  porte  sa  robe  et  l'officier  des 
gardes;  mais,  lorsque  M.  le  Dauphin  suit  la  Reine,  les 
deux  gentilshommes  de  la  manche,  M.  de  Chàtillon  et 
même  quelquefois  M.  Févèque  de  Mirepoix  et  le  chef  de 
brigade  qui  suit  M.  le  Dauphin  passent  tous,  de  manière 
que  la  surintendante ,  si  elle  y  est,  sinon  la  dame  d'hon- 
neur ou  la  dame  d'atours ,  se  trouve  extrêmement  éloi- 
gnée  de  la  Reine.  Use  joint  même  encore  souvent  d'autres 
gens  sans  aucune  apparence  de  droit;  de  sorte  que,  si  la 
Reine  avoit  par  hasard  besoin  de  quelque  service,  elle 
n'auroit  pas  une  dame  auprès  d'elle.  Lorsque  Mesdames 
suivent  la  Reine,  c'est  Técuyer  de  Madame,  celui  qui  porte 
la  robe,  et  M™^  de  Tallard.  M"®  de  Luynes  avoit  représenté 
plusieurs  fois  que  cet  arrangement  paroissoit peu  convena- 
ble; M.  de  Maurepas  lui  dit  hier  que  cela  avoit  été  réglé 
par  le  Roi  ;  que,  lorsque  M.  le  Dauphin  est  avec  la  Reine, 
il  doit  marcher  devant  elle,  de  même  qu'il  marche  devant 
le  Roi  ;  qu'à  l'égard  de  Madame,  elle  doit,  à  la  vérité,  suivre 
la  Reine;  mais  que  la  surintendante,  la  dame  d'honneur, 
ou  dame  d'atours  doit  marcher  immédiatement  après 


DÉCEMBRE  1740.  295 

Madame.  M.  de  Maurepas  lui  ajouta  que  le  Roiavoit  aussi 
réglé  que,  lorsqu'il  est  à  vêpres,  et  par  conséquent  au  ser- 
mon avec  la  Reine  ,  il  ne  devoit  point  y  avoir  de  chef  de 
brigade  derrière  la  Reine;  mais  que  ces  règlements  ne 
s'exécutoient  point,  parce  que  Tordre  n'étoit  que  verbal  et 
que  personne  ne  vouloit  se  charger  de  le  communiquer. 

L'inondation  de  la  rivière  continue  toujours.  M.  Turgot 
a  dit  au  Roi  que  la  rivière  avoit  monté  de  24  pieds 
3  pouces  plus  haut  que  le  niveau  des  basses  eaux.  C'est  la 
sixième  inondation  (1)  depuis  environ  un  siècle.  M.  Tar- 
chevéque  de  Cambrai  (Saint-Albin)  m'a  dit  aujourd'hui 
qu'un  ecclésiastique  de  son  prieuré  de  Saint-Martin,  qui 
a  environ  quatre-vingt-dix-huit  ans  et  qui  se  porte  bien, 
lui  avoit  dit  qu'il  se  souvenoit  qu'en  1658  (2)  il  avoit  été 
en  bateau  de  Sainte-Opportune  au  Pont-Neuf  (3),  qui 
étoit  bâti  depuis  peu  d'années;  qu'il  avoit  passé  le  Pont- 
Neuf  à  pied  et  immédiatement  au  bout  du  pont  avoit  re- 
monté dans  un  bateau  qui  l'avoit  conduit  jusqu'à  la  cin- 
quième maison  par  delà  les  Carmes.  La  seconde  inonda- 
tioii  dont  il  se  souvient  est  en  1669  ,  mais  moins  forte; 
la  troisiènae  en  1696;  la  quatrième  en  1711  qui  fut  très- 
grande,  et  la  cinquième  en  1728. 

Du  samedi  31,  Versailles.  —  Il  y  a  déjà  quelques  jours 
que  l'on  apprit  que  M.  le  comte  de  Montmorency,  ma- 
réchal de  camp,  étoit  mort  à  Toulon,  le  14  de  ce  mois; 
il  étoit  fils  de  feu  M.  le  duc  de  Luxembourg  et  frère  de 
M.  de  Luxembourg  d'aujourd'hui,  deM"*^la  duchesse  de 
VilleroyetdeM^^laduchessed'Antin.  Iljouissoit  de  plus 
de  30,000  livres  de  rente,  dont  24  ou  25  en  fonds  de 


(1)  On  plutôt  la  septième,  car  il  y  en  eut  une  en  1658,  mais  moins  consi- 
dérable que  celle  de  1651.  (  I^ote  du  duc  de  Luynes.) 

(2)  On  m*a  dit  depuis  en  1651.  (Pfote  du  duc  de  Luynes.) 

(3)  11  faut  que  ce  soit  en  1651  ;  car  c'est  IMnondation  la  plus  grande;  et  ce 
qui  la  rendit  plus  considérable,  c'est  que  le  pont  Marie  tomba,  ce  qui  fit  re- 
fluer Teau  dans  Paris.  (  Note  du  duc  de  Luynes.  ) 


296  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

terre  ;  il  a  fait  un  testament  quelques  heures  avant  que 
de  mourir  qu'il  n'a  pas  même  pu  signer.  I]  donne  par 
ce  testament  tout  son  bien  à  M.  de  Montmorency ,  son 
neveu^  fils  de  M.  de  Luxembourg^  mais  Ton  croit  que  ce 
testament  sera  cassé.  M.  le  comte  de  Montmorency  avoit 
trente-quatre  ou  trente-cinq  ans;  il  avoit  de  Tesprit^  et 
même  dans  sa  jeunesse  paroissoit  avoir  un  tour  d'esprit 
assez  plaisant  ;  mais  depuis  plusieurs  années  on  ne  le 
voyoit  plus  du  tout.  Il  y  avoit  douze  ou  treize  ans  qu* il 
n'avoit  fait  sa  cour  au  Roi^  quoique  dans  l'enfance  du  Roi 
il  fût  uu  des  plus  assidus  courtisans.  Il  buvoit  beaucoup 
et  s'enivroit  fort  aisément  ;  il  passoit  sa* vie  presque  tou- 
jours à  table.  Il  avoit  servi  en  Corse  et  éfoit  revenu  à  Tou- 
lon où  il  avoit  loué  une  maison  pour  plusieurs  années. 
Il  est  mort  hydropique. 

Hier^  le  Roi  ne  fut  point  fort  longtemps  à  table  et  alla 
se  coucher  à  deux  heures  et  demie.  Les  dames  du  média- 
noche  étoient  M"*  la  maréchale  d'Estrées^  M"*"  de  Mailly, 
de  Yintimille  et  d'An  tin.  M'"*'  de  Maiily  lui  demanda  la 
permission  de  rester  danslecabinet  qui  est  au  bout  du  ca- 
binet ovale,  où  elle  a  joué  jusqu'à  six  heures  du  matin  à  ' 
cavagnoleavecM'^^'d'Antin.  Leshommesdu  souper  étoient 
MM.  de  Bouillon,  de  Luxembourg,  de  Meuse,  vidame  de 
Vassé  et  de  Coigny,  le  fils. 


a^mj:  A' Ai 


^""  Ht  Li'^'iÉeç-  nu.  ^  ^ïjn.  i^smanjCiL  imt  cuosie  mur  tt 

^«««Eï-^  :  X  *6:  Burv.  par  *iji-  îsarasamt  ng&vgaràsL.  >»fTiw»" 

ÎHrr**?*:  jt  l*i#  it^ur  *m^apt  M.,  jt  ont  f^BzsonrL  Jt 
xnsa^^MS  làt  Tt-^i^'Hir  ne  mfr^  jl.  in^fl»  ..  lit  pnemier 

au  tfu.  Uimip-  at  Ita  J  uSganft^  M.  i(  jernct  Cnaziâf  is 
IL  -H  >r*miHff  >;iïii»nr  iJ*^»5i«ii»  :  î!^«nnair  ii?-  :»:  onitHr- 
5»nr  wjnr  Msvn  i»iu&>&.  ^  îîtiiriiL-îfîrpTiRff  flt  cmariffi?  nni 


298  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

donna  la  main  au  Roi  de  son  prie-Dieu  à  Tautel  et  pour^ 
revenir.  11  n'y  avoil  point  de  prélat  de  l'Ordre  ;  c'étoit  un 
chapelain  de  TOrdre  qui  officioit. 

Aujourd'hui  il  y  a  eu^  suivant  Tusage^  la  messe  de  Re- 
quiem pour  les  (Chevaliers  morts  dans  le  courant  de  l'an- 
née. Le  Roi^  pour  ces  cérémonies^  met  une  perruque  natu- 
relle. Une  heure  et  demie  après,  le  Roi  étant  dqjà  hors  de 
table.  M™  de  Mailly  et  M"*  de  Vintimille  ont  passé  dans  la 
galerie  venant  de  chez  elles  avec  trois  ou  quatre  hommes 
qui  les  sui  voient;  M"*  de  Mailly  s'est  arrêtée  à  la  porte  de 
glaces  qui  donne  chez  le  Roi,  et  s'y  est  assise.  Quelqu'un  qui 
étoit  présent  a  cru  qu'elle  se  trouvoit  mal  ;  elle  lui  a  dit 
que  non,  mais  qu'elle  étoit  au  désespoir,  qu'elle  craignoit 
d'être  arrivée  trop  tard,  que  le  Roi  lui  avoit  donné  rendez- 
vous  pour  qu'elle  put  le  voir  en  perruque.  Sur  ce,  un  des 
hommes  a  fait  le  tour  et  a  averti  M.  le  duc  de  Rochechouart, 
lequel  est  venu  aussitôt  à  la  porte  de  glaces  et  a  dit  à 
M*"^  de  Hailly  qu'il  étoit  bien  tard,  mais  qu'il  alloit  le  dire 
au  Roi.  W^^  de  Mailly  a  attendu  encore  un  moment;  le 
Roi  est  venu  à  la  porte  de  glaces,  mais  avec  ses  cheveux, 
sans  perruque;  après  avoir  paru  et  parlé] un  moment,  il 
est  rentré  disant  qu'il  alloit  revenir  ;  il  avoit  donné  ordre 
que  sa  perruque  fût  toute  prête,  car  dans  l'instant  même 
il  est  ressorti  avec  sa  perruque  sur  la  tête. 

Le  Roi  envoya  hier  par  M.  de  Villeroy  à  M"*^  d'Antin 
une  fort  belle  boite  d'or,  où  il  y  a  dedans  un  petit  dessin 
représentant  d'un  côté  une  table  de  cavagnole  où  plu- 
sieurs personnes  jouent,  etde  l'autre  une  table  de  quinque- 
nove.  Ce  sont  les  deux  jeux  que  M"*^  d'Antin  aime  le  mieux. 

Du  mercredi  i,  Versailles. — Le  Roi  va  demain  à  Choisy 
pour  jusqu'à  dimanche  ou  lundi.  La  semaine  prochaine 
est  la  semaine  de  M"*  de  Mailly. 

M.  de  Bauffremont  est  venu  ici  ces  jours-ci  voulant 
absolument  présenter  M.  de  Saint-Micault  (1),  lequel  est 


(1)  Le  père  de  M.  de  Safnt-MicauU  étoit  colonel  d^  régiment  de  Condé  que 


JANVIER    1741.  299 

homme  de  condition  de  Bourgogne.  H.  de  Bauffremonta 
prié  M.  le  duc  de  Rochechouart^  qui  est  en  année^  de  faire 
cette  présentation  ;  M.  de  Rochechouart  a  dit  qu'il  ne  pou- 
Yoit  sans  savoir  la  volonté  de  M.  le  Cardinal,  S.  Ém.  ne 
connoissant  point  H.  de  SainIrHicault  n'a  pas  consenti  qu'il 
fût  présenté.  Pendant  ce  temps^  M.  de  Bauffremont  pria 
M"**  de  Luynes  de  présenter  M.  de  Saint-Micault  à  la 
Reine  ;  M™®  de  Luynes  lui  dit  qu'il  falloit  qu'il  eût  été  au- 
paravant présenté  au  Roi.  Le  lendemain,  H.  de  Bauffre- 
mont^ croyant  apparemment  être  sûr  de  la  présentation 
et  la  regardant  déjà  comme  faite^  dit  à  M""^  de  Luynes 
qu'il  avoitété  présenté  au  Roi;  en  conséquence  elle  le 
présenta  à  la  Reine  ;  mais  ayant  su  depuis  que  la  présen- 
tation au  Roi  n'a  voit  pas  été  faite^  elle  dit- à  M.  de  Bauffre- 
mont de  vouloir  bien  dire  à  M.  de  Saint-Micault  de  ne  point 
entrer  chez  la  Reine  jusqu'à  ce  qu'il  eût  été  présenté  au 
Roi,  sans  quoi  elle  seroit  obligée  de  le  faire  consigner  aux 
huissiers.  Cette  affaire  est  enfin  terminée  aujourd'hui. 
M.  de  Breteuil(l)  dit  à  M.  de  Rochechouart,  de  la  part  de 
H.  le  Cardinal,  qu'il  pou  voit  présenter  H.  de  Saint-Hicault^ 
et  H.  de  Rochechouart  l'a  présenté  ce  matin. 

La  conversatipn  dont  j'ai  parlé  ci-devant  (2)  de  M*"®  de 
Luynes  avec  M.  de  Maurepas  n'a  eu  d'autre  effet  sinon  que 


M.  le  Prince  lui  avoit  donné;  il  e»i  mort  lieutenant-général  des  années  du 
Roi  ;  sa  mère  est  Mirabeau.  Pour  lu!  il  n*est  que  lieutenant  dMnfanterie. 
(  Note  du  duc  de  Luynes.  ) 

François-Emmanuel  de  Royer  de  Saint-Micault  était  non  pas  lieutenant 
général,  comme  le  dit  le  duc  de  Luynes,  mais  brigadier  des  armées  du  Roi.  Il 
avait  épousé  en  1711  Catherine-Edmée  de  Riqueti-Mirabeau ,  et  il  mourut  le 
20  octobre  1728,  au  château  de  Saint*}tficattit,  près  de  Chalon-sur-Saône.  ^ 

(1)  M.  de  Breteuil,  sur  les  instances  de  M.  de  ÉaulTremont,  eut  ordre  de 
M.  le  Cardinal  de  le  présenter  comme  ministre  de  la  guerre.  M.  de  Breteuil  dit 
à  M.  de  Bauiïremont  que  cela  ne  pouvoît  point  le  regarder.  Il  fut  chez  M.  le 
Cardinal  et  lui  représenta  qu'il  ne  pouvoit  présenter  au  Roi  un  militaire  que 
dans  le  cas  qu'il  vint  de  Tarmée  apporter  quelques  nouvelles.  M.  le  Cardinal 
lui  dit  sur  cela  qu'il  dise  à  M.  de  Rochechouart  de  le  présenter.  (  Note  du  duc 
de  Luynes.) 

(2)  Le  30  décembre  1740. 


SOO  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYMES. 

la  Reine,  le  lendemain  au  retour  de  sa  messe,  devant 
vingt  personnes  qui  étoient  dans  sa  chambre,  eut  une 
conférence  particulière  fort  longue  avec  M.  de  Haurepas 
et  M.  de  Nangissur  cette  affaire.  M"'  de  Luynes  et  M™*  de 
Mazarin  étoient  à  la  suite  de  la  Reine; mais  elle  ne  jugea 
pas  à  propos  de  les  admettre  à  cette  conférence.  M.  de 
Haurepas  répéta  à  la  Reine  ce  qu'il  avoit  dit  à  M""^  de 
Luynes,  l'arrangement  fait  verbalement  par  le  Roi.  La 
Reine  soutint  toujours  que  M"*^  de  Tallard  devoit  mar- 
cher immédiatement  après  Mesdames,  n'étant  point  là 
pour  le  service  mais  comme  gouvernante.  Le  lendemain, 
la  Reine  reparla  à  M*"*  de  Luynes  de  cette  même  affaire; 
mais  ce  fut  encore  dans  sa  chambre,  en  présence  de  trente 
ou  quarante  personnes,  dont  iljy  avoit  entre  autres  quatre 
princesses  du  sang.  M*"®  de  Luynes  rompit  la  conversation 
tout  le  plus  tôt  qu^l  lui  fut  possible,  et  les  choses  en  sont 
demeurées  là. 

Le  Roi  a  encore  donné  100  louis  à  H.  le  Dauphin  cette 
année  pour  ses  étrennes,  comme  Tannée  passée. 

Du  jeudis,  Versailles.  —  C'est  cette  année  que  Ton  fait 
chez  la  Reine  le  renouvellement  du  linge  et  dentelles, 
dont  est  chargée  la  dame  d'honneur,  et  celui  qui  est  fait 
par  les  tapissiers.  Ces  deux  renouvellements  se  font  tous 
les  trois  ans.  Ce  qui  est  fourni  par  les  tapissiers  revient 
à  la  dame  d'honneur  ;  le  linge  et  dentelles  qu'elle  choisit 
elle-même  et  qu'elle  fait  fournir  lui  est  aussi  rapporté  au 
renouvellement.  J'ai  déjàmarquéquela  dame  d'honneur 
ne  fait  fournir  que  ce  qui  regarde  le  lit  (1).  Sur  ces  renou- 
vellements, l'usage  est  que  la  dame  d'honneur  laisse  beau- 
coup de  choses  à  la  nourrice  du  Roi,  qui  est  première 
femme  de  chambre  de  la  Reine. 

Du  vendredi  6,  Versailles.  —  Le  Roi  alla  hier  courre  à 


(1)  On  conserve  encore  au  château  de  Dampierre  quinze  paires  de  draps,  en 
belle  toile  de  Hollande,  provenant  de  Marie  Leczinska  et  appelés  les  draps  de 
la  Reine. 


JANVIER  1741.  301 

Saint-Germain  ;  de  là  îl  revint  au  chenil  prendre  les 
dames  pour  les  mener  à  Choisy.  11  a  dit  qu'il  y  resteroit 
au  moins  jusqu'à  dimanche^  et  Ton  croit  qu'il  ne  reviendra 
que  lundi.  Les  dames  sont  Mademoiselle^  H*"^'  de  Mailly 
et  de  Vintimille,  M"°  de  Talleyrand  et  M'"''  la  maréchale 
d'Estrées. 

La  contestation  dont  j'ai  parlé  ci-dessus  entre  M.  de  la 
Trémoille  et  M .  le  comte  de  Noailles  a  été  décidée,  à  ce 
que  j'appris  hier.  Il  a  été  décidé  que  M.  le  comte  de 
Noailles  n'auroit  pas  les  entrées  de  la  chambre,  mais 
qu'il  garderoit  le  passe*partout,  dont  cependant  il  ne 
pourroit  se  servir  que  pour  traverser  d'un  côté  le  ca- 
binet des  perruques  et  le  cabinet   de  glaces,  lorsqu'il 
viendroit  par  la  porte  qui  donne  dans  la  galerie  ;  et  de 
l'autre,  la  première  antichambre,  le  cabinet  ovale,  la 
chambre  à  coucher  du  Roi  et  le  cabinet  de  glaces;  mais 
sans  pouvoir  s'y  arrêter.  Cet  arrangement  est  constaté 
par  un  bon  du  Roi.  M.  le  maréchal  de  Noailles  avoit  ce 
passe-partout,   mais  par  tolérance  ;  et  même  quoiqu'il 
entre  dans  le  cabinet  des  perruques,  le  Roi  y  étant  (droit 
que  ne  donnent  point  les  entrées  de  la  chambre,  ni  même 
cellèsdes  quatorze,  qui  sontàproprement  parler  lesentrées 
du  cabinet),  il  est  toujours  convenu  que  c'étoit  sans  droit. 
Par  cet  arrangement-ci,   M.  de  la  Trémoille,. à  ce  que 
Ton  m'a  dit,  prétend  avoir  gagné  son  procès  à  cause  de 
la  réduction  aux  entrées  de  la  chambre  ;  mais  un  passe- 
partout,  ci-devant  toléré  et  présentement  confirmé  par 
un  bon,  parolt  une  prérogative  bien  grande,  d'autant 
plus  qu'en  passant  si  près  du  lieu  où  le  Roi  est  (S.  M.  se 
tenant  presque  toujours  dans  le  cabinet  qui  est  au  bout 
du  cabinet  ovale  ) ,  il  est  aisé  d'être  souvent  arrêté  par  le 
Roi  même,  comme  cela  est  déjà  arrivé  depuis.  Lorsque  le 
Roi  est  dans  ce  cabinet,  les  premiers  gentilshommes  de 
la  chambre,  à  ce  qu'on  m'a  assuré,  n'y  entrent  point; 
mais  pour  avertir  S.  H.,  ils  appellent  le  premier  valet 
de  chambre  lorsqu'il  y  a  quelque  occasion. 


302  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

Du  mardi  10^  Versailles.  -—  Le  premier  jour  de  Fan , 
W^  Helvétios  étoit  à  la  toilette  de  la  Reine  en  grand  habit; 
c'est  un  droite  à  ce  qne  Ton  m'a  dit^  de  la  femme  dn  pre- 
mier médecin  ;  c'est  seolement  pour  la  toilette,  car  elle 
ne  suit  point  la  Reine  à  la  messe,  nielle  ne  Ta  point  chei 
la  Reine  aux  autres  heures  de  cour. 

Dimanche  8,  la  Reine  revint  du  salut  avec  M.  le  Dau- 
phin, qui  marchoit  à  côté  d'elle;  non-seulement  M.  de 
Ghàtillon  étoit  derrière  M.  le  Dauphin,  mais  M.  de  Mire- 
poix,  le  sous-gouverneur  de  semaine,  Tofficier  des  gardes  ; 
il  y  avoit  même  jusqu'aux  pages  et  les  valets  de  pied;  de 
sorte  que  M*"^  de  Luynes  et  les  dames  du  palais,  pendant 
tout  l'appartement,  furent  toujours  extrêmement  loin  de 
la  Reine. 

La  Reine,  après  avoir  donné  l'ordre  à  Toflicier  des 
gardes  et  à  M.  de  Tessé  et  dit  qu'elle  ne  sortiroit  point, 
descendit  chez  M.  le  Dauphin  par  le  petit  escalier  dérobé, 
qui  est  entre  sa  chambre  et  l'antichambre  du  Roi.  Il  n'y 
avoit  dans  ce  moment  que  deux  dames  du  palais  dans  sa 
chambre,  qu'elle  fit  appeler  et  qui  la  suivirent.  W^  de 
Luynes  vint  un  moment  après  et  descendit  par  le  même 
escalier.  La  Reine  resta  jusqu'à  neuf  heures  chez  M.  le 
Dauphin  et  y  dansa;  ce  n'étoit  point  un  bal;  on  a  cru 
plus  convenable,  à  cause  de  la  misère  présente,  qu'il  n'y 
eut  point  de  bal  chez  M.  le  Dauphin.  11  n'y  a  pour  toute 
musique  que  deux  violons,  dont  l'un  est  celui  qui  le  fait 
danser  ordinairement  et  l'autre  un  violon  de  la  ville  ;  il  y 
a  environ  une  douzaine  de  danseurs  ou  danseuses  et  on 
ne  laisse  point  entrer  de  spectateurs,  hors  les  grandes 
entrées.  Le  cabinet  n'est  éclairé  que  comme  il  l'est  tous 
les  jours;  il  n'y  a  point  de  collation  en  forme,  on  met 
seulement  dans  le  caveau  quelques  plats  de  pâtisserie,  et 
de  quoi  boire  pour  les  danseurs  et  danseuses.  La  Reine 
voulut  manger  un  petit  chou  ;  on  apporta  une  serviette,  et 
ce  fut  M.  le  duc  de  Chàtillon  qui  la  lui  présenta;  mais  la 
Reine  ne  la  prit  point,  et  elle  dit  hier  à  M"*  de  Luynes 


JANVIER  1741.  303 

qu'elle  avoit  été  étonnée  de  ce  qu'avoit  fait  M.  de  Chà- 
tillon;  qu'il  est  vrai  que  dans  les  maisons  des  particuliers 
l'usage  étoit^  quand  elle  y  mangeoit,  que  ce  fussent  le 
maître  ou  la  maltresse  delà  maison  qui  lui  présentassent 
la  serviette  et  la  servissent  ;  mais  que  quand  elle  étoit  chez 
H.  le  Dauphin  c'étoit  comme  chez  elle;  par  cette  raison  la 
serviette  auroit  dû  être  présentée  à  M"*  de  Luynes  qui 
Tauroit  présentée  à  M.  le  Dauphin  pour  la  donner  à  la 
Reine. 

On  prend  jeudi  le  deuil  de  Tempereur  pour  trois  se- 
maines. M.  de  Wassenaer,  chargé  des  affaires  de  la  reine  de 
Hongrie ,  a  fait  part  aujourd'hui  de  la  mort  au  nom  de  la 
reine  de  Hongrie  «t  de  Bohème. 

Il  parolt  depuis  quelques  jours  une  lettre  imprimée 
adressée  à  un  jurisconsulte  ;  elle  est  fort  bien  écrite  et 
traite  en  détail  des  droits  de  Télecteur  de  Bavière  sur 
les  pays  héréditaires  en  vertu  du  testament  et  du  codicille 
de  Ferdinand  V^  et  du  contrat  de  mariage  de  la  princesse 
Anne,  fille  de  Ferdinand,  avec  Albert  fils  de,  Guillaume^ 
duc  de  Bavière,  et  encore  des  clauses  de  la  renonciation 
faite  par  la  princesse  Anne.  Cette  lettre^  que  Ton  donne 
pour  venir  de  Hollande  et  qui  cependant  aété  faite  par  H.  le 
prince  de  Grimberghen ,  donne  une  idée  bien  favorable 
des  droits  de  Télecteur  et  en  annonce  une  seconde 
sur  les  droits  plus  anciens  que  Télecteur  prétend  encore 
avoir. 

M.  de  Poniatowski  est  arrivé  ces  jours-ci  chargé  de 
négociations  importantes  de  la  part  du  roi  de  Pologne , 
électeur  de  Saxe.  Il  a  avec  lui  un  autre  homme  de 
confiance  de  la  même  Cour  que  Ton  nomme^  je  crois^ 
M.  Freisch.  On  dit  que  M.  de  Poniatowski  ne  fait  que 
passer  ici  pour  aller  aux  eaux  de  Baréges;  mais  il  y 
a  lieu  de  croire  qu'il  est  chargé  d'affaires  importantes. 

M.  de  Jablonov^^ski,  frère  de  W^  la  duchesse  Ossolinska 
et  de  M"®  la  princesse  de  Talmond,  fut  présenté  hier  à  la 
Reine  et  l'a  été  aujourd'hui  au  Roi.  M.  le  Cardinal  devoit 


304  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

le  présenter  hier  au  Roi.  S.  Ém.  avoit  dit  à  H.  de  Jablo- 
Qowski  qu'il  le  présenteroit  après  Taudience  de  M.  de 
Wassenaer.  Effectivement^  immédiatement  après  cetteau- 
dience^  M.  Amelot^  qui  étoit  dans  le  cabinet^  alla  cher- 
cher M.  de  Jablonowski.  H.  le  Cardinal  s'avança  aussi  à 
la  porte  du  cabinet  ;  mais  pendant  ce  court  intervalle  le 
Roi  y  qui  étoit  tout  babillé ,  partit  pour  la  chasse,  de  sorte 
quHl  fallut  remettre  la  présentation ,  et  M.  le  Cardinal 
manda  à  la  Reine  par  M.  de  Maurepas  que  M.  de  Jablo- 
nowski pourroit  lui  être  présenté  si  elle  le  trouvoit  bon , 
quoiquUlnereùtpointétéauRoi.  M.  de  Jablonowski  vient 
ici  recevoir  Tordre  de  la  Toison  d'or;  M.  de  Bauffremont 
a  la  procuration  du  roi  d^Espagne pour  faire  cette  cérémo- 
nie. C'est  M.  le  duc  de  Sully  (ci-devant  marquis  deBéthune 
et  premier  gentilhomme  de  la  chambre  de  M.  le  duc  de 
Berry)  qui  doit  être  son  parrain.  La  cérémonie  devoit 
se  faire  àLunéville;  M.  de  Sully  s'étant  trouvé  incom- 
modé^ il  a  été  arrangé  qu'elle  se  feroit  ici.  M.  de  Sully  a 
su  le  traitement  qui  a  été  fait  à  M'"*^  de  Beauvilliers  à 
Lunéville,  où  M"*  la  duchesse  Ossolinska  et  M"*  de  Tal- 
mond  sont  traitées  comme  princesses  du  sang ,  ayant  des 
chaises  à  dos^  pendant  qu'on  donne  des  pliants  aux 
dames  titrées;  ce  qui  détermina  même  M.  de  Beauvilliers, 
comme  je  crois  l'avoir  déjà  marqué ,  à  prétexter  ime 
incommodité  de  M"®  de  Beauvilliers,  pour  éviter  le  désagré- 
ment de  cette  différence  à  un  dîner  avec  le  roi  de  Pologne 
auquel  elle  étoit  priée  et  auquel  M.  de  Beauvilliers  lui- 
même  avoit  observé  l'arrangement  des  sièges.  M.  de  Sully 
sachant  d'ailleurs  combien  M.  de  Bauffremont  est  jaloux 
de  tous  les  honneurs  rendus  aux  ducs^  si  jugé  qu'il  pourroit 
s'exposer  à  quelque  désagrément  dans  lé  voyage  de  Lu- 
néville ;  il  parla  ici  au  ministre  du  roi  Stanislas  pour  savoir  . 
seulement  quel  traitement  on  lui  feroit;  la  réponse  que  ce 
ministre  fit,  fut  que  M.  de  Sully  et  M.  de  Bauffremont 
seroient  traités  avec  tous  les  égards  possibles.  Cet  éclair- 
cissement a  fait  juger  à  M.  de  Sully  qu'il  étoit  plus  pru- 


JANVIER  1741.  305 

dent  de  profiter  d'une  saignée  et  d'une  purgation  de  pré- 
caution pour  éviter  le  voyage. 

M.  le  prince  de  Hesse-Darmstadt  a  été  présenté  au  Roi 
aujourd'hui  dans  le  cabinet  par  M.  de  Verneuil,  intro- 
ducteur des  ambassadeurs.  On  a  vu  ci- dessus  que  M.  le  duc 
des  Deux-Ponts  fut  présenté  de  même,  à  Fontainebleau, 
et  que  son  frère,  M.  le  prince  des  Deux-Ponts,  qui  est  au 
service  de  France,  fut  présenté  à  la  porte  du  cabinet  dans 
la  chambre.  M.  le  prince  de  Nassau-Weilbourg  a  été  pré- 
senté de  même  aussi  dans  le  cabinet.  M.  le  prince  de 
Dàrmstadt  a  été  présenté  à  la  Reine ,  au  retour  de  la 
messe  ;  on  avoit  averti  des  dames  comme  pour  une  au- 
dience. M"®  de  Clermont  et  M™?  de  Luynes  étant  à  Paris, 
c'est  M*"*  de  Mazarin  qui  avoit  fait  avertir.  Après  la  messe, 
lorsque  la  Reine  est  rentrée  dans  sa  chambre ,  M.  de  Ver- 
neuil  lui  a  demandé  ses  ordres  pour  la  présentation  )  il 
étoit  venu  hier  pour  avertir  M"*  de  Luynes  de  cette  pré- 
sentation); après  Tordre  de  la  Reine,  M.  de  Verneuil  a 
été  chercher  M.  le  prince  de  Hesse  et  Ta  mené  dans  la 
chambre  de  la  Reine  ;  la  Reine  étoit  debout  auprès  de 
la  table  qui  est  vis-à-vis  de  son  lit.  M.  le  prince  de  Hesse 
a  fait  un  compliment  fort  court  à  la  Reine ,  en  françois , 
et  s'est  retiré  un  moment  après  (1) .  M™^  de  Luynes  et  M"*' de 
Mazarin  étoient  présentes.  Cette  après-dlnée,  M.  de  Ver- 
neuil, est  venu  présenter  à  M"®  de  Luynes  M.  le  prince  de 
Hesse  chez  elle  (2).  M.  le  prince  de  Hesse  est  venu  pour  peu 
de  temps  en  France  avec  ses  deux  frères,  qui  doivent  être 
présentés  dimanche  ;  ils  ont  auprès  d'eux  un  homme  de 
confiance  que  l'on  dit  homme  de  beaucoup  de  mérite , 

et  que  l'on  appelle  le  baron  de  Planta.  M.  le  prince  de 


(1)  Il  n'a  point  baisé  le  bas  de  la  robe.  Les  hommes  ne  la  baisent  point ,  ni 
François,  ni  étrangers.  {Note  du  duc  de  Luynes,) 

(2)  M.  de  Verneuil  m'a  dit  que  M.  de  Hesse  amèaeroit  dimanche  MM.  ses 
frères  à  M*"*  de  Luynes.  (Note  du  duc  de  Luynes»  ) 

T.  m.  20 


300  MEMOIRES  DV  DUC  DK  LUYNES. 

Hesse^  immédiatement  après  sa  présentation ,  a  quitté 
son  nom  y  à  cause  du  cérémonial  ;  on  ne  rappellera  plus 
que  le  comte  de  Nida.  Son  second  frère  s'appellera  aussi 
le  comte  de  Nid a^  et  le  troisième  le  chevalier  de  Nida  (1). 
M.  le  prince  de  Hesse  a  été  traité  comme  Ton  voit  en  prince 
souverain  y  mais  il  n'est  cependant  que  prince  hérédi- 
taire y  M.  son  père  étant  vivant  ;  mais  les  princes  héré- 
ditaires ont  le  même  traitement.  M.  le  prince  de  Hesse- 
Darmstadt  est  par  sa  mère  petit-fils  de  M.  le  comte  de 
Hanau.  M.  le  prince  de  Hesse  a  eu  de  la  succession  de  son 
beau-père  (2)  environ  6  ou  700^000  livres  de  rente  en 
France;  ses  États,  outre  cela,  sont  assez  considérables. 
Outre  sa  garde^  il  a  deux  ou  trois  régiments  à  sa  solde,  et 
il  seroit  en  état  de  fournir  dans  Toccasion  cinq  ou  six 
mille  hommes  de  troupes.  La  maison  de  Hesse-Darmstadt 
est  la  même  que  celle  de  Hesse-Cassel,  dont  est  le  roi  de 
Suède  ;  c'est  une  même  maison  divisée  depuis  longtemps 
en  plusieurs  branches.  Hesse-Rhinfels ,  dont  est  M'^'^la 
Duchesse,  seconde  douairière,  est  encore  une  branche  de 


(1)  On  les  distingue  par  leur  nom  de  baptême  ;  Talné  s'appelle  Louis ,  le  se- 
cond George,  e1  le  troisième  Frédéric.  (Note  du  duc  de  Luynes,  ) 

(2)  M.  le  prince  de  Hesse,  père  de  ces  trois  princes,  Tint  ici  en  1735, 
à  Toccasion  de  la  mort  do  M.  le  comte  de  Hanau  arrivée  cette  même  an- 
née ou  à  la  fin  de  1734.  Il  venoit  pour  remercier  le  Roi,  qui  lui  avoit  donné 
rinvestiture  de  tous  les  fiefs  que  M.  le  comte  de  Hanau  avoit  en  France. 
C'est  cette  investiture  qui  donna  en  partie  occasion  au  procès  que  M.  Té- 
véque  de  Metz  (  Saint-Simon  )  a  contre  la  succession  de  M.  le  comte  de 
Hanau,  prétendant  que  le  Roi  a  bien  pu  donner  Tinvestiture  des  fiefs  qui 
relevoient  de  S.  M.,  mais  non  pas  de  ceux  qui  relèvent  de  l'évéché  de 
Metz.  M.  le  prince  de  Hesse,  qui  a  été  présenté  aujourd'hui,  a  fort  assuré 
le  Roi  de  son  inviolable  attachement  et  de  sa  reconnoissanee  ;  il  parolt 
avoir  effectivement  un  grand  attachement  pour  la  France:  Dans  le  temps  de 
la  guerre  de  1744,  M.  le  prince  de  Hesse  envoya  ses  trois  enfants  à  Stras- 
bourg; sans  ces  précautions  ses  États  auroient  pu  courre  risque.  Lorsque 
M.  le  prince  de  Hesse,  le  père,  vint  en  France,  (^n  1735,  il  fut  présenté 
dans  le  cabinet  ;  il  avoit  avec  lui  le  mérne  baron  de  Planta  ;  il  changea  de 
nom  aussitôt  après  la  présentation  et  s'appela  le  comte  de  Lichtenberg.  (JSote 
du  duc  de  luynes.  )  : 


cette  iiiaisbn  ;  il  y  eîl  â  encore  deux  attirer  brâdôhes, 
Hessô-Homboupg  et  Hes^e-Phîlîpàlhal  (1).  .  '  '  ' 

Du  jeudi  12,  Verêùille^.  —  tH.  de  VLsimhm;  prettlieif 
président  du  parlement  de  Toulouse,  vint  hier  demander 
Tagrément  du  Aoi  pour  le  mariage  de  «a  fille  areo'  le  fils 
de  M.  de  Livry.  Ce  fut  M.  le  Cardinal  qui  lé  mena»  ehe^^^ 
Roi  et  qui  le  présenta  dans  le  cabinet. 

Il  y  eut  hier  grand  couvert .  M .  de  Livry  le  fils  y  fit  pour  la 
première  fois  les  fonctions  de  la  charge  de  premier 
maître  d'hôtel,  dont  il  et  la  survivance;  il  avoi^ié  hAtén* 

M.  le  marquis  de  Mirepoix  a  été  hier  préâent^  au  Roi 
et  a  fait  aujourd'hui  sa  révérence  à  la  Reine  ;  il  porte  le 
cordon  bleu  ici,  quoiqu'il  n'ait  point  encore  été  reçu; 
il  le  sera  à  la  Chandeleur.  Il  dit  qu'il  éûi  inconcevable 
combien  la  mort  de  Venipereur  fit  peu  d'émolion  àatXB 
Vienne  le  jour  même  qu'elle  arriva. 

Du  dimanche  i  5,  Versaillek.  —  Depuis  le  toyage  de 
Choisy,  Uademoiselle  étoit  à  Paris;  M^^de  Mailly  luiefir^ 
voyà  un  courrier,  et  Mademoiselle  revint  sur^le^hamp. 
M"''  de  Clermoût  étoit  ici  depuis  deux  jours.  Le  Roi  fut  à, 
huit  heures  chez  M"'''  de  Mailly.  Les  quatre  sœurs  y 
étoieatetM*^  la  maréchale  d'Ëstrées;  outre  cela,  six  oii 
sept boHunes,  entre  autres  MM.  d'Âyen,  comte  de  Noailles/ 
vidamè  de  Yassé ,  Meuse  et  de  Luxembourg.  Les  deui 
princesse^  furent  fort  sérieuses  pendant  le  souper;  H'"^de 
Mailly  de  très-bonne  humeur.  Le  Roi  fui  aussi  fortgât.  Le* 
couper  avôit  été  fait  par  les  offlciens  de  M"*'  la  tnarécKale 
d'Ëstrées,  et  h' étoit  pas  aussi  boj^  qu'on  le  désiroit; 
Après  le  souper  on  passa  chez  M"^  la  inaréchale  d'Ës- 
treéés,  où  le  Roi  joua  â  quadrilleetlesddmesà  cafvagiible. 

M""*    la^  duchesse   de   Lorges    présente    aujourd'hui 

.  M"*  de  Durfort,  qui  a  été  élevée  à  Saint-Cyr  ;  elle  est  de 

la  maison  de  Durfort-Duras ,  mais  d'une  branche  éloi- 


(I)  Le  duc  de  Luyiies  oiiblie  la  brandie  de  Hesse-Waiifiied,  sortie. (îe  là 
feranche  de  Hesse-Rhinfels*  '     , 

20. 


308  MÉMOIRES  DU  DUC  D£  LUYNES. 

gnée;  elle  entre  chez  la  reine  d'Espagne  (Orléans)  en 
qualité  de  fille  d'honiiear .  Le  Roi  avoit  donné  heure  à  cinq 
heurespour  cette  présentation  j  maison  luia  représenté  que 
l'usage  étoit  que  les  filles  lui  fussent  présentées  chez  la 
Reine  ;  ainsi  M^^^  de  Durfort  sera  présentée  chez  la  Reine 
un  moment  avant  le  grand  couvert. 

M.  de  Belle-Isle  part  à  la  fin  du  mois  et  doit  se  rendre 
dans  plusieurs  cours  des  Électeurs  avant  que  de  se  rendre 
à  Francfort.  Il  a  donné  à  M.  le  Cardinal  un  état  de  réqui-* 
page  qu'il  comptoit  avoir  et  une  estimation  de  chaque 
partie  de  dépense^  afin  que  S.  Ém.  pût  retrancher  ce 
qu'elle  jugeroit  à  propos*  M.  le  tIardinaJ  a  retranché  peu 
de  chose ,  voulant  que  tout  soit  au  plus  magnifique  ;  Tes- 
timation  de  cette  dépense  va  en  total  &  un  million ,  sur 
quoi  il  y  a  eu  beaucoup  de  diminution  parce  que  le  Roi 
fournit  des  tapisseries,  et  que  les  amis  de  M.  de  Belle-Isie 
lui  prêtent  le  surplus  de  vaisselle  dont  il  aura  besoin  et 
qu'il  auroit  été  obligé  d'acheter  ;  cependant  l'estimation 
va  encore  à  près  de  600^000  livres.  Il  n'est  pas  décidé 
jusqu'à  présent  si  elle  se  fera  aux  frais  du  Roi  en  total 
ou  en  partie.  M.  de  Belle-Isle  a  fait  ses  représentations; 
il  parolt  qu'elles  ont  été  bien  reçues.  M.  de  Belle-Isle 
compte  faire  son  entrée  à  cheval  à  Francfort^  et  avoir 
seulement  trois  ou  quatre  carrosses  de  suite.  La  dépense 
auroit  été  encore  beaucoup  plus  considérable'  s'il  avoit 
été  nécessaire  de  faire  cette  entrée  en  carrosse. 

Hier  y  à  trois  heures  après  midi^  H.  le  Cardinal  ne  sa- 
voit  pas  encore 'le  souper  du  Roi  chez  M*;*  de  Mailly  ;  ce 
fut  M.  de  Belle-Isle  que  le  lui  apprit. 

Du  jeudi  19,  Yermilles.  —  Le  Roi  revint  hier  de  la 
Meutte,  où  il  avoit  fait  un  dîner,  à  trois  heures  après 
midi  ;  les  dames  de  ce  voyage  étoient  les  quatre  sœurs,  M"*  la 
maréchale  d'Estrées  et  W^^  d'Ântin.  Le  Roi  n'y  arriva 
que  lundi ,  après  avoir  couru  le  cerf  à  Saint-Germain . 
Le  lendemain,  il  courut  le  daim  dans  Boulogne.  Le  Roi 
y  a  joué  quelques  parties  d'hombre ,  mais  il  y  a  encore 


JANVIER  i74i.  309 

plus  travaillé  en  tapisserie.  Ce  fut  le  dernier  voyage  de 
Ghoisy  qu*il  commença  à  se  mettre  à  cet  ouvrage;  on  en- 
voya quérir  deux  métiers  à  Paris  (1).  Ce  voyage-ci  de  la 
Heutte ,  il  y  avoit  sept  ou  huit  métiers.  Le  Roi  fut  chez  la 
Reine  en  arrivant  et  descendit  ensuite  chez  M"^  la  com- 
tesse de  Toulouse. 

Aujourd'hui  chasse  encore  à  Saint-GermaiQ^  et  souper 
dans  les  cabinets;  mais  il  n^y  a  point  de  dames;  M"**  de 
Mailly  est  un  peu  enrhumée. 

Du  vendredi  20.  —  M.  le  Cardinal  vint  hier  après  dî- 
ner chez  la  Reine  lui  rendre  compte  de  Fagrément  que  le 
Roi  venoit  de  -donner  à  H.  le  duc  de  Fitz-James^  fils  de 
M.  le  maréchal  de  Berwick^  pour  son  mariage  avec  M"'  de 
Matignon,  et  pour  la  démission  que  M"**^  de  Matignon  fai- 
soit  de  sa  place  de  dame  du  palais  en  faveur  de  sa  fille. 
M.  de  Matignon  et  M.  de  Fitz-James  vinrent  ensuite  pen- 
dant le  jeu  de  la  Reine  faire  leur  remerclment.  Ce  n'est 
pas  Tusage  de  faire  ces  remerciments  pendant  le  jeu^ 
mais  la  Reine  ordonna  qu'on  les  Ût  entrer. 

M"*^  de  Sassenage  a  présenté  aujourd'hui  au  Roi.  dans 
le  cabinet^  M"**  la  marquise  de  la  Blache^  qui  est  parente 
de  M*^  de  Sassenage^  et  le  Roi  Fa  saluée  ;  c'est  une  jeune 
personne  d'environ  vingt  ou  vingt-deux  ans  qui  est  assez 
bien. 

Du  lundi  23,  Versaillesr  —  M™*  de  Sabran  et  d'Opter 
furent  présentées  hier.  H*"^  la  Duchesse  mère  présenta 
M"*  de  Sabran  ;  c'est  la  fille  de  M"*  de  Coëtlogon,  sa  dame 
d'honneur;  elle  est  petite  et  assez  jolie.  Ce  fut  M"**  la  du- 
chesse de  Chàtillon  qui  présenta  M®*  d'Opter  ;  elle  est  fille 
de  M.  de  Jonsac  et  de  M''*"  Haynault.  La  sœur  de  M"*  d'Op- 
ter a  épousé  M.  de  Tillières,  frère  de  M"«  de  Ch&tillon. 
Il  y  a  déjà  quelques  jours  que  M"*  d'Opter  est  mariée  ; 
mais  des  voyages  et  ses  incommodités  l'ont  empêchée  d'être 


(1)  Voy.  aussi  les  Mémoiresdu  marquis d^Argenson,  f.U,p.  203,106, 207. 


310  MÉMOIUES  DU  DUC  D£  LUYNES. 

présentée.  Son  mari  est  l'alné  de  la  maison  d^Opter^  dont 
les  Jonsac  ne  sont  que  les  cadets.  Sa  mère  étoit  dame 
d'honneur  de  V^  la  Duchesse  mère. 

y.  le  barod  d'OEls  fut  présenté  hier;  il  est  chanoine 
de  Metz  et  propre  cousin  germain  de  rélecteur  de  Hayence. 
Il  vint  le  matin  chez  M*"^  de  Luynes^  sans  y  être  annoncé 
p^r  personne^  et  ce  fut  M"^  de  LuyHes  qui  le  présenta  à  la 
(teine. 

HH.  les  princes  cadets  de  Hesse-Darmstadt  ont  été  pré- 
sentés tous  deuxy  il  y  a  huit  jours,  par  M.  de  Verneuil, 
d^ns  le  cabinet  du  Roi  ;  leur  frère  aine  étoit  resté  à  Paris. 

M.  de  Uchteostein^  qui  attendoit  des  nouvelles  desa 
cour  pour  partir^  les  a  apparemment  reçues;  il  part  ces 
jours-ci;  il  a  pris  congé  aujourd'hui,  mais  comme  parti- 
culier,  ayant  pris  son  audience  de  congé  dès  Compiègne. 
Aujourd'hui,  c'est  M™*"  de  Luyiies  qui  l'a  présenté  à  la 
Reine. 

On  croyoit  que  le  Roi  iroit  cette  seinaine  i  Choisy  ou  à 
la  Meutte,  mais  il  parolt  certain  qu'il  ne  sortira  point 
d'ici;  on  ne  sait  si  c'est  par  rapport  aux  circonstances 
présentes  des  affaires,  qui  peuvent  demander  des  ordres 
prompts.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  M™*'  de  Mailly  est 
incommodée,  a  été  saignée  et  ne  sort  pas  même  de  sa 
chambre  où  de  chez  M"''  la  maréchale  d'Estrées,  qui  loge 
auprès  d'elle.  Elle  ne  fut  pas  môme  hier  chez  M"*  la  com- 
tesse de  Toulouse,  où  le  Roi  (qui  avoit  dîné  au  grand  cou- 
vert) descendit  à  neuf  heures  et  soupa.  Aujourd'hui,  le 
Hoi  a  été  deux  heures  dehors  dans  son  parc,  ou  il  a  tué 
une  cinquantaine  de  pièces  de  gibier;  il  avoit  dîné  dans 
siu  chambre.  U  soupe  à  neuf  heures  ce  soir,  e9corç  chez 
M'"'*  }a  comtesse  d^  Toulouse. 

M.  de  Puysieux  me  contoit  aujpurd'hui  quelques  ciiv 
constances  de  son  ambassade  à  Naples,  l'embarras  où  il 
avoit  été  dans  le  temps  du  mariage  du  roi  dés  Deux-Si- 
cîlés.  Lorsqu'il  sut  que  le  prince  électoral  de  Saxe  ve- 
npit  à.Naples,.il  dernai^da  ici  des  ordres  sur  la  manière 


JANVIER  1741.  311 

dont  il  devoit  agir  avec  lui  pour  le  cérémonial,  parce 
qu'il  comploit  que  Tanabassadeur  d'Espagne  vraisembla- 
blement auroit  ordre  de  le  traiter  comme  le  prince  des 
Âsturies.  On  lui  manda  de  ne  point  compromettre  son 
caractère  ;  mais  qujB  s'il  se  relàchoit  en  quelque  chose  en 
faveur  de  ce  prince,  que  la  Cour  ne  lui  en  sauroit  pas 
mauvais  gré,  et  qu'il  fit  sentir  au  roi  des  Deux-Siciles  que 
cette  complaisance  étoit  par  égards  particuliers  que  le 
Roi  vouloit  lui  marquer  dans  la  personne  de  son  beau- 
frère.  11  fut  arrangé  à  l'arrivée  du  prince  électoral,  que 
l'on  appeloit  le  prince  royal  de  Pologne ,  qu'il  mange- 
roit  avec  le  roi  et  la  reine  des  Deux-Siciles,  ayant  un 
fauteuil  égal  a  ceux  de  LL.   MH.  Cet  arrangement  fut 
extrêmement  secret.  H.  de  Puysieux,  qui   avoit  ordre 
d'aller  tous  les  jours  au  dîner  du  roi  des  Deux-Siciles  et 
qui  n'y  manquoit  jamais,  d'autant  plus  que  c'est  presque 
le  seul  temps  où  il  voit  les  ambassadeurs ,  vit  tout  d'un 
coup  mettre  un  troisième  couvert  et  apporter  un  fauteuil 
pareil  aux  deux  autres;  le  prince  royal  se  mit  à  table; 
M.  de  Puysieux ,  fondé  sur  la  seule  instruction  qu'il  avoit 
eue  par  rapport  à  ce  prince,  crut  que  ce  seroit  une  chose 
trop  marquée  de  s'en  aller  ;  il  resta  pendant  le  dîner. 

Il  esta  observer  que  l'on  avoit  été  d'ici  fort  longtemps 
sans  lui  donner  d'instruction  par  rapport  au  prince  royal, 
et  qu'on  lui  avoit  mandé  que  l'exemple  de  l'ambassa- 
deur d'Espagne  ne  devoit  pas  être  une  règle  pour  lui  ; 
qu'à  l'égard  du  nonce,  il  étoit  fàqheux  qu'il  eût  ordre 
(comme  M.  de  Puysieux  Tavoit  mandé)  de  suivre  ce  que 
feroit  Tambassadeur  de  France.  M.  de  Puysieux  rendit 
compte  ici  de  ce  qull  avoit  fait;  on  lui  écrivit  une  lettre 
de  réprimande,  toute  des  plus  fortes,  sur  ce  qu'il  étoit 
resté  au  dinet  du  roi  des  Deux-Siciles.  De  ce  moment  il 
cessa  d'aller  au  diner  de  ce  prince.  Le  nonce,  qui  ne  fit 
son  entrée  que  dix  jours  après,  y  fut  à  l'exemple  de 
l'ambassadeur  de  France  ,  et  voyant  que  M.  de  Puysieux 
ne  s  y  trouvoit  plus,  il  lui  en  demanda  la  raison.  Puy- 


312  MÉMOIRES  DU  DT  C  DE  UTTOES. 

sienx  prétexta  quelque  incommodité  et  rendit  compte  ici 
de  ce  qui  s'étoit  passé.  L'ambassadenr  de  Venise  as»stoit 
aussi  toujours  au  dîner.  On  n^envoya  point  de  nouveaux 
ordres  et  les  choses  restèrent  ainsi. 

Il  eut  aussi  quelqn'embarras  par  rapport  à  Fambassa- 
deur  d^Espagne^  M.  de  Fuenelorra«  On  sait  rinsuite  faite 
à  notre  ambassadeur,   à  Londres ,  au  sujet  de  la  pré- 
séance, à  une  entrée  dans  laquelle  notre  ambassadeur  eut 
les  traits  de  ses  chevaux  coupés,  dans  le  temps  que  l'am- 
bassadeur d'Espagne  ne  put  être  traité  de  même  et  prit 
le  pas,  ayant  fait  mettre  du  fer  aux  traits  de  ses  chevaux. 
Louis  XIV  demanda  une  satisfaction  éclatante;  le  roi  d'Es- 
pag-ne  envoya  ici  un  ambassadeur  qui  déclara  dans  une 
audience  publique  :  a  Que  le  Roi  son  maître  don  n«Poit  do- 
rénavant ordre  à  ses  ambassadeurs  de  n^entrer  jamais  en 
concurrence  avec  ceux  du  Roi.  »  A  cette  au£ence  étoient 
tons  les  ministres  étrangers  que  le  Roi  y  avoit  fait  inviter, 
et  le  Roi  prenant  la  parole  dit  tout  haut  :  «  Messieurs , 
vous  voyez  que  le  roi  d^Espagne  convient  que  ses  am- 
bassadeurs ne    disputeront  jamais  la  préséance    aux 
miens.  »  Quoique  ces  termes  soient  très-différents,  Fam- 
bassadeur  d'Espagne  n'osa  répliquer  par  respect.  Ce- 
pendant l'acte  ne  porte  que  le  mot  de  concurrence.  De- 
puis ce  temps  les  ambassadeurs  d'Espagne  ont  toujours 
ordre  de  ne  se  point  trouver  dans  toutes  les  occasions  où 
le  rang  et  la  préséance  sont  marqués ,  à  Vienne  par 
exemple,  à  Venise,  à  la  cérémonie  où  le  Doge  épouse  la 
Mer.  Il  y  eut  plusieurs  bals  au  palais,  à  Naples,  pendant 
le  séjour  du  prince  royal.  M.  de  Puysicux  y  arriva  avant 
le  Roi  et  la  Reine  ;  l'ambassadeur  d'Espagne  y  arriva  un 
moment  après  LL.  MM.;  M.  de  Puysienx  remarqua  qu'on 
avançoit  un  pliant  que  l'on  placoit  à  côté,  un  peu  seule- 
ment en  arrière,  du  comte  de  San-Estevan,  lequel  comme 
grand  maître  est  assis  à  côté  du  Roi ,  un  peu  seulement 

on  arrière.  M.  de  Puysieux  quitta  le  banc  où  il  étoit,où 
il  occupoit  la  première  place^  et  sur  lequel  devoit  se 


JANVIER  1741.  31S 

mettre  le  grand  écuyer  et  les  premiers  gentilshommes  de 
la  chambre;  il  passa  dans  le  carré  où  étoient  les  grands 
d^ Espagne,  et^  ayant  vu  un  pliant  qui  n^étoit  point  rem- 
pli^ il  s'y  mit.  Le  Roi  et  la  Reine  ouvrirent  le  bal  ;  ensuite 
il  y  eut  une  contredanse  de  huit  personnes.  M.  de  Puy- 
sieux,  craignant  que  la  Reine  n^  allât  prendre  l'ambassa- 
deur d'Espagne  avant  lui  (ce  qui  n'arriva  point  cepen- 
dant), sortit  du  bal;  il  rendit  compte  de  ce  qu'il  avoit 
fait  et  fut  approuvé.  Aux  autres  bals,  de  peur  que  son 
expédient  ne  réussit  pas  si  bien,  il  feignit  d'être  malade, 
se  fit  saigner  et  reçut  des  visites  dans  son  lit.  La  circons- 
tance d'être  ambassadeur  du  père  du  roi  des  Deux-Siciles 
rendoit  la  circonstance  plus  embarrassante. 

Du  mardi  24,  Versailles.  —  M.  le  comte  de  Noailles 
a  remercié  aujourd'hui  pour  la  cession  de  la  grandesse 
que  M.  le  maréchal  de  Noailles  a  faite  en  sa  faveur,  du 
consentement  du  Roi  et  du  roi  d'Espagne.  Ce  n'est  point 
Une  nouvelle  grâce  de  la  part  de  l'Espagne,  car  la  gran- 
desse de  M.  le  maréchal  de  Noailles  est  de  telle  nature 
dans  son  institution  qu'il  pouvoit  la  céder  à  qui  il  jugeoit 
à  propos,  même  à  un  étranger.  C'est  de  M*"^  la  comtesse 
de  Toulouse  que  je  sais  ce  détail. 

M.  le  duc  de  la  Force  vint  ici  hier  demander  pour  M.  le 
duc  de  Caumont,  son  fils  (  qui  a  épousé  une  fille  de  M.  le 
maréchal  deNoailles),  que  le  Roi  voulût  bien  accepter  la 
démission  du  régiment  de  M.  de  Caumont,  dont  les  affaires 
étoient  tellement  dérangées  qu'il  étoit  obligé  de  prendre 
ce  parti.  Le  Roi  a  bien  voulu  accepter  cette  démis- 
sion et  donner  le  régiment  au  second  fils  de  M.  de  la 
Force. 

M.  delà  Force  envoie  M.  de  Caumont  dans  une  de  ses 
terres  avec  2,000  écus  de  pension,  et  a  même  dit  que 
s'il  ne  vouloit  pas  y  rester  il  demanderoit  une  lettre  de 
cachet  pour  l'y  faire  rester.  M.  de  Caumont  a  été  jusqu'à 
présent  fort  jeune  et  n'a  pas  vu  très-bonne  compagnie. 
On  prétend  que  sa  femme  lui  disoit  il  y  a  quelque  temps, 


314  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

lorsqu'ilalloitâansunedesterresdeM. son  père  :  «Adieu, 
Monsieur,  mûrissez  ou  pourrissez.  » 

H.  de  Pons  Saint-Pierre  a  donné  aussi  la  démission  de 
son  régiment  Royal-cravate  (1).  lia  été  donné  àM 

MH.  les  princes  de  Hesse-Darmstadt^  ou  comtes  de  Nida 
comme  on  les  appelle  actuellement^  font  ici  -leur  cour. 
Outre  M.  le  baron  de  Planta^  qui  est  chargé  ici  de  leur 
conduite  et  de  leur  dépense,  ils  ont  deux  gentilshommes 
de  la  manche  du  prince  leur  père,  qui  s'appellent  le  ba- 
ron deRidels  et  le  baron  de  Gueling^  La  dépense  de  leur 
voyage  ne  coûte  rien  au  prince  leur  père  ;  ce  sont  ses 
États  qui  ont  donné  100,000  écus  pour  les  frais  dudit 
voyage.  Le  prince  de  Hesse,  quand  il  vint  en  France,  ne 
s'appeloit  point  le  comte  de  Nida,  il  s'appeloit  le  comte 
de  Lichtenberg. 

M.  de  Verneuil  a  présenté  aiyourd'hui  le  prince  de 
Schwartzbourg  qui  est  de  la  race  de  Gunlher^  élu  empe- 
reur du  temps  de  Charles  IV  et  qui  fut  empoisonné.  Il  a 
auprès  de  lui  un  gouverneur  qu'on  appelle  le  baron  de 
Hertenberg. 

Il  me  parolt  que  M.  de  Verneuil  ne  fait  plus  de  diffi- 
culté d'amener  chez  M"*  de  Luynes  les  étrangers,  lors- 
qu'il n'y  a  personne  pour  les  lui  présenter. 

Du  mercredi  25,  Versailles.  —  H  y  a  déjà  quelques 
jours  que  iM.  de  Sade  a  été  nommé  envoyé. du  Roi  près 
de  rélecteur  de  Cologne. 

J'ai  marqué  que  M.  de  Lichtonstein  avoit  pris  congé 
il  y  a  quelques  jours;  ce  fût  H.  le  duc  de  Rochechouart 
qui  le  fit  prendre  congé  à  la  porte  du  cabinet;  H.  de 
Lichtensteîn  vouloit  que  ce  fût  dans  le  cabinet.  Il  avoit 
une  raison  ;  il  y  avoit  entré  à  Fontainebleau,  s'étant  pré- 
senté devant  le  Roi^  lorsqu'il  sut  la  mort  de  l'empereur^ 
au  moment  que  le  Roi  après  son  lever  passoit  dans  son 


(t)  Cela  n*est  pas  encore  certain.  {Addition  du  dite  de  luynes^  datée  du 

'^6  janvier  1741.)  • 


JANVIER  174i.  315 

eabinet  ;  le  Roi  ordonna  qu'on  le  Ût  entrer,  et  ce  fut  dans 
cette  occasion  qu'il  lui  dit,  comme  je  Tai  marqué  :  ce  Vous 
manderez  à  la  grande-duchesse  la  part  que  je  prends  à  la 
perte  qu'elle  a  faite,  et  vous  pouvez  l'assurer  que  je  ne 
manquerai  en  rien  à  mes  engagements.  »  M.  de  Lich- 
tenstein  croyoit  que  cette  grâce  d'être  entré  dans  le  ca- 
Unetformoit  un  droit;  mais  on  lui  a  fait  sentir  que  ce  . 
droite  s'il  avoit  existé;  auroit  appartenu  à  son  neveu,  qui 
est  l'alné  de  sa  maison  (  c'est  ce  neveu  qui  vient  de  prêter 
l^âSO^OOO  livres  à  la  reine  de  Hongrie),  et  que  cependant 
ce  neveu  n'avoit  été  présenté  qu'à  la  porte  du  cabinet. 

11  faut  d'ailleurs  être  prince  souverain  et  être  admis 
dans  le  collège  des  princes  ;  par  exemple  le  comte  de 
Schwartzbourg ,  qui  vient  d'être  présenté,  a  été  fait 
prince  par  l'empereur  Léopold;  il  a  même  une  princi- 
pauté que  ses  auteurs  acquirent  alors  pour  pouvoir 
jouir  des  droits  des  princes;  mais  cette  affaire  n  a  pu  être 
terminée  ;  Télecteur  de  Saxe  s'y  est  opposé^  disant  que 
cette  principauté  relève  de  lui  et  n'est  pas  immédiate  de 
l'Empire. 

Le  procès  de  Jd.  l'évêque  de  Metz  contre  un  grand 
nombre  de  gens  de  condition  qu'il  prétend  relevant  de 
son  évèché  fut  rapporté  hier  au  conseil  des  finances  par 
M.  Orry,  qui  y  rapporte  toujours  seul.  Il  n'y  a  voit  que 
cinq  conseillers  et  le  Roi  ;  M.  le  Cardinal  n'y  va  jamais, 
et  M.  le  duc  d'Orléans  a  demandé  permission  au  Roi  de 
n'y  plus  aller  ;  il  n'ira  plus  qu'au  conseil  d'État,  et  en- 
core même  s'y  trouve-t-il  rarement.  Au  sortir  du  conseil 
on  ne  sut  rien  du  jugement;  M.  le  Chancelier  dit  qu'il 
ne  pouvoit  rien  dire.  Le  Roi  dit  que  l'affaire  étoit  jugée, 
qu'on  pouvoit  dire  aussi  qu'elle  ne  l'étoit  pas.  On  ne  sait 
pas  encore  précisément  ce  jugement.  Il  parolt  cependant 
que  M.  de  Metz  a  perdu,  et  que  les  yassaux  qu'il  auroit 
voulu  mouvant  de  lui  ne  seront  mouvant  que  de  la  cou- 
ronne. En  conséquence  de  sa  prétention,  il  avoit  donné 
à  son  frère  (qui  çstmort  depuis),  celui  qui  s'étoit  marié 


316  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

en  Italie  avec  M"^ Botta,  à  M.  le  dnede  Saint-Simmiet  à 
M.  le  duc  de  Fleary,  à  chacan  un  des  fiefs  de  la  succession 
de  M.  le  comte  de  Hanan  comme  mouvants  de  l'évèché 
de  Metz.  J^ai  déji  marqué  que  le  landgrave  étoit  venu 
ici  après  la  mort  de  son  beau-père  le  comte  de  Hanau, 
demander  au  Roi  Tinvestiture  des  fiefs  relevant  de  S.  M. 
et  qu'il  Favoit  obtenue.  H.  de  Metz  prétendoit  que  quel* 
que8*uns  de  ces  fiefs  relevoient  de  son  évëché. 

M"^  de  Mailly  est  toujours  incommodée.  Le  Roi  n^ira 
nulle  part,  ni  cette  semaine,  ni  l'autre,  qui  est  la  semaine 
de  M"«  de  Mailly. 

M"**  de  Cbàtillon  a  présenté  aujourd'hui  M*^  de  Pui- 
guyon;  c^est  la  femme  de  M.  de  Puiguyon,  gentilhomme 
de  la  manche  de  M.  le  Dauphin;  elle  est  fille  de  M.  de  la 
Boêssière. 

Du  jeudi  26,  Ver$aillèi.  —  Le  mariage  de  M.  de 
Monaco  avec  M"*  de  Bouillon  est  déclaré.  M"*  de  Bouillon 
a  actuellement  quinze  ans  et  quelques  mois.  Le  mariage 
ne  se  fera  cependant  qu'au  mois  de  mai  ou  juin,  parce 
que  Fhôtel  de  Bouillon,  où  ils  doivent  loger,  n'est  pas  en* 
core  en  état;  M.  de  Bouillon  y  fait  beaucoup  travailler. 
M^^  de  Bouillon  a  actuellement  22,000  livres  de  rente; 
elle  aura  outre  cela  200,000  livres,  sans  compter  les  droits 
qui  lui  reviennent  par  feu  M"*  de  Bouillon  sa  mère  sur 
le  duché  d*OIaw  en  Silésie  ;  l'on  compte  que  ces  droits  - 
pourroient  aller  à  40  ou  50,000  livres  de  rente,  mais  on 
espère  qu'au  moins  elleen  tirera  huit  ou  dix.  M.  de  Valen- 
tinois  n'ayoit  pas  voulu  jusqu'à  présent  céder  son  duché, 
espérant  que  son  fils,  comme  prince  de  Monaco,  pourroit 
avoir  un  rang;  mais  il  n'a  pu  l'obtenir;  il  s'est  déterminé 
enfin  à  se  démettre  de  son  duché.  M"*  de  Bouillon  sera 
présentée  avant  son  mariage  pour  prendre  le  tabouret." 
Elle  sera  aussi  vraisemblablement  mariée  dans  le  cabinet 
duRoi.  M.  de  Valentinois  a  quatre  garçons;  le  second  s'ap- 
pelle le  comte  de  Matignon,  le  troisième  le  chevalier,  et 
le  quatrième  est  abbé.  M.  de  Valentinois  donne  aujour- 


JANVIER  1741.  317 

d'hui  à  son  fils  72,000  livres  de  rente  ;  c'est  ce  que  vaut 
la  principauté  de  Monaco  ;  et  dans  cette  somme  même, 
on  ne  compte  que  pour  12^000  francs  un  droit  sur  les 
sels  qui  en  valoit  &'0,000  avant  que  le  roi  de  Sardaigne 
y  eût  mis  des  obstacles  ;  outre  cela,  le  duché  de  Valenti- 
nois,  qui  revient  à  Talné  presqu^en  entier,  vaut  88,000  li^ 
vres  de  rente;  la  terre  de  Thorigny  qui  en  vaut  70,000, 
et  leduché  d'Estouteville  35,000  d'affermés.  Les  cadetsont 
peu  de  chose  à  prétendre  sur  ces  deux  terres.  Il  revient  en* 
core  à  M.  de  Monaco  Fhôtel  de  Valentinois  ;  c'est  une 
grande  et  belle  maison  que  H.  de  Valentinois  acheta  vers 
1722  ou  23  de  M.  le  prince  de  Tingry  (aujourd'hui maré- 
chal de  Montmorency)  qui  avoit  commencé  à  la  faire  bâtir 
et  que  M.  de  Valentinois  a  fort  augmentée.  M.  de  Valen- 
tinois a  encore  d'autre  biens  et  pour  environ  un  million 
d'effets.  M.  de  Bouillon  n'est  point  venu  ici  demander  l'a- 
grément, ni  faire  part  ;  mais  on  m'a  dit  qu'il  l'avoit  fait 
demander  au  Roi  par  M  le  duc  de  la  Trémoille. 

Le  mariage  de  M"®  de  Bouillon  (Guise)  avecM.  de  Guise, 
son  oncle,  est  aussi  déclaré  ;  on  attend  qu'elle  ait  qua- 
torze ans;  et  elle  en  a  treize  passés. 

A  l'imitation  de  la  loterie  de  Commercy,  le  Roi  vient 
d'en  faire  publier  une  de  douze  millions  dont  les  billets 
seront  de  200  livres  payables  en  plusieurs  v termes;  les 
billets  gagnants  rentreront  dans  la  roue,  et  peuvent  par 
conséquent  gagner  plusieurs  fois.  Les  lots  sont  depuis 
1,000  francs  jusqu'à  100,000  écus;  le  Roi  retient  douze 
pour  cent  sur  les  lots  (1). 

Du  dimanche  29,  Versailles.  —  Le  Roi  n'a  point  été  à  la 
chasse  la  semaine  dernière,  à  cause  de  la  gelée  ;  il  a  soupe 
tous  les  soirs,  ou  chez  M""  la  comtesse  de  Toulouse,  ou 
dans  ses  cabinets  ;  il  n'y  a  eu  de  dames  que  les  deux  sœurs 
etM"*  lamaréchale  d'Estrées  pendant  qu'elle  a  été  ici  ;  de- 


(1)  Cette  loterie  était  faite  pour  venir  en  aide  aax  pauvres  de  Paris.  (  Voy. 
Barbier,  t.  III»  p.  256.) 


3là  MftMOlRKS  DU  DUC  DK  LIJYNKS. 

puis  son  départ  il  n^y  a  eu  que  lés  deux  sœurs.  Mademoi- 
selle est  malade^  H^'^de  Clermotit  n'y  a  point  soupe  et 
M°*  d^Antîn  est  de  semaine.  Car  dans  cette  semaine^  c'est 
un  établissement  que  la  Reine  soupe  tous  les  jours  avec 
les  darnes^  qui  sont  M"^  d'Antin ,  de  Montauban  et  de 
Matignon.  H"^de  Mérode,  qui  est  la  quatrième^  est  absente 
depuis  près  de  deux  ans  pour  ses  affaires  en  Flandre. 

H'^^deMailly  a  été  presque  toujours  malade  pendant 
cette  semaine  ;  cependant  elle  a  été  plusieurs  fois  passer 
la  soirée  chez  M"'  la  comtesse  de  Toulouse^  et  hier  elle 
soupa  dans  les  cabinets  avec  H"^  sa  sœur.  Elles  dînent  tous 
les  jours  chez  M*"^  la  maréchale  d'Estrées^  à  cause  de  la 
proximité.  Depuis  le  départ  de  H*"^  la  maréchale  d'Estrées 
pour  Paris,  le  Roi  a  envoyé  à  dîner  à  M"*  de  Mailly.  Je  la 
trouvai  avant-hier  chez  M**^  la  comtesse  de  Toulouse  entre 
sept  et  huit  heures  du  soir  ;  elles  me  parurent  être  tête  & 
tète  ;  M""®  de  Mailly  étoit  debout  et  cachoit  avec  son  panier 
leRoiqui  étoit  assis;  cela  fit  le  sujet  d'un  moment  de  plai-^ 
santerie. 

H""^  de  Cambis  n'avoit  point  paru  ici  depuis  la  mort 
de  son  mari  ;  elle  y  vint  hier  et  doit  faire  aujourd'hui 
ses  révérences  sans  mante  ;  elle  verra  le  Roi  dans  son 
cabinet;  c'est  M*"^  de  Luynes  qui  la  mène. 

Du  lundi '30,  Versailles.  — Nous  avons  ici  depuis  quel« 
ques  jours  un  ambassadeur  d'Espagne  qni  va  à  Francfort; 
il  s'appelle  le  comte  de  Mpntijo;il  estde  lamaisond'Âcuna^ 
Pacheco  ;  il  est  grand  d'Espagne,  et  a  même  plusieurs 
grandesses.  On  dit  qu'il  ne  dégénère  en  rien  de  la  fierté 
naturelle  aux  Espagnols.  H  paroit  ici  vouloir  se  concilier 
en  tout  avec  M.  de  Belle^Isle,  mais  H.  de  Belle-Isle  a  prévu 
les  difficultés  qui  pourroient  se  rencontrer  pctr  rapport  â 
Fancienne  question  de  préséance,  quia  cependant  été 
réglée,  comme  il  est  dit  ci-dessus,  à  l'occasion  de  M.  d'Es* 
trades,  M.  de  Belle-Isle  a  reçu  ordre  de  ne  point  céder  la- 
dite préséance. 

L'arrangement  pour  la  dépense  de  M.  de  Belle-Isle  à 


FÉVRIER  1741.  àis 

Francfort  est  fait  en  quelque  manière  ;  il  a  été  décide  qu'il 
compteroit  de  clerc  à  maître.  Il  est  vrai  qa^il  âvoit  offert 
d'abord  d'y  dépenser  100, 000  écus  de  son  bien,  disant 
en  même  temps  qu'il  ne  pouvoit  pas  aller  plus  loin  sans 
se  ruiner;  reste  à  savoir  si  lesdits  100,000  écus  seront 
diminués  sur  le  compte  qu'il  rendra  de  sa  dépense. 

M"**  de  Cambis  fit  hier  ses  révérences  sans  mante,  en 
ayant  demandé  la  permission. 

Le  Roi  a  été  à  la  chasse  aujourd'hui  ;  il  ne  soupe  point 
dans  ses  cabinets,  mais  chez  M""^  la  comtesse  de  Toulouse. 


FÉVRIER. 


Audience  de  M.  de  Montijo.  —  Mort  du  bailli  de  Mesmes.  —  Le  cardinal  de 
Rohan  blessé  à  l'œil  par  une  fusée.  —  Procès  de  révoque  de  Metz.  —  Pro- 
phétie trouvée  à  Kaiserslautem.  —  Effets  du  tonnerre  dans  l'église  de  Mon- 
tigné.  —  Fête  donnée  par  M.  de  CamiM-Florido.  —  Mort  du  marquis  de 
Vérac.  —  Promotion  de  maréchaux  de  France  ;  mot'de  M>ne  de  Mailly  au 
Roi  sur  sa  discrétion.  —  Mort  du  grand  maître  dej^alte.  —  Nouveaux  dé- 
tails sur  l'élection  du  Pape.  —  Audience  de  congé  des  princes  de  Hesse.  — 
Confirmation  do  Dauphin. 

Du  mercredi  1",  Versailles.  —  Hier  M.  de  Montijo  eut 
une  audience  particulière  du  Roi  et  de  la  Reine  ;  il  remit 
une  lettre  de  Madame  In  faute  à  S .  M . ,  qui  étoit  debout  contre 
la  table  de  marbre,  vis-à-vis  de  son  lit,  suivant  l'usage  ; 
il  fut  conduit  par  M.  de  Verneuil,  et  les  dames  avoient 
été  averties  pour  cette  audience. 

Du  jeudi  2.  —  Le  Roi  soupa  hier  dans  ses  cabinets 
après  lâchasse;  Mademoiselle  n'y  étoit  point,  parce  qu'elle 
est  malade;  il  y  avoit  M"'  de  Clermont,  M"^  de  Mailly, 
M'"'^  de  Vintimille  et  M"^  d'Antin. 

Hier  la  Reine  fit  ses  dévotions;  et  comme  la  veille  des 
jours  qu'elle  communie,  elle  ne  joue  point  et  ne  voit  per- 
sonne, hors  les  dames  du  palais  et  les  entrées,  par  la 
même  raison  il  n'y  eut  point  de  comédie,   quoique   ce 


330  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

• 

fût  le  mardi.  Les  princesses  qui  sont  ici  en  furent  assez 
fâchées.  U  n'y  eut  pas  de  comédie  non  plus  hier^  qui  étoit 
le  jour  des  Italiens. 

Il  n'y  a  pas  eu  de  chapitre  (1)  aujourd'hui.  M.  le  mar* 
quisde  Mirepoix  a  seulement  été  reçu.  On  croit  toujours 
que  M.  le  Dauphin  sera  reçu  au  premier  jour  de  l'an  1742, 
et  que  ce  jour  il  y  aura  une  des  plus  grandes  cérémonies 
qu'ilyaitencoreeu.  C'est  M""'  deFlavacourt  qui  a  quêté. 

U  y  a  aujourd'hui  grand  couvert  et  Madame  y  dîne. 

Du  samedi  k^  Versailles.  —  On  apprit  hier  la  mort  de 
M.  le  bailli  de  Mesmes;  il  étoit  ambassadeur  de  Malte  et 
frère  de  feu  M.  le  premier  président*  La  maison  de  Mesmes 
est  originaire  de  Guyenne/  Le  premier  de  cette  maison 
dont  on  ait   connoissance  est  Amanieu^  seigneur  de 
Mesmes,  qui  dans  un  acte  de  l'an  1219  est  qualifié  che- 
valier. Son  second  fils  Guillaume  fut  premier  chapelain 
du  roi  saint  Louis.  M.  le  bailli  de  Mesmes  étoit  né  en 
1675  et  avoit  été  reçu  chevalier  de  Malte  Tannée  d'à- 
près  ;  il  étoit  ambassadeur  de  la  Religion  depuis  1715. 
M.  le  comte  d'Avaux,  qui  fut  ambassadeur  extraordinaire 
de  France  à  Venise,  en  1671, plénipotentiaire  à  Nimègue, 
en  1675,  ambassadeur  en  Espagne  vers  1684,  en  Angle- 
terre auprès  du  roi  Jacques  II  en  1689,  en  Suède  en  1692, 
et  qui  fut  outre  cela  deux  fois  en  Hollande,  et  mourut  en 
1709,  étoit  le  propre  oncle  de  M.  le  bailli  de  Mesmes. 
M.  le  bailli  de  Mesmes  a  une  sœur  qu  i  est  M"*  de  Fonte- 
nille,  mère  de  M.  le  marquis  de  Rambures.  M.  le  premier 
président  n'a  eu  que  deux  filles,  dont  Tune  est  M"**^  la  du- 
chesse de  Lorges  et  l'autre  M"*®  de  Lautrec,  qui  s'appela 
depuis  M*"^  d'Ambres.  L'ambassade  de  Malte  est  la  com- 
mission la  plus  honorable  dont  puisse  être  décoré  un 
chevalier  françois  de  cet  ordre;  il  n'y  a  que  2,000  écus 
d^appointements  attachés  à  cette  place  ;  mais  outre  cela 
Tambassadeur  obtient  toujours  une  commanderie,  et  le 


(1)  De  Tordre  du  Saint-Esprit. 


FÉVRIER  1741.  32| 

grand  maître  a  toujours  attention  de  lui  en  donner  une 
bonne.  C'est  le  grand  maître  qui  nomme  l'ambassadeur, 
mais  toujours  du  consentement  du  Roi  et  cherchant  celui 
qui  est  le  plus  agréable  à  S.  M.  On  croit  assez  que  le  choix 
tombera  sur  M.  le  bailli  de  Froulay. 

Avant-hier,  M.  le  marquis  de  Vérac  se  trouva  mal  à  la 
cérémonie  des  chevaliers  ;  on  s'en  aperçut  à  la  chapelle 
même,  où  Ton  eut  bien  de  la  peine  à  le  faire  lever  aux  ré- 
vérences de  M.  le  marquis  de  Mirepoix  ;  il  revint  cepen- 
dant avec  la  procession,  et  fut  pour  dîner  chez  M.  le  Car- 
dinal, où  il  étoitprié;  maisil  étoit  pour  lors  presque  sans 
connoissance;  c'est  une  apoplexie  ;  on  Temmena  à  Paris 
et  il  est  fort  mal. 

M.  le  cardinal  de  Rohan  fit  hier  sa  révérence  auRoi.  Il 
partit  Tannée  passée  le  6  février  pour  aller  à  Rome.  Il  est 
fort  marqué.de  sa  blessure;  je  crois  avoir  oublié  d'en 
parler;  c'esten  revenant  de  Rome,  en  passant  à  laCharité, 
abbaye  appartenant  à  M.  l'évèque  de  Verdun,  qu'il  fut 
blessé  à  l'œil  par  une  fusée.  M.  de  Verdun  voulut  lui 
donner  un  feu  d'artifice  le  premier  jour  ;  le  mauvais  temps 
fit  qu'on  remit  au  lendemain  ce  qui  restoit  à  tirer  de  ce 
feu,  etcomraeil  y  avoit  des  feux  sur  l'eau,  on  descendit  dans 
le  jardin  où  Ton  avoit  rangé  des  chaises  pour  la  compsu- 
gnie.  M.  le  cardinal  de  Rohan  voulut  se  mettre  sur  la  pre- 
mière chaise  qu'il  trouva;  on  l'obligea  de  s'avancer  àla  pre- 
mière place  ;  ce  fut  là  qu'une  fusée  tirée  maladroitement 
le  frappa  à  Tœil  et  au  front,  et  de  là  voulant  s'élever  em- 
porta son  chapeau  à  trente  pas.  Dans  le  moment,  il  eut 
Tœil  tout  en  sang  ;  on  ne  remarqua  pas  dans  le  premier 
moment  qu'il  eût  été  blessé;  M""  de  Dromesnil,  nièce  de 
M.  l'évèque  de  Verdun,  qui  étoit  assise  auprès  de  lui   ne 
s'en  aperçut  point  d'abord,  non  plus  qu'un  des  valets  de 
chambre  de  M.  le  cardinal  de  Rohan,  qui  étoit  derrière 
son  fauteuil;  heureusement  Tœil  est  conservé. 

M.  le  comte  deClermont,  capitaine  des  gardes  de  M.  le 
duc  d'Orléans  etchevalierde  l'Ordre,  est  fort  mal. 
•  T.  m.  21 


828  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTMES. 

Ge  que  j'ai  marqué  ci-dessus  du  procès  de  M.  de  Mets 
étoit  ceque  Fou  disoit  le  jour  même  ;  aujourd'hui  quoique 
ran*ôt  ne  paroisse  pas  encore  ^  Ton  en  sait  le  contenu^  et 
M.  de  Mets  dit  quMl  agagné  puisqu'il  ne  demandoit  point 
les  mouvances  appartenantes  au  Roi  comme  souverain , 
mais  seulement  celles  appartenantes  à  Tévèché  de  Metz^ 
dont  il  a  porté  la  foi  et  hommage  au  Roi»  Par  conséquent 
les  fiefs  mouvants  de  Té  vèché  de  Mets  sont  des  arriàre*fie£s 
de  la  Couronne.  MM.  les  princes  de  Hesse  disent  que  ce 
jugement  ne  fait  rien  à  leur  affaire»  parce  que  les  fie£s 
dont  ils  jouissent  sont  incontestablement  mouvants  de  la 
Couronne  et  non  de  Tévèché  de  Metz.  Il  y  a  une  seconde 
question  par  rapport  à  eux,  c'est  de  savoir  si  les  ftefs  dont 
il  s'agit  sont  masculins  ou  féminins;  s'ils  sont  féminins, 
ils  ont  pu  passer  à  la  fille  de  M.  le  comte  de  Hanau,  mère 
de  MM.  de  Hesse  ;  s'ils  sont  masculins,  ils  sont  revenus  au 
seigneur  suzerain  au  défaut  d'hoirs  m&les,  et  par  consé- 
quent il  a  pu  en  disposer.  Quant  à  l'investiture  donnée 
par  le  Roi  à  M.  le  prince  de  Hesse ,  elle  ne  fait  point  un 
titre,  puisque  c'est  sauf  le  droit  d'autrui. 

Avant-hier,  le  Roi  iie  vint  chez  la  Reine  qu'un  mo^ 
ment  après  que  le  jeu  fut  fini.  La  Reine  étoit  dans  sa 
chambre  debout  en  attendant  son  souper  et  l'on  entroit 
la  table;  MM.  les  princes  de  Hesse  avoient  joué  ayec  la 
Reine.  Le  cadet  de  tous,  que  Ton  appelle  le  chevalier  de 
Nida  ou  le  comte  Frédéric,  étoit  resté  dans  la  chambre 
de  la  Reine  avec  le  baron  de  Planta;  l'usage  est  qu'il  n'y 
a  que  les  entrées  qui  restent  au  souper  de  la  Reine  ;  mais 
on  ne  compte  le  moment  que  lorsqu'on  présente  à  la 
Reine  la  serviette  pour  se  laver  les  mains  avant  que  de  se 
mettre  à  table.  L'huissier  de  la  chambre  de  la  Reine  dit 
à  M.  le  chevalier  de  Nida  et  à  M.  le  baron  de  Planta  de 
sortir,  et  leur  répéta  deux  ou  trois  fois  ;  ils  sortirent  à  la 
fin.  H.  le  baron  de  Planta  fut  piqué  des  instances  qu'a- 
voit  faites  Thuissier^  surtout  dans  un  temps  où  la  Reine 
ne  se  mettoit  point  à  table,  puisque  le  Roi  étoit  encore 


FËVBH&R  1741.  328 

chez  elle;  il  vint  faire  ses  plaintes  à  M*"^  de  Luynes; 
elle  envoya  qaerir  Thuissier^  lequel  chercha  à  se  jus- 
tifier disant  qu'il  n'avoit  fait  que  ce  qu'il  devoit  ;  M""  de 
Luynes  lui  dit  qu'elle  lui  conseilloit  cependant  de  faire 
des  excuses  à  M.  le  chevalier  de  Nida  et  à  M.  le  baron  de 
Planta  9  qui  étoient  alors  chez  elle.  L'huissier  refusa  de 
suivre  ce  conseil;  M"*^  de  Luynes  alla  hier  chez  M>  le 
Cardinal  pour  lui  en  parler  ;  il  étoit  chez  la  Reine  ; 
M°*^  de  Luynes  y  entra  et  trouva  la  Reine  tête  à  tête  avec 
lui;  elle  lui  parla  de  ce  qui  s' étoit  passé  la  veille;  la 
Reine  chercha  à  justifier  Thuissier  et  dit  que  la  pre- 
mière fois  qu'elle  verroit  M.  le  baron  de  Planta  elle  lui 
feroit  elle-même  une  honnêteté.  M""*^  de  Luynes  ressortit 
un  moment  et  la  laissa  tôte  à  tête  avec  M.  le  Cardinal. 
Alors  M.  le  Cardinal  dit  à  la  Reine  qu'il  étoit  peu  con- 
venable que  ce  fût  elle  qui  fit  les  excuses,  et  qu'il  falloit 
envoyer  Thuissier  les  faire;  c'est  S.  Ém.  qui  le  conta 
l'après-dlnée  h  M™®  de  Luynes.  M""^  de  Luynes  étant 
rentrée,  la  Reine  lui  dit  d'ordonner  à  l'huissier  d'aller 
faire  des  excuses  ;  cet  ordre  fut  donné  aussitôt;  l'huissier 
croyoit  l'avoir  exécuté  en  allant  chercher  M.  le  chevalier 
de  Nida  à  Versailles  ;  M"®  de  Luynes  lui  a  ordonné  de  les 
aller  chercher  à  Paris. 

On  prétend  qu'on  a  trouvé  à  Kaiserslautern  une  pro- 
phétie gravée  sur  du  cuivre^  faite  Tan  1012  par  un 
moine ,  nommé  Sinibalde ,  et  que  Ton  a  porté  cette 
plaque  de  cuivre  à  Francfort.  Cette  prophétie  annonce 
des  événements  cléjà  arrivés  dans  l'empire^  et  désigne 
pour  l'année  1740  la  mort  de  l'empereur  qui  sera,  dit- 
elle,  suivie  de  beaucoup  de  troubles  et  de  confusion ,  et 
que  l'on  verra  paroltre  le  lion  rouge,  le  singe  blanc ,  et 
un  troisième  prétendant  qu'elle  annonce  de  même  par  ses 
armes  ;  mais  qu'un  jeune  prince  venu  du  Nord  fteroit  dé 
grandes  conquêtes.  * 

Le  Roi  soupa  hier  dans  ses  cabinets;  il  n'y  avoit  point 
de  dames;  après  le  souper  il  fut  chez  M™*  de  Mailly  avec 

21. 


824  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

trois  ou  quatre  personnes; il  envoya  tout  de  suite  avertir 
tous  ceux  qui  avoient  soupe  dans  les  cabinets,  et  il  joua 
chez  M™*  de  Mailly.  Il  va  lundi  à  Choisy  pour  jasqu^à 
jeudi  ;  ce  voyage  avoit  toujours  été  fort  incertain  ;  on  croit 
que  c'est  à  cause  de  la  santé  de  M"*^  de  Mailly. 

Du  lundi  6,  Versailles.  —  Samedi  dernier,  le  Roi 
soupa  dans  ses  cabinets  ;  il  n^y  avoit  point  de  dames. 
Avant  le  souper  il  avoit  été  chez  M™*^  la  comtesse  de  Tou- 
louse ;  après  souper  il  alla  avec  deux  ou  trois  personnes 
chez  M"^  de  Mailly;  elle  n'étoit  pas  chez  elle;  elle  avoit 
resté  chez  M"®  la  comtesse  de  Toulouse  jusqu'à  près  de 
minuit  et  étoit  venue  ensuite  voir  M"*  de  Luynes.  Le  Roi 
retourna  chez  M*"®  la  comtesse  de  Toulouse ,  et  comme  il 
la  trouva  retirée  il  alla  chez  Mademoiselle  où  il  n'y  àvoit 
que  deux  ou  trois  personnes  ;  il  y  fit  une  visite  d'un 
quart  d'heure ,  n'ayant  trouvé  M"*'  de  Mailly  nulle  part, 
et  alla  se  coucher.  Aujourd'hui  il  est  allé  à  la  chasse  à 
Saint-Germain  et  de  là  va  à  Choisy  pour  jusqu'à  jeudi. 
Les  dames  sont  les  quatre  sœurs.  M"*  la  maréchale 
d'Estrées  et  M™*^  d'Antin.  M'"^  de  Mailly  ne  fut  chez  la 
Reine  que  samedi  de  sa  semaine ,  à  cause  qu'elle  a  été 
malade. 

M.  de  l'Hôpital  demanda  hier  l'agrément  pour  se  ma* 
rier;  il  épouse  la  fille  (1)  de  M.  Eynard,  grand  maître  des 
eaux  et  forêts  de  Touraine  ;  il  est  de  même  maison*  que 
notre  ambassadeur  à  Naples  et  prétendoit  même  être 
l'aîné  (2)  ;  on  dit  cependant  qu'il  n'est  que  le  cadet. 

M.  le  duc  d'Harcourt  demanda  hier  l'agrément  du  Roi 
pour  le  mariage  de  sa  seconde  et  dernière  fille  avec  M.  le 
prince  de  Croy,  lequel  a,  à  ce  que  l'on  dit,  50,000  écus 
de  rente.  M"*  d'Harcourt ,  qui   se  marie,  est  sœur  ca- 


(1)  On  donne  à  M^^  Eynard  20,000  livres  de  rente;  elle  a  encore  quelques 
espérances;  outre  cela  logés  et  nourris  tant  qu'ils  voudront.  (Note  du  duc  de 
Luynes.) 

(2)  C*est-à-dire  de  la  brandie  ninée. 


FÉVRIER  174i.  '325 

dette  de  M'"''  d'Hautefort  et  alaée  de  M'"'  de  Guerchy  ; 
elle  est  mieux  que  les  deux  autres  et  ressemble  assez  à 
M'"^  sa  mère. 

Du  jeudi  9,  Versailles,  —  Le  Roi  revient  de  Choisy 
aujourd'hui  après  dîner.  J'y  fus  mardi  ;  \e  n'y  vis  point 
de  métiers;  il  n'en  a  pas  été  question  ce  voyage-ci. 

L'accident  arrivé  le  11  décembre  dans  le  diocèse  de  la 
Rochelle  est  si  singulier  que  j'ai  cru  en  devoir  joindre  ici 
la  relation  écrite  par  le  curé  du  lieu. 

Relation  exacte  (£un  accident  tragique  causé  par  le  tonnerre  en 
C église  de  Montigné,  diocèse  de  la  Rochelle^  généralité  de  Tours. 

Le  11  décembre  1740 ,  sur  les  onze  heures  du  matin,  heure  de  la 
grande  messe ,  comme  j'étois  dans  la  chaire  faisant  le  prône ,  le 
tonnerre  tomba  dans  le  clocher,  qui  fut  transporté  avec  la  cloche,  sans 
dommage,  avec  un  gros  monceau  de  pierres,  par-dessus  la  cure  dans 
un  jardin  voisin ,  laquelle  église  a  été  entièrement  ruinée  et  les  mu- 
railles si  fort  ébranlées  qu'on  n'y  célèbre  les  saints  mystères  qu'avec 
grand  danger.  Le  feu  m'a  passé  devant  le  visage  ;  au  même  instant  je 
me  suis  senti  frappé  à  la  jambe  droite  du  coup  de  tonnerre  qui  m'a 
fait  deux  trous  fort  considérables,  dont  l'un,  percé  de  part  en  part 
entre  l'os  et  le  gras  de  la  jambe ,  m'a  tourné  devant  derrière ,  a  em- 
porté trois  degrés  et  le  siège  de  ma  chaire  ;  à  un  pied  au-dessus  du 
niveau  de  ma  tête,  il  y  a  un  placard  de  sang  dont  je  ne  sais  d'où  il  vient  ; 
m'a  renversé  par  terre  et  a  étouffé  deux  personnes  qui  touchoient  à 
mon  vicaire  qui  n'a  reçu  aucun  mal ,  quoique  renversé  par  terre  du 
coup;  trois  qui  se  sont  trouvés  ensevelis  sous  les  ruines  du  clocher  et 
quatre  qui  ont  été  tués  par  le  feu  du  tonnerre  ;  plus  de  cent  cinquante 
blessés  dangereusement  par  les  pierres  qu'il  lauçoit  avec  impétuosité 
dans  l'église  ;  a  ruiné  entièrement  l'autel  de  saint  Sébastien ,  a  em- 
porté le  dessus  de  là  tête  de  la  statue  de  la  sainte  Vierge ,  a  passé  au 
grand  autel ,  a  renversé  les  deux  statues  dudit  autel ,  a  plié  le  calice 
comme  une  S ,  sans  renverser  une  goutte  de  vin ,  a  brisé  entièrement 
les  vitres  de  l'église,  s'est  promené  dans  tout  le  bas  de  l'église  sur  les 
femmes  qui  étoient  renversées  par  terre,  lesquelles  ont  toutes  senti 
son  effet;  les  unes  étoient  brûlées  aux  épaules ,  les  autres  aux  jambes 
et  aux  cuisses,  sans  avoir  endommagé  en  rien  leurs  vêtements;  une 
autre  a  été  brûlée  et  consommée  en  cendres  depuis  le  haut  de  la  tête 
jusqu'à  la  ceinture ,  le  reste  du  corps  palpable  comme  si  elle  n'étoit 
pas  morte  ;  une  autre  dont  le  crâne  lui  a  été  enlevé  et  une  partie  de 
la  cervelle  dispersée.  De  plus  au  dehors,  proche^  de  l'église,  le  ton- 


326  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

nerre  transporta  sains  et  saufs  deux  petits  enfants ,  qui  étoient  avec 
mon  valet,  loin  de  dix  à  quinze  pas  de  là.  Ceux  et  celles  qui  avoie&t  des 
chapelets  enchaînés,  ce  feu  leur  a  enlevé  les  grains  et  ne  leur  a 
laissé  que  la  chaîne  en  main.  Enfin  dans  Féglise,  qqi  étoit  pleine  et 
qui  contient  environ  cinq  cents  personnes,  il  n*y  en  a  eu  que  trois  qui  ne 
se  sont  pas  sentis  des  lîinestes  effets  de  oe  coup  de  foudre  dont  le  dé- 
tail parottra  fabuleux  dans  les  siècles  à  venir.  Ce  qu*il  y  a  de  eruel 
c'est  que  la  majeure  partie  de  ceui(  qui  Qi|t  été  frappés  sont  restés  fous 
ou  comme  imbéciles  ;  on  espère  que  les  jeunes  gens  pourront  se  rén 
tablir  avec  le  temps ,  mais  on  ne  peut  Tespéror  de  ceux  qui  ont  atteint 
un  certain  âge,  qui  se  trouvent  chefs  de  familles,  ce  qui  redouble  notre 
consternation. 

Mon  vicaire  et  moi  avons  confessé  plus  de  trois  cents  personnes 
avant  que  de  sortir  de  l'église ,  ou  pour  mieux  dire  avons  donné  l'ab- 
solution à  tous  ceux  qui  crioient  :  «  Je  me  meurs  !  »  le  visage  contre 
terre,  ne  pouvant  s'aider  les  uns  les  autres  à  se  relever.  Mou,  personne 
ne  se  représentera  jamais  ce  funeste  spectacle. 

IVous  sommes  entourés  de  gens  à  qui  Dieu  n'a  pas  encore  fait  la 
grâce  d'embrasser  la  saine  doctrine ,  et  qui  regardent  comme  une  pu- 
nition divine  ce  qui  nous  est  arrivé;  nous  le  prenons  bien  pour  nos 
péchés ,  mais  nous  espérons  que  la  divine  Providence  leur  prouvera 
par  les  secours  qu'elle  noMS  ac^^rdera  qu'elle  ne  nous  a  pas  entière- 
ment abandonnés. 

Lundi  dernier^  6  de  ce  mois^  M.  de  Campo-Florido 
donna  une  fête  à  Paris,  à  Toccasion  de  la  naissance  de  la 
princesse  royale  des  Deux-Siciles.  Il  avoit  apparemment 
attendu  deS  ordres  pour  donner  cette  fête;  car  il  est 
étonnant  qu'elle  ait  été  autant  retardée,  celle  de  M.  de 
Castro-Pignano  ayant  été  donnée  à  Fontainebleau.  Elle 
ne  consista  qu'en  un  dîner,  comme  j'ai  marqué  ci-devant. 
Celle-ci  a  été  beaucoup  plus  considérable  ;  elle  s'est 
dounée  dans  la  maison  où  logeoit  feu  M.  d'Angervilliers, 
rue  de  l'Université,  dans  laquelle  loge  M.  deCampo-Flo- 
rido.  Il  y  eut  un  bs^l  qui  commença  à  sept  heures  ;  ensuite 
il  vintunesi  prodigieuse  quantité  de  monde  qu'on  ne  put 
danser;  il  y  avoit  dans  une  chambre  une  musique,  dans 
l'autre  un  cavagnole  ;  dans  la  grande  pièce,  oi^  l'on  ^voit 
dansé  d'abord,  il  y  avoit  bea,ucoup  de  tables  de  jeux  ;  on  y 
dausa  après  souper  ;  il  y  avoit  un  pharaon  às^nn  une  autre 


FÉVRIER  i741.  327 

pîèoe.  L'appartement  étoit  fort  bien  éclairé;  il  y  a  de 
beaux  meubles  et  surtout  des  chandeliers  de  cristal  fort 
singuliers.  Il  y  avoit  quatre  tables  en  bas^  de  Vin^t-deux 
couverts  chacune. 

Du  lundi  13,  Versailles.  —  M.  le  marquis  de  Vérac 
mourut  avant-hier.  Cemème  jour  le  Roi  fit  sept  maréchaux 
de  France  :  M.  de  Brancas^  M.  de  Chaulnes^  M.  de  Nangis^ 
M.  d'isenghien^  M.  de  Duras,  M.  de  Haillebois  et  M.  de 
Belle-Isle.  On  savoit  depuis  plusieurs  jours  que  M.  ^e 
Belle-Isle  seroit  fait  maréchal  de  France  )  d'abord  on  avoit 
cru  qu'il  pourroit  être  fait  seul  ;  on  avoit  su  depuis  qu'il 
yen  avoit  d'autres  avec  lui,  et  on  nommoit  méime  ceux 
qui  viennent  d'être  déclarés.  Il  y  a  quinse  jours  que  j'en- 
tendis chez  M"^  de  Hailly  un  discours  qui  pouvoit  faire 
croire  que  H.  de  Belle-Isle  ne  seroit  pas  le  seul  ;  comme 
on  raisonnoit  sur  les  bruits  qui  couroient  déjà,  elle  prit 
la  parole;  elle  dit  :  «  Mais  pourquoi  la  Roi  donneroit-il 
des  désagréments  à  ceux  qui  Tont  bien  servi?»  Le  jour  de 
cette  promotion,  le  Roi  avoit  été  à  la  chasse  et  travailla  au 
retour  avec  M.  de  Breteuil  (1).  M.  d'Isenghien  étoit  dans 
la  chambre  du  Roi,  attendant  la  fin  du  travail  ;  le  Roi 
sortit  pour  aller  chez  laReine;  H.  le  Cardinal  passa  aussi  ; 
et,  soit  qu'ils  n'eussent  vu  M*  d'Isenghien  ni  Tun  i>l 
l'autre^  ils  ne  lui  dirent  mot.  La  Reine  jouoit;  M.  de 
Nangis  étoit  derrière  son  fauteuil  ;  le  Roi  s'apptocha  de 
lui  et  loi  dit  :  «  M.  le  Maréchal,  je  vous  tais  mon  compli-- 
ment.  »  Ce  discours  fut  reçqaveo  grande  reconnoissance 
de  M.  de  Nangis,  mais  en  même  temps  avec  transport  de 
joie  de  la  part  de  la  Reine.  Le  Rai  n'en  déclara  point 
d'autres  dans  le  moment.  L'instant  à^auptèSy  on  sut  qu'il 
yen  avoitcinq,  mais  on  ne  nommoit  point  M.  de  Chaulnes 
et  M.  d'Isenghien.  Enfin,  à  forée  de  recherches,  on  sut  par 


(1)  11  est  inutile  d'ajouter  que  M.  le  Cardinal  y  étoit,  parce  qu'il  y  est  tou- 
jourâ.  {yotedu  ducdeluynês.  ) 


328  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

H.  le  contrôleur  général,  quisortoit  da  coucher  de  M.  le 
Cardinal,  que  S.  Ém.  avoit  dit  sans  aucun  mystère  que 
M.  de  Chaulnes  et  M.  d'Isenghien  Tétoient  aussi.  M"^  de 
Luynes,  pour  plus  grande  sûreté,  alla  chez  H.  le  Cardinal  ' 
et  lui  fitdemander,  pour  pouvoir  dépêcher  un  courrier  à 
M.  de  Chaulnes  sur-le-champ.  Mais  M.  d'isenghien   étoit 
toujours  dans  Tinquiétude;  il  étoit  même  allé  s'enfermer 
dans  sa  chambre  voyant  qu'on  nelui  avoit  rien  dit  ;  sur  la 
nouvelle  de  M.  le  contrôleur  général,  il  lui  revint  quel- 
qu'espérance,  mais  nulle  certitude;  il  alla  se  coucher  dans 
cet  état.  Le  Roi  soupa  dans  ses  cabinets  avec  des  hommes 
seulement,  et  après  le  souper  alla  chez  M*^  de  Hailly,  où 
il  fit  la  conversation,  longtemps,  sans  jouer.  M*^  de  Vinii- 
mille  y  étoit  et  plusieurs  autres  ;  M**  de  Mailly  poussa  le 
Roi  de  questions  sur  les  maréchaux  de  France  ;  le  Roi  n'en 
disoit  toujours  que  cinq  ;  elle  lui  nomma  M.  de  Chaulnes 
et  M.  d'Isenghien,  et  le  Roi  lui  dit  :  «  Puisque  «vous  le 
savez,  cela  est  vrai.  »  Ce  fut  sur  cela  qu'elle  lui  répondit 
avec  vivacité  :  a  Si  une  femme  étoit  aussi  longtemps  à 
accoucher,  ellemourroit  en  travail,  i»  Levidamede  Tassé, 
qui  étoit  présent,  demanda  au  Roi  permission  d'aller  le 
dire  à  M.  d'Isenghien,  qui  est  son  oncle,  et  le  Roi  lui  dit  : 
c  Allez.  1»  M.  le  Cardinal,  qui  parloit  le  lendemain  dès  la 
pointe  du  jour  pour  aller  àlssy,  vouloit  apparemment 
n'être  pas  tourmenté  par  des  représentations  et  oomp- 
toit  que  ce  seroit  le  Roi  qui  dédareroit  la  promotion. 
M.  de  Breteuil  ne  nommoit  que  les  cinq  que  le  Roi  avoit 
déclarés  et  ne  voulut  jamais  parler  des  deux  autres. 

Le  Roi  signa  hier  le  contrat  de  mariage  de  M.  de  Croy 
avec  M"*  d'Harcourt,  et  celui  de  M.  de  l'Hôpital  avec 
H"*  Eynard.  Immédiatement  après,  et  tout  le  monde  étant 
encore  dans  le  cabinet,  M.  de  Belle4sle  prêta  le  serment 
de  maréchal  de  France.  Pour  ces  serments,  le  Roi  est  dans 
son  &uteuil,  un  carreau  à  ses  pieds,  sur  lequel  le  maré- 
chal de  France  se  met  à  genoux.  Le  secrétaire  d'État  lit 
le  serment;  le  Roi  prend  ensuite  une  canne,  qui  est  ordi- 


FÉVRIER  1741.  329 

nairement  celle  de  maréchal  de  France^  qu^il    lui  remet 
entre  les  mains. 

M.  l'abbé  de  Ventadour  6t  il  y  a  quelques  jours  un 
discours  latin  en  Sorbonne  (  c'est  ce  qu'on  appelle  la  clô- 
ture sorbonique)  qui  fut  extrêmement  applaudi. 

Du  samedi  IS^  Versailles.  —  Hardi  dernier,  jour  de 
mardi  gras,  la  Reine  fut  à  la  paroisse  entendre  le  sermon 
de  M.  Tabbé  Duvaux^  qui  fut  fort  bon^  et  son  compliment 
très-convenable.  Il  y  eut  aussi  un  salut,  et  la  Reine  revint 
de  là  pour  la  comédie  ;  elle  ^oupa  avec  ses  dames  du  psu- 
lais,  comme  à  l'ordinaire.  Il  n'y  eut  point  de  véritable  bal 
chez  M.  le  Dauphin,  seulement  l'assemblée  comme  il  y  en 
a  eu  tout  rhiver. 

Le  mercredi  15^  qui  est  le  jour  de  la  naissance  du  Roi, 
il  y  eut  suivant  l'usage  un  Te  Deum  à  la  paroisse.  H*"^  de 
Mailly  devoit  y  aller  et  M'"^  de  Yintimille;  mais  elle  avoit 
commencé  à  jouer  chez  H.  le  cardinal  de  Rohan,  et  elle 
prit  le  parti  d'y  rester.  M"'*  de  Yintimille  alla  toute  seule 
au  Te  Deum. 

Ce  même  jour,  mercredi,  le  Roi  dîna  à  quatre  heures 
dans  sa  diambre  en  maigre;  il  compte  faire  le  carême. 
M"^  deLuyneSj  qui  a  les  entrées  chez  le  Roi,  ainsi  que  je 
Tai  marqué  ci-devant,  fut  au  dîner  de  S.  M. 

H*"^*  les  maréchales  de  Duras,  deNangis  et  de  Haillebois 
vinrent  ici  faire  leurs  révérences  et  remerclments;  il  n'y 
a  encore  eu  de  serments  de  prêtés  que  celui  de  M.  de 
Belle-lsle.  M*"^  de  Duras  me  disoit  il  y  a  quelques  jours 
que  feu  M.  le  maréchal  de  Duras,  père  de  celui-ci,  qui 
étoit  capitaine  des  gardes,  gouverneur  de  province  et  ma- 
réchal de  France,  et  qui  avoit  par  conséquent  prêté  trois 
serments,  n'avoit  jamais  rien  payé,  disant  qu'il  étoit 
indigne  que  l'on  donnât  de  l'argent  chez  le  Roi  pour 
prêter  serment  &  S.  H. 

M.  le  duc  de  Durfort,  fils  de  M.  le  maréchal  de  Duras, 
prend  le  nom  de  duc  de  Duras. 

Du  lundi  20,  Versailles.  —  H.  de  Lussebourg  épouse 


380  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYJNES. 

M***Borjodoiitlepèree8t  résident  du  doc  de  Guastalla. 
M"'  Borio  a  présentement  2i!i.0^000  livres  dont  900,000 li« 
vres  données  par  M.  Bellanger,  notaire,  et  outre  cela  on 
lui  assure  10,000  livres  de  rente  après  la  mort  de  père  et 
de  mère. 

Le  mariage  de  M.  le  prince  de  Croy  avec  M"^  d^Haroourt 
se  fit  vendredi  dernier  dans  la  maison  de  M.  de  Bello*lsle 
quMls  avoient  empruntée. 

MM.  de  Yérac  vinrent  ici  il  y  a  trois  jours  avec  M.  de 
Rambures  faire  leurs  révérences;  ils  n'avoient  point  do 
grands  manteaux;  ils  sont  deux;  le  roi  a  donné  à  l'ainé 
la  lieutenance  générale  de  Poitou ,  qui  est  depuis  plu*. 
sieurs  années  dans  leur  famille;  ils  disent  qn^elle  ne  vaut 
que  6  ouOyOOO  livres.  M.  de  Rambures  est  gendre  de  feu 
M.  de  Yérac;  c'est  un  second  mariage. 

On  apprit  vendredi  dernier  la  mort  du  grand  maître  de 
Malte  et  en  même  temps  Félectiou  de  son  succeseur,  qui 
est  un  Portugais  nommé  Pinto.  L'élection  du  granci 
maître  ne  dure  jamais  que  trois  jours  et  on  n^apprend. 
point  sa  mort  sans  apprendre  qui  est  son  successeur.  Le 
nouveau  grand  maître  a  droit  de  nommer  à  une  com* 
manderie  dans  chaque  langue  à  mesure  qu'elles  viennent 
à  vaquer.  Le  Roi  n'a  point  eu  de  courrier;  la  nouvelle 
est  venue  par  l'ordinaire,  et  le  Roi  l'apprit  vendredi  en 
sortant  de  table ,  ce  qui  faisoit  même  qu'on  en  doutoit  ; 
mais  cela  s'^est  confirmé  depuis. 

M.  le  cardinal  de  Rohan  me  confirma,  il  y  à  quelque» 
jours,  ce  que  j'ai  marqué  ci-dessus  par  rapport  àl'élection 
du  pape ,  que  cette  élection  avoit  été  faite  9ans  que  le 
cardinal  Albani  en  sût  rien.  Ce  fut  le  cardinal  Macei  qui 
lui  apprit  lorsque  ledit  cardinal  Albani  faisoit  une  no«>* 
velle  tentative  auprès  du  cardinal  Macei  pour  le  détacher 
du  parti  du  cardinal  Aldovrandi.  M.  le  cardinal  de  Rohan 
m'ajouta  qu'il  n'avoit  manqué  qu'une  v^ix  au  cardinal 
Aldovrandi  pour  être  élu  pape<  (kt  sait  toujours  dans  le 
conclave  le  nom  des  cardinaux  qui  sont  pour  un  tel  ou 


FÉVRIER  IMI.  331 

un  tel.  Il  y  a  eu  une  voix  pour  le  cardinal  Aldovrandi 
qui  étoit  réellement  comptée  ;  on  n'a  jamais  su  qui  c'étoit; 
on  a  même  supposé  que  ce  pouvoit  être  un  tour  d^adresse 
du  cardinal  Albani  pour  faire  manquer  Télection. 

Pour  se  former  quelque  idée  du  conclave,  voici  une 
partie  de  ce  que  m'en  a  dit  M.  le  cardinal  de  Rohan.  Ce 
qu'on  appelle  conclave ,  c'est  le  premier  étage  du  pa- 
lais du  Vatican.  Immédiatement  après  la  mort  du 
Pape,  on  fait  murer  toutes  les  issues  de  cet  étage ,  hors 
une  seule  porte,  laquelle  ne  s'ouvre  qu'en  vertu  d'une 
délibération  du  conclave.  L'on  fait  dans  ce  premier  étage 
plusieurs  séparations  par  des  cloisons  légères  pour 
former  autant  de  logements  comme  il  y  a  de  cardinaux  ; 
même  les  cardinaux  absents  ont  une  cellule  qui  sert  aux 
cardinaux  de  leur  nation.  M.  le  cardinal  de  Rohan  par 
exemple  faisoit  usage  de  celle  de  M.  le  cardinal  de 
Gesvres.  Tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  le  conclave  y 
est  renfermé  et  n'en  sort  point  :  un  archevêque  qui  y  dit 
la  messe  tous  les  jours,  des  évêques ,  des  prêtres ,  des 
médecins,  chirurgiens,  et  les  domestiques  nécessaires 
aux  cardinaux,  en  petit  nombre,  par  exemple  deux  ou 
trois  chacun.  Il  y  a  outre  cela  des  domestiques  communs 
pour  servir  tout  le  monde ,  qu'on  appelle  faquins.  Il  y 
a  deux  chapelles  dans  le  conclave  où  Ton  dit  la  messe 
tous  les  jours  et  où  l'on  demeure  ensuite  assemblés  pour 
le  scrutin ,  et  une  autre  pour  les  messes  et  dévotions  par- 
ticulière» où  est  exposé  le  Saint-Sacrement.  L'on  s'as- 
semble deux  fois  par  jour  dans  la  première  de  ces  cha- 
pelles, le  matin  et  le  soir;  l'assemblée  du  matin  dure 
deux  heures  un  quart  ou  deux  heures  et  demie ,  à  cause 
de  la  messe;  celle  de  l'après-dlnée  une  heure  trois  quarts 
ou  environ.  Dans  la  première  de  ces  assemblées ,  après 
avoir  chanté  le  Vmi  Creator,  on  dit  la  messe,  ensuite  on 
fait  au  sort  l'élection  de  neuf  des  cardinaux ,  trois  scru- 
tateurs, trois  réviseurs  et  trois  infirmiers.  Les  scrutateurs 
sont  ceux  qui  lisent  les  billets  de  chaque  cardinal  con- 


833  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYISES. 

tenant  son  snflrage  ;  les  réviseors  relisent  de  nouveau 
lesdits  billets^  les  écrivent  et  les  annoncent  ;  les  infir- 
miers ne  sont  chargés  que  d'aller  chez  les  cardinaux 
malades  pour  apporter  leurs  billets.  Ces  billets  sont 
cachetés  par  en  haut  et  par  en  bas.  En  haut,  est  le  nom  du 
cardinal.  Ego  eardinalis^  etc.  Ce  que  l'on  voit  est  après  le 
nom  et  contient  ces  mots  :  Eligo  summum  poniificem 
cardinalem,  etc.  En  bas,  est  une  sentence  latine  roulée  et 
cachetée  que  chacun  choisit  comme  il  le  juge  àpropos.  Ces 
deux  parties  du  billet ,  le  haut  et  le  bas ,  ne  servent  que 
supposé  qu'il  soit  nécessaire  de  vérifier  les  suffrages  ;  alors 
on  examineroit  s'il  n'y  auroit  pas  deux  billets  extrêmement 
pareils  tant  pour  le  nom  que  pour  la  sentence  et  pour  le  ca- 
chet; car  il  faut  observer  qu'il  ya  quatre  cachets  dans  le 
conclave  dontchaque  cardinal  choisit  celui  qui  lui  convient 
davantage.  Les  billets  sont  mis  par  chaqi^e  cardinal  sur 
une  table  au  milieu  du  conclave;  ensuite  un  des  cardi- 
nauxscrutateurs  les  prend  et  les  porte  à  l'autel,  sur  lequel 
est  un  calice  couvert  d'une  patène  ;  il  laisse  tomber  le 
billet  sur  la  patène,  et  renverse  ensuite  la  patène  dans  le 
calice.  Lorsque  tous  les  billets  sont  donnés,  alors  on  les 
ouvre  ;  tous  les  noms  des  cardinaux  sont  marqués  dessus  ; 
et  à  mesure  qu'on  lit  un  billet ,  on  met  à  côté  du  nom  du 
cardinal  élu  une  barre  pour  marquer  qu'il  a  une  voix. 
Chacun  des  cardinaux  présents  â  l'assemblée  a  une  liste 
des  cardinaux,  et  met  à  mesure  une  barre  à  c6té  du  nom, 
de  sorte  que  chaque  cardinal  sait  toujours  à  chaque  mo- 
ment combien  il  y  a  de  cardinaux  proposés  pour  pape,  et 
combien  chacun  a  de  voix.  Hais  ce  n'est  que  par  les  con- 
versations particulières  qu'ils  découvrent  le  nom  de  ceux 
qui  sont  pour  un  tel,  ou  un  tel  parti.  Dans  la  première 
assemblée,  chaque  cardinal  met,  comme  je  l'ai  dit,  dans 
son  billet,  eligo,  pour  désigner  celui  en  faveur  duquel  il 
se  détermine  ;  mais  ce  n'est  que  dans  celle-là  seulement  ; 
dans  toutes  les  autres  il  ne  met  plus  que  accedo.  Lorsqu'il 
persiste  dans  le  choix  qu'il  a  fait  d'abord,  il  met  accedo 


FÉVRIER  1741.  883 

neminij  je  n'accorde  à  personne,  c'est-à-dircje  ne  change 
point  de  sentiment.  Lorsqu'il  voit  au  contraire  quelque 
raison  qui  le  détermine  à  choisir  un  autreque  celui  qu'il 
avoit  élu  d'abord ,  il  met  :  ad  eligendum  summum  ponti- 
ficem^  un  tel.  Il  n'est  pas  permis  de  donner  son  accedo 
pour  celui  pour  lequel  on  a  donné  son  eligo  ;  car  sans 
cela  il  se  trouveroit  plusieurs  suffrages  en  faveur  d'un 
cardinal  lorsqu'il  ne  devroit  y  en  avoir  de  réel  que 
celui  de  Veligo.  Ces  séances  durent  jusqu'à  ce  que  le 
plus  grand  nombre  des  suffrages  étant  réunis ,  ils  fassent 
au  moins  les  deux  tiers;  alors  l'élection  est  faite.  Le 
cardinal  Lambertini^  aujourd'hui  Pape^  a  été  élu  tout 
d'une  voix. 

Je  fus  hier  au  diner  de  M.  le  Dauphin.  M.  Tabbé  Du- 
guesclin ,  aumônier  en  quartier  auprès  du  Roi ,  y  étoit  ; 
il  y  avoit  aussi  un  chapelain  du  Roi^  qui  est  de  quartier 
auprès  de  M.  le  Dauphin.  Jusqu'à  présent  il  n'y  a  eu  que 
les  chapelains  du  Roi  qui  aient  fait  les  fonctions  d'au- 
mônier chez  M.  le  Dauphin.  M.  Tabbé  Duguesclin  s'en 
alla  un  peu  avant  la  fin  du  diner;  je  lui  en  demandai 
quelque  temps  après  la  raison  ;  il  me  dit  que  les  cha- 
pelains vouloient  prétendre  que,  comme  attachés  au 
service  de  M.  le  Dauphin ,  ils  dévoient  faire  les  fonctions 
d'aumônier  de  M.  le  Dauphin ,  même  en  présence  des 
aumôniers  du  Roi;  que  cette  prétention  n'éf oit  point 
fondée  ;  que  les  aumôniers  du  Roi  en  quartier  ou  non  en 
quartier  chez  le  Roi  étoient  en  droit  de  fîûre  les  fonc- 
tions d'aumônier  chez  M.  le  Dauphin  en  présence  et  à 
l'exclusion  des  chapelains,  et  que  même  pour  conserver 
ce  droit  ils  en  usoient  toujours  dans  chaque  quartier. 
On  compte  que  M.  le  Dauphin  fera  sa  première  commu- 
nion à  Pâques  prochain,  et  qu'alors  un  aumônier  sortant 
de  quartier  chez  le  Roi  entrera  de  quartier  chez  M.  le 
Dauphin.  Il  doit  être  confirmé  dimanche  prochain  à 
la  chapelle  par  M.  le  cardinal  de  Rohan. 

Depuis   le  commencement  du   carême,   le   Roi  n'a 


834  MEMOIRES  DU  BVQ  1>£  LUYNES. 

point  soupe  avec  des  dames;  mais  les  jours  de  chasse  il 
a  soupe  dans  ses  cabinets  avec  des  hommes  seulement. 
Il  va  tous  les  soirs  chez  M*"'  la  comtesse  de  Toulouse  avant 
et  après  souper,  et  les  jours  des  cabinets  il  va  au  sortir 
de  chez  W^^  la  comtesse  de  Toulouse  chez  M"^  de  Hailly, 
où  il  joue  quelquefois. 

Du  mercredi  2^,  Versailles. -^UHL.  les  maréchaux  de 
Chaulnes^  dlsenghien  et  de  Nangis  prêtèrent  serment 
dimanche  dernier. 

Le  Roi  fut  encore  hier,  après  avoir  soupe  dans  ses 
cabinets ,  chez  M"**"  de  Hailly  ;  il  y  joua  au  piquet,  ensuite 
il  fut  réveiller  plusieurs  officiers  des  gardes  qui  logent 
auprès  de  l'appartement  de  M"*  de  Mailly. 

C'est  le  P.  d'Héricourt)  théatin ,  qui  prêcha  ici  le  ca- 
rême; il  parolt  qu'on  en  est  fort  content;  il  n'a  point  l'é- 
loquence du  P.  Neuville^  mais  ses  sermons  sont  plus  tou- 
chants. Son  compliment  du  jour  de  la  Chandeleur  étoit 
plutôt  une  instruction  qu'un  compliment  et  fut  approuvé; 
il  fit  dimanche  un  sermon  sur.  la  pénitence,  très-fort  et 
très-capable  de  faire  impression.  M'"''  de  Hailly,  qui  est  de 
semaine  ^  étoit  au  sermon  et  le  trouva  fort  bon  ;  elle  dit 
qu'elle  aime  beaucoup  le  P.  d'Héricourt,  qui  est  élève 
du  P.  Boursault  ;  elle  lui  a  même  envoyé  quelques  bou- 
teilles de  vin  de  liqueur. 

Le  Roi  ne  sort  point  d'ici  toute  cette  semaine  ;  il  va 
lundi  à  Choisy  pour  jusqu'4  jeudi, 

MM.  les  comtes  de  Nida  ont  eu  aujourd'hui  audience  de 
congé;  ils  partent  incessamment  ;  i]  paroit  que  c'est 
avec  beaucoup  de  regret  de  quitter  la  France.  M™*  de 
Luynes  avoit  fait  avertir  quelques  dames.  Au  retour  de 
la  messe  de  la  Reine,  M.  de  Verneuil  est  venu  prendre  l'or- 
dre, suivant  Tusage;  il  a  été  ensuite  prendre  le  prince 
héréditaire,  qui  est  venu  accompagné  de  M.  de  Verneuil  et 
de  M.  de  la  Tournelle,  sous-introducteur.  Après  un  compli- 
ment fort  court,  le  prince  héréditaire  s'est  retiré ,  et 
M.  de  Verneuil  a  amené  ses  deux  frères  qui  éloient  aussi 


FEVRIER  IV41.  9$6 

accompagnés  de  M.  de  laTournelle.  Hé  ont  fait  léûra  révé'^ 
renoeâ  sans  auoiin  oompliment. 

Du  samedi  25^  Versailltê.  —  Des  trois  direotions  gêné* 
raies  de  Finfanterie ,  il  n'en  reste  plus  que  deux  ;  celle 
de  M»  de  Nangis  vient  d'être  supprimée  à  l'occasioa  de 
sa  nouvelle  dignité  de  maréchal  de  Franoe.  Les  deux 
directeurs  généraux  d'infanterie  qui  restent  sont  HH.  les 
comtes  de  Gramontet  d'Aubigné. 

Du  lundi  27,  Venailles.  --  Vendredi  dernier^  M.  le 
prince  de  Rohan  tomba  malade;  cette  maladie  com- 
mença par  un  grand  frisson  qui  fut  suivi  d'une  fièvre 
violente  avec  des  redoublements  >  déserte  que  le  samedi 
au  soir  il  étoit  4  Textrémité.  Le  Roi  ^  par  bonté  pour 
M.  le  cardinal  de  Rohan ,  lui  fit  dire  par  H.  de  Chàtillon 
qu'il  consentoit  à  remettre  la  cérémonie  de  la  confirma* 
tion  de  M.  le  Dauphin  à  un  autre  jour  ;  mais  M.  le  car- 
dinal de  Rohan  pria  S.  M.  qu'il  n'y  ait  rien  de  changé. 
On  porta  Notre-Seigneur  hier  à  H.  le  prince  de  Rohan^ 
et  dans  le  môme  temps  H.  le  cardinal  de  Rohan  donna  la 
confirmation  à  M.  le  Dauphin^  à  la  chapelle*  Le  Roi  et 
la  Reine  étoient  en  bas.  LL.  HM.  «'avancèrent  aux  pre- 
mières marches  du  chœur,  sur  lesquelles  étoient  H.  le 
cardinal  de  Rohan  en  habits  pontificaux ,  LL.  MH.  de- 
bout,  et  H.  le  Dauphin  entre  le  Roi  et  la  Reine  ,  mais 
un  peu  devant.  M.  le  cardinal  de  Rohan  commença  par 
un  discours  à  M*  le  Dauphin  qui  dura  environ  un  petit 
quart  d'heure,  qui  fut  fort  approuvé  et  fort  bien  pro- 
noncé, malgré  son  extrême  douleur  ;  la  cérémonie  en- 
suite; c'étoit  avant  la  messe  du  Roi.  M.  le  Dauphin  fut 
l'après^dinée  au  sermon ,  qui  fut  beau.  M""^  de  Mailly  y 
étoit  y  dans  la  travée  derrière  le  Roi ,  et  elle  parut  fort 
contente  du  sermon. 

Du  mardi  28,  Versailleê,  —  Le  Roi  partit  hier  pour 
Choisy,  et  revient  jeudi;  il  n'y  a  que  cinq  dames  à  ce 
voyage,  les  quatre  sœurs  etM^^'d'Antin;  M'"*"  la  maréchale 
d'Estrées  devoit  en  être  ;  mais  elle  manda  samedi  à  Ma- 


3S6  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

demoiselle  qu'elle  la  prioit  de  faire  ses  excuses  &  cause  de 
Tétat  de  M.  de  Rohan.  On  sait  que  c'est  Mademoiselle  qui 
avertit  les  dames  pour  les  voyages. 

M"*^  de  Saujon  vint  ici  il  y  a  trois  jours;  elle  est  veuve 
depuis  dix*huit  mois  ;  son  mari  étoit  chef  de  brigade  des 
gardes  du  corps  ;  elle  désiroit  aller  faire  sa  révérence  au 
Roi  dans  le  cabinet  ;  elle  avoit  même  prié  M""*  de  Luynes 
de  l'y  mener.  M"'  de  Luynes  lui  représenta  que  cette  ré- 
vérence ou  cérémonie,  après  dix-huit  mois,  n'étoit  guère 
convenable;  indépendamment  même  du  temps^elle  n'é- 
toit  peut-être  pas  trop  à  sa  place.  Il  est  vrai  que  M*"*  de 
Cambis  a  fait  sa  révérence  dans  le  cabinet  et  que  son 
mari  avoit  été  officier  des  gardes  du  corps ,  mais  il  avoit 
été  depuis  ambassadeur  et  mort  en  ambassade.  M*"*  de 
Luynes  conseilla  à  H'"''  de  Saujon  de  demander  Favis  de 
H.  le  Cardinal.  S.  Ém.  dit  à  M*"*  de  Saujon  qu'elle  feroit 
mieux  d'aller  faire  sa  cour  comme  auparavant.  Il  n'est 
point  d'usage  que  les  femmes  des  officiers  des  gardes  du 
corps  viennent  à  la  Cour.  M'"*  de  Saint-Chamant,  dont  le 
fils  est  dans  les  gendarmes ,  est  peut-être  le  premier 
exemple  ;  mais  il  y  avoit  une  circonstance  particulière. 
La  Reine  avoit  passé  à  Yillenauxe ,  qui  est  une  terre  à 
M"*  de  Saint-Chamant ,  et  M*"'  de  Saint-Cbamant  vint  re- 
mercier la  Reine  de  l'honneur  qu'elle  lui  avoit  fait.  Je 
ne  sais  pas  même  si  elle  y  est  revenue  depuis,  mais  je  n'ai 
pas  d'idée  de  l'y  avoir  vue.  Sur  cet  exemple.  M"* de  Sau- 
jon désiroit,  il  y  a  quelques  années,  d'être  présentée  et 
elle  le  fut  ;  mais  il  n'y  en  a  point  d'autres  qui  y  viennent. 

Il  y  eut  hier  une  petite  difficulté  chez  la  Reine.  Dans 
le  passage  particulier  du  Roi  chez  la  Reine  est  la  chambre 
où  se  lient  pendant  le  jour  le  premier  valet  de  chambre 
du  Roi .  Cette  chambre  tient  à  la  garde-robe  de  commo- 
dité delà  Reine.  Bontemps,  premier  valet  de  chambre, 
étoit  hier  dans  cette  chambre  avec  sa  femme  et  quel- 
qu'un de  ses  amis;  c'est  un  de  ceux  qui  y  étoient  qui 
m'a  conté  le  fait.  La  Reine  appela  une  de  ses  femmes  ; 


MARS  1741.  387 

Bontemps^  entendant  que  personne  ne  répondoit^  ouvrit 
la  porte;  la  Reine  entra  même  un  moment  dans  la 
chambre  où  étoit  Bontempset  sa  compagnie.  M"" Mercier^ 
première  femme  de  la  Reine ,  trouva  mauvais  que  cette 
porte  ne  fût  pas  fermée  en  dedans  du  côté  de  la  Reine; 
la  Reine  décida  qu'elle  voulait  que  Bontemps  pût  ouvrir 
la  dite  porte. 


MARS* 


M.  de  Breteuil  déclaré  ministre.  —  Contestation  entre  M.  de  ChÀtiUon  et 
M*"^  de  Tallard.  —  Audience  de  congé  de  M.  de  Montijo.  —  AfTaire  de 
M"'  de  Nogent.  —  Mort  de  M"**  d*AngenilUers.  —  Plantations  de  Ohoisy. 
—  Lettre  du  roi  de  Pologne  à  la  reine  de  Hongrie.  —  Confession  de  foi  du 
roi  de  Prusse.  —  Nominations  diverses.  —  Présentations.  —  Rupture  du 
mariage  de  M.  de  Monaco  avec  M>i«  de  Bouillon;  anecdote  sur  la  duchesse 
de  Luynes.  —  Mort  de  la  comtesse  dlJzès.  —  Voyage  de  Choisy.  —  Acci- 
dent sur  la  route  de  Paris  à  Versailles.  —  Accouchement  de  la  reine  de 
Hongrie.  — •  Mort  de  M.  de  Riom.  — >  Affaires  des  princes  du  sang  et  des  lé- 
gitimés. 

Du  samedi  4,  Versailles.  —  M*  de  Breteuil ,  secrétaire 
d'État  de  la  guerre  depuis  la  mort  de  M.  d'Angervilliers^ 
fut  hier  déclaré  ministre. 

Du  mercredi  8,  Versailles.  — Dimanche  dernier,  le  Roi 
ne  fut  point  au  sermon;  il  avoit  un  petit  commence- 
ment de  rhume  ;  il  dîna  cependant  au  grand  couvert.  La 
Reine  fut  seule  au  sermon.  M.  le  Dauphin  y  étoit,  et  der- 
rière lui  M.  de  Chàtillon  et  le  chef  de  brigade ,  qui  est 
en  quartier  chez  M.  le  Dauphin. 

L'on  me  conta  hier  qu'il  y  avoit  eu  ces  jours-ci  un  pe- 
tit sujet  de  contestation  entre  M.  de  Chàtillon  et  M'"''  la  du- 
chesse de  Tallard.  Les  dimanches  et  fêtes,  Mesdames  des- 
cendent ordinairement  chez  M«  le  Dauphin  et  jouent  avec 
lui  dans  son  cabinet.  L'officier  des  gardes  qui  suit  Mes- 
dames ayant  été  refusé  à  la  porte  du  cabinet,  s'en  plaignit  à 
M™*  de  Tallard  lorsqu'elle  sortit  ;  M"*  de  Tallard  dit  qu'elle 
en  parleroit  à  M.  de  Ch&tillon,  et  lui  en  parla  effective- 
T.  m.  22 


Uê  3«ÉM01RES  VU  iHJC  0£  LUYHES. 

oieat  c][iielque$  jours  ai^ès;  elle  loi  dit  qu^il  lui 
que  puis({ue  l'officier  des  gardes  de  M.  le  Dauphin  entroit 
chez  Mesdames,  celui  de  Mesdames  de  voit  entrer  chez  M.  le 
Dauphin,  et  lui  ajouta  que  s'il  crofoitque  cela  ne  dût  pas 
être  égal^  elle  donneroit  ordre  chez  Mesdames  qu'on  ne 
laissai  point  entrer  i'offîcier  des  gardes  de  M.  le  Dauphin. 
C'est  ce  qui  arriva  effectivement  la  première  fois  que 
M.  le  Dauphin  vint  chez  Mesdames.  Lechef  de  brigade  qui 
suivoit  resta  àla porte^  Thuissier  ne  voulut jamaislui  per- 
mettre d'entrer;  il  s'en  plaignit  à  M.  de  ChàtiUon  qui  en 
parla  à  M"'  de  Tallard  ;  mais  M"*  de  Tallard  lui  répon- 
dit qu'elle  l'en  avoit  averti,  et  qu'il  n'entreroit  point  que 
lorsque  les  choses  seroient  égales  chez  M.  le  Dauphin  (i). 
Cette  affaire  n'est  point  encore  décidée. 

M.  de  Montijo  a  pris  aujourd'hui  audience  de  congé; 
Ton  comptoit  que  ce  seroit  œ  matin  au  retour  de  la  messe; 


(1)  J*ai  Toolu  savoir  de  M.  de  ChàtiUon  même  le  détail  de  cette  aftûre;  0 
me  l'a  contée  beaucoup  plus  simplement  que  ce  qui  est  ici  à  côté,  qui  m'a  voit 
été  raconté  par  un  oiicier  des  garies  du  enrps.  M.  de  CbâtiUon  m'a  dit  que, 
depuis  qu'il  est  auprès  de  M.  le  Dauphin,  il  s'est  toujours  régie  pour  l'ordre  chez 
M.  le  Dauphin  sur  ce  qui  se  passe  chez  le  Roi.  £n  consequeuce,  les  officiers 
des  gardes  n'entrent  jamais  chez  M.  le  Dauphin.  Effectivement  les  officiers  des 
gardes  chez  le  Aoi,  en  suivant  S.  M^  restent  toujours  à  ia  porte  de  la  chambre 
du  Roi  y  en  dehors,  et  de  même  lorsqu'ils  conduisent  le  Roi  chez  la  Reine, 
par  la  galerie  et  le  salon,  ils  restent  dans  teJit  salon  à  la  porte  de  la  chambre 
de  la  Reine  sans  y  entrer; ainsi  cbez  M.  le  Dauphin,  jamais  les  officiers  des 
gardes  n'y  ont  entré,  pas  même  ceux  qui  sont  auprès  de  sa  personne;  ils  en* 
trent  seuiemeut  le  matiu  a  l'heure  de  la  messe ,  lorsque  M.  le  Dauphin  l*eaiend 
dans  son  cabinet,  et  l'après-dlnée  lorsque  M.  le  Dauphin  va  promener  à  pied 
dans  le  jardin.  Le  clief  de  brigade  et  l'exemiit  traversent  la  chambre  cft  le  ca* 
binet  pour  le  suivre  dans  le  jardin.  Ohea  Mesdames,  il  n'y  avoit  rien  de  réglé , 
la  boulé  de  M*"*  de  VentaUour  et  l'âge  de  Mesdames  a  voient  empêché  que 
Ton  ne  nt  des  règlements  bien  exacts.  M^'e  de  Tallard  défendit  efTectivement 
à  l'huissier  de  iaisser  entrer  chez  Mesdames  les  deux  officiers  des  gardes  qui 
suivent  M.  le  Dauphin.  Le  chef  de  brigade  s'en  plaignit  à  M.  de  ChàtiUon  qui 
en  parla  à  M^e  de  Tallard;  M'ue  de  Tallard  lui  expliqua  ce  que  je  viens  de 
marquer,  et  les  choses  en  sont  demeurées  là  ;  les  oITiciers  des  gardes  n'entrent 
de  part  ni  d'antre.  Voilà  ce  que  M.  de  Châtiikm  m*a  conté.  Il  est  certain  qnll 
ne  m'a  point  paru  dtre  brouillé«vec  Mwç  <k  Tallard.  (AiUMwn  dji  duc  4e 
Luynes,  datée  du  25  mars  1741.  ) 


MARS  i74|.  ^^ 

ifk  Reine  même  envoya  hier  au^oir  fort  \9^d  dire  ji  M'^^d^ 
Liiynes  de  faire  avertir  des  dames.  Comine  il  n'y  avoii 
plus  dans  ce  moment-là  de  valet  de  chambre  chez  la 
Reine,  H"*^  de  Luynes  le  dit  aux  dames  qu'elle  trouva. 
IjCS  ambassadeurs  d^Espagne  et  de  Naples  étoient  ici  pour 
cette  audience^  et  M.  de  Montijo  est  arrivé  trop  tard ,  de 
sorte  que,  pendant  le  diner  au  grand  couvert,  M.  de  Ver- 
neuil  çst  venu  prendre  Tordre  de  la  Reine  pour  cette  au- 
dience, quin^aété  qu'après  le  sermon  (H.  de  Montijo  avoit 
en  audience  du  Roi  après  le  conseil  immédiatement  avant 
le  dîner).  Après  l'audience ,  M.  de  Campo-Florido  a  pré- 
senté à  la  Reine  un  seigneur  portugais,  frère  de  M.  le 
duc  d^Abrantès  et  héritier  de  cette  maison  ;  il  se  nomm^ 
Caracaral ,  lequel  est  venu  avec  M.  de  Montijo  et  va  avec 
lui  à  Francfort;  il  n'avoit  point  encore  été  présenté  et  l'a 
été  pour  Taudience  de  congé. 

Du  jeudi  9,  Versailles.  — Le  Roi  part  aujourd'hui  ppur 
Choisy  au  retour  de  la  chasse  et  reviendi^a  samedi  en 
chassant.  On  s'est  fait  écrire  pour  ce  voyage  chez  M.  de 
Rochechouart,  comme  à  l'ordinaire.  Les  dames  ne  se  font 
point  écrire  ;  c'est  Mademoiselle  qui  les  envoie  avertir,  ou 
M"®  deClermont;  mais  ce  voyage-ci  il  n'y  en  a  eu  aucune 
d'avertie.  Les  princesses,  n'y  vont  point  non  plus.  Le  Roi 
dit  à  M"*  de  Mailly  que  ce  voyage  étoit  trop  court  et  qu'il 
ne  vouloit  pas  donner  la  peine  à  M"**  de  Vintimilie  d'y 
venir,  à  cause  de  sa  grossesse.  Malgré  cela.  M"""  de  Mailly 
a  pris  le  parti  d'y  aller  avec  M'"*  de  Vintimille  ;  elle  a  de- 
mandé le  petit  carrosse  du  Roi  et  un  relais  à  la  petite  écu- 
rie. Elle  a  dit  en  badinant  au  Roi  qu'il  ne  pouvoit  pa3* 
être  défendu  de  lui  aller  faire  sa  cour,  qu'elle  iroit  loger 
dans  le  village  de  Choisy  chez  M.  Triplet,  qui  est  un  des 
principaux  habitants,  et  qu'elle  pourroit  au  moins  voir 
le  Roi  dans  la  journée.  Les  deux  sœurs  sont  pai'ties  de 
bonne  heure  pour  arriver  avant  le  Roi. 

L'affaire  de  M"*"  de  Nogent  fait  toujours  ici  beaucoup 
de  bruit  ;  elle  a  répandu  dans  le  public  un  mémoire  im- 

22. 


840  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

primé;  qui  parôlt  même  avoir  été  composé  par  elle,  où 
elle  raconte  fort  pathétiquement  son  histoire.  Ce  mémoire 
est  accompagné  de  plusieurs  lettres.  Voici  le  fait  en  peu 
de  mots.  Feu  M.  de  Nogent,  son  père,  étoit  frère  deM"*^  la 
maréchale  de  Biron  ;  M""'  deNogent^  mère  de  M.  de  Nogent, 
avoit  chez  elle  une  Turquesse  que  M.  de  Nogent  trou  voit 
fort  à  son  gré  ;  on  prétend  qu'il  la  voyoit  souvent  du  vi- 
vant même  de  M"*  sa  mère.  Après  sa  mort,  il  Temmena 
chez  lui,  et  ils  vivoient  ensemble.  On  fit  des  reproches  à 
H.  de  Nogent  d'une  conduite  qui  paroissoit  scandaleuse  f 
il  montra  un  contract  de  mariage.  M'^^  de  Nogent,  sa  fille, 
étoit  déjà  née.  Cela  donna  occasion ,  après  la  mort  de 
M.  de  Nogent,  à  un  grand  procès  où  Ton  disputa  à  H"*'  de 
Nogent  d'être  née  en  légitime  mariage.  Elle  a  gagné  ce 
procès,  et  son  état  a  été  constaté;  elle  a  hérité  des  biens 
de  M.  cle  Nogent,  et  jouit  d'environ  26  ou  27,000  livres  de 
rente,  sur  quoi  il  y  a  quelques  charges;  elle  a  actuelle- 
ment trente- trois  ans;  elle  demeure  à  Paris,  et  y  vit 
seule  avec  un  certain  nombre  de  domestiques.  Il  y  a  en- 
viron dix  mois  qu'elle  fut  arrêtée  chez  elle  par  lettres  de 
cachet  et  conduite  par  le  sieur  Duval  et  douze  archers  dans 
un  couvent  ;  elle  prétend  que  sa  mère,  qui  vit  encore  et 
qui  ne  peut  la  souffrir,  a  sollicité  cette  lettre  de  cachet  et 
que  ^'est  une  persécution  de  sa  famille  ;  qu'on  l'avoit  ac- 
cusée d'avoir  voulu  épouser  un  musicien  qu'elle  avoit  pris 
chez  elle  pour  la  perfectionner  dans  le  clavecin,  lequel  lui 
avoit  été  donné  par  le  curé  de  Saint-Laurent,  son  confes- 
seur depuis  quinze  ans.  Elle  rapporte  un  certificat  de  sa 
bonne  conduite  du  dit  sieur  curé,  etune  lettrequ'ila  écrite 
à  M.  le  Cardinal.  M"**  de  Mailly,  sur  la  lecture  du  mémoire 
de  M"*  de  Nogent,  imagina  il  y  a  quelques  jours,  que,  si 
on  pouvoit  la  déterminer  à  se  marier,  ce  pourroit  être  un 
parti  avantageux  pour  le  chevalier  de  Choiseul ,  fils  de 
M.  de  Meuse,  qui  n'est  pas  riche  étant  cadet  ;  sur  cette  idée 
elle  partit  tout  d'un  coup  d'ici,  alla  à  Paris  dîner  chez  M"^*  la 
maréchale  de  Biron,  à  qui  elle  communiqua  son  projet,  et 


t 


MARS  1741.  841 

de  là  chez  VP^  la  duchesse  d'Estrées  pour  le  même  sujet  ; 
elle  fut  ensuite  chez  M"®  de  Nogeat  à  son  couvent;  elle 
fut  très-contente  de  sa  politesse  et  de  son  esprit.  Sur  la 
proposition  de  mariage.  M"*  de  Nogent  lui  répondit  que 
le  nom  Thonoroit  fort,  mais  qu^elle  n'avoit  jamais  eu  des- 
sein de  se  marier,  et  que,  quand  même  elle  y  pourroit 
songer^  cène  seroitpaspendantquelleétoiten  captivité; 
qu'elle  ne  pouvoit  être  occupée  d'autres  affaires  que  de 
celle  d'obtenir  sa  liberté;  que  l'on  avoit  mis  le  scellé  sur 
tous  ses  meubles  et  même  sur  son  linge  et  ses  habits  ;  que 
ses  terres  et  ses  affaires  dépérissoient  et  qu'elle  prioit 
M"®  de  Mailly  de  vouloir  bien  solliciter  sa  délivrance  (1). 

Du  samedi  11,  Versailles.  —  M"^  d'AngervilIiers  est 
enfin  morte  la  nuit  du  mercredi  au  jeudi ,  après  avoir 
beaucoup  souffert  ;  elle  avoit  été  empoisonnée,  il  y  a  en- 
viron  vingt  ou  vingt-cinq  ans  pendant  qu'elle  étoit  inten- 
dante en  Dauphiné,  par  les  remèdes  d'un  empirique  dont 
elle  et  sa  sœur  avoient  pris,  pendant  l'absence  de 
M.  d'AngerviUiers  etcontre  son  avis.  Sa  sœur  en  mourut; 
pour  eUe,  elle  en  revint  avec  une  mauvaise  santé ,  et  pen- 
dant tout  le  temps  du  ministère  de  M.  d'AngervilUers, 
quoiqu'il  donn&t  à  manger  presque  tous  les  jours  et  qu'il 
lit  très-bonne  chère,  elle  mangeoit  toujours  seule  dans 
sa  chambre. 

Le  Roi  arrive  de  Choisy  ;  il  y  a  beaucoup  planté  (2)  ; 
il  est  occupé  de  sa  maison  et  de  son  jardin  comme  un 
particulier  l'est  de  sa  maison  de  campagne.  Je  vis  hier 


(0  Huit  ou  dix  jours  après  cette  visite  de  M°*^  de  li«lly»  M"^'  de  Nogent 
obtint  la  permission  de  sortir  de  son  couvent;  elle  vint  ici  voir  M.  le  Cardi- 
nal et  M"*  de.MaiUy,  qui  la  mena  chez  M,  de  Maurepas.  (  Addition  du  duc 
de  Luynes,  datée  du  25  mars  1741.  ) 

(2).  M.  Gabriel  me  disoit  hier  quMl  y  avoit  eu  700  milliers  de  plants  em- 
ployés à  Choisy  tant  dette  année  que  la  précédente  ;  il  n*y  a  cependant  que 
deux  bosquets  plantés  entièrement  à  neuf;  Tun  un  jeu  d'oi«,  l'atitre  un  laby- 
rinthe. Il  est  vrai  qu'ils  Tont  été  deux  fois,  parce  que  le  {itant  fat  fait  trop 
tard  Tannée  passée  et  qu'il  a  fallu  le  refaire  entièrement.  {Addîtlttii  du  duc  de 
iiuyttes,  datée  du  25  mars  174t.  ) 


'1 


S4t  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

M.  le  maréchal  de  Noailles,  qui  y  étoit  venu  dîner  de  Pa^ 
ris.  Le  Roi,  quoiquMI  ne  mangeât  point  y  eut  la  complais 
sance  de  rester  à  table  jusqu'à  ce  que  M.  de  Noailles  eâi 
àiné;  ensuite  il  lui  montra  tous  les  appartements  de  sa 
maison. 

Du  mercredi  15,  Virsailles.  —  flparolt  ici  depuis  quel*» 
ques  jours  deux  écrits;  l'un  est  une  lettre  du  roi  de  Po* 
logne  en  réponse  à  la  reine  de  Hongrie  et  de  Bohème , 
comme  grand  maréchal  de  TEmpire ,  au  sujet  des  am- 
bassadeurs qu'elle  compte  envoyer  à  Francfort.  L'autre 
écrit  est  une  confession  de  foi  que  l'on  dit  être  du  roi  de 
Prusse.  Le  Roi  a  eu  la  curiosité  de  la  lire  et  a  dit  qu'il  ne 
croyoit  pas  qu'elle  fût  du  roi  de  Prusse.  C'est  l'observa- 
tion la  plus  juste  que  l'on  puisse  faire  ;  je  fais  copier  ici 
ces  deux  écrits. 

Réponse  du  roi  de  Pologne  à  la  reine  de  Hongrie  et  de  Bohême^ 

du  %  février  1741. 

Nous  avons  su  par  la  lettre  de  V.  M.  du  30  janvier  que,  1  élec- 
teur de  Mayence  l'ayant  invitée  à  réfection  d'un  nouvel  empereuif',  elle 
se  disposoit  à  envoyer  des  ambassadeurs  à  Francfort  pour  y  assister, 
conformément  au  droit  attaché  à  la  dignité  de  reine  de  Bohême  \  et 
qu'elle  nous  requéroit  en  vertu  de  la  charge  de  grand  n^aréchal  de 
FEmpire  de  faire  les  dispositions  nécessaires  tant  pour  l'entretien  de 
ses  ambassadeurs  que  pour  leurs  logements,  de  la  façon  pratiquée  en 
1711  à  l'égard  de  l'ambassade  de  fiobéme;  mais  comme  V.  M.  n'i- 
gnbre  pas  les  difficultés  qu'elle  reneontre  eNe^méme  touchant  l'adminis- 
tration de  la  dignité  électorale  de  Bnhême ,  selon  ce  qui  est  ordonné 
parla  bulle  d'or  et  les  constitutions  de  l'Empire,  et  que  ces  difficultés, 
bien  loin  d'être  levées,  ont  été,  au  contraire,  augmentées  par  l'adminis- 
tration de  cet  éJectorat,  conféré  par  Y.  M:  à  m^  époux  le  duc  de  Lor- 
raine ,  ce  qui  est  diamétralement  opposé  à'  la  sanction  pragmatique 
même,  nous  laissons  ainsi  à  Ta  pénétration  de  V .  M.  à  juger  s'il  ne  seroit 
pas  plus  convenable  de  différer  l'envol  des  ambassâde;urs  de  Bohême 
pour,  la  future  élection  de  l'Empereur  jusqu'à  ce  que  le  collège  électo- 
ral ait  délibéré  et  prononcé  sur  la  question  de  l'exercice  actuel  du  suf- 
,frage  de  Bohême,  d'autant  plus  qu'il  est, aisé  de  juger  qu'avant  la  dé- 
Ksision  de  cette  affaire,  les  éteoteursaludDiettront  ppint  les  ambassadeuns 
en  cette  qualité,  ni  ne  voudront  traiter  avec  eux.  €'est  fiar  cette  raison 


BfARS  1741.  U$ 

Bséme  qu'il  nous  parolt  quMl  est  tro[>  prématuré  d'assigner  le  togement 
qu'on  ootts  demande  et  d'expédier  les  ordres  en  conséquence,  étant 
plutôt  nécessaire^  eu  égard  à  l'importance  des  eireonstaiicei  présentes, 
d'en  conférer  préalablement  et  avant  toutes  choses  avec  les  électeurs 
nos  collègues.  T  M.  voudra  bien  ne  pas  trouver  mauvais  que  ,  quant 
à  présent ,  nous  ne  nous  expliquions  pas  plus  positivement  là-dessuS; 
Étant,  etc. 

La  eonfèsêion  de  foi  articulée  et  dernièrement  imprimée  de  5.  ilf , 
Prussienne,  laquelle  elle  a  fait  insinuer  à  tous  les  ministres 
protestants  à  Ratisbonne. 

1^  Je  ne  crois  rien  de  ce  que  le  Pape  ordonne,  ni  dans  tous  les  points' 
èe  que  Luther,  Bèze  et  Calvin  ont  écrit  ;  ma^  je  crois- en  un  Dieu  es' 
trois  personnes,  et  mets  sa  sainte  parole  pour  le  fondement  Infaillible  de 
ma  foi,  et  ce  qui  n'y  est  pas  conforme  ne  doit  jamais  être  cru ,  quand 
même  un  ange  du  Ciel  Tauroit  écrit. 

2^  Je  crois  aussi  que  moi  et  tous  les  dévots  chrétiens  peuvent  et 
doivent  être  sauvés  par  le  sang,  la  mort,  les  plaies  et  les  salutaires 
mérites  de  J.-C. 

3<*  Ainsi ,  oomme  il  n'^  a  point  de  salut  ou  béatitude  à  trouver  en 
quelqu^autre  nom  qu'en  ce  seul  nom  de  J.*C.  qui  sauve,  je  ne  me 
nommerai  ni  luthérien  ni  papiste,  mais  je  suis  et  me  nomme  un  cbré* 
lien. 

4°  Touchant  la  gracieuse  élection  étemelle  et  la  prédestination,  c'est 
ma  simple  créance  que  Dieu,  plein  de  miséricorde,  a  fait  appeler  tous 
les  hommes  à  la  béatitude  ;  mais  si  tous  ne  se  sauvent  pas ,  cela  ne 
provient  pas  faute  d'y  être  appelés,  mais  de  Tobstination  ^  de  la  ma- 
lice des  homnfies,  qui  repoussent  oomme  avec  les  pieds  la  grâce  di- 
vine offerte.  C'est  pourquoi  ils  sont  damnés  avee  la^malice  de  leur  cœur 
0t  leurs  péchés  par  la  justice  divine. 

S*  Des  bonnes  œuvres,  je  suis  do  sentiment  que  où  il  y  a  une  sin- 
cère et  véritable  foi,  il  faut  qu'il  y  ait  aussi  des  bonnes  oeuvres;  car 
la  foi  et  les  bonnes  œuvres  peuvent  être  aussi  séparées  que  la  clarté 
du  soleil  et  la  chaleur  du  feu;  mais  qu'on. puisse  gagner  le  Ciel  avec 
les  bonnes  œuvres ,  c'est  une  pauvre  opinion ,  vu  que  nous  sommes 
uniquement  sauvés  par  la  grâce,  moyennant  une  véritable  foi.  A  quoi 
pous  ^rviroient  les  mérites  de  J.«C.,  si  nou&nous  pouvions  sauver  par 
le  mérite  de  nos  propres  œuvres  } 

6°  Du  baptême  et  de  la  sainte  Eucharistie ,  ma  simple  créance  est 
que,  comme  au  baptême  je  ne  suis  pas  lavé  des  péchés  par  là  simple 
eau  seule,  mais  par  le  vrai  sang  de  J.*C.,  et  reçu  dans  l'alliance 
étemelle  des   grâcqs  auprès  de  Dieu  le  Père,  le  Fils  et  le  Saint 


Z44  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Esprit,  je  ne  suis  nourri  à  la  table  de  grfloe  de  J.-G.  avec  du  pain 
et  du  vin  seul ,  mais  avec  les  vrais  corps  et  sang  de  J.-C,  et  que  par 
leur  vertu  je  participerai  à  tous  les  bienfaits  que  J.-C.  a  acquis  avec 
sa  sainte  passion  et  mort ,  et  que,  par  conséquent,  je  suis  un  béritier 
de  la  vie  étemelle  ;  je  condus  donc  ainsi  :  «  qui  croit  en  Dieu  et  cberche 
son  salut  dans  le  sang  et  la  mort  de  J.^C,  ^t  vit  cbréUenaement  là<> 
dessus,  peut-être  sauvé.  » 

7f  Après  quoi  je  laisserai  à  un  cbacun  la  liberté  de  sa  foi,  et  j'atteste 
ici,  à  la  face  de  Dieu,  que  je  veux  vivre  et  mourir  sur  cette  simple  con- 
fession de  foi ,  et  qu'on  ne  me  fera  pas  ni  froid ,  ni  cbaud,  ni  tiède. 
Je  mets  donc  tout  cela  au  jugement  de  tout  le  monde  consciendeux. 
,  8®  Je  ne  me  fais  pas  aussi  participant  du  mérite  des  âmes  ni  du  mé- 
tite  des  gens  d'Eglise,  d'autant  que  j'ai  pu  remarquer  par  l'expérience 
que  toutes  leurs  propositions  ne  tendent  pas  tant  à  la  ^oire  de  Dieu 
et  l'avènement  du  salut,  qu'uniquement  à  l'honoeur  propre  et  au  res-< 
peot  humain. 

9®  Que  je  me  doive  nommer  papiste,  luthérien  ou  calviniste,  c'est 
dont  j'ai  une  juste  peine.  Cependant,  comme  par  une  pure  coutume  et 
opinion  du  monde,  l'on  n'est  pas  content  de  se  donner  le  simple  nom 
de  chrétien,  qu'il  faut  se  tenir  à  une  église  et  à  la  confession ,  et  s'en 
confesser,  et  que  la  vraie  pure  religion  s'y  accorde ,  je  puis  bien  me 
faire  nommer  per  mundi  errorem ,  réformé ,  quoique  je  ne  voie  eu 
quoi  ma  susdite  confession  de  fol  doive  combattre  avec  la  vraie  pure 
doctrine  de  Luther.  Je  ne  veux  pas  pourtant  qu'on  compare  mon  nom 
de  réformé  avec  cdui  de  calviniste ,  mais  je  demeure  un  chrétien  ré- 
formé, et  c'est  cdui-ci  qui  est  demeuré,  je  crois,  exempt  de  toute  er- 
reur de  doctrine,  comme  je  l'ai  démontré  ci-dessus;  mais  un  cal- 
viniste est  celui  qui  fait  de  la  doctrine  de  Calvin  une  règle  de  foi. 

10°  Et,  puisque  Calvin  a  été  un  homme  et  que  tout  Jhomme  peut 
faillir,  il  a  pu  faillir  lussi  ;  autrement  je  tiens  Luther,  Calvin  et  d'autres 
pour  des  instruments  choisis  de  Dieu,  qui,  par  la  vertu  du  Saint-Es(»rit, 
sont  sortis  des  ténèbres  de  la  papauté  et  ont  montré  le  véritable  che- 
min h  la  vie  étemelle  ;  mais  ayant  été  hommes  tous  les  deux,  l'un  aussi 
bien  que  l'autre  a  pu  errer. 

C'est  pourquoi  je  ne  crois  plus  en  aucune  doctrine  qu'en  autant 
qu'elle  est  conforme  à  la  parole  de  Dieu. 

Le  commandeiiient  de  la  Franche-Comté  a  été  donné 
hier  à  M.  le  duc  de  Randan;  il  est  lieutenant  général  de 
la  province;  et  il  ne  sera  pas  payé  comme  commandant. 
M.  le  Cardinal  a  été  bien  aise  d'épargner  ce  qu'il  en  au- 
roit  coûté  pour  renvoyer  M.  le  maréchal  de  Duras  à  son 


MARS  1741.  84a 

commandemant  ;  un  maréchal  de  France  employé  a 
8,000  livres  par  mois,  indépendamment  de  beaucoup 
de  fourrages  et.  sans  compter  les  12,000  livres  qu'il  a 
dans  tous  les  temps ,  paix  ou  guerre.  M.  de  Duras  paroit 
un  peu  affligé  de  n'avoir  plus  ce  commandement ,  d'au- 
tant plus  que  c'étoit  une  occupation  et  un  amusement 
pour  lui  qui  lui  valoit  37,000  livres  de  rente,  dont  il  perd 
25^000  livres  ;  c'est  lui  qui  me  Va  dit. 

H.  de  Bissy  vient  d'avoir  un  guidon  de  gendarmerie. 
M.  le  cardinal  de  Bissy  avoit  deux  frères  dont  il  y  en  a 
encore  un  vivant;  Talné  des  deux  a  eu  un  fils,  qui  est 
M.  le  marquis  de  Bissy  d'aujourd'hui,  lequel  a  épousé 
M**'  Chauvelin,  sœur  du  ci-devant  garde  des  sceaux, 
dont  il  a  e^  un  fils  et  une  fille.  La  fille  avoit  épousé  H.  de 
Barbançon,  et  elle  est  morte  ;  le  fils  est  commissaire  de 
la  cavalerie.  L'autre  frère  de  H.  le  cardinal  de  Bissy  a 
eu  un  fils  qu'on  appeloit  le  collatéral ,  qui  est  mort  ^ 
lequel  avoit  épousé  M*^^  de  Langeron  ;  il  en  a  eu  deux 
garçons.  C'est  Talnéde  ces  deux  garçons  qui  vient  d'a- 
cheter le  guidon  de  gendarmerie. 

H.  de  Brézé,  fils  de  M.  de  Dreux  et  maréchal  de 
camp,  vient  d'avoir  une  inspection  d'infanterie  ;  cette 
inspection  est  pour  remplacer  la  direction  de  M.  de 
Nangis  qui  a  été  supprimée.  L'autorité  des  directeurs  et 
des  inspecteurs  est  &  présent  égale ,  et  les  fonctions  les 
mêmes;  mais  les  directeurs  ont  16,000  livres  d'appoin- 
tements et  les  inspecteurs  n'en  ont  que  huit. 

Hilord  Exlfort  [Melfort  j  fut  présenté  hier  par  M.  de 
Verneuil  ;  c'est  un  jeune  seigneur  angloîs  qui  voyage  ; 
il  vient  actuellement  d'Italie  ;  il  a  la  vue  fort  basse  et 
paroit  extrêmement  froid.  M.  de  Verneuil  l'amena  l'après- 
dlnée  chez  M"*  de  Luynes. 

M*"^  de  Rupelmonde  sollicite  beaucoup,  à  ce  qu'il  pa« 
roit,  pour  remettre  sa  place  de  dame  du  palais  à  sa 
belle-fille,  fille  de  M.  le  comte  de  Gramont.  M"®  de  Mailly 
s'est  mêlée  de  cette  affaire  auprès  de  la  Reine ,  et  M*"^  de 


i4i  M£MOIRES  BU'  DUC  DE  LUYI4ES. 

Rupelmonde  a  déjà  remplaoé  M"^  ^  belle-mère^  laquelle 
âe  compte  plus  èti^  oblige  de  suiTre  la  Reine  à  la  co- 
médie; ce  sera  toujours  sa  belle^flUeqmira. 

Le  Roi  ne  tait  aucun  Toyage  cette  semaine  ;  c'est  la  se- 
maine de  M"^  de  Mailly.  C'étoit  aujourd'hui  jour  de 
sermon.  Le  Roi  a  été  à  la  chasse  et  a  dit  qu'il  iroit  au 
sermon  s'il  étoit  revenu  assez  t6t  ;  mais  il  n'est  point  re^ 
venu^  et  la  Reine  y  a  été  seule. 

Du  lundi  20,  VwsaiU$s.  —  Avaut-hier,  M.  de  la  Tré- 
moille  vint  ici  pour  prier  M"*  de  Luynes  de  rouloir  bien 
le  présenter  à  la  Reine  pour  qu'il  fit  son  remerciement.' 
Le  Roi  lui  a  accordé,  sur  la  démission  de  M.  I^  comte 
d'Évreux,  le  gouvernement  de  TIle-de-France,  qui  vaut 
96  ou  27^000  livres  de  rente.  M.  le  comte  d^treùx  aVoit 
un  brevet  de  retenue  de  200,000  livres  ;  le  Roi  a  donné 
le  môme  brevet  à  M.  de  la  Trémoille;  et^  comme  H.  le 
comte  d'Évreux  avoit  assuré  à  M"^^  de  la  Titémoille,  sa 
nièce,  par  son  contrat  de  mariage^  200^000  livres^  cette 
assurance  se  trouve  remplie  par  cet  arrangement^  sans 
qu'il  en  coûte  rien  à  M.  de  la  Trémoille. 

Hier^  M.  de  la  Trémoille  et  M.  de  Yalentinois  vinrent 
ici;  ils  dirent  au  Roi  qu'ails  avoient  été  obligés  de  rompre 
le  mariage  de  M,  de  Monaco  avec  M"*  de  Bouillon.  M.  de 
Velentinois  en  est  au  désespoir;  mais  M.  son  fils  a  un 
attachement  si  violent  (1)  qu'il  n'a  voit  signé  les  articles 


' 


(1)  C*est  pour  une  veuve,  âgée  de  vingt-six  on  vingt-sept  ans,  fort  petite; 
mais  assee  jolie.  M<  de  l>rome»iil ,  neveu  de  M.  Tévéqiiedè  Verdoii,  aveit  en 
aussi  un  grand  attachement  pour  elle;  mais  Tévàiement  ep  fut  difTéreat,  ç»(t 
elle  obligea  M.  de  Droraesnil  de  se  marier,  et  Tod  dit  qu'encore  actuellement, 
quoiqull  ne  Isa  voie  point,  et  qa*it  vive  fort  bien  avec  sa  femme ,  H  a  conservé 
UB  grand  goiftt  pour  elle.  Pour  ce  laariaie-çi^e».  prétend,  qu'elle  s*^ît.  v^tée 
de  le  faire  rompre.  Il  y  a  eu  une  lettre  anonyme  écrite  à  M^^^  de  Bouillon,  à 
son  couvent ,  que  l'on  dit  être  de  sa  composition.  Enfin,  le  lendemain  de  la 
rupture  de  ce  mariage,  elle  vint  ici  poar  tâcher  à^  voir  M.  le  Cardinal  ;  elle 
avoit  apparemment  entendu  parler  de  lettres  de  caeM  ;  elle  d^maodoit  91e, 
s'il  y  en  avoit  une,  ce  fut  [pour]  elle.  Barjac,  à  qui  elle  parla  et  qui  avoit  déjà 
averti  M.  le  Cardinal ,  ne  voulut  jamais  la  laisser  entrer  ;  elle  trouva  M.  de 
HeuilloB  en  retenant  de  VersaiHee;  elle  TaMto  et  diereha  Isrt  à  se  dlsenlttei* 


I  ^n     <■—       *-■ 


MARS  1741.  ^^ 

qu'avec  ladoiileurla  plasamère.  Rien  dans  ce  moment-ci 
n'ayant  été  capable  de  surmonter  cette  passidû ,  M.  de 
Bouillon  a  pris  le  parti  de  rompre.  Cette  aventure  est 
précisément  la  même  que  celle  qui  arriva  à  M.  le  ma- 
réchal de  Chaulnes  d'aujourd'hui;  il  avoit  une  incli* 
nation  violente ,  et  H.  et  li*"^  de  ChevreuBe^  ses  père  et 
mère^  défiiirôient  fort  le  marier;  son  mariage  fut  conclu 
et  arrêté ,  les  articles  signés  avec  M"'  Brûlart ,  depuis 
marquise  de  Charost^  et  aujourd'hui  M^*  de  Luynes.  M.  de 
Ghaulnes,  au  désespoir^  alla  trouver  le  curé  de  l(k  paroisse 
de  M"*  Brèlârt  pour  le  prier  d'avertir  M*'  la  d[uchf  sse  de 
Gboiséul^  sa  mère^  de  l'extrême  affliction  où  il  étoit. 
M*"^  de  Cboiseul  ne  balança  pas  sur  cette  nouvelle  à 
rompre  le  mariage.  M"'  Brùlart  épousa  peu  de  temps 
après  le  fils  aine  de  *M .  le  duc  de  Charost .  < 

Je  croîs  avoir  oublié  de  marquer  ci-dessu^  la  mort 
de  M""'  la  ccHiltesfie  d'Uzès  ;  elle  mourut  à  Paris  à  Phôtel 
d'Uzès,  il  y  a  entiron  un  mois.  M.  le  comte  d'Uzês,  son 
mari,  étoit  i^ère  de  feu  M.  le  duc  d'Uzès  et  de  M"'  la  du^ 
cbesse  d*  Alitin  douairière.  M.  le  duc  d'Uzès^  avoit  époueé 
H'^*  de  BulliôU*,  sœur  de  MM.  de  Fervaques^  de-Sonnel 
et  d'Esclimont;  c^est  M'Ma  duchesse  d'Ussès y  douairière 
d'aujourd'hui,  qui  est  retirée  au  couvent  du  Cherche-Midi, 
à  Paris.  De  ce  mariage  il  reste  trois  enfants  ;  l'rflhé  est 
H.  le  duc  d'Uzès  d'aujourd'hui,  qui  a  épousé  M***  de  la 
Rochefoucauld,  sœur  de  M.  le  duc  de  la  Rochefoucauld  ; 
un  autre  ^rçodjqn'on  appelle  M*  le  comte  d'Uzès,  qui  est 
dans  la  marine;  et  une  fille,  qui  est  M*"*"  la  duchesse  de 

I;    •  '  '  , 

'  ■'  lll|ll<>  !■  |I|I<'m  ■■■■<■-•    ■■■■■»>til  II  !■  I|  ■  I  I  III  II         II  ■  >l<l«>a  I  é>l 

r 

de  la  rupture  du  mariage.  On  a  donné  elTectiveinent  depuis  quelques  jours 
une  lettre  de  cachet  à  M.  de  Monaco  ;  et  un  officier  de  la  connétabiie  Ta  con- 
duit à  la  citadelle  d'Arras.  Ce  n'est  pas  parce  qu'il  n'a  pas  voulu  se  marier, 
mais  parce  que,  n'écoutant  <iu«  la  violenre  ée  sa  passion  et  parlant  comme  un 
kkomme  ivre  ou  qui  a  le  transport  au  cerveau ,  il  a  été  inflexible  aux  larmw 
et  aux  prières  de  JM.  de  Valeotinoi»  et  lui  a  •dit  moue  des  ohbse»  ei^tr^n^e- 
maat  duras.  (Àdditém.fkt  duc  4e  Ittynes,  ^atée.du  26  mars  4741.)  /  ^ 


848  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Vaujoar.  M.  le  comte  d'Uzès  avoit  épousé  M^^'Ameliii  (1), 
qu'il  avoit  aimée  pendant  longtemps,  et  en  secondes 
noces  M"^  le  Bailleul;  c'est  elle  qui  vient  de  mourir. 

M"**  de  Fervaques  a  présenté  ces  jours-ci  M"*  de  Laval^ 
sa  seconde  fille,  mariée  depuis  deux  ou  trois  mois. 
M"*"  de  Fervaques  est  Bellefonds  et  belle-sœur  de  H"^  la 
duchesse  d'Uzès  y  douairière  ;  sa  fille  aînée  est  H"'  la  du* 
chesse  d'Olonne. 

M*^  deL'Hôpiiai  fut  présentée  hier;  ce  fut  M"^'  de 
Luynes  qui  fut  chargée  de  faire  cette  présentation.  Elle 
est  un  peu  parente  de  MM.  de  L'Hôpital.  M'"*'  de  L'Hôpital, 
qui  est  attachée  &  Mesdames  et  femme  de  notre  ambassa- 
deur àNaples,  étoit  aussi  à  cette  présentation.  La  nouvelle 
mariée  est,  comme  je  l'ai  dit  ci*dessus,  fille  de  M.  Eynard, 
grand  maître  des  eaux  et  forêts  de  Touraine. 

Le  Roi  est  parti  ce  matin  pour  Choisy  où  il  restera 
jusqu'à  vendredi.  Il  y  a  à  ce  voyage  beaucoup  d'hommes , 
et  entr'autres  th>is  ou  quatre  qui  n'y  avoient  jamais 
été^  M.  de  Marsan,  M.  deLesparre^  H.  de  Montmorin  et 
M.  deFlamarens;  le  Roi  a  permis  aussi  à  M.  le  comte 
de  Gramont  d'y  aller  ;  il  lui  a  même  dit  qu'il  lui  feroit 
donner  à  manger  en  gras  dans  sa  chambre.  Les  dames 
sont  les  quatre  sœurs^  M°*^  la  maréchale  d'Ëstrées  et 
M"*^  d'Antin. 

Le  Roi  me  dit  hier,  en  sortant  de  son  dîner,  avec 
beaucoup  de  bontés  que  je  proposasse  à  M"*®  de  Luynes 
de  l'y  mener  avec  moi  passer  une  journée  et  souper; 
il  veut  bien  me  permettre  de  lui  aller  faire  ma  cour  de 
cette  façon  tous  les  voyages  de  Choisy.  M""*  de  Luynes  a 
cru  devoir  en  rendre  compte  sur-le-champ  à  la  Reine,  qui 
a  paru  le  trouver  fort  [bon  (2). 


(1)  C'est  la  même  pour  qui  M.  de  Chaulues  avoit  une  si  forte  inclination  et 
qui  fit  manquer  son  mariage  avec  M"'  Brûlart;  elle  eut  de  son  mariage  avec 

M.  le  comte  d*Uzès  quatre  garçons.  {Note  du  duc  de  Luynes.) 

(2)  Nous  y  fAmes  jeudi  dernier.  Le  Roi  chargea  M.  de  Ck>igny  de  lui  fair 


MABS  1741.  S4f 

Du  mardi  21  ^  Versailles.  —  Les  comédies  sont  ici  finies  ; 
la  dernière  fut  jeudi  de  la  semaine  passée  ;  elles  ne  re- 
commenceront plus  qu'à  Fontainebleau  ou  dans  le  lieu 
où  la  Cour  sera  au  mois  de  septembre  ou  octobre  ;  car 
le  voyage  de  Fontainebleau  parolt  un  peu  incertain  ;  le 
Roi  même  aditque,  s'il  y  alloit^  il  y  seroit  peu  de  temps. 

Il  y  a  déjà  quinze  jours  ou  trois  semaines  que  H.  de 
Lujac^  venant  de  Paris  à  Versailles  avec  milord  Melfort^ 
sur  les  cinq  ou  six  heures  du  matin ,  trouva^  entre  Bil- 
lancourt et  le  pont  de  Sèvres ,  sur  le  grand  chemin ,  un 
homme  qui  avoit  la  cuisse  cassée  et  trois  coups  d'épée 
dans  le  corps;  ils  avertirent  à  Sèvres  qu'on  allât  prendre 
cet  homme  ;  on  l'apporta  à  Sèvres^  où  il  est  mort  deux 
jours  après.  Cette  même  nuit,  M.  de  Belzunce^  venant  de 
Paris  à  Versailles  et  dormant  dans  son  carrosse  à  quatre 
chevaux,  trouva,  à  cequ'ont  rapporté  ses  gens,  un  homme 
qui  se  jeta  aux  chevaux  du  postillon,  et,  ne  pouvantles  ar- 
rêter, voulut  arrêter  ceux  du  timon,  ce  qui  ne  lui  réussit 
pas  mieux.  On  juge  que  c'estle  même  homme  à  qui  le  car^ 
rosse  avoit  cassé  la  cuisse.  Le  blessé  a  dit  que  c'étoit  en 
voulant  monter  derrière  un  carrosse  que  cela  lui  étoit 
arrivé  et  que  c'étoit  trois  soldats  aux  gardes  qui  lui  avoient 
donné  les  coups  d'épée.  On  a  jugé  que  les  trois  soldats 
aux  gardes  étoient  des  voleurs,  et  que  le  blessé  étoit  de 
leur  compagnie;  les  soldats  se  sont  enfuis.  H.  de  Lujac 
a  été  officier  au  régiment  du  Roi  et  est  présentement 
capitaine  de  dragons  dans  le  régiment  de  la  Suze.  J'en  ai 
déjà  parlé  plus  haut  (c'est  le  5  septembre  1740)  ;  il  a  été 


Toir  toute  la  maison,  et  il  la  mena  ensuite  lui-même  dans  tout  le  jardin.  Lors- 
qu'il entre  ou  qu'il  sort  du  cabinet  où  se  tient  la  compagnie,  il  ne  veut  pas 
absolument  que  les  dames  se  lèvent,  et  même  lorsque  les  bommes  jouent  et 
qu'ils  veulent  se  lever,  il  leur  ordonne  de  rester  assis  ;il  parott  qu'il  désire  que 
tout  le  monde  y  soit  à  son  aise  et  s'y  amuse.  Si  quelqu'une  des  princesses  veut 
faire  gras  dans  sa  cbarobre,  on  lui  en  donne,  mais  pour  elle,  et  le  matin  seule- 
ment; car  à  la  table  du  Roi ,  et  le  soir  et  le  matin,  on  n'y  sert  que  du  mai- 
gre. (Addition  du  dw  de  Luynes,  datée  du  25  mars  1741.  ) 


U»  MÉMOIRES  »U  OVÇ  96  LUYNES. 

depuis  à  fierUnav^  M.  dt  Beauvau*  lieK^i  coottnii^  à 
avoir  beaucoup  de  bontés  pour  lai.  M.  cie  Belzoace  est 
CastelmoroD  ;  il  est  grand  louTetier  par  son  mariage  avee 
M'^'d^Heudicourt. 

Du  samedi  25 ,  Yersailles.  —  MM.  les  maréchaux  de 
France  allèrent  jeudi  dernier  à  la  connétablie.  C^est  une 
juridiction  au  Palais  où  ils  ont  droit  de  siéger  et  où  il  y 
avoit  longtemps  qu'ils  n'avoient  été  ;  ils  .  étoient  di;;^ ,  et 
c'est  tout^  car  il  y  en  a  quatre  d'absents  • 

Jeudis  pendant  que  j'étois  à  Cboisy  ,^M.  de  Duras  >  qui 
étoit  allé  à  Paris  le  matin  pour  la  connétablie,  revint  à 
Choisy  et  dit  que  M.  le  duc  de  Gramont^  reven^t  de  voir 
sa  maison  qu'il  fait  bâtir  près  de  Monceaux»  avoit  trouvé 
à  Heaux  un  courrier  envoyé  à  H'"''  la  duchesse  d'Orléans 
par  M'"*'  la  duchesse  de  Lorr^ne  pour  lui  porter  la  nou«- 
velle  que  la  reine  de  Hongrie  étoit  accouchée  d'un  garçon. 
Cette  nouvelle  se  disoit  dès  la  veille  à  Paris.  Le  Roi  nous 
dit  qu'il  n'en  savoit  encore  rien.  Un  moment  après ,  il 
reçut  un  billet  fort  court  de  M.  le  Cardinal^  qui  lui  man- 
doit  la  même  nouvelle ,  mais  qu'il  ne  savoit  encore  que 
par  le  même  courrier  dont  je  viens  de  parler.  Cet  enfant 
s'appelle  Charles-Louis- Joseph.  On  lui  a  donné  la  Toison 
d'or  en  venant  au  monde.  C'est  un  grand  événeinent  qui 
ne  rend  pas  le  droit  de  la  reine  de  Hongrie  meilleur, 
mais  qui  le  rend  plus  favorable. 

Du  mercredi  29,  Versmlles.  *-^  M.  de  Riom  mourut  il  y 
a  quelques  jours  ;  il  avoit  été  attaché  à  feu  M"Ma  du- 
chesse de  Berry  ;  et  l'on  sait  même  que  cette  princesse 
avoit  de  très-grandes  bontés  pour  lui.  C'étoit  un  homme 
aimable,  qui  vivoit  depuis  longtemps  avec  un  certain 
nombre  d'amis,  aimant  fort  son  plaisir  et  la  bonne  chère; 
il  ne  veupit  point  ici;  il  jouissoit  d'environ  40,000  livres 
de  rente,  sur  quoi  il  y  avôit  beaucoup  de  viager.  Il  avoit 
le  gouvernement  de  Cognac,  qu'il  avoit  vendu  à  M.  de 
Richelieu  et  depuis  racheté.  Ce  gouvernement  lui  valoit 
environ  12,000  livres  de  rente  par  les  augmentaiiions 


yil'oa  y  «voit  aus6$  pradajit  la  |t4gpilfa«*  Oa«r^  fu'o» 
le  supprimefia  ou  qu'on  le  remettra  sur  Tào^apied»  qui 
est  4,000  li vr^8«.  Il  u'f  a  4^iieore  rien  de.  <lécidé. 

Le  Roi  futau  seraioB  âioaauebe  dernier.  M*"*" de  Mailly 
et  M""*  de  Vi&timiUe  étoieat  eu  haut.  Le  Roi  remonte  par 
lé  petit  escalier^  et  ^Ues  se  trouveat  toujours  à  soû  path 
sage. 

La  Reine  n'a  point  jôu4  c^s^rois  jours-ci»  «t  ne  jouera 
point  d'ici  à  Pâques  ;  elk  travaille  avec  ses  dames  et  ne 
voit  que.  les  entrées. 

On  ne  parle  plus  de  l'affaire  des  [H^inoes  du  sang  «t 
des  légitimés;  il  parolt  cependant  que  les  choses  sont 
toujours  au  même  point.  MaçiemoiseUe  vint  ici  il  y  a 
deux  jours  et  y  resta  cinq  heures  de  suite ,  «ntre  M"*^  de 
Luynas  et  moi  ;  elle  nous  parla  toujours  de  pette  affaire 
et  surtout  de  la  peine  où  elle  étoit  que  M""^  la  comtesse  de 
Toulouse  eût  pu  croire  qu'elle  eût  eu  de  mauvais  pro- 
cédés pour  elle  dans  cette  occasion.  Elle  prétend  qu'ayant 
toujours  été  fort  amie  de  M.  le  comte  et  de  M"*^  la  com-^ 
tesse  de  Toulouse  >  et  en  particulier  de  M*"""  la  comtesse 
de  Toulouse  avant  son  mariage  »  elle  les  avoit  déjà  ea^ 
tendu  raisonner  l'un  et  l'autre  (à  la  vérité  d'une  façoa 
éloignée  )  sur  cette  affaire^  et  qu'elle  leur  avoit  toujourâ 
parlé  même  sur  les  difficultés  qu'ils  y  renooatreroient.  ' 
Elle  ajoute  que  M.  le  comte  de  Toulouseii  dans  le  taœps  de 
son  mariage,  lui  avoit  dit  qu'une  des  choses  qui  lui  fai** 
soit  plaisir,  c'est  qu'il  ne  comptoit  point  avoir  d'enfants  ; 
et  que  depuis  la  naissance  de  M.  de  Penthâè^re  ,  il  loi 
avoit  dit  qu'il  désiroit  de  garder  celui-là ,  puisque  Dieu 
le  lai  avoit  donné,  mais  qu'il  ne  soub^toit  point  en  avoir 
d'autres  ;  que  M*"  ^  la  comtesse  de  ;Toulouse9  dès  les  pre<^. 
miers  temps  qu'elle  songea  à  demander  cm  rang  pour  les 
enfants  de  so^  ûls,  lui  en  avoit  parlé ,  et  qu'elle  lui  avoit 
toujours  répondu  que  le  meilleur  moyen  d'entamer  cette 
affaire  étoit  d'agir  de  concert  avec  les  princes  du  sang; 
que  M"^  la  comtesse  de  Toulouse  lui  avoit  dit  sur  cela 


UÈ  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTHES. 

qaVUe  en  avmt  déjà  parlé  à  M.  le  comte  de  Charolois,  qui 
loi  avoit  conseillé  de  faire  faire  un  mémoire  i  deux  co- 
lonnes ;  dans  Tnne,  de  mettre  les  honneurs  et  les  préro- 
gatives dont  jouissent  les  princes  du  sang^  et  dans  Tantre 
tout  ce  qu'eue  (M*^  la  comtesse  de  Toulouse)  imagineroit 
pouvoir  demander^  parce  qu'après  cela  l'on  verroit  quelle 
seroit  la  façon  de  penser  des  princes  du  sang ,  et  qu'en 
conséquence  on  pourroit  retrancher  ce  que  l'on  jugooit 
à  propos;  que  M.  le  comte  de  Charcdois  avoitdit  i  IP*  la 
comtesse  de  Toulouse  qu'il  ne  croyoit  pas  que  cette  en- 
treprise fût  fort  difficile ,  que  M.  le  duc  d'Orléans  n'y 
mettroit  point  d'obstacle  et  qu'il  ne  croyoit  pas  que  l'on 
en  trouvât  de  la  part  de  M.  le  comte  de  jClermont.  Ma- 
demoiselle ajouta  encore  qu'elle  avoit  demandé  avec  ins- 
tance à  voir  le  mémoire  et  qu'après  l'avoir   attendu 
plusieurs  jours,  enfin  H.  de  Lalau  (1)  (qu'elle  croit  avoir 
été  le  principal  conseil  de  M*'  la  comtesse  de  Toulouse 
dans  cette  afEadre)  lui  avoit   apporté  ledit  mémoire; 
qu'elle  lui  avoit  fait  plusieurs  observations  sur  des  de- 
mandes qui  ne  paroissoient  pas  raisonnables^  mais  qu'elle 
avoit  demandé  à  le  garder  pour  le  montrer  à  H.  le  comte 
de  dermont  et  pouvoir  s'instruire  davantage  ;  que  M.  de 
Lalau  n'avoit  jamais  voulu  laisser  le  mémoire ,  disant 
qu'il  y  falloit  faire  quelque  changement  et  qu'il  lui  en 
donneroit  une  copie;  que  depuis  ce  temps  elle  n'avoit 
jamais  pu  le  ravoir;  que  M"*  la  comtesse  de  Toulouse , 
avec  qui  elle  en  avoit  raisonné ,  l'avoit  priée  d'en  parler 
toujours  à  M.  le  comte  de  dermont.  Quoique  Mademoi- 
selle sentit  que  cela  étoit  inutile  sans  le  mémoire ,  elle 
s'y  étoit  enfin  déterminée^  et  que  M.  le  comte  de  der- 
mont lui  avoit  répondu  qu'on  ne  pouvoit  rien  dire  de 
précis  sans  voir  les  demandes  ;  qu'il  se  prèteroit  volon- 
tiers à  ce  qui  ne  préjudicieroit  point  aux  princes  du  sang. 


(1)  Qui  est  attadié  à  M.  le  duc  de  PenUiièYre;  je  crois  qu'il  est  secrétaire 
des  coromaBdeincnts.  {Noie  du  dnc  de  Lupies.) 


î 


MARS  1741.  353 

* 

mais  qu'il  falloit  qu'il  consultât  et  s'instruisit  lui-même. 
Mademoiselle  dit  qu'elle  rendit  cette  réponse  à  M""'  la 
comtesse  de  Toulouse,  et  qu'elle  lui  fit  en  même  temps 
observer  les  changements  qu'elle  croyoit  nécessaire  de 
faire  au  mémoire,  sur  ce  qu'elle  se  souvenoit  d'en  avoir 
entendu  lire  ;  que  M"*'  la  comtesse  de  Toulouse  lui  avoit 
répondu  qu'elle  ne  pouvoity  rien  changer,  parce  qu'elle 
Tavoit  communiqué  à  M"'  la  duchesse  d'Orléans  et  à 
W^  la  duchesse  du  Maine^  qui  en  étoient  contentes.  Dans 
la  suite  de  cette  affaire ,  M.  le  comte  de  Charolois  ,  étant 
venu  voir  Mademoiselle ,  elle  lui  fit  quelques  reproches 
des  conseils  qu'il  avoit  donnés  à  M"®  la  comtesse  de  Tou- 
louse, et  lui  fit  sentir  que  plusieurs  des  demandes  conte- 
nues dans  le  mémoire  étoient  insoutenables.  Sur  cela, 
M.  le  camte  de  Charolois  lui  dit  qu'il  ne  vouloitse  brouil- 
ler ni  avec  les  princes  du  sang  ni  avec  les  légitimés  ;  que 
comme  on  lui  avoit  dit  que  ce  mémoire  devoit  être 
communiqué  aux  princes  du  sang ,  il  n' avoit  point  fait 
de  difficulté  de  conseiller  que  Tony  mit  tout  ce  qui  vien- 
droit  dans  l'esprit ,  parce  que  les  princes  du  sang  en  ju- 
geroient,  et  que  pour  lui  il  n' avoit  que  sa  voix  comme  les 
autres.  Sur  cela.  Mademoiselle  lui  dit  qu'il  falloit  donc 
qu'il  s'expliquât  plus  naturellement  avec  M™^  la  comtesse 
de  Toulouse.  M.  de  Charolois  suivit  exactement  ce  conseil, 
et  alla  parler  à  M"®  la  Comtesse.  Quelques  jours  après , 
H.  de  Lalau  vint  voir  Mademoiselle,  et  lui  raconta  presque 
mot  à  mot  la  conversation  de  M.  le  comte  de  Charolois 
avec  M"""  la  Comtesse,  où  il  avoit  dit  les  mêmes  choses  que 
Mademoiselle  lui  avoit  conseillé  de  dire.  Mademoiselle 
continuoit  à  parler  à  M.  le  comte  de  Clermont,  lequel  plus 
instruit  lui  dit  que  les  demandes  des  légitimés  étoient  trop 
préjudiciables  aux  princes  du  sang  pour  qu'ils  ne  s'y  op- 
posassent pas  de  tout  leur  pouvoir.  Mademoiselle  rendit 
cette  réponse  à  M"®  la  comtesse  de  Toulouse,  qui  en  fut 
extrêmement  affligée.  Continuant  cependant  à  raisonner 
at'ec  Mademoiselle  sur  ce  qu'elle  pourroit  demander,  elle 
T.  m.  23 


364  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

lui  dit  entité  autres  choses  qu'elle  ne  croyoit  pad  que  l'on 
refusât  aux  enfants  de  M.  le  duc  de  Penthièvre  d'assister 
au  banquet  royal ,  puisque  M"**  de  Verneuil  y  avoit  as- 
sisté. Mademoiselle ,  peu  instruite  et  du  banquet  royal  et 
de  M"**  de  Verneuil,  demanda  à  M"**  la  Comtesse  qui  étoit 
M"'  de  Verneuil ,  et  ayant  su  qu'elle  étoit  belle-fille  de 
Henri IV,  elle  lui  dit  queceseroit  tout  au  plus  elle  (M**  la 
Comtesse)  qui  pourroit  demander  le  banquet  royal 
comme  étant  belle-fille  de  Louis  XIV.  Depuis,  MademoU 
selle  s'informa  du  fait  plus  exactement,  et  sut  que  M.  de 
Verneuil,  fils  légitimé  de  Henri  IV,  n'avoit  jamais  eu  au- 
cuns honneurs,  que  par  conséquent  M**  de  Verneuil  (1), 
sa  veuve,  n'en  pou  voit  prétendre  aucun;  mais  qu'au  ma- 
riage de  M"*  de  Blois ,  qui  est  M"®  la  duchesse  d'Orléans 
d'aujourd'hui ,  le  Roi  ayant  voulu  faire  une  grande  cé- 
rémonie et  n'y  ayant  personne  pour  porter  la  mante  de 
M**"  de  Blois ,  parce  que  les  princesses  ni  les  duchesses 
ne  pouvoient  s'y  résoudre ,  et  que  n'y  ayant  plus  de  ses 
sœurs  qui  ne  fût  mariée  (  M"*  la  princesse  de  Conty  et 
M"*  la  Duchesse  première  douairière  l'étoient),  on  avoit 
proposé  au  Roi  M"®  de  Verneuil ,  disant  qu'elle  seroit 
très-flattée  de  cet  honneur  s'il  vouloit  bien  l'admettre  au 
banquet  royal  ;  ce  qui  avoit  été  exécuté.  Mademoiselle 
dit  que  M""*  la  comtesse  de  Toulouse,  avertie  par  elle  de 
toutes  les  difficultés,  avoit  toujours  persisté  dans  son 
sentiment,  et  que  les  princes  du  sang ,  voyant  qu'on  ne 
leur  communiquoit  point  les  demandes  et  ayant  su  même 
qu'on  vouloit  prendre  le  parti  d'obtenir  directement  du 


(1)  £tle  8*appel<Mt  Chariotte  Séguier;  elie  étoit  yeuve  de  Françds  de  Bé- 
thune,  troisième  du  uom,  duc  de  Sully,  et  liUede  Pierre  Séguier,  chancelier 
de  France.  Le  duc  de  Verneuil,  qui  étoit  né  en  1601,  avoit  été  d'abord  abbé 
de  Saint-Germain  des  Prés  et  de  plusieurs  autres  abbayes.  Il  fut  fait  cheva- 
lier de  rordre  en  1662  et  pair  de  France  en  1663.  11  fut  ambassadeur  en  An- 
gleterre en  1660,  et  mourut  en  1682,  sans  enfants.  11  se  maria  en  1668,  et  sa 
yeuve  mourut  en  l704.  M.  de  Verneuil,  avant  son  mariage,  avoit  porté  aussi 
le  titre  d'évêqu<*  de  Metz.  (Ao^c  du  duc  de  Lupnes,)  ^ 


MARS  1741.  asâ 

hiÀ  e«  qu'où  désiroit^  s'étoient  enfin  déteMminéit  à  dotin^r 
deux  mémoires,  Tan  au  Roi,  Tautre  à  M.  le  Cardinal.  Ce 
fut  H.  le  prince.de  Conty  qui  donna  le  mémoire  directe* 
ment  au  Roi  ;  je  Tai  marqué  ci-devant;  ce  mémoire  n'est 
pas  signé.  PourceluiqueM.  lecomtede  Clermonta  donné 
à  M.  le  Cardinal,  il  est  signé  de  M""^  la  Duchesse,  de  M.  le 
comte  de  Clermont,  de  M""^  la  princesse  dé  Coniy,  de  Hade^ 
moiselle,  de  H^^*  dé  Clermont,  de  M.  lô.  prince  de  Conty 
et  de  M"*  de  la  Roche-sùr-Yon.  Mais  M.  le  comte  de  Cler- 
mont montra  le  mémoire  avec  les  signatures  à  M^  le  Car^ 
ditial,  et  ne  lui  en  laissa  qu'une  copie*  Mademoiselle  dit 
qu'il  lui  paroit  que  les  griefs  de  M"**^  la  comtesse  de  Tou- 
louse contré  elle  sont  de  l'avoir  engagée  dans  cette  af- 
faire ,  d'avoir  fait  changer  de  langage  à  M.  le  comte  de 
Charolois,  d'avoir  excité  M.  le  comte  de  Clermont^  par  de 
longues  et  fréquentes  conversations ,  à  se  déclarer  forte- 
ment Contre  elle,  et  enfin  d'à  Voir  pris  le  parti  elle-même 
contre  M.  le  duc  de  Penthièvre.  M*"  la  comte8$e  de  Tou- 
louse ajoute  qu'elle  a  cette  affaire  à  cœur^  principale- 
ment parce  que  c'étoit  tout  le  désir  de  M.  le  comte  de 
Toulouse ,  qu-il  lui  avoit  même  recommandé  en  mou- 
rant, et  qu'il  en  étoit  si  fort  occupé  que  lorsqu'un  gen- 
tilhomme ordinaire  du  Roi  vint  de  sa  part  savoir  de  sds 
nouvelles,  il  le  pria  de  demander  à  M.  le  Cardinal  de  vou- 
loir bien  se  Souvenir  de  cette  affaire  ;  et  que  lorsque  le 
Roi  vint  lui^^mônie  de  Fontainebleau  à  Rambouillet,  il  lui 
auroit  parlé  de  cette  affaire  si  H.  le  Cardinal  ne  l'en  eût 
empêché.  Mademoiselle  répond ,  Ou  que  M.  le  comte  de 
Toulouse  n'auroit  pas  entrepris  cette  affaire^  ou  ne  l'au- 
roit  pas  conduite  comme  elle  l'a  été  ^  qu'elle  en  pouvoit 
juger  par  les  fréquentes  conversations  qu'elle  avoit  eues 
avec  lui  ;  que  le  gentilhomme  ordinaire. ne  fut  chargé  de 
dire  autre  chose  à  M.  le  Cardinal,  sinon  que  M.  le  Comte  le 
prioitdese  souvenir  de  ce  qu'il  savoit  bien^  et  que  lorsque 
leRoivintà  Rambouillet,  M.  le  Comte  demandaàM.le  Car- 
dinal s'ilparleroit  au  Roi,  lui  disant  qu'il  craignoit  des'at- 

23. 


395  MEMOIRES  BU  DUC  DE  LUTTHES. 

toi^îr^ei  que  M.  le  CardiTial  lui  a^oitditqa^ilss'a^keiiân- 
f  oient  tous  deux;  mai»  qull  n'avoit  été  question  (Taiseim 
détail.  Orfà  Uégard  d^ entreprendre  ïdtBaire  y  que  W*  la 
eocotease  de  Tooloose  lui  avoit  eomnwiniqaé  ses  idée»  et 
qu'elle  lui  avoit  cooseilLé  de  eonaalter  les  princes  dn 
aang  y  et  qa^elle  avoit  Toula  se  charges  de  leur  flïoatrer 
le  mémoire  ;  qu'an  Ken  de  cela  y  on  n'avoit  jamais  Tcmln 
lai  remettre  le  dit  mémoire,  et  qu'on  Favoit  cofnmumqaé 
pendant  ce  temfps-Ia  à  M^  la  dndiesBe  d'Orléans  et  à 
IP*  la  duchesse  du  Haine,  et  que  Le  résultat  avoît  été  de 
direqu'^onne  poavoit  rien  changer.  Qa^à  l'égard  de  M.  de 
Charoloisr  voyant  qu'il  lui  parlait  d'une  &eon  différente 
de  celle  qu^il  avoit  parlé  à  M'"'  la  Comtesse^  et  qoe  cela  ne 
serrcMt  qu'à  les  tromper  toutes  dens,  elle  faû  avait  eoo- 
seillé  de  lui  parler  vrai  et  natnreUement;  que  pofor  M.  le 
comte  de  Clermont,  il  est  vrai  qu^elle  Tavoît  vn  très-son- 
vent  ,  mais  qn^elle  avoit  toujours  tâché  de  le  porter  aux 
eiLpédients  de  conciliation ,  et  qn^elle  Favoit  même  ent- 
péché  longtemps  de  donner  son  mémoire  ;  que  pour  la 
signature  de  ce  mémoire,  elle  ne  Favoit  £ûte  qn^après  en 
avmr  écrit  à  M"^  la  Comtesse,  et  qn^eUe  ne  eroyoit  pas  qne 
M"*"  la  Comtesse  eut  pu  le  désapprouver  après  ce  qui  s'é^ 
toit  passé  an  sujet  des  lettres  patentes  pour  la  tutelle  de 
M.  le  duc  de  Penthièvre;  qne  les  princes  dn  sang  faisant 
de  grandes  opposîticMis  aux  dites  lettres  patentes ,  M""  la 
comtesse  de  Toulouse  lui  avoit  dit  à  elle-même  qu'elle  la 
prioit  de  ne  rien  faire  dans  cette  occasion  qui  pût  la 
brouiller  avec  sa  famille,  et  que  sk  elle  ne  ponvoit  pas  de- 
meurer neutre,  elle  ne  seroit  point  peînéesi  elle  se  joignoit 
aux  antres  contre  elle.  Enfin  Mademoiselle  ajoute  qu^elle 
a  toujours  parlé  de  la  même  façon  et  avec  la  même  vé- 
rité à  M"*'  la  Comtesse  dans  toute  cette  affaire. 

Mademoiselle  nous  dit  plusieurs  antres  circonstances  du 
vivant  deM.  le  Duc,  son  frère,  sur  cetteaffaire,  entre  autres 
que  quoiqu'elle  fût  médiocrement  bien  avec  loi ,  parce 
qu'il  la  regardoit  comme  fort  attachée  aux  intérêts  des 


MARS  1741.  Zôt 

légitimés,  elle  s'étoit  chargée  cependant  de  savoir  de 
M.  le  Duc  ce  qu'il  pensoit  que  les  légitimés  poùvoienl  de- 
mander pour  leurs  enfants;  mais  que  M.  le  Duc  lui  avoit 
toujours  répondu  qu'il  se  garderoit  bien  de  leur  donner 
cet  avantage ,  qu'ils  en  profiteroient  pour  demander  en- 
core beaucoup  plus. 

Mademoiselle  nous  ajouta  encore  qu'elle  savoit  positi- 
vement qu'en  1727,  pendant  l'exil  de  M.  le  Duc  à  Chan- 
tilly, les  légitimés,  qui  regardoient  ce  temps  comme  fa- 
vorable,'avoient  formé  les  mêmes  demandes,  et  que  M.  le 
Cardinal,  ayant  voulu  s'instruire  à  fond  sur  cette  affaire, 
avoit  consulté  sept  ou  huit  hommes  de  loi ,  et  que  tous 
leurs  avis  avoient  été  contre  les  légitimés;  que  M.  le 
Cardinal  en  avoit  rendu  comte  au  Roi  dans  ce  temps-là. 
Elle  dit  que  c'est  M.  le  Cardinal  qui  lui  a  conté  ce  détail. 

Mademoiselle  nous  dit  encore  qu'elle  avoit  renvoyé 
depuis  peu  de  jours  à  M'"®la  comtesse  de  Toulouse  des  dia- 
mants qu'elle  avoit  à  elle  depuis  longtemps,  et  dont  elle 
ne  faisoit  point  d'usage  ;  que  cela  avoit  fait  une  nouvelle 
fort  mal  à  propos;  qu'elle  avoit  été  la  veille  chez  M'""  la 
comtesse  de  Toulouse  pour  lui  en  parler  et  que,  n'ayant 
pu  la  voir,  elle  l'avoit  fait  prier  de  lui  envoyer  une  de 
ses  femmes  pour  lui  remettre  ses  diamants;  que  le  len- 
demain M™'  la  Comtesse  étoit  venue  chez  elle  pour  lui  en 
parler,  et  qu'elle  lui  avoit  répondu  qu'ayant  été  douze 
ou  quinze  jours  malade,  pendant  lequel  temps  elle  s'é- 
toit contentée  d'envoyer  savoir  de  ses  nouvelles  sans  la 
venir  voir,  quoiqu'elle  fût  venue  à  sa  porte  chez  M"*®  de 
Villars  (1),  elle  avoit  cru  ne  devoir  pas  garder  plus  long- 
temps les  diamants. 

(0  Voy.  Fart,  du 26 septembre  1740.  (Note  du  duc  de  Luynes.) 


S58  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

AVRIL. 

GouTernement  de  Cognac  donné  ^au  ohefalier  d'Allemans.  —  La  semaûM 
lainte.  —  Bruits  sur  le  roi  de  Prusse.  --  Mort  du  prince  de  Carignan  et 
de  Mn«  de  Cbatais.  ^  Maisons  de  jeux  du  prince  de  Carignan  et  du  duc  de 
Gesvres.  —  Opinion  du  cardinal  de  Fleury  sur  l'alliance  a^ec  FEspagne; 
proposition  faite  à  Louis  XIY  au  sujet  de  la  couronne  d'Espagne.  —  Pre- 
mière communion  du  Dauphin.  —  Équipages  de  M.  de  Belle -Isle  brûlés  à 
Francfort;  prudence  de  ses  domestiques.  —  Mort  de  M.  de  Yassé  et  du 
cheyalier  de  GesYres.  —  M.  de  Castro-Pignano.  —  M.  de  Bombarde.  — 
Présent  fait  k  W^"  de  Mailly.  —  Audience  du  bailly  de  Froulay.  ^  Régi- 
ments donnés.  —  Af .  de  CbauTelin.  —  Le  jubilé  non  publié  en  France.  -^ 
Girandole  de  cristal  achetée  par  le  Roi.  —  Les  jeux  interdits,  même  dans 
les  Maisons  royales:  ->  Combat  de  quatre  vaisseaui  français  contre  sfx 
anglais,  y—  Mort  de  M"**  de  Bonneval  et  de  M™**  de  Courten? aux.  r-  Ba< 
taille  de  Molwitz.  —  Mort  de  M.  de  Camas. 

Du  samedi  V%  Versailles,  —  Le  gouvernement  de 
Cognac  a  été  donné  avarit-hier  à  M.  le  chevalier  d'AUe- 
rnansy  lieutenant-cx>lonel  du  régiment  du  Roi.  M.  d'Alla- 
mans  est  homme  de  beaucoup  de  mérite^  qui  sert  depuis 
longtemps  et  fort  estimé.  Il  a  reçu  en  Italie  une  blessure 
considérable  à  la  tête,  et  il  demandoit  à  se  retirer.  Il  alla 
trouver  M.  de  Maurepas  lorsqu'il  sut  le  gouvernement 
de  Cognac  vacant.  Dans  quelque  département  que  ce 
soit,  lorsqu'il  y  a  une  garnison,  quand  même  elle  nese- 
roit  que  dlnvalides,  c'est  le  secrétaire  d'État  de  la  guerre 
qui  s'en  mêle  ;  mais  lorsqu'il  n'y  a  point  de  garnison,  il 
faut  s'adresser  au  secrétaire  d'État  dans  le  département 
duquel  est  le  gouvernement;  et  comme  l'Angoumois  est 
du  département  de  M.  dç  Maurepas ,  M.  d'AUemans  alla 
le  trouver  et  lui  dit  qu'il  comprenoit  bien  que  l'on  re- 
garderoit  ce  gouvernement  comme  trop  considérable 
pour  lui ,  mais  qu'il  étoit  aisé  de  le  diminuer;  qull  ne 
savoit  point  quelle  étoit  Tintention  de  M.  le  Cardinal 
par  rapport  à  lui,  ni  ce  qu'on  vouloit  lui  donner  pour  sa 
retraite;  qu'il  seroit  content  des  arrangements  qu'on  ju- 
geroit  à  propos  de  faire.  H.  de  Maurepas  lui  dit  que 
cette  façon  de  penser  étoit  très-raisonnable ,  qu'il  lui 


AVRIL  i74i.  369 

conseilloit  d* aller  sur-le-champ  parler  à  M.  le  Cardinal. 
M.  d'AUemans  suivît  ce  conseil,  et  fut  fort  bien  reçu  de 
M.  le  Cardinal,  qui  lui  dit  de  donner  un  mémoire  à  M.  de 
Maurepas  sur  ce  qu'il  proposoit.  L.e  soir  M,  de  Maurepas 
travailla  avec  le  Roi ,  en  présence  de  M.  le  Cardinal , 
comme  c'est  l'usage  ,  et  l'affaire  fut  décidée.  On  a  réduit 
le  gouvernement  à  6,000  livres  (1)*  J'avois  ouï  dire  que  ce 
gouvernement  valoit  12,000  livres  à  M.  de  Riom;  mai$ 
on  m'a  assuré  qu'il  n'étoit  que  de  8,000  livres  et  1,900 
livres  d'émoluments.  Ce  gouvernementn'a  jamais  été  aug- 
menté; c'est  ce  qui  rend  ce  retranchement-ci  plus  digne 
de  remarque. 

Le  Roi  dit  hier  au  petit  Froulay,  fils  de  l'ambassadeur 
à  Venise  et  neveu  du  bailli,  que  le  grand  maître  avoit 
nommé  le  bailli  de  Froulay  son  ambassadeur  en  France» 
J'ai  déjà  marqué  ci^dessus  que  cette  ambassade  ne  vaut 
que  2,000  écus  d'appointements;  mais  le  grand  maître  y 
joint  toujours  une  bonne  commanderie. 

Il  n'y  a  eu  rien  de  particulier  à  la  cène,  jeudi.  Ce  fut  le 
P.  Imbert,  théatin,  qui  prêcha  à  celle  du  Roi  ;  on  fut  très- 
content  de  son  sermon.  A  la  cène  delà  Reine  ^  il  y  ?ivoit 
Mesdames,  M"®  de  Clermont,  M™*' les  duchesses  d'Ancenis, 
de  Boufflers,  de  Villars,  d'An  tin,  de  Tesgé  et  deChâtillon  ; 

les  dames  non  titrées  étoient  M"**  de M.  le  duc  de 

Charost  avoit  eu  quelque  embarras  par  rapport  au  rang 
où  devoit  marcher  M"*  de  Tessé ,  parce  que  les  grandes 


(1)  J'ai  appris  anjourdliui  que  ce  gouvernement  n'avoit  point  été  diminué; 
il  est  vrai  que  le  chevalier  d'Âliemans  l'avoit  demandé  en  se  soumettant  à  telle 
condition  que  M.  ie  Cardinal  jugeroit  à  propos  ;  mais  on  s'est  contenté  de  lui 
retranciier  2,200  livres  de  pension  qu'il  avoit ,  et  on  a  laissé  subsister  le  gou- 
vernement tel  qu'il  a  toujours  été.  Le  chevalier  d'AUemans  m'a  dit  que  les 
appointements  étoient  de  8,000  livres ,  mais  qu'ils  n*en  valoient  réellement 
que  7,000,  à  cause  de  ce  que  l'on  retient;  mais  que  les  émoluments,  qui  n'é- 
toient  estimés  que  1,900  livres,  valoient  réellement  3,000  livres.  Les  10,000 
livres  de  Cognac,  joints  à  1,000  écus  qu'il  a  du  cordon  rouge  et  600  livres 
sur  la  cassette,  font  13,600  livres  de  bienfaits  du  Roi.  (  Addition  du  duc  de 
Luynes,  datée  du  9  fvrll  174).) 


Seo  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYWES. 

d'Espagne  marchent  avec  les  duchesses ,  suivant  la  date 
de  leur  réception;  cela  ne  fut  pas  observé  exactement; 
elles  marchèrent  dans  le  rang  que  j'ai  marqué.  M°**  de 
Montauban  et  H"*  de  Rupelmonde  n'y  étoient  point  ;  la 
première  ne  veut  jamais  s'ytrouver^  et  la  seconde  le 
moins  qu'elle  peut. 

Il  n'y  eut  point  de  grand  couvert  ce  jour-là,  à  cause  de 
la  cène  de  la  Reine. 

Vendredi  saint,  le  service  comme  à  l'ordinaire  et  l'a- 
doration de  la  croix.  M.  le  Dauphin  y  étoit  ;  ce  fut  lui 
qui  donna  l'offrande  au  Roi.  Il  y  a  voit  M.  le  duc  de 
Chartres^  M.  le  prince  de  Dombes  ^  H.  le  comte  d'Eu  et 
M.  le  duc  de  Penlhièvre.  Mesdames  n'y  étoient  points  ni 
aucune  princesse.  Ce  fut  M"'  de  Luynes  qui  donna  l'of- 
frande à  la  Reine.  C'est  le  clerc  de  chapelle  qui  vient 
apporter  l'offrande  de  la  Reine  à  celle  qui  doit  la  lui  re- 
mettre. La  Reine  donne  30  livres;  mais  cependant  elle  ^let 
deux  louis  dans  le  plat^  apparemment  pour  éviter  que  la 
Reine  mette  un  écu.  Le  clerc  de  chapelle  reprend  les 
deux  louis  et  met  30  livres,  et  ces  30  livres,  dont  il  fait 
l'avance ,  lui  sont  remboursées  par  la  première  femme 
de  chambre  de  la  Reine.  Hier,  le  clerc  de  chapelle  se 
trompa  et  remit  trois  louis  au  lieu  de  deux;  M"'  de  Luynes 
les  donna  à  la  Reine;  mais  cela  revient  au  même.  Il  y 
eut  hier  aussi  grand  couvert ,  sans  aucun  poisson ,  une 
prodigieuse  quantité  de  plats  de  toutes  sortes  de  racines 
accommodées  en  forme  ^e  poisson  et  que  Ton  sert  entourés 
dé  fleurs.  La  Reine  voulut  qu'on  lui  servit  tout  à  l'huile. 

Aujourd'hui ,  le  Roi  a  été  à  la  chapelle  ^  à  neuf  heures^ 
où  il  a  entendu  tout  l'office  de  sa  tribune  sans  descendre 
en  bas.  L'office  fini  à  midi^  le  Roi  a  monté  dans  sa  chaise 
de  poste  et  est  allé  à  la  chasse.  M.  le  duc  de  Béthune , 
qui  entre  de  quartier,  a  pris  le  bâton  au  sortir  de  la 
messe.  Comme  ses  incommodités  ne  lui  permettent  pas 
de  monter  à  cheval,  de  ses  trois  mois,  M.  de  Villeroy  fera 
le  premier,  M.  d'Harcourt  le  second,  M.  d'Ayen  le  troisième. 


AVRIL  i74i.  361 

M.  de  Villeroy  a  suivi  la  chaise  de  poste  dans  une  des  ca- 
lèches du  Roi.  S.  M.  est  revenue  d'assez  bonne  heure  pour 
aller  à  complies;  la  musique  a  chanté  le  Regina  cœli  et 
VOFilii  à  Tordinaire.  M""'"  de  Mailly  et  de  Vintimille  ont 
toujours  été  aux  ténèbres  ces  jours-ci.  Aujourd'hui ,  au 
sortir  de  compiles ,  elles  se  sont  arrêtées  dans  T  apparte- 
ment ;  le  Roi  les  a  rencontrées  ;  il  s'est  arrêté ,  et  a  de- 
mandé à  M"*  de  Mailly  ce  qu'elle  faisoit  là;  elle  lui  a  dit 
qu'elle  venoit  pour  savoir  de  ses  nouvelles.  Lé  Roi  soupe 
ce  soir  dans  ses  cabinets. 

Du  mardi  de  Pâques  k ,  Versailles.  —  Avant-hier,  le 
Roi  et  la  Reine  entendirent  la  messe  en  bas.  G'étoit 
M.  l'archevêque  d'Embrun  qui  officioit;  ce  fut  M"®  d'An- 
cenis  qui  quêta  ;  il  n'y  avoit  point  eu  de  quête  depuis  le 
jeudi  saint  que  M™*  de  Bouzols  avoit  quêté,  et  le  dimanche 
des  Rameaux  c'étoit  M*"*  de  Flavacourt. 

Le  Roi  entendit  avant-hier  le  sermon  et  les  vêpres  en 
bas,  et  revint  à  la  tribune  à  complies  et  au  salut.  Le  ser- 
mon fut  fort  beau  ;  le  compliment  fut  plutôt  une  instruc- 
tion qu'un  compliment;  il  fut  très-court,  très-instructif 
et  très-touchant. 

Hier  et  aujourd'hui,  une  messe  basse  à  l'ordinaire; 
l'après-dlnée,  le  Roi  et  la  Reine  ont  entendu  les  vêpres 
et  compiles  dans  la  tribune.  Le  salut  ne  se  dit  plus  qu'à 
six  heures  depuis  Pâques,  et  la  prière  à  cinq  heures  trois 
quarts  ;  mais  ces  deuxjours-ci  on  a  dit  la  prière  immédia- 
tement après  complies.  Le  Roi  est  sorti  après  complies  et 
la  Reine  est  restée  à  la  prière.  Comme  M"'  de  Mailly  est 
de  semaine,  elle  étoit  à  la  tribune,  à  la  suite  de  la  Reine  ; 
pour  M"*®  de  Vintimille,  elle  a  toujours  été  pendant 
vêpres  et  complies  dans  la  seconde  travée  à  gauche,  ainsi 
qu'à  l'office  pendant  la  semaine  sainte.  Le  jour  de 
Pâques ,  c'est  la  chapelle  du  Roi  qui  chante  les  Vêpres , 
et  l'organiste  de  quartier  qui  joue;  mais  ce  jour-là  les 
complies,  ainsi  que  vêpres  et  complies  ces  deux-jours-ci, 
sont  chantées  par  les  missionnaires,  et  alors  c'est  l'orga- 


aei  MEMOIRES  mi  pue  de  lutnes. 

niste  de  la  chapelle  qui  joue.  Cet  organiste  sert  toute 
Taunée. 

On  parle  toujours  ici  beaucoup  du  roi  de  Prusse; 
l'alteotion  même  que  Ton  fait  avec  raison  à  la  guerre 
qu'il  a  portée  eu  Silésie  a  été  suspendue  en  quelque  mar- 
nière  par  la  déclaration  singulière  quHl  vient  de  faire 
faire.  Il  a  envoyé  ordre  à  tous  ses  ministres  dans  toutes 
les  cours  de  TEurope  de  déclarer  verbalement  que  sur  de 
justes  soupçons  il  venoit  de  faire  arrêter  sept  hommes  qu'il 
avoit  fait  interroger  ;  que  de  ces  sept ,  six  avoient  déposé 
qu'ils  avoient  eu  ordre  de  se  rendre  dans  le  lieu  où  seroit 
le  roi  de  Prusse  ;  qu'il  de  voit  môme  y  avoir  encore  treize 
ou  quatorze  autres  qui  avoient  reçu  le  même  ordre  ;  qu'ilt 
ne  savoient  à  quel  dessein  ;  qu'on  leur  avoit  seulement 
eiijoint  d'obéir  en  tout  à  un  autre  homme  qui  étoit  le 
septième  arrêté  ;  que  sur  cela  le  roi  de  Prusse  avoit  fait 
interroger  ce  septième  ^  lequel  avoit  déposé  qu'il  avoit 
prêté  serment  devant  le  grand*duc^  dans  le  conseilaulique^ 
(  c'est  apparemment  le  conseil  de  guerre  )  de  se  saisir  du 
roi  de  Prusse  et  de  l'amener  à  Vienne  mort  ou  vif.  Cette 
déclaration ,  qui  a  aussi  été  faite  à  la  diète  de  Ratisbonne 
et  à  Francfort,  parolt  fort  extraordinaire  et  donne  lieu  à 
beaucoup  de  raisonnements. 

J'ai  marqué  ci-dessus  l'audience  de  M.  de  Caudec  ;  il 
n'y  a  rien  i  observer  dans  les  termes  dont  il  s'est  servi 
en  parlant  à  la  Reine  ;  a  Je  viens  de  la  part  de  S.  A.  R. 
le  grand  duc>  mon  maître,  faire  part  à  Y.  M.  de  l'heureux 
accouchement  de  S*  M.  la  reine  de  Hongrie ,  sa  femme, 
qui  est  accouchée  un  tel  jour  d'un  archiduc  ;  il  espère 
des  bontés  et  de  l'amitié  de  V,  M,  qu'elle  voudra  bien 
prendre  part  à  cet  heureux  événement.  »  Ce  qui  peut  être 
plus  remarquable,  c'est  ce  que  disoit  M.  le  Cardinal  il  y 
a  quelques  jours  au  sujet  du  grand*duc;  c'est  que  1^ 
grand  duc  et  lui  ne  s'éçri voient  qu'en  tierce  personne. 

M.  de  Carignanest  à  la  dernière  extrémité  ;  on  dit  qu'il 
est  dans  de  très-bons  sentiments  de  religion. 


AVRIL  1741.  368 

M.  le  baron  de  Caudec  a  pris  congé  aujourd'hui.  M.  de 
Yerneuildit  que  ce  n'est  point  une  audience;  cependant 
il  le  conduisoit  à  la  Reine,  étoit  deÎ30ut  auprès  de  sa  table^ 
comme  aux  audiences  particulières  ^  et  lui  a  remis  la  ré* 
ponse  pour  le  gi[!and-duc. 

Du  mercredi  5,  Versmlle$.  -^  On  a  appris  ce  matin  que 
M.  le  prince  de  Garignan  mourut  hier  à  onze  heures»  On 
dit  que  M.  le  curé  de  Saint-Eustache  a  été  fort  content  de 
lui.  On  m'a  dit  aussi  que  H.  de  Garignan  avoit  fait  fer- 
mer son  jeu  depuis  quelques  jours.  Il  s'étoit  chargé  de 
rOpéra  depuis  pl<usieurs  années;  j'ai  ouï  dire  à  M**  de 
Garignan  qu'il  n'en  retiroit  aucun  profit.  A  l'égard  du 
jeu,  elle  dit  que  c'est  un  droit  attaché  à  l'hôtel  de  Sois- 
sons,  et  que  ai^n  avoit  voulu  accorder  un  dédommage- 
ment à  M.  de.  Garignan,  il  y  a  longtemps  qu'il  auroit  re- 
noncé à  ce  jeu.  Ce  jeu  est  la  roulette  ;  on  y  paye  un  cer- 
tain droit  à  chaque  coup  que  l'on  joue,  je  crois  que  c'est 
5  sdls,  de  manière  qu'il  arrive  quelquefois  que  deux 
personnes  jouant  Tune  contre  l'autre  ont  perdu  tout  leur 
argent  sans  s'être  rien  gagné.  M.  de  Gesvres  a  un  jeu  pa- 
reil à  celui-là  comme  gouverneur  de  Paris.  L'un  se  te- 
noit  à  rhôtel  de  Soissous  et  l'autre  à  l'ancien  hôtel  de 
Gesvres;  mais  comme  ils  se  faisoient  tort  l'un  à  l'autre,  on 
les  a  établis  tous  deux  depuis  quelque  temps  à  l'ancien 
hôtel  de  Gesvres.  Le  S'  Thurette ,  directeur  de  l'Opéra 
sous  M.  de  Garignan,  est  aussi  chargé,  de  ces  jeux  qui  rap- 
portent chacun  à  M.  de  Garignan  et  à  M.  de  Gesvres 
120,000  livres  par  an.  On  dit  que  celui  de  M.  de  Gesvres, 
est  délégué  à  ses  créanciers,  jusqu'en  1746.  Ges  jeux  sont 
sujets  à  tant  d'inconvénients  et  sont  cause  de  tant  de  dé- 
sordres, que  le  feu  Roi  jugea  à  propos  de  supprimer  celui 
de  H.  de  Gesvres,  grand-père  de  celui-ci ,  et  lui  donna  en 
dédommagement  20,000  livres  de  pension.  M.  deTresmes, 
son  fils ,  eut  la  jouissance  des  mêmes  20,000  livres,  et  le 
jeu  a  été  rétabli  pour  M.  le  duc  de  Gesvres  d'aujourd'hui. 
J'en)endoift  dire ,  il  y  a  quelques  jours ,  au  Roi,  que  le 


364  !klÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

vieux  duc  de  Gesvres,  grand-père  de  celui-ci ,  avoit  tou- 
jours vingt-quatre  pages  de  la  chambre  qu'il  habilloit  et 
entretenoit  à  ses  dépens  ;  ils  étoient  vêtus  comme  les  pages 
de  la  chambre  et  en  faisoient  même  le  service  quand  les 
autres  ne  s'y  trouvoient  pas.  Les  pages  de  la  chambre  ne 
sont  que  six;  autrefois  ils  ne  faisoient  point  de  preuves; 
présentement  ils  en  font.  Chaque  premier  gentilhomme 
de  la  chambre  est  en  droit  d'en  nommer  six  nouveaux 
qui  y  demeurent  pendant  son  année.  Cet  usage  même 
s^observoit  il  n'y  a  pas  plus  de  trente  ans.  11  en  coûtoit 
ordinairement  près  de  1^000  écus  en  entrant;  ils  sont 
vêtus  magnifiquement,  et  c'est  à  leurs  dépens  Depuis 
quelques  années,  ne  s'étant  point  trouvé  de  gentils- 
hommes en  état  défaire  cette  dépense,  les  premiers  gen- 
tilshommes de  la  chambre  ont  été  obUgés  d'y  suppléer  à 
leurs  frais ,  et  souvent  un  premier  gentilhomme  de  la 
chambre  aujourd'hm  prend  les  pages  de  son  prédéces- 
seur. Il  y  a  actuellement  un  page  de  la  chambre  de  la 
Reine  qui  a  été  cinq  ans  page  de  la  chambre. 

M.  de  Chalais  a  appris  aujourd'hui  la  mort  de  M"*  sa 
mère,  à  Chalais  {!),  arrivée  le  30  du  mois  passé;  elle 
étoit  sœur  de  feu  M.  de  Pompadour,  père  de  IP"  de  Cour- 
cillon.  On  prétend  que  la  maison  de  Pompadour  est  une 
branche  sortie  des  anciens  \icomtes  de  Limoges.  MM.  de 
Pompadour  portoient  au  commencement  le  nom  de  Hélie. 
Geoffix>y  Hélie,  premier  de  ce  nom,vivoit  en  1179;  Appri- 
rent en  IHO  le  titre  de  seigneurs  de  Pompadour.  M.  de 
Pompadour,  père  de  M'*'  de  Courcillon,  étoit  d'une  bran- 
che  cadette.  La  branche  aînée  étoit  finie  en  166i.  11  avoit 
épousé  Gabrielle  de  Montault ,  fille  de  Miilippe  duc  de 
NavaiUes ,  maréchal  de  France  ;  c'est  celle  qui  fut  dame 
d*atours  de  M**  la  duchesse  de  Berry .  Leur  fille  unique  est 
de  Courcillon,  mariée  en  1708. 


(T  C'est  n  Kmv^  avec  m  cbâteaa  dans  le   Pérîpwd,  a«!i 
r <^E"Miii  » àt  to fjiMtwgr et ém gotMois.  {Dict.éelm 


AVRIL  1741.  36A 

On  a  appris  aujourd'hui  que  H.  le  marquis  de  Vassé 
avoit  la  petite  vérole.  Ils  sont  trois  frères  :  deux  jumeaux , 
Fainé  le  marquis  et  le  second  le  vidame^  et  le  troisième 
chevalier  de  Malte^  que  Ton  aj^elle  le  chevalier  de  Vassé, 
et  par  sobriquet  Mathurin.  Ils  sont  fils  de  M""^  de  Vassé , 
sœur  de  M.  le  Premier. 

Du  samedi  8,  Y^&ailles.  —  J'ai  marqué  que  le  jeu  de 
M.  de  Carignan  avoit  été  fermé  quelques  jours  avant  sa 
mort.  M.  deGesvres  a  fait  aussi  fermer  le  sien;  il  n'a  point 
eu  d'ordre  précis  de  le  faire ,  mais  il  passe  pour  cons- 
tant que,  la  veille,  M.  de  Maurepasdit  touthaut,  à  son  au- 
dience, publiquement,  àThurette,  qu'il  lui  conseilloit  de 
faire  fermer  son  jeu.  Ce  même  jour.  M'"*'  de  Mailly  fit  dire 
à  M.  deGesvres  par  M.  Turgot,  ci-devant  prévôt  des  mar- 
chands, que  le  Roi  s'étoit  déclaré  si  ouvertement  contre 
ces  jeux  qu'elle  lui  conseilloit  de  faire,  fermer  le  sien. 
M™*^  de  Mailly  n'a  pas  voulu  publier  ce  conseil  pour  en 
laisser  l'honneur  à  H.  de  Oeuvres.  Ce  jeu  avoit  été  regardé 
comme  un  droit  du  gouverneur  de  Paris ,  et  Ton  m'a  dit 
que  M.  de  Créqui  en  jouissoit;  il  avoit  été  supprimé  du 
temps  de  M.  le  duc  de  Tresmes  qui  avoit  eu  20,000  livres 
de  pension  pour  cela^  comme  je  l'ai  marqué  ci-dessus,  et 
lorsque  M.  le  duc  de  Gesvres  eut  la  survivance ,  il  obtint 
le  rétablissement  de  ce  jeu ,  sans  aucun  retranchement 
de  la  pension  de  M.  son  père. 

Le  marché  de  l'hôtel  de  Soissons  n'a  point  été  signé  par 
Hé  de  Carignan  avant  sa  mort;  mais  on  dit  que  les  ar- 
rangements sont  faits  et  que  le  prince  Louis,  que  l'on 
appelle  aujourd'hui  le  prince  de  Carignan ,  ou  plutôt 
son  conseil,  car  il  est  mineur,  tiendra  le  même  arrange- 
ment. Moyennant  cela,  on  prétend  (1)  toutes  les  dettes 
de  H.  de  Carignan  payées,  même  telles  qu'elles  sont, 
et  plusieurs  sont  fort  enflées  ;  il  restera  au  moins  deux 


(i)  C'est  Laverdy,  avocat  du  conseil  de  M.  de  Carignan,  qui  t'a  dit  à  M.  le. 
cardinal  de  Rotian.  (  Note  du  dite  de  luynes») 


Mt       MÉMOIRES  MJ  DUC  AS  LUYNËS. 

miUioDS  de  ïAmnn  en  France.  M**  àt  Catignaa  fit  totfioe 
et,  par  le  testament  de  M.  de  Cariguan^  maltreieede  tout 
On  dit  qu'elle  aura  bien  946^000  livres  de  rente  ;  il  faat 
compter  sor  cela  110,000  livres  de  pension  du  Roi.  Elle 
obtint  cette  pension  du  temps  du  maréchal  de  Yilleroy. 
Les  uns  disent  que  ce  fut  une  fort  bonne  affaire  que  le 
Roi  fit  dans  ce  temps^là^  à  cause  des  prétentions  qu'avoit 
M.  de  Garignan^  et  qu'il  céda;  d'autres  prétendent  que 
ce  fut  l'effet  de  la  grande  amitié  du  maréchal  pour  M"^  de 
Carignan  ;  on  disoit  même  qu'il  en  étoit  amoureux.  Cet 
amour  assurément  ne- pou  voit  faire  tort  à  H**  de  Cari* 
gnan.  Ce  qui  est  certain^  c'est  que  le  Roi  créa  160,000 livres 
de  rente  viagère  sur  la  tète  de  M.  de  Carignan ,  et  même 
sur  le  prince  Louis  leur  fils;  que  depuis  ce  temps,  M.  de 
Carignan  ayant  eu  besoin  d'une  somme  considérable ,  le 
Roi  voulut  bien  payer  sur  cette  pension  un  million  d  V 
vance,  qui  ne  seroit  retenu  qu'en  vingt  ans ,  à  raison  de 
50,000  livres  par  an.  Il  y  a  déjàon2e  ou  douze  années  que 
cette  retenue  est  commencée ,  de  sorte  que  jusqu'à  la  fin 
des  dites  vingt  années  ,  M*"**  de  Carignan  ne  jouira  que  de 
110,000  livres. 

Il  n'y  a  encore  rien  de  décidé  pour  le  deuil.  M.  de  Su*- 
lar  a  écrit  au  roi  de  Sardaigne  pour  recevoir  ses  ordres, 
et  le  Roi  a  dit  que  si  le  roi  de  Sardaigne  le  portoit  comme 
d'un  frère,  S.  M.  le  porteroit  comme  d*utt  oncle.  M"**  de 
Carignan  est  fille  du  feu  roi  Victor  et  de  M"*^  de  Verue. 

M"*  de  Castel  dos  Rios  n'a  point  encore  payé  son  ta- 
bouret. M"^  de  Luynes  en  a  parlé  plusieurs  fois  à  M.  Ame- 
lot,  qui  convient  que  le  tabouret  est  dû  sans  difficulté  ; 
elle  en  a  parlé  aussi  à  M.  le  Cardinal,  qui  pense  de  même. 
H.  le  Cardinal  lui  a  dit  aujourd'hui  qu'il  en  avoit  parlé 
à  M.  de  Campo-Florido  ;  mais  que  c' étoit  un  pantalon 
avec  lequel  il  n'étoit  pas  aisé  de  terminer.  M.  le  Cardinal 
paroit  plus  indisposé  que  jamais  contre  l'Espkgne;  il  a 
.ajouté  à  M""^  de  Luynes  que  c'étoit  un  des  plus  grands 
malheurs  qui  tàt  arrivé  au  royaume  que  la  nécessité  où 


nousnous  timivicmêque  ûos  intorêt»  ftiÉieiit  ^ommunB  avec 
eeux  de  TEsp&gne  ;  qu'il  se  flôuvenoit  toujours  que  dans 
un  temps  où  il  ne  se  mèloit  en  aucune  manière  des  af- 
faires de  rËtat»  il  avoit  entendu  dire  à  M.  de  Toroy  que 
Ton  avoit  offert  au  feu  Roi  y  en  cas  qu'il  pût  déterminei* 
le  roi  d^Ëspagne  à  céder  ce  royaume  au  duc  de  Savoie , 
de  donner  en  échange  la  Savoie  et  le  Piémont  ^  et  que 
vraisemblablement  même  on  y  auroit  joint  le  royaume 
deNaples;  que  la  France  autoit  beaucoup  gagné  dans 
cet  échange  ;  mais  que  pour  négocier  cette  affaire  on 
avoit  envoyé  en  Espagne  un  M.  d'iberville  qui  ti'étoit 
nullement  propre  à  cet  emploi  et  qui  y  avoit  échoué. 
M.  le  Cardinal  a  ajouté  qu'il  ne  put  s'empêcher  alors  de 
dire  à  M.  dé  Torcy  :  a  Vous  n'étiez  pas ,  monsieur^  trop 
bon  vous-^mème  pour  travailler  à  cette  négociation.  r> 
W^^  de  Luynes  lui  a  dit  qu'il  paroissoit  cependant  que  le 
roi  d'Espagne  avoit  le  cœur  françois  ;  «  Cela  est  très-vrai, 
dit  M.  le  Cardinal ,  mais  tout  ce  qui  TentoUre  déteste  la 
France.  » 

Du  dimanche  9,  Versailles.  -^  M.  le  Dauphin  fit  hier  sa 
première  communion  et  ses  pàques  à  la  paroisse  Notre-- 
Dame ;  ce  fut  Mb  le  cardinal  de  Rohan  qui  dit  la  messe  et 
le  commuma.  La  nappe  de  communion  fut  tenue  par 
M.  le  duc  de  Chartres  et  par  M.  le  comte  de  Clermont.  Ce 
fut  un  chapelain  qui  dit  la  seconde  messe. 

M"*"*  la  comtesse  de  Tessin  prit  hier  congé  du  Roi  dans 
son  cabinet  ;  ce  fût  M"*'  la  princesse  de  Hobtauban ,  qtn 
est  son  amie^  qui  la  mena  chez  le  Roi.  M^**  de  Spa ,  sa 
nièce,  n'a  pris  congé  du  Roi  qu'aujourd'hui*  C'est  tou- 
jours chez  la  Reine  que  les  filles  prennent  congé  du  Roi, 
et  le  Roi  ne  les  salue  points  cela  s' est  passé  de  même  pour 
M*^  de  Spa.  C'est  M"*  de  Luynes  qui  lui  a  fait  prendre 
congé  du  Roi  dans  le  temps  que  le  Roi  passoit  pour  aller 
dîner  au  grand  couvert. 

Du  mardi  11  ^  Versailles*  -^  Le  Roi  partit  hier  pour 
Choisy ,  où  il  restera  jusqu'à  vendredi.  Les  dames  de  ce 


968  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

voyage  sont  les  quatre  sœurs >  M"*  d'Antin  et  M"^  de  Se- 
gur.  M*"*"  la  maréchale  d'Estrées  devoit  y  ètre^  mais  elle 
s'est  trouvée  incommodée. 

M.  de  Gesvres^  en  conséquence  de  la  suppression  deson 
jeu,  a  fait  un  retranchement  considérable  dans  sa  mai- 
son; il  a  renvoyé  trente-cinq  domestiques;  on  ne  dit 
point  encorequ'onlui  ait  accordéaucun  dédommagement. 

On  apprit  avant-hier  une  aventure  arrivée  aux  équi- 
pages de  M.  de  Belle*Isle  à  Francfort^  qui  montre  la  sagesse 
et  l'exactitude  avec  lesquelles  ses  domestiques  suivent  ses 
intentions.  Un  de  ses  gens,  chargé  de  lui  faire  faire 
une  grande  quantité  de  bois  de  lits  et  de  chaises  de 
paille  y  s'adressa  aux  ouvriers  de  Francfort,  qui  deman- 
dèrent pour  ces  ouvrages  un  prix  huit  ou  dix  fois  plus 
considérable  que  la  valeur  réelle  ;  en  conséquence  et  sur 
les  ordres  de  M.  de  Belle-Isle,  il  fit  faire  ces  ouvrages  à 
Mayence ,  à  Manheim  et  autres  lieux  voisins;  et  quoique 
H.  de  Belle*Isle  ait  des  passe-ports  généraux,  il  eut  la  pré- 
caution d'en  demander  aux  magistrats  de  Francfort,  nom- 
mément pour  les  ouvrages  qu'il  avoit  commandé^.  Il  crut 
après  cela  pouvoir  sans  aucun  inconvénient  les  faire 
apporter  à  Francfort,  et  les  fit  embarquer  dans  des  ba- 
teaux. Le  «premier  bateau  fut  déchargé  .sans  aucun 
trouble;  mais  au  second,  les  ouvriers  en  bois  de  Francfort 
s'étant  ameutés  avec  des  haches  et  des  cognées  cassèrent 
et  mirent  en  pièces  tous  ces  différents  ouvrages  sans 
qu'on  leur  fit  la  moindre  résistance.  Les  magistrats 
avertis  vinrent  aussitôt,  firent  retirer  les  ouvriers,  en  en- 
voyèrent plusieurs  en  prison,  et  ordonnèrent  que  les  dits 
ouvrages  fussent  refaits  dans  un  temps  limité  aux  dépens 
des  ouvriers  de  Francfort,  sous  peine  d'avoir  leurs  bou- 
tiques fermées.  Us  demandèrent  à  l'homme  de  M.  de  Belle- 
Isle  quelle  autre  satisfaction  il  désiroit,  et  lui  marquèrent 
le  désespoir  oùilsétoient  de  cette  aventure.  L'homme  de 
M.  de  Belle-Isle  leur  répondit  qu'il  ne  se  plaignoit  de 
rien  ,  qu'il  ne  demandoit  rien ,  qu'il  se  contenteroit  de 


AVRIL  1741.  369 

rendre  compte  à  H.  le  maréchal  de  Belle-lsle.  Cette  ré- 
ponse surprit  beaucoup  les  magistrats  et  les  détermina  è. 
envoyer  deux  députés  à  M.  de  Belle-Isle  pour  recevoir  ses 
ordres.  Un  ministre,  qui  est  à  Francfort,  après  avoir 
mandé  le  détail  de  cette  aventure,  ajoutoit  cette  réflexion  : 
«  Oh  !  que  ne  doit-on  point  penser  d'un  ambassadeur 
dont  les  domestiques  montrent  autant  de  prudence  et  de 
sagesse  !  » 

On  a  appris  aujourd'hui  que  M.  le  marquis  de  Vassé 
étoit  mort  de  la  petite  vérole  ;  il  étoit  colonel  du  régi- 
ment Dauphin-dragons. 

Du  lundi;  17 ,  Versailles.  —  M.  de  Saint-Chaumont , 
ancien  colonel  d'un  régiment  de  dragons  ,  qui  a  été  ré- 
formé en  ITliSj. ,  et  beau-frère  de  M.  de  Cambis ,  est  venu 
ici  pour  demander  le  régiment  de  M.  de  Vassé  ;  on  croit 
qu'il  sera  donné  au  vidame  de  Vassé. 

M.  le  chevalier  de  Gesvres  mourut  il  y  a  deux  ou  trois 
jours.  Il  étoit  frère  de  feu  M.  le  duc  de  Tresmes  et  assez 
riche,  mais  apparemment  fort  attaché  au  jansénisme^  car. 
par  son  testament  il  fait  ses  légataires  universels,  un  avocat 
et  M.  Dugué-Bagnols,  lequel  est  très-zélé  pour  ce  parti. 
M.  Dugué-Bagnols  est  frère  de  M"®  de  Tillières,  mère  de 
M*"*  la  duchesse  de  Châtillon.  Il  y  a  des  terres  auprès  de 
Chevreuse  que  l'on  appelle  les  Troux  et  Méridon.  Les' 
Troux  est  fort  voisin  de  l'abbaye  de  Giffe,  laquelle,  de- 
puis la  destruction  de  Port-Royal  des  Champs ,  a  été  re- 
gardée comme  la  plus  digne  de  la  remplacer. 

Le  Roi  revint  vendredi  deChoisy,  et  samedi  il  vola  ici- 
près  avec  la  Fauconnerie.  C'est  une  chasse  où  il  ne  va 
jamais  que  par  une  espèce  de  nécessité  de  convenance, 
mais  qu'il  n'aime  en  aucune  façon. 

M.  de  Castro-Pignano ,  ambassadeur  du  roi  des  Deux- 
Siciles ,  vint  ici  il  y  a  deux  jours  dire  au  Roi  que  le  roi 
son  maître  le  rappeloit  auprès  de  lui  et  lui  avoit  nommé 
un  successeur  qui  doit  même  partir  incessamment.  Me  de 
Castro-Pignanoest,  comme  je  l'ai  marqué  ciràessus,  capi- 

T.   IIÎ.  24 


tr%  BIÊMOIRES  M  DUC  SE  LUTNES. 

tainê  gétéMl,  ël  «t^pâremmcnli  que  l'on  juge  sspvémAee 
nécessaire  dans  le  royaume  de  Naples.  Il  est  bien  affligé 
de  quitter  la  France ,  d'autant  plus  qu'il  commençoit  à 
espérer  qu'il  ne  seroit  pas  obligé  de  s'en  retourner.  C'est 
un  homme  d'un  esprit  sage ,  dowc  et  poli  ;  il  parle  biem 
françois.  Sa  femme ,  qui  est  fort  douce  et  fort  aimée  ici , 
commençoit  aussi  à  parler  assett  bien  notre  langue  ;  elle 
n'est  pas  moins  affligée  que  lui  de  s'en  aller. 

H.  de  Maurepas  me  dit  il  y  a  quelque»  jours  qu'il  avoît 
donné  le  soin  et  la  surintendance  de  l'Opéra  à  M.  de 
Bombarde ,  frère  de  la  première  femme  de  M.  Amelot,  et 
par  conséquent  onde  de  H"**  d'Armenonville^  Ce  n'est 
pas  que  cette  place  ait  aucun  titre  ni  appointements^  mais 
c'est  ce  qu'avoit  M.  deCarignan.  M.  de  Bombarde  (1)  est 
homme  de  goût  et  d'esprit. 

Le  régiment  Royal  qu'avoit  H.  de  Carignan  a  été  donné 
à  M.  de  Saint-Séverin,  ambassadeur  en  Suède. 

Du  mardi  iS,  Versailles.  —  Le  Roi  dina  dimanche  au 
grand  couvert.  Ordinairement  ces  jours-là  il  soupe  chez 
M "^  la  comtesse  de  Toulouse  quand  elle  est  ici ,  mais  elle 
est  à  Bue  pour  jusqu'à  la  Pentecôte.  Le  Roi  voulant  sou- 
per dans  les  c8J[>inets  se  fit  servir  un  petit  souper  dans 
son  tour;  c'est  ce  qu'il  appelle  en  badinant  le  souper  de 
M"**  la  comtesse  de  Toulouse.  M""*  de  Mailly  et  M^Ma 
comtesse  de  Vintimille  y  étoient  et  quelques  hommes. 

Aujourd'hui,  j'ai  vu  chez  M"*  de  Mailly  un  présent 
qu'on  lui  a  apporté  ;  c'est  une  cassette  de  bois  tout  unie^ 
dans  laquelle  il  y  avoit  quatre  beaux  flambeaux  d'argent, 
une  bourse  et  200  jetons  d'argent,  et  une  boite  de  qua- 
drille. L'origine  de  ce  présent  vient  vraisembBitblement 
de  ce  que  M"^  de  Mailly,  ne  tenant  point  de  maison  et  ne 
jouant  jamais  chez  elle,  n' avoit  ni  jetons,  ni  flambeaux,  et 


0) 
de 


[1)  Il  était  fils  de  Jean-t>an[  bombarda,  rdmâin  die  tiaiion ,  trésorier  général 
Pélecteuf  de  Bavière. 


«    l' 


qu'elle  en  aydit  eoftpFimMpoHr  les  jotm  ijue  le  Hoi  vient 
obez  elle  jouer  après  sou-per. 

M,  le  bailli  de  Froulay  a  en  aujourd'hui  audience  par- 
ticulière. Comme  so»  entrée  demande  des  préparatifs  qui 
dureroftt  encore  quelques  mois  et  qu'il  a  reçu  i^s  lettr«î 
de  créance^  il  est  venu  les  apporter  au  Roi  et  à  la  Reine, 
L'audience  a  été  chez  le  Roi^  dans  le  cabinet  (1),  et  chez 
laReine,  dans  sa  chambre  j  la  Rdne  debout,  à  l'ordinaire 
auprès  die  sa  table  qui  est  entre  les  deux  fenêtres.  Il  a  été 
chea  le  Roi  avant  la  messe^  et  dhez  la  Reine  au  retour  de 
la  messe.  Le  nonce  et  plusieurs  ministres  étrangers  sont 
entrés  d'abord  chez  la  Reine  pour  faire  leur  cour* 
M*  Amelot  y  est  venu  ^ensuite  M.  le  Cardinal.  Peu  de 
temps  après,  M.  le  bailli  de  Froulay  est  entré ,  conduit  par 
M.  de  yerneuil;  il  étoit  vêtu  à  l'ordinaire  avec  un  habit 
neuf  galonné;  après  les  trois  révérences  il  a  fait  un  com» 
pli  ment  à  la  R^ine,  fort  court,  dans  lequel  il  a  dit  qu'il  re* 
gardoit  l'honneur  qu'il  avoit  d'être  nommé  ambassadeur 
de  la  Religion  comme  un  effet  des  bontés  de  S.  M.,  qu'il 
chercheroit  de  plus  en  plus  à  les  mériter,  et  qu'il  espé- 
roit  que  S.  M,  voudroit  bien  lui  accorder  sa  protection. 
Ce  sont  à  peu  près  les  termes  dont  il  s'est  servi.  Ensuite 
il  a  remis  ses  lettres  de  créance  à  la  Reine  ;  après,  il  a 
ajouté  qu'il  étoit  chargé  de  faire  part  à  S.  M.  de  la  mort 
du  grand  maître  et  de  l'élection  unanime  de  eelui-oi  ;  que 
le  grand  maître  osoit  espérer  que  la  Reine  voudroit  bien 


(1)  M.  de  Verneuil  a  conduit  M.  de  Froulay  à  cette  audience,  et'eat  entré  avec 
lui  dans  le  cabinet  du  Roi.  Après  les  trois  révérences,  on  a  fait  passer  tout  le 
monde;  M.  de  Verneail  est  sorti,  M.  de  Maurepas,  M.  le  contiDIeur  général 
et  tout  ce  qui  étoit  dans  te  cabinet;  M.  le  duc  de  Charost  même,  qui  y  étoit 
a  passé  dans  le  cabinet  des  perruques  dont  on  a  fermé  la  porte,  et  il  n'eat 
resté  dans,  le  cabinet  que  le  Roi ,  M.  le  Cardinal  et  M.  Amelot.  L'huissier  qui 
étoit  en  dedans,  est  aussi  entré  dans  la  chambre;  e*est  de  lui  que  je  sais  ce 
détail.  M.  de  Froulay  a  remis  les  trois  lettres  au  Rei ,  et  lorsque  son  compli- 
ment a  été  fini  on  a  rouvert  le  cabinet.  M.  de  Verneuil  est  entré  a  fait  les 
révérences  aveé  Tarabassadeur,  et  est  sorti  avec  lui,  et  n»est  point  ensuite  rentré 
comme  il  a  fait  chez  la  Reine.  {Note  du  duc  de  luynes,  ) 


24, 


87)  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTIfES. 

lui  accorder  rhonneur  de  sa  protection.  Immédiatement 
après ,  il  a  remis  à  la  Reine  une  lettre  du  grand  maître, 
et  s'est  retiré  après  les  trois  révérences  comme  en  en- 
trant. L'instant  d'après,  H.  de  Vemeuil  est  entré  chez  la 
Reine,  et  lui  a  apporté  une  troisième  lettre  que  M.  de 
Froulay  avoit  oubliée.  La  Reine,  quelque  temps  api  es,  a 
ouvert  les,  trois  lettres  ,  et  les  a  lues  tout  haut.  La  pre- 
mière ne  contient  que  le  choix  de  M.  de  Froulay  pour 
ambassadeur  de  la  Religion,  et  comme  MM.  de  Tessé, 
proches  parents  de  H.  de  Froulay,  sont  attachés  à  la  Reine, 
le  grand  maître  marque  que  rattachement  de  la  famille  du 
vénérable  bailli  de  Froulay  à  S.*M.  joint  aux  bontés  du 
Roi  Font  déterminé  à  le  nommer  ambassadeur  de  la  Re- 
ligion, et  qu'il  supplie  S.  M.  de  vouloir  bien  l'honorer  de 
sa  protection .  La  seconde  est  pour  mander  la  mort  du 
grand  maître  et  son  élection  ;  il  demande  en  même  temps 
ses  bontés  et  sa  protection  pour  le  vénérable  bailli  de 
Mesmes  (dont  il  ne  savoit  pas  encore  la  mort)  et  pour  son 
ordre.  La  troisième  est  pour  les  oranges;  c'est  celle  qui 
avoit  été  oubliée,  et  les  oranges  ont  été  données  comme 
}'ai  marqué  ci-dessus.  Il  marque  encore  dans  cette  lettre 
qu'elles  doivent  être  présentées  à  la  Reine  par  le  vénérable 
bailli  de  Mesmes. 

'  Du  jeudi  20»  Versailles.  — Les  régiments  furent  donnés 
avant-hier.  Le  régiment  de  dragons  a  été  donné  au  vi- 
dame  de  Yassé ,  et  le  régiment  de  cavalerie  qu'avoit  le 
vidame  a  été  donné  au  second  fils  de  M.  le  maréchal  de 
Broglie,  qui  s'appelle,  je  crois,  Revel  ;  c'est  un  régiment 
gris,  qui  étoit  autrefois  Beringhen.  Il  y  avoit  aussi  un 
guidon  de  gendarmerie  de  vacant  par  la  mort  de  M.  le 
Veneur,  cousin  germain  de  M.  de  Tillières,  père  de 
M"**  de  .Chàtillon,  Ce  guidon  a  été  donné  à  M.  de  Lannoy, 
cousin  germain  de  M"*^  la  duchesse  de  Luxembourg. 
M'"'' de  Lannoy,  sa  mère ,  est  sœur  de  M"*  de  Seignelay , 
mère  de  M*"*  de  Luxembourg,  toutes  deux  filles  de  M"**^  la 
princesse  de  Fursteiiberg. 


AVRIL  1741.  373 

Le  Roi  est  parti  aujourd'hui  pour  Choisy.  Les  daines 
de  ce  voyage  sont  les  quatre  sœurs,  et  M"*'  la  maréchale 
d'Estrées.  M"®  de  Mailly  est  venue  ce  matin  chez  la  Reine 
lui  demander  permission.  Il  n^est  pas  vraisemblable  que 
les  dames  du  palais  manquent  à  cette  règle,  puisque  M.  le 
Cardinal  lui-même,  en  qualité  de  grand  aumônier  de  la 
Reine,  ne  va  jamais  àlssy  sans  lui  demander  sa  permis- 
sion. 

On  ne  parle  plus  du  tout  ici  de  M.  Chauveiin  ;  il  est 
toujours  à  Bourges.  On  dit  cependant  qu'il  a  encore  un 
parti  dans  ce  pays-ci.  On  me  conioit  il  y  a  quelques  jours 
un  discours  qu'il  avoit  te'nu  chez  lui  dans  un  dîner  devant 
quatorze  ou  quinze  personnes ,  dans  le  temps  qu'il  étoit 
adjoint  à  la  place  de  premier  ministre.  M.  deHesgrigny, 
oncle  de  M"*^  Chauveiin,  étoit  à  l'extrémité;  il  étoit  fort 
riche  et  M*'  Chauveiin  en  héritoit  ;  pendant  que  M.  Chau- 
veiin dlnoit,  on  vint  lui  apporter  des  nouvelles  de  M.  de 
Mesgrigny;  ce  jour-là  il  étoit  mieux;  sur  cela,  M.  Chau- 
veiin dit  tout  haut  :  «  Il  faut  avouer  que  les  éternités  ne 
sont  faites  que  pour  moi.  »  Il  est  vraisemblable  que  ce 
xiiscours  fut  bientôt  après  rapporté  à  M.  le  Cardinal. 

On  ne  parle  point  ici  du  tout  du  jubilé  ;  le  Pape  Ta  ce- 
pendant envoyé  en  France.  Il  y  avoit  eu  quelque  diffi- 
culté à  l'occasion  du  dernier,  qui  ne  fut  point  publié,  à 
cause  de  quelques  termes  de  la  bulle ,  laquelle  exceptoit 
ceux  qui  étoient  rebelles  à  l'Église  du  nombre  des  fidèles 
qui  pourroient  gagner  les  indulgences  accordées  par  le 
jubilé.  A  ce  jubilé-ci,  la  Pape  a  adouci  ces  termes,  et  il 
paroit  même  que  l'on  a  été  content  de  cet  adoucissement. 
Cependant  il  y  a  lieu  de  croire  que  le  jubilé  ne  sera  pas 
publié  en  France,  au  moins  par  les  évoques  dont  les  villes 
épiscopales  sont  soumises  à  la  juridiction  du  Roi  ;  car, 
par  exemple,  dans  les  évèchés  de  Spire  et  de  Bàle,  il  y  a 
des  cantons  qui  sont  soumis  au  Roi;  il  n'est  pas  douteux 
que  les  évèques  de  Spire  et  de  Bàle,  faisant  publier  le  ju- 
bilé dans  leurs  diocèses,  ces  cantons  n'en  sont  point  excep- 


374  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

tés  ;  mais  Strasbourg  et  Gambray  sont  dans  un  cas  tout 
différent;  il  n'y  a  qu'une  partie  de  ces  diocèses  qui  soit 
du  royaume  y  et  vraisemblablement  le  jubilé  sera  publié 
dans  ces  deux  diocèses^  à  la  réserve  des  parties  qui  sont 
sous  la  domination  françoise. 

Du  MXiMd%%%  Virsaillps.  —  I^  Koi  a  fût  acquisition 
depuis  environ  un  mois  d'une  parfaitement  belle  giran* 
dole  qui  coûte  .à  ce  que  Ton  dit  ^^O^GOO  francs.  Les  mor- 
ceaux de  cristal  de  roche  sont  grands,  beaux  y  bien  choi- 
sis et  d'une  grande  blancheur  ;  ils  sont  montés  sur  argent. 
Cette  girandole  est  actuellement  dans  la  petite  galerie 
sur  la  cheminée. 

H.  le  cardinal  de  Rohan  donna,  il  y  a  quelques  jours, 
^u  Roi  une  collection  de  marbres  d'Italie  fort  curieuse  ; 
ee  sont  des  échantillons  de  différents  maii)res  taillés  et 
aceommodés  pour  mettre  sur  des  papiers  ;  il  y  a  58  mor- 
ceaux et  trente-neuf  espèces  de  marbres  différents. 

Il  paroit  depuis  quelque  temps  une  déclaration  du  Rcû 
portant  renouvellement  de  défense  des  jeux.  Cette  dé- 
claration est  précédée  d'une  espèce  de  détail  des  inconvé- 
nients et  des  désordres  auxquels  ces  jeux  ont  donné  occa- 
sion. Les  jeux  défendus  y  sont  nommés:  le  mormoniquey 
le  quinquenove ,  le  passe  dix  y  les  trois  dés,  le  tope  et  tingue^ 
les. deux  dés ,  la  bassette ,  le  phara^on ,  le  biribi,  la  dupe ,  le 
quinf^e,  les  petits  paquets ,  le  pair  ou  nofiy  et  il  est  dit  ensuite^ 
ejt  autres  jeux  semblables.  Le  trente  et  quarante  n'y  est 
point  nommé.  Il  est'  dit  que  ces  jeux  sont  défendus, 
même  dans  les  Maisons  royales ,  sous  peine  de  prison ,  et 
ordre  au  lieutenant  de  police  d'y  tenir  la  main.  Dès  le 
voyage  de  Choisy  d'avant  celui-ci ,  le  Roi  né  joua  point 
au  passe  dix.  Ce  voyage-oi,  la  table  où  l'on  jouoit  aux  dés 
a  été  ôtée  ;  le  Roi  n'a  joué  qu'à  ThcHubre ,  au  piquet  et  au 
trictiBC. 

4e  fus  hier  à  Choisy.  Le  Roi  s'y  promena  beaucoup.  Il 
n'y  avoit  d'abord  de  femmes  &  la  promenade  que  H^^  de 
Chfwmi;  ^^miie  le  R»is'«m)>9'rqw  dai^  ui^  ehnieiipe  ; 


AVRIL  4741.  876 

M"®  de  Clermont  et  !!"•  de  Mailly  s'embarquèrent  aussi  ; 
on  revint  ensuite  dans  le  jardin  faire  une  grande  prome- 
nade où  ces  deuK  dames  furent  toujours.  Vers  la  fiA  de 
cette  promenade,  le  concierge  vi^t  au^evantdu  Roi, 
portant  une  lettre  qu'il  remit  à  Champcenetz  le  fils  ^  pre- 
mier valet  de  chambre  du  Roi,  qui  exerce  en  survivance 
de  son  père  ;  Champcenetz  remit  sur-le-champ  la  lettre 
au  Roi.  Le  Roi  lut  attentivement  et  assez  longtemps,  tou- 
jours en  sç  promenant  ;   quelque  intervalle  de   temps 
après,  il  se  retourna  et  portant  la  parole  à  H.  de  la  Ro- 
chefoucauld, qui  étoit  le  seul  de  ce  que  nous  étions  là  qui 
eût  servi  sur  mer  (il  est  dans  Tusage  de  l'appeler  :  mon 
Camus,  en  badinant),  il  lui  demanda  s'il  savoit  que  H.  de 
la  Rocheallart  étoit  arrivé  à  Toulon,  et  ajouta  en  rougis- 
sant, à  ce  qu'il  me  parut  :  ccU  y  a  eu  un  combat  ;  il  n'a 
pas  été  considérable  et  s'est  donné  la  nuit,  quatre  vais- 
seaux françois  contre  six  anglois ,  et  lorsque  le  jour  est 
venu,  les  Anglois  ont  envoyé  faire  des  excuses,  disant 
qu'ils  avoient  pris  ces  vaisseaux  pour  des  espagnols.  » 
Le  Roi  dit  tout  de  suite  qu'on  ne  lui  mandoit  aucun  dé- 
tail ,  que  les  particuliers ,  en  sauroient   apparen^ment 
davantage,  que  M.  de  la  Rocheallart  comptoit  qu'à  l'arri- 
vée de  H.  d'Antin  à  Brest  on  seroit  inskuit,  et  que  c'est  ce 
qui  l'avoit  empêché  d'envoyer  aucun  détail.  Sur  cela  je 
pris  la  liberté  de  lui  dire  que  M»  le  marquis  d'Antin  étoit 
donc  biçn  près  d'arriver  à  Brest,  et  le  j^oi  répondit  qu'on 
ne  savoit  pas  où  il  étoit.  Cette  nouvelle  fit  le  sujet  de  la 
conversation,  danslaquellele  Roi  entra;  quelques  moments 
après  je  lui  dis  qu'un  combat  de  quatre  vaisseaux  contre 
six  n'étoit  guère  égal.  Je  rapporte  ceci  pour  marquer  la 
réponse  du  Roi,  qui  mérite  d'être  retenue.  Il  me  dit  : 
«  Quatre  vaisseaux  comme  ceux-là  n'en  craignent  pas  six 
anglois  ;  ils  sont  commandés  par  tout  ce  qu'il  y  a  de 
mieux.  » 

Il  y  a  deux  ou  trou»  jouira  que  l'on  sait  catte  nouvdle 
dans  Paris.  Certainement  mercredi  dernjer  il  était  arrivé 


376  MÉMOIRES  DU  DI3C  DE  LUYNES. 

un  courrier  à  H.  de  Maurepas,  car  ce  même  jour  M.  le 
Cardinal  eut  une  assez  longue  conversation  avec  le  Roi 
dans  le  cabinet  des  perruques  ;  et  Taprès-dlnée ,  à  quatre 
heures^  S.  Ém.  fut  à  Buc^  où  est  M""*  la  comtesse  de  Tou> 
louse,  et  y  resta  jusqu'à  huit  heures.  M.  de  Maurepas  y 
vint  pendant  ce  temps-là.  Ce  que  l'on  sait  jusqu'à  pré- 
sent^ c'est  que  M.  de  la  Rocheallart  commandoit  une 
escadre  avec  laquelle  il  a  été  joindre  M.  d'An  tin  à  l'Amé- 
rique. Ces  vaisseaux  étoient  destinés  à  la  conduite  de  ga- 
lions. On  prétendqu'il  n'y  a  jamais  eu  de  concert  enlre  la 
marine  d'Espagne  et  la  nôtre  ;  on  le  peut  présumer  parce 
que  les  Espagnols  vouloient  que  nous  attaquassions  y  et 
qu'il  y  a  toujours  eu  ordre  de  ne  point  attaquer,  et  d'ail- 
leurs parce  que  Targent,  au  lieu  d'être  embarqué,  ou  près 
d'être  embarqué  sur  les  galions,  a  été  envoyé  bien  avant 
dans  les  terres.  Dans  ces  circonstances  notre  escadre  ne 
pouvoit  pas  rester  plus  longtemps  en  Amérique,  car  l'u- 
sage de  la  marine  est  que^  lorsque  des  vaisseaux  sont  des- 
tinés à  séjourner  en  Amérique  et  surtout  à  y  passer  l'été, 
non-seulement  ils  sont  pourvus  d'un  plus  grand  nombre 
de  munitions,  mais  outre  cela  il  faut  les  doubler,  parce  que 
dans  l'été  les  vers  font  un  si  grand  tort  aux  vaisseaux 
qu'ils  seroient  en  danger  de  périr;  on  met  donc  autour 
du  vaisseau  une  doublure  de  bois  léger  que  l'on  garnit 
en  dedans.  Toutes  ces  précautions  n'ayant  pas  été  prises, 
parce  que  ce  n'étoit  pas  l'intention  de  la  Cour  qu'ils  y 
restassent  plus  longtemps,  l'escadre  s'est  mise  en  chemin 
pour  revenir.  M.  d'Antin  devant  débarquer  à  Brest  et 
M.  de  la  Rocheallart  à  Toulon ,  ils  se  sont  séparés  à  une 
certaine  hauteur  (1),  et  c'est  depuis  cette  séparation  que 


(1)  J'appris  hier  que  l'affaire  des  quatre  vaisseaux  françois  contre  les  six 
anglois  est  arrivée  avant  la  séparation  des  deux  escadres;  c'est  ce  qui  prouve 
que  M.  de  la  Rocheallart  avoit  raison  de  compter  qu'il  lui  étoit  inutile  de 
mander  cette  nouvelle  et  qu'on  la  sauroit  ici  par  l'arrivée  de  M.  d'Ântin  ;  ce 
sont  les  vents  contraires  qui  ont  empêché  M.  d'Antin  d'arriver  à  Brest.  La 
première  nouvelle  même  que  l'on  a  eue  de  ce  combat  est  venue  par  un  com« 


4# 


AVRIL  1741.  377 

le  vaisseau  de  M.  le  chevalier  de  Piosin  et  trois  autres, 
éloignés  apparemment  dans  ce  moment  des  autres  vais- 
seaux de  M.  de  la  Rocheallart,  ont  rencontré  les  six  vais- 
seaux anglois,  la  nuit.  Les  Ânglois  ont  voulu  savoir  qui 
étoient  nos  vaisseaux;  on  a  répondu  qu'ils  étoient  fran- 
çois;  non  contents  de  cette  réponse ,  à  laquelle  ils  pré- 
tendent avoir  souvent  été  trompés ,  ils  ont  demandé 
qu'on  les  labordàt  ou  qu'on  leur  envoyât  un  canot  ;  M.  de 
Piosin  a  refusé,  et  c'est  sur  cela  que  les  Anglois  ont  com- 
mencé à  tirer,  et  on  leur  a  répondu.  On  dit  qu'il  y  a  eu 
quarante  ou  cinquante  hommes  de  tués  ou  blessés  sur  le 
vaisseau  de  M.  de  Piosin  et  son  lieutenant  ;  si  le  fait  est 
tel  que  je  viens  de  le  marquer,  M.  d'Antin  ne  peut  pas 
savoir  de  nouvelles  de  ce  combat.  Il  parolt ,  par  ce  que 
le  Roi  répondit  hier  à  quelques  questions  qu'on  lui  fit  sur 
ce  sujet,  qu'iln'y  a  point  eii  de  vaisseaux  coulés  à  fond  de 
part  ni  d'autre.  On  parla  aussi  hier  des  maladies  qu'il  y 
avoit  eues  sur  l'escadre  et  qu'il  y  étoit  mort  beaucoup  de 
monde,  et  le  Roi  dit  :  ce  Je  crois  bien  qu'il  y  en  a  quelques* 
uns  à  qui  on  a  aidé  à  mourir,  »  ce  qui  prouveroit  qu'il  y 
auroit  eu  plusieurs  combats  particuliers.  On  ne  sait  encore 
aucun  détail  circonstancié  ni  certain  de  cette  expédition. 
Beaucoup  de  gens  croient  que  Ton  n'est  point  content 
de  M.  le  marquis  d'Antin  ;  mais  cela  mérite  confirma- 
tion, d'autant  plus  qu'il  a  toujours  paru  aimer  son  mé- 
tier et  y  être  fort  appliqué.  L'on  dit  que  l'amiral  Vernon 
(Anglois)  avoit  parlé  et  agi  avec  tant  de  fierté  et  de  hau- 
teur, que  tout  le  corps  des  officiers*étoit  d'avis  de  le  com- 
battre, que  M.  d'Antin  avoit  toujours  répondu  qu'il  avoit 
des  ordres  contraires,  que  sur  cela  M.  de  la  Rocheallart 
lui  avoit  dit  qu'il  savoit  ce  que  c'étoit  que  les  ordres  dont 
il  étoit  chargé,  puisqu'on  les  lui  avoit  communiqués  et 


missaire  d'artillerie.  L'as^ge  est  que  les  commissaires  sont  obligés  d'envoyer 
un  détail  exact  de  la  consommation  de  poudre  qui  se  fait  dans  les  diftérentes 
occasions.  (Addition  du  duc  de  Luynes,  âaiée  du  23  avril  1741.) 


379  JHÊMOIRËS  DU  DUC  DE  LUYNES. 

qu'ils  ne  le  dévoient  point  empêcher  de  punir  Tamiral 
anglois  dans  une  occasion  aussi  essentielle. 

Du  dimanche  23.  —  M"*'  de  Bonneval  mourut  avant- 
bietr  au  soir,  à  Paris;  elle  éioit  fille  de  M.  le  maréchal 
de  fiiron  et  par  conséquent  sœur  de  M*"^  la  comtesse  de 
Gcamont)  de  feu  M""*  de  Sourcbes ,  de  M"*  la  comtesse 
de  Seignelayi  de  M"""  du  Roure ,  de  M""'  de  Bonnac  ^  d^ 
M.  le  duc  de  Biron  et  du  marquis  de  Gantant.  M.  de 
Bonneval,  peu  de  temps  après  avoir  épousé  M^^*  de 
Biron,  passa  en  Turquie,  où  il  est  encore  actuel- 
lement. 

M"'  de  Gourtenvaux  mourut  hier  ;  lelle  étoit  sœur  du 
feu  maréchal  d'Ëstrées  et  de  M^^*  de  Tourbes.  Son  ma«*i 
étoit  capitaine  des  Cent-Suisses  et  fils  de  M-  de  Louvois, 
ministre  et  secrétaire  d'État  de  la  guerre.  Elle  avoit  eu 
deux  garçons  ;  Talné  s'appeloit  Louy  ois  et  avpit  épousé 
une  sœur  de  V.  le  maréchal  de  Noailles>  qui  depuis  sa 
mort  s'est  remariée  et  s'appelle  aujourd'hui  M°**  de  Man- 
chini.  Du  premier  mariage  est  venu  un  fils  qu^  est 
M.de  Montmirel  d'aujourd'hui,  qui  a  la  charge  des  Cent- 
Suisses,  Jequel  ayoi4;  épousé  la  fille  de  feu  M.  le  ànp 
de  Gontaut,  frère  aîné  de  M.  le  duo  de  Biron  d'aujour- 
d'hui ,  et  de  W^''  de  Gramont ,  scaur  de  M"**"  la  duchesse 
de  Ruffec.  H'"''  de  Gontaut  et  M*^^  de  Mpntmirel  sont 
mortes;  il  reste  4  M.  d^  Montmir^el  ua  garçon  ^t  une 
fille.  Le  second  fils  de  W^"^  de  Courteinvau^  s'^st  tou- 
jours appelé  Courtenvaui:  jusqu'à  «pn  p)apiag§  avec 
M^*"  Champagne,  sœur  de  W^  de  Choiseul;  il  prit  alprs 
le  nom  de  comte  d'Ëstpées  qu'il  porjbe  aujourd'hui ,  et 
son  neyeu,  Jt.  de  Hoi^tmifiel,  a  pris  ajussit6t  celui  d^ 
Gourtenuraiax. 

Du  mardi  %i,  Vermlles.  —  JL'on  sait  depuis  deu^ 
jours  l'arrivée  de  H.  le  marquis  d'Antin  à  Brest;  il  y  est 
arrivé  malade  et  revient  même  en  litière.  L'on  a  eu 
enfin  la  relation  du  conïbat  des  quatre  vaisseaux;  ils 
étoient  commapdés  pai^  )f .  le  chevalier  d'Épinay;  frère 


AVRIL  i7U.  879 

de  l'inspecteur.  Il  parolt  que  l'actioD  a  été  extrême- 
ment vive  ;  elle  fait  infiniment  d'honneur  à  M.  d'Épinay 
et  aux  trois  autres  capitaines  de  vaisseau  qui  sont  : 
M.  le  chevalier  de  Piosin,  H.  d'Estourmel  et  M.  de 
Létanduère.  t^e  combat  est  du  18  janvier.  Les  quatre 
vaisseaux  trouvèrent  Tescadre  de  M.  Chaloner-Ogle^  qui 
leur  donna  la  chasse  pendant  quelque  temps  et  détacha 
eusuite  après  eux  six  vaisseaux  qui  parurent  ne  vouloir  - 
joindre  les  nôtres  qu^à  Tentrée  de  la  nuit  ;  ils  nous  apr 
prochèrent  de  fort  près  y  demandèrent  si  c'étoieirt  des 
vaisseaux  françois ,  et  dirent  qu'ils  étoient  angloûs.  Ils 
ne  se  contentèrent  pas  de  savoir  que  nous  étions 
françois,  ils  voulurent  obliger  M.  d'JÈpinay  à  faire 
mettre  son  canot  à  la  mer  pour  venir  les  trouver,  ce  qui , 
dans  la  marine,  est  regardé  comme  une  soumission. 
M.  d'Épinay  refusa  ;  aussitôt  un  des  vaisseaux  anglois 
tira  deux  coups  de  canon  à.  poudre  ^  ce  qui  parut  être 
un  signal,  car  toute  leur  artillerie  tira  immédiatement 
après.  A  cette  première  décharge,  M.  de  Béthune,  qui 
étpit  enseigne  sur  le  vaisseau  de  H.  de  Piosin ,  eut  la 
tête  emportée;  il  est  frèpe  de  père  de  M"*^  la  n^échale 
de  3elle-Isle.  Leur  père,  H.  de  Béthune,  qu'on  appelle 
le  Cosaque  ou  Béthune-Pologne,  a  été  marié  deux  fois; 
sa  première  femme  étoit  Harcourt,  mère  de  M"*^  de 
Belle -Isle  et  d'un  fiU  qui  est  mort.  Sa  seconde  femme 
est  M"®  de  Gesvres,  dont  il  a  eu  ce  jeune  homme -ci, 
qui  vient  d'être  tué ,  et  un  autre  qui  est  actuellement 
abbé. 

Aussitôt  que  les  Anglois  eurent  tiré,  nous  fîmes  un 
grand  feu  sur  eux,  et  cetie  première  action  dura  depuis 
dix  heures  du  soir  jusqu'à  onze.  Us  recommeufîèrent  à 
tirer  à  deux  heures  du  matin  et  le  feu  fut  plus  violent 
que  jamais,  d'aujtant  plus  que  la  frégate  de  quarante 
canons  que  commandoit  M.  le  chevalier  de  Piosin  fut  en- 
traînée par  les  courants  entre  deux  vaisseaux  anglois. 
Le  £pu  de  cf^oon ,  dé  -iiiaij^UQjterie  et  4^  gcencud^  fut  4es 


S80  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYJNES. 

plus  violents.  M.  d'Épinay  eut  assez  de  peine  à  pouvoir 
dégager  M.  de  Piosin  ;  et  enfin  les  Anglois  prirenl  le 
parti  de  se  retirer,  ayant  un  de  leurs  vaisseaux  en  partie 
démâté ,  et  un  autre  encore  plus  incommodé.  Dès  que 
le  jour  fut  venu,  les  Anglois,  qui  étoient  déjà  assez  éloi- 
gnés mirent  leur  canot  à  la  mer  et  envoyèrent  dire  àM.  d'É- 
pinay qu'ils  étoient  au  désespoir  de  ce  qui  étoit  arrivé  , 
'  qu'ils  avoient  cru  que  c'étoient  des  vaisseaux  espagnols. 
M.  d'Épinay  répondit  à  l'officier  qu'ils  étoient  en  état  de 
recommencer,  que  ce  qui  s'étoit  passé  n'étoit  rien ,  que 
si  le  jeu  plaisoit  aux  Anglois,  il  né  tenoit  qu'à  eux  de 
combattre  de  nouveau  ;  mais  qu'ils  feroient  bien  de  s'en 
aller  promptement,  parce  que  s'ils  différoient  il  alloit 
appareiller  et  s'avancer  à  eux.  Au  retour  du  canot,  les 
Anglois  s'en  allèrent,  et  après  qu'ils  furent  partis, 
M.  d'Épinay  continua  sa  route. 

On  eut  nouvelle,  avant-Mer,  d'une  bataille  de  trente- 
deux  mille  hommes  des  troupes  de  la  reine  de  Hongrie 
contre  vingt-cinq  mille  Prussiens ,  où  le  roi  de  Prusse  a 
fait  des  merveilles.  La  relation  a  été  envoyée  par  M.  de 
Uottemhpurg,  et  M.  Chambrier  m'a  dit  ce  matin  que  le 
fait  étoit  vrai.  Celte  relation  porte  que  les  Autrichiens 
ont  eu  3,000  hommes  tués  et  que  les  Prussiens  ont 
perdu  1,500  hommes  et  pris  huit  pièces  de  canon.  Cette 
bataille  s'est  donnée  le  10  de  ce  mois  auprès  d'Olaw  et 
s'appelle  la  bataille  de  Molwitz. 

M.  de  Solar  est  venu  ici  aujourd'hui  ;  il  ne  fera  point 
part  de  la  mort  de  M.  de  Carignan  ;  il  a  ordre  de  ne  porter 
le  deuil  que  trois  semaines;  ainsi  le  Roi  ne  le  portera 
que  quatre  jours,  et  ce  sera  apparemment  le  prince  de 
Carignan  d'aujourd'hui  qui  fera  part  de  la  mort  de  son 
père. 

Le  Roi  revint  hier  de  Choisy,  après  avoir  couru 
à  Verrières;  il  ne  fut  point  chez  la  Reine,  et  soupa  dans 
ses  cabinets. 

Du  samedi  29,  JUarly.  —  On  apprit  il  y  a  deux  ou  trois 


MAI  1741.  SSl 

jours  la  moct  dé  M.  de  Camas^  à  Berlin;  c'est  lui  qui 
étoit  ici;  il  y  a  un  an  ;  envoyé  du  roi  de  Prusse  ;  il  est 
mort  de  maladie.  On  prétend  qu'il  n'aimoit  pas  la 
France  et  qu'il  en  avoit  parlé  dans  son  pays  en  termes 
à  n'être  pas  ici  fort  regretté. 


MAL 


Voyage  de  Marly.  —  Moi*t  du  marquis  d'Antio.  —  Conduite  du  Roi  avec  la 
Reine.  —  Mort  de  milord  Waldegrave.  —  Mort  d*un  chapelain  du  Roi ,  au- 
teur de  plusieurs  ouvrages  d'horlogerie.  —  Dispute  entre  les  gardes  fran- 
çoises  et  les  gardes  du  corps.  —  Promotion  d'officiers  généraux  ^e  marine. 
—  Les  polissons  ou  saîonistes,  ^  Perte  du  vaisseau  le  Bourbon,  —  M.  de 
Chavagnac.  —  M.  de  Maupertuis  à  la  bataille  de  Molwitz.  —  Mort  de 
M.  d'Avéjan ,  de  la  princesse  de  Léon.  —  Mort  du  duc  de  Gramont.  —  Aug- 
mentation dans  les  troupes.  —  Retour  à  Versailles.  —  Audiences  de  congé 
de  M.  et  de  Mni«  de  Castro-Pignano.  —  Héritage  de  milord  Clare.  ^  Loge- 
ments des  gardes  françoises  et  suisses  d^ns  les  faubourgs  de  Paris.  —  Mort 
de  M.  de  la  Trémoille.  —  Maladie  du  Dauphin.  —  Changements  dans  les 
logements. 

Du  mardi  2^  Marly.  —  Le  Roi  arriva  ici  mercredi 
dernier  de  fort  bonne  heure  y  et  y  tint  conseil  d*État.  Il 
soupa  ce  jour  avec  la  Reine  et  les  darnes^  à  l'ordinaire. 
Tout  se  passe  ici  comme  les  voyages  précédents;  le  Roi 
soupe  dans  ses  cabinets  les  jours  de  chasse  y  comme  à 
Versailles  ;  le  premier  jour  qu'il  y  soupa  fut  jeudi  ;  il 
n'y  avoit  de  dames  que  les  quatre  sœurs  ;  les  deux  jours 
maigres  il  soupa  avec  des  hommes.  M"*  de  Vintimille 
fut  saignée  vendredi  dernier,  à  cause  de  sa  grossesse  ;  elle 
loge  dans  le  ch&teau ,  en  haut,  auprès  de  M"*  de  Mailly. 
Le  Roi  a  été  tous  les  jours  chez  elle,  et  même  hier  il  fit  un 
diner  à  trois  heures,  que  l'on  dit  être  dans  ses  cabinets; 
mais  c'étoit  chez  M"*  de  Vintimille  avec  M"*'  de  Mailly  et 
quelques  hommes.  Ceux  qui  sont  admis  le  plus  souvent 
à  ce  particulier,  c'est  M.  de  Luxembourg,  H.  de  Meuse, 
le  comte  deNoailles,  M.  le  duc  d'Ayen  et  M.  de  Coigny,  le 
fils,  M.  le  duc  de  Villeroy,  quand  il  est  ici. 


989  MÉMOIRES  BIT  DUG  DE  LUYNES. 

• 

Le*  Roi  ftvoit  ûoAmé  lêê  hemiBës  i(u»  de^eîent  sovpsr 
dans  les  cabinets  et  étoit  remonté  comme  poiiF  se  mettre 
à  table.  M.  de  Luxembourg  entra  chez  M**  de  Vintimille  ; 
derrière  lui  étoit  le  Roi  ;  il  fit  une  visite  iWt  courte  ;  il  ar- 
ri  voit  de  la  chasse  qui  avoit  été  fort  rude  ;  il  diten  s'en  allant 
que  vraisemblablement  le  salon  ne  le  verroit  guère  ce  soir- 
là;  sui*  cela  H"**  de  Mailly  lui  dit  :  «Si  cela  est,  je  vais  me 
déshabiller.  »  Le  Roi  ne  répondit  rien.  Elle  pria  M.  de 
Villeroy  de  lui  mander  si  effectivement  le  Roi  n'iroit  point 
au  salon;  un  moment  après,  elle  passa  chez  eUe  et  revint 
toute  déshabillée.  Effectivement  le  Roi  ne  vint  point  au 
salon. 

Ce  même  jour,  M°*'  de  Mailly  avoit  été  à  Paris  avec 
M.  de  Meuse  dans  un  des  petitsi  carrosses  du  Roi  avec 
deux  relais  de  la  petite  écurie.  Elle  avoit  été  voir 
M*"*"  la  comtesse  de  Toulouse  sur  la  mort  du  marquis  d' An- 
tin,  qu'on  apprit  le  vendredi  au  soir.  Il  est  mort  à  Brest 
sans  sacrement  ;  on  n'a  pu  lui  donner  que  Textrême- 
onction;  il  étoit  sans  connoissance.  11  avoit  depuis 
longtemps  une  hydrocèle  ;  il  n'en  avoit  jamais  rien  dit  qu'à 
un  seul  homme  chez  M""*  la  comtesse  de  Toulouse,  à  qui  il 
en  fit  confidence  avant  que  de  partir.  M.  d'Ântin 
avoit  perdu  tous  ses  domestiques  à  l'Amérique ,  hors  uû 
seul ,  de  la  maladie  contagieuse  de  ces .  pays-là  qu'on 
appelle  le  mal  de  Siam  ;  entré  autres  son  chirurgien 
étoit  mort,  lequel  étoit  dans  l'habitude  de  lui  faire  la 
ponction  ;  OQ  prétend  que  depuis  ce  temps-là  il  avoit 
voulu  se  traiter  lui-même  ;  soit  que  ce  fût  par  sa  faute 
ou  par  l'effet  du  mal  de  Siam  dont  il  avoit  pensé  mourir, 
àl'hydrocèle  s'éloit  joint  un  sarcocèle,  qui  étoit  devjenu 
incurable  lorsqu'il  est  arrivé  à  Brest.  11  laisse  une  jeune 
veuve  (M^^*  de  Canisy) ,  qui  est  fort  jolie ,  qui  n'a  que 
seize  ou  dix-sept  ans^  et  qui  a  50^000  livres  de  rente  au 
moins.  On  peut  juger  que  les  discours  dont  j'ai  parlé  ci- 
dessus  ont  plutôt  augmenté  que  diminué  depuis  cet  évé- 
nement; on  en  parle  peu  ici,  mais  à  Paris  le  déchaînement 


'«•■— 7 


%^  i»A  ^àirit.  On  MfTpc^ite  ^  te  «aérante  êtHÊàkià  éianrt 
embarqoé  ^  eotni  ks  ofdre»  qfâ'tt  atott  |K)Uf  la  àesti^- 
nation  dé  mû  voyage  ^  seldfi  Fasage^  et  (ju'ayant  vu 
qm  sa  destitiaticm  étoit  {M]^Hr  rAaiéPiqiie  ^  il  «voit  aussitôt 
doiiné  ofdre  que  To^  f eporlM  à  ferre  sa  vaisselle  d'ar- 
gent; que  cette  déterBSitiatioB  fut  fort  éésappfouvée 
par  les  aneiens  officievi»  de  tUarine  y  niais  qu'il  ne  vodlut 
jamais  ajiouier  foi  à  leurs^  cduséils  ni  à  leurs  représenta- 
tiens.  On  j^^oute  enccnre  qiie  la  iliarine  se  plaint  de  la 
hauteur  et  de  la  dltreté  avec  lesquelles  il  Va  trsLitée. 
H.  de  Hoquefettille 5  ehef  d'escadre^  qaé  Ton  comptoit 
devoir  rester  à  l'Amérique  avec  huit  ou  dix  vaisseaux^ 
est  parti  trente-^cinq  jours  après  lui  et  est  arrivé  pres^ 
qu'en  même  temps  ^  seulement  deux  jours  après  ^  de 
manière  qu'à  présent  la  ville  de  Carthagène  et  le  trésor 
que  Ton  a  porté  à  ti^ois  ou  quatre  journées  de  Carthagène 
dans  les  terres^  et  qui  est  de  deux  eents  millions ,  à  ce 
que  me  dit  il  y  a  quelques  jours  H.  de  Campo^Florido, 
donnent  beaucoup  d'inquiétude  y  les  deux  flottes  à'kxy- 
gleterre  étant  réunies  et  celle  des  Espagnols  n'étant  que 
de  quatorze  vaisseaux.  On  juge  cependant  que  les  vais^ 
seaux  anglois  ne  pourront  pas  tenir  longtemps  la  mer 
dans  cette  saison.  On  ne  dit  point  encore  quelle  est  la 
raison  qui  a  fait  revenir  M.  de  Roquefeuille^  il  paroit 
qu'il  n'y  a  eu  nul  concert  entre  les  François  et  les  Espar 
gnols,  et  l'on  dit  que  M.  de  Roquefeuille  ^  ayant  ordre 
de  se  joindre  à  la  flotte  espagnole  commandée  par 
M.  de  Torres  et  se  trouvant  fort  éloignée  de  lui  y  avoit 
envoyé  pour  savoir  de  ses  nouvelles  j  mails  que  n'ayarit 
jamais  pu  apprendre  où  il  étoit  y  il  avoit  pris  le  parti 
de  s'en  revenir.  J'ai  marqué  ci-dessus  que  Ton  double 
les  vaisseaux  qui  doivent  passer  en  Amérique.  M.  de 
Haurepas  m'expliquoit  il  y  a  quelques  jours  ce  détail.  Il 
faut  nécessairement  doubler  ceiix  qui  sont  destinés  à 
demeurer  dans  les  ports  y  mais  non  pas  ceux  qui  le  sont 
à  croiser;  et  pour  ceux  qui  vont  aux  Grandes  Indes,  on 


884  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

y  met  des  clous  à  large  tête ,  dont  toutes  les  tètes  se  joi- 
gnent. Ces  précautions  conservent  les  vaisseaux  un  peu 
davantage ,  mais  leur  font  cependant  grand  tort;  et  les 
capitaines  ont  beaucoup  de  peine  à  consentir  que  leurs 
vaisseaux  soient  doubléSy  parce  qu'il  leur  est  plus  difficile 
d'en  faire  usage  dans  l'occasion. 

Le  Roi  n'a  point  joué  à  l'hombre  depuis  qu'il  est  ici  ^ 
H.  le  comte  d'Estrées  n'étant  point  ici  à  cause  de  la  mort 
de  M*"^  sa  mère^  et  M.  de  Soubise  ayant  été  malade. 
^M*"'  la  Duchesse  et  M.  de  Lassay^  M.  de  Courson,  M.  de 
Luxembourg  et  même  hier  M.  Rosen ,  pour  la  première 
foiS)  ont  joué  à  quadrille  avec  le  Roi.  On  a  remarqué  que 
lorsque  le  Roi  arrive  dans  le  salon,  que  non  «seulement  il 
n'approche  point  de  la  table  de  cavagnole  où  la  Reine 
joue^  mais  même^  il  7  ?^  quelques  jours  ^  la  Reine  se  tint 
debout  assez  longtemps  sans  que  le  Roi  lui  dise  de  s'as- 
seoir,  et  pendant  ce  temps  il  parloit  à  H°*'  de  Mailly. 

Du  mercredi  3,  Marly.  —  On  apprit  il  y  a  deux  ou  trois 
jours  la  mort  demilord  Waldegrave,  qui  a  été  longtemps 
ici  ambassadeur  d'Angleterre  ;  il  est  mort  en  Angleterre. 
Il  avoitété  élevé  en  France  et  avoit  été  au  collège  des  Jé- 
suites; il  avoit  depuis  changé  de  religion.  Lorsqu'il 
tomba  malade  à  Paris,  dans  la  paroisse  Saint'Sulpice,  le 
curé  alla  le  voir;  mais  il  ne  put  le  déterminer  à  se  con- 
vertir. On  dit  qu'il  est  mort  avec  grands  remords.  , 

Il  vaque  par  la  mort  de  H.  le  marquis  d'Antin  la.  lieu- 
tenance  générale  d'Alsace  et  la  vice-amirauté,  qui  ne  sont 
point  encore  données.  Le  plus  ancien  lieutenant  général 
de  marine  est  M.  de  la  Luzerne ,  qui  est  très-estimé  et  re- 
gardé comme  très-digne  de  cet  honneur.  Il  y  a  deux  vice- 
amiraux  ;  il  en  reste  encore  un  qui  est  M.  de  Sainte-Maure. 
C'étoit  la  vice-amirauté  de  M.  le  maréchal  d'Estrées  qu'a- 
voit  eue  M.  le  marquis  d'Antin.  M.  de  Sainte-Maure  est  fort 
vieux  et  ne  vient  jamais  dans  ce  pays-ci  ;  il  est  frère  de 
celui  qui  étoit  premier  écuyer  de  M.  le  duc  de  Berry.  Il 
est  d'usage  de  faire  un  maréchal  de  France, au  moins. 


MAI  1741.  885 

dans  la  marine.  On  n'a  point  voulu  faire  M.  de  Sainte- 
Maure^  quoique  très-estimé  dans  son  métier,  mais  parce 
que  c'est  d'ailleurs  un  homme  singulier^  à  ce  que  j'ai  ouï 
dire;  et  comme  c'est  l'ancien^  on  n'en  a  point  fait  du 
tout.  Il  parolt  cependant  que  ce  mécontentement  ne  re- 
garde point  son  métier. 

Hier  le  Roi  fit  une  chasse  qui  le  mena  fort  loin ,  du 
côté  de  Rambouillet.  M.  le  maréchal  de  Duras  y  étoit  et 
revint  sur  un  cheval  de  poste.  Le  Roi  dit  en  arrivant  que 
c'étoit  peut-être  le  premier  exemple  qu'un  maréchal  de 
France  eût  couru  la  poste  à  cheval. 

On  apprit  hier  la  mort  d'un  chapelain  du  Roi  que  Ton 
nommoit  le  Prieur.  Il  étoit  autrefois  vicaire  de  Saint-Cyr 
et  avoit  fait  pour  le  Roi  une  pendule  dans  un  globe ,  qui 
est  encore  dans  le  cabinet  de  S.  M.  Le  Roi  lui  donna  le 
prieuré  de  Saint-Sernin  d'Autun ,  et  on  ne  Tappeloit  de- 
puis, que  le  Prieur.  Il  avoit  toutes  les  entrées  chez  le  Roi 
et  une  espèce  d'inspection  sur  les  pendules.  Il  avoit  fait 
en  dernier  lieu  deux  pendules  qui  sont  dans  le  nouveau 
cabin  et  ovale  du  Roi . 

Il  y  a  eu  ce  matin  une  très-petite  dispute  entre  les 
gardes  françoises  et  les  gardes  du  corps.  Les  gardes  fran- 
çoises,  lorsqu'ils  relèvent  la  garde,  entrent  toujours  à  onze 
heures  au  plus  tard ,  parce  qu'il  est  supposé  qu'à  cette 
heure-là  le  Roi  est  toujours  éveillé,  et  ils  battent  en  en- 
trant; mais  la  règle  est  qu'ils  doivent  arriver  ici  (1)  par 
les  deux  portes;  ce  matin  ils  sont  venus  par  la  grille 
royale,  et  lorsqu'ils  ont  été  à  la  grille  qui  est  au  bas  de 
la  montagne ,  auprès  de  la  chapelle,  les  gardes  du  corps 
ont  fait  difficulté  de  les  laisser  entrer,  parce  que  le  Roi 
s'est  levé  tard  aujourd'hui.  Cependant  ils  ont  obtenu 
la  permission  de  passer,  sur  ce  qu'ils  ont  promis  qu'ils 
ne  battroient  poifit,  et  lorsqu'ils  ont  été  sous  la  voûte. 


(1)  A  Marly.  (Note  du  duc  de  luyneê.  ) 

T.  III. 


386  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYIŒS. 

le  long  de  la  chapelle,  ils  ont  commencé  à  battre  ;  ce  qui 
est  contre  la  règle. 

Du  même  jour,  3.  —  Je  viens  d'apprendre  que  le  Roi 
avoit  donné  des  pensions  aux  capitaines  des  quatre  vais- 
seaux qui  ont  été  attaqués  par  les  Anglois  ^  comn^e  je  Tai 
marqué  ci-dessus,  savoir  :  à  M.  d^Épinay  1,500  livres, 
et  à  HM.  de  Létanduère,  Piosin  et  d'Estourmel,  à  chacun 
1,200  livres. 

On  a  appris  en  même  temps  que  S.  M.  avoit  fait  la  pro- 
motion de  marine  que  voici  : 

MM.  de  la  Luzerne,  \ice-amiral. 

de  Rocheallart  et  de  RoquefeuillO)  lieuteni^ta  généraux. 

de  Beauharnois, 

de  La  Yalette-Thomas, 

de  Bart ,  )  chefs  d'escadre. 

de  Barailh, 

de  Rochambeau, 

Du  samedi  6,  Marly.  —  Je  crois  avoir  oublié  de  mar- 
quer que  M.  le  bailli  de  Froulay  est  du  voyage  de  Harly 
et  est  écrit  sur  la  liste.  M.  le  bailli  de  Hesmes,  son  prédéces- 
seur, ambassadeur  de  Malte,  quoique  françois,  n'étoit  ja- 
mais des  voyages  de  Marly.  11  n'y  a  d'ambassadeurs  que 
ceux  d'Espagne  et  de  Naples  comme  ambassadeurs  de  fa- 
mille. 

L'on  n'a  refusé  aucun  de  ceux  qui  ont  demandé  per- 
mission de  venir  faire  leur  cour  ici.  Il  y  en  a  qui  couchent 
au  village,  d'autres  retournent  à  Paris  ou  à  Versailles; 
c'est  ce  que  Ton  appelle  les  poUssom  ou  salonistes.  On 
comptoit  il  y  a  quelques  jours  qu'ils  étoient  plus  de  cent. 

L'ambassadeur  d'Espagne  parolt  fort  satisfait  que  l'on 
ait  accordé  quelques  grâces  aux  capitaines  des  quatre 
vaisseaux  qui  ont  combattu  contre  les  Anglois;  il  dit  avoir 
extrêmement  pressé  M.  le  Cardinal  de  leur  donner  quelque 
récompense  ;  il  auroit  mieux  désiré  qu'on  les  avançât 
de  grade- 


MAI  1741.  M7 

L^  Cour  prit  hier  le  deuil  de  M.  de  Cçirignan  pour  jus- 
^u'à  1^  Pentecôte.  Ce  temps  paroît  extmordinaire ,  parce 
que  ce  i^'est  pGi^t  de  trois  semaines,  cpimne  pncle,  et  c'est 
plû^  de  q^fttre  jours  wwmç  le  Roi  avoit  dit  d'abord 
qu'il  le  porteroit.  Les  dames  qui  ayoieut  acheté  de»  ha- 
bits en  sont  fort  fâchées^  et  disent  que  c'est  parce  que 
M"^  de  MaiUy  n'en  avoit  point.  Ce  n'est  point  M.  de  Solar 
qui  a  fait  part  de  la  mort  ;  il  vint  ioi  xnardi  dernier,  mais 
il  amena  avec  lui  M.  de  Mongardin,  gentilhomme  attaché 
à  M.  le  prince  de  Carignan  d'aujourd'hui ,  qui  remit  au 
Roi  une  lettre  du  prince  Louis.  On  a  suivi  ce  qui  s'éloit 
pratiqué  pour  le  prince  de  Carignan  père  du  dernier 
mojf t  ;  ce  fut  le  fils  qui  donna  part  ;  de  même  à  la  mort 
de  M.  le  Duc,  ce  fut  M.  le  comte  de  Charolois  qui  donna 
part  au  roi  de  Sardaigne,  Quoique  le  roi  de  Sardaigne 
ne  porte  le  deuil  de  M.  de  Carignan  que  trois  semaines, 
le  Roi  n'a  point  regardé  cela  comme  une  règle  pour  lui. 

On  «apprit  avant -hier  que  le  Roi  avoit  donné  la  lieute- 
nance  générale  d'Alsace  de  feu  M.  le  marquis  d'Antin  au 
petit  marquis  de  Gondrin,  son  neveu,  fils  de  M.  le  duc 
d'Antin  et  de  M"®  de  Luxembourg.  Cette  lieutenance  ne 
vautj,  dit-on,  que  8,000  livres  quoiqu'elle  soit  mise 
plus  haut  sur  l'état  du  Roi. 

M.  de  Campo-Florido  apprit  avant-hier  au  Roi  la  triste 
nouvelle  que  le  vaisseau  le  Bourbon,  commandé  par 
M.  de  Boulainvilliers ,  en  revenant  de  l'Amérique,  avoit 
péri  sur  les  côtes  de  Galice ,  près  de  la  Corogne,  n'étant 
tout  au  plus  qu'à  deux  lieues  déterre.  C'étoit  un  vaisseau 
de  Ik  pièces  de  canon  ;  il  avoit  extrêmement  souffert  de 
la  tempête  et  étoit  même  dém&té.  Voyant  que  l'eau  le 
gagnoit,  malgré  six  pompes  qui  travailloient  continuelle- 
ment^ M.  de  Boulainvilliers  fit  tirer  plusieurs  coups  de 
canon  d'incommodité  (c'est  le  terme)  pour  avertir  à  terre 
du  danger  où  il  se  trouvoit;  mais  il  faisoit  un  si  gros 
temps  qu'on  ne  pou  voit  aller  à  lui;  il  prit  donc  le  parti 
de  faire  mettre  son  canot  à  la  mer  et  y  fit  embarquer 

25. 


188  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

vingt-quatre  personnes  desquelles  étoient  six  offiders  et 
son  fils^  garde  marine  ;  à  peine  le  canot  se  fut-il  éloigné 
d'one  demie^lieue  ou  trois  quarts  de  lieue  du  vaisseau, 
qu'ils  virent  ledit  vaisseau  périr  entièrement;  on  le 
vit  aussi  des  côtes  de  GsJice. 

J'ai  marqué  ci-dessus  la  mort  de  M"*  de  Gourtenvaux; 
elle  avoit  8,000  livres  de  pension  sur  la  charge  de  son 
petit-fils,  M.  de  Montmirel;  il  a  demandé  avec  instance 
que  le  Roi  voulût  bien  donner  cette  même  pension  à 
M*""^  de  Manchiniy  sa  mère,  ci- devant  M"®  de  Louvois; 
cette  grâce  a  été  accordée  et  fait  beaucoup  d'honneur  à 
M.  de  Montmirel. 

J'ai  marqué  ci-dessus  que  l'on  n'avoit  nulle  nouvelle 
de  M.  de  Ghavagnac,  lieutenant  de  vaisseau,  beau-frère  de 
M.  le  comte  de  Tessé.  Il  commandoit  un  petit  b&timent 
que  l'on  appelle  corvette ,  nommée  la  Fie.  Quoiqu'il  ne 
paroisse  que  trop  certain  qu'il  a  j^éri  dans  quelque  tem- 
pête, cependant  M.  de  Chavagnac,  son  père,  qui  sert  de- 
puis longtemps  dans  la  marine ,  veut  encore  douter  de 
ce  malheur,  disant  qu'il  s'est  trouvé  dans  des  circons- 
tances où  il  a  été  huit  ou  dix  mois  sans  pouvoir  donner 
de  ses  nouvelles.  En  conséquence ,  il  a  demandé  que  son 
fils  fût  fait  capitaine  de  vaisseau,  et  on  lui  a  accordé  cette 
grâce. 

J'ai  aussi  marqué  ci-dessus  la  bataille  près  de  Neiss 
entre  les  Prussiens  et  les  Autrichiens.  Les  nouvelles  de 
Vienne  ont  voulu  diminuer  beaucoup  la  perte  des  Autri- 
chiens; il  paroit  cependant  constant  qu'ils  ont  perdu 
huit  ou  dix  mille  hommes  et  huit  ou  dix  pièces  de  canon. 
M.  de  Maupertuis,  de  TÂcadémie  des  sciences ,  qui  a  fait 
le  voyage  de  Suède  pour  des  observations  sur  la  figure 
de  la  terre,  et  qui  en  revint  il  y  a  deux  ou  trois  ans ,  étoit 
allé  à  Berlin  à  la  prière  du  roi  de  Prusse.  Voulant,  avant 
que  de  revenir,  aller  prendre  congé  de  ce  prince,  qui 
étoit  parti  pour  l'armée ,  il  se  trouva  que  les  passages 
étoient  fermés  ;  il  fut  obligé  de  rester  quelques  jours  au 


MAI  1741.  389 

camp;  c'étoit  dans  le  temps  de  la  bataille  de  Neiss.  Le 
jour  de  la  bataille ,  le  roi  de  Prusse  voulut  envoyer  M.  de 
Maupertuis  à  ses  carrosses ,  mais  M.  de  Maupertuis  ne 
voulut  jamais  accepter  cette  offre,  et  demanda  à  suivre  le 
roi  de  Prusse.  Comme  dans  le  commencement  de  Tac* 
lion,  la  victoire  paroissoit  vouloir  se  déclarer  pour  les  Au* 
trichiens ,  le  roi  de  Prusse  se  porta  en  grande  diligence 
à  une  des  ailes  de  son  armée  qui  avoit  plié;  Maupertuis, 
moins  bien  monté>  ne  put  le  suivre,  et  fut  fait  prisonnier 
en  chemin  et  entièrement  dépouillé;  cependant  il  obtint 
la  permission  d'écrire  au  général  Neuperg.  Ce  général 
ayant  su  qui  il  étoit,  l'envoya  quérir,  lui  fit  toute  sorte 
d'honnêtetés  et  le  fit  conduire  en  sûreté  à  Vienne ,  lui 
donnant  même  des  lettres  de  recommandation.  Le  grand- 
duc,  informé  de  l'histoire  de  Maupertuis,  lui  envoya 
300  ducats  pour  le  dédommager  en  quelque  manière  de^ 
pertes  qu'il  avoit  souffertes.  Ma,upertuis  fit  supplier  le 
grand-duc  de  vouloir  bien  lui  permettre  de  ne  point  ac- 
cepter ce  présent ,  et  M.  de  Lichtenstein ,  ci-devant  am- 
bassadeur ici ,  lui  a  donné  tous  les  secours  dont  il  avoit 
besoin.  Par  les  premières  nouvelles  qu'on  avoit  eues  de 
la  bataille ,  on  ne  parloit  point  de  M.  de  Maupertuis  ;  on 
croy  oit  qu'il  avoit  été  envoyé  aux  carrosses  du  roi  de  Prusse. 
Le  père  de  Maupertuis,  riche  négociant  de  Saint-Malo,  sur 
cette  nouvelle,  se  mit  en  colère  et  dit  que  son  fils  n'étoit 
sûrement  pas  capable  d'une  action  si  indigne. 

M.  de  Castro-Pignano  ,  qui  est  sur  la  liste  du  voyage , 
vint  ici  hier  pour  la  première  fois  ;  il  compte  partir  vers 
la  fin  du  mois.  M.  le  Cardinal,  qui  est  venu  aujourd'hui 
voir  M™*  de  Luynes ,  lui  a  dit  que  son  antichambre  étoij; 
remplie  des  créanciers  de  M.  de  Castro-Pignano,  qui  doit 
ici  considérablement.  Il  paroltque  c'est  assez  l'usage  des 
ambassadeurs  d'Espagne  de  laisser  des  dettes ,  car  H.  le 
Cardinal  nous  a  ajouté  que  les  dettes  du  duc  d'Ossone 
n'avoient  été  achevées  de  payer  que  l'année  passée ,  et 
qu'en  dernier  lieu  Mt  de  la  Mina  en  avoit  laissé  pouv 


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MAI  1741.  391 

mont  n'étoit  point  ici  ;  M"*®  de  Luypes  et  M"'  de  Hazarin 
sont  malades. 

Du  mercredi  10,  Marly.  —  On  a  appris  aujourd'hui  la 
mort  de  M"'  la  princesse  de  Léon,  à  Toulouse,  où  elle 
étoit  depuis  déjà  assez  de  temps  à  suivre  beaucoup  dfe  pro- 
cès qu'elle  avoità  ce  Parlement.  Elle  laisse  deux  garçons  : 
le  duc  de  Rohan,  gendre  de  M.  le  duc  de  Chàtillon,  et  le 
vicomte  dé  Rohan,  qui  n'est  point  marié  ;  elle  a  fait  celui- 
ci  son  légataire  universel.  Elle  laisse  aussi  trois  filles; 
Tainée  a  épousé  H.  de  Lautrec,  la  seconde  M.  Fernand 
Nunez,  espagnol  ;  la  troisième  est  religiieuse  à  Bonsecours. 

Du  t)éndredi  12,  Marly,  —  L'enseigne  vacante  dans 
les  mousquetaires  gris  par  la  mort  de  M.  d'Avéjan  a  été 
remplacée  par  le  cornette,  et  la  cornette  a  été  donnée  il 
y  a  trois  jours  à  H.  de  la  €haise.  Ce  M.  de  la  Chaise  (1)  est 
parent  de  M.  le  cardinal  de  FleUJfy. 

Du  mardi  16,  Marly.  —  M""*  de  Mailly  fut  hietà  Paris, 
pour  solliciter  un  procès,  avec  M°*®  de  la  Toumelie  ;  elles 
fureiit  toutes  deux  dans  le  petit  carrosi^  du  Roi  avtec  deux 
rélais  de  la  petite  écuHe.  Comme  elle  est  de  semaiiie,  elle 
be  partit  qu'après  la  messe  de  la  Reine  et  étoit  rtevenue 
à  six  heures.  Elle  soupa  hier  dans  les  cabinets  avec  M"*^  de 
Vintimille  et  M"*'  de  Clermont.  Mademoiselle  est  depuis 
huit  jours  à  Madrid. 

Avant-hlet,  le  roi  ne  dîna  pointa  son  petit  couvert;  Il 
dina  dans  ses  cabinets.  M"*'"  de  Mailly  et  de  Vintimille  y 
dînèrent.  M"*"  de  Mailly^  quitta  le  diner  pour  suivre  la 
Reine  à  la  paroisse,  au  salut.  Aussitôt  que  la  Reine  fut  à 


(1)  Il  arriva  chez  M.  de  Breteiiil  à  Marly  le  jour  même  que  M.  de  Breteuil 
devoit  travailler  avec  le  Roi.  M.  de  Breteuil  lui  dit  que  la  liste  étoit  faite  et  que 
son  nom  n'y  étoit  point.  M.  de  la  Chaise  alla  aussitôt  chez  M.  le  Cardinal ,  et 
M.  de  Breteuil  y  étant  venu ,  M.  le  Cardinal  lui  dit  de  mettre  le  nom  de  M.  de 
la  Chaise  sur  la  liste.  Il  fut  mis  le  dernier,  et  cependant  au  travail  ce  fut  lui 
à  qui  la  place  fut  donnée;  il  étoit  lieutenant  des  grenadiers  au  régiment  des 
gardes  françoises.  (Note  du  duc  de  Luynes,  datée  du  20  mai  1741,  Versailles.) 


892  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

réglise,  M"*  de  Mail^y  revint,  se  remit  à  table  et  retourna 
prendre  la  Reine  au  salut  pour  revenir  avec  elle. 

Il  y  a  onze  ans  que  l'on  avoit  accordé  au  S'  Lemeau  de 
la  laisse  le  privilège  pour  .trente  ans  de  faire  imprimer 
tous  les  ans  un  livre  sous  le  titre  à'Almanach  militaire. 
M.  de  Breteuil  dit  il  y  a  quelques  jours  audit  S'  de  la 
laisse  que  Tintention  du  Roi  étoit  que  Timpression  de  ce 
livre  ne  se  fit  plus.  Cet  Âlmanach  contient  l'état  de  tous 
les  régiments  qui  composent  les  troupes  de  France,  tant 
de  terre  que  de  marine,  avec  l'état  des  officiers  généraux 
et  particuliers,  et  les  gouvernements. 

On  vient  d'apprendre  la  mort  de  M.  le  duc  de  Gramont 
à  Paris. 

*  Le  Roi  vient  d'accorder  à  H.  le  duc  de  Gesvres  pour  le 
dédommager  de  son  jeu  quia  été  supprimé,  comme  je  l'ai 
marqué  plus  haut,  100,000  francs  d'argent  comptant 
et  20,000  livres  de  pension. 

Du  vendredi  19,  Marly.  —  J'ai  mis  ci-dessus  la  mort 
de  M.  le  duc  de  Gramont;  il  sera  regretté  dans  le  ré- 
giment des  gardes  ;  il  y  rendoit  des  services  aux  offi- 
ciers (1)  et  avoit  une  grande  considération.  On  prétend 


(1)  Il  y  a  quelques  jours  que  Ton  me  contoit  ce  qu'il  fit  devant  Philips- 
bourg  en  1734.  11  savoit  que  plusieurs  officiers  du  riment  des  gardes  pou- 
volent  être  dans  le  cas  d'avoir  besoin  d'argent  ;  il  remit  pour  100,000  livres 
de  lettres  de  change  à  M.  de  Champigny,  capitaine  aux  gardes ,  et  le  pria  de 
vouloir  bien  remettre  de  l'argent  sur  cette  somme  à  tous  ceux  qui  pourroient 
être  dans  le  besoin,  lui  disant  que  si  cela 'ne  suffisoit  pas  il  lui  feroit  remettre 
pareille  somme  de  100,000  livres;  mais  en  même  temps  il  lui  fit  donner  sa 
parole  qu'il  ne  diroit  jamais  que  cet  argent  venoit  de  lui.  Il  s'étoit  adressé  à 
M.  de  Champigny,  non-seulement  parce  que  M.  de  Champigny  lui  étoit  atta- 
ché, mais  parce  qu'il  4  beaucoup  de  bien  et  qu'on  pouvoit  le  croire  en  état 
de  rendre  ces  services  à  ses  amis.  M.  de  Champigny  exécuta  à  la  lettre  la 
volonté  de  M.  de  Gramont  et  donna  plusieurs  sommes  d'argent  aux  officiers. 
Au  retour  de  la  campagne  11  vint  trouver  M.  le  duc  de  Gramont  et  lui  de- 
manda en  grâce  de  vouloir  bien  lui  rendre  sa  parole,  ne  pouvant  pas  souffrir 
d'avoir  l'honneur  d'une  action  si  généreuse  sans  l'avoir  mérité.  M.  de  Gra- 
mont lui  répondit  que  non-seulement  il  ne  lui  rendoit  point  sa  parole,  mais 
qu'il  ne  le  verroit  jamais  sMl  étoit  capable  de  trahir  son  secret,  et  Ton  n'en  a 


I      MAI  1741,  :  393 

qu'il  faisoit  toujoui'S  tout  ce  qu'il  vouloit,  mais  tou^ 
jours  pour  lui^  ne  s' étant  jamais  soucié  de  personne. 
11  disoit  qu'il  n*y  avoit  que  les  sots  et  les  dupes  qui 
se  mettoiejit  en  peine  d'avoir  des  amis  :  nous  l'avons 
vu  tenir  bon  contre  M.  Chauvelin  dans  sa  plus  grande 
faveur,  parce  qu'il  croyoit  n'avoir  pas  eu  sujet  d'être 
content  de  lui  dans  une  affaire  de  famille ,  et  obte- 
nir qu'on  6tàt  à  M.  Chauvelin  le  détail  du  gouverne- 
ment de  Béarn,  qu'avoiiM.  le  duc  de  Gramont,  et  que 
l'ondonnàtce  détailàM.  de  Saint-Florentin.  M.  de  Gramont 
aimoit  beaucoup  ses  deux  filles,  et  ne  marchoit  jamais 
qu'avec  M*"^  la  duchesse  de  Gramont  et  elles  ;  il  ne  parois* 
soit  pas  avec  cela  qu'il  eût  grande  amitié  pour  M"**  de 
Gramont;  ilétoit  plein  d'humeur,  traitant  durement  ses 
domestiques,  et  cependant  bien  servi  ;  beaucoup  d'esprit 
et  de  bonne  conversation^  très-facile  en  affaires,  faisant 
une  grande  dépense  mais  toujours  égaie.  H*"^  la  duchesse 
de  Gramont  n'étoit  pas  la  n^altresse  de  faire  augmenter 
le  dîner  ni  le  souper  d'un  plat,  ni  d'une  bouteille  de  vin. 
On  croit  qu'il  pouvoit  avoir  100,000  écus  de  rente,  tous 
frais  faits,  et  il  avoit  cependant  pour  près  de  100,000 
francs  de  charges.  La  coutume  de  Bayonne,  dont  il  jouis- 
soit  de  moitié  avec  le  Roi,  est  un  bien  patrimonial  et 
considérable.  Le  gouvernement  de  Béarn  et  tous  les  gou* 
vernements  particuliers  sont  un  objet  d'environ  90,000  li- 
vres. Pour  le  régiment  des  gardes,  on  n'en  sait  point  la 
valeur;  on  dit  120,000  livres  par  an,  peut-être  est-ce 
davantage.  Il  avoit  outre  cela  la  terre  de  Gramont,  Les- 
parre  et  Semeac,  et  il  ne  dépensoit  pas  son  revenu.  Lors- 
qu'il a  fait  la  folie  de  faire  bâtir  près  de  Meaux  cette  mai- 
son, qui  n'est  pas  encore  finie,  il  dit  qu'il  avoit  120,000 
livres  pour  la  payer,  d'argent  comptant  ;  il  croyoit  qu'elle 
ne  lui  coùteroit  pas  plus  cher.  Le  comte  de  Gramont  devient 


rien  su  efTectivement  que  depuis  la  mort  de  M.  de  Gramont.  (Addition  du 
duc  de  léUyne^,  datée  du  13  juillet  1741 .  ) 


9M  MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

duc  de  plein  droit  et  sansaucune  nouvelle  grâce;  il  demande 
avec  instance  le  régiment,  préférablement  même  au  gou- 
vernemeniy  quoique  celui-ci  paroisse  presque  nécessaire  à 
avoir  à  cause  des  difficultés  inévitables  avec  uik  autre 
gouverneur.  M.  d'Aumont  demande  aussi  le  régiment; 
Uk  de  la  Trémoiile  aussi,  qui  offre  de  payer  le  brevet  de 
retenue,  qui  est  au  moins  de  500,000  livres,  et  de  remettre 
sa  charge  et  le  b^vet  de  retenue  qu'il  a  dessus  ;  M.  de 
Coigny  demande  pour  M.  son  père.  M.  le  Gai*dinal  dit 
hier  à  M*"""  de  Luynes  qu'il  porterdit  aU  Roi  la  liste  de 
tous  ceux  qui  demandoient,  que  le  Roi  décideroit  seul  et 
qu'il  ne  lui  donneroit  même  aucun  conseil.  On  croit  que 
M.  le  duc  de  Fleury  sollicite  pour  avoir  une  charge  ou  de 
capitaine  des  gardes  ou  de  premier  gentilhomme  de  la 
chambre  par  quelque  cascade  que  Ton  arràngeroit.  M""*  dé 
Fleury  ne  s'oublie  pAs  lorsqu'il  «'agit  de  demander. 

Mademoiselle  revint  ici  mardi.  Les  quatre  sœurs  sou- 
pèrent  ce  jour-là  dans  les  cabinets.  Le  lehdeinain  le  Roi 
ne  sortit  point  de  tout  le  jour  ;  malgré  celaM*^*^  de  Mailly 
fut  faire  un  tour  à  Paris  pour  voir  M"'  de  Gramont ,  qui 
est  de  fs»es  amies  ;  elle  revint  le  soir. 

Hier,  cabinets  et  les  quatre  sœurs. 

Aujourd'hui,  le  Roi  a  dîné  dans  ses  cabinets ,  seule- 
ment avec  les  deux  comtesses  et  quelques  hommes. 

On  nomme  aussi  dans  les  prétendants  à  la  charge  H.  de 
Luxembourg.  M"*  la  comtesse  de  Toulouse  sollicite  forte- 
ment pour  le  comte  de  Gramont,  lequel  a,  dit-on,  écrit 
à  M.  le  Cardinal,  qu'à  l'égard  du  régiment  il  se  regarde- 
roit  comme  déshonoré  s'il  ne  Vobtenoit  pas. 

Le  Roi  chasse  demain  et  retourne  ensuite  à  Versailles. 

L'ambassadeur  d'Espagne  me  dit,  il  y  a  quatre  jours, 
qu'il  étoit  enfin  parvenu  à  obtenir  une  augmentation 
dans  nos  troupes,  qu'elle  seroit  de  trente-quatre  mille 
hommes.  Cette  augmentation  fut  publique  avant-hier  ; 
elle  est  pour  l'infanterie  seulement;  elle  est  de  dix 
hommes  par  compagnie  et  quinze  pour  les  grenadiers  î 


lOAI  1741.  8d5 

elle  doit  être  fiiite  le  1^*^  août.  Le  Roi  donne  50  livres  par 
homme  et  fournit  Thabillement,  et  outre  cela  15  livres 
par  homme  de  gratification  à  ceux  qui  auront  fait  leur 
augmentation  dans  le  temps  prescrit.  On  dit  qu'il  y  en 
aura  une  inéessamment  pout*  la  cavalerie  et  les  dragons. 

On  a  commencé  aujourd'hui  à  parler  de  M.  le  duc  delà 
Rochefouioauld  pour  le  régiuient  des  gardes  ;  ce  qui  peut 
donner  quelque  foûdéknent  à  ce  bruit^  c^est  que  M.  de  la 
Rochefoucauld  u'est  point  venu  ici  de  tout  le  voyage  j  il 
étoit  à  la  Rocheguyon  avec  M"'  la  duchesse  d'Estissac,  sa 
fille,  qui  y  est  malade  ;  on  dit  môtoe  qu'elle  a  fait  une 
fausse  couche.  Malgré  cela,  il  est  venu  ici  aujourd'hui. 
On  dit  qu'il  demande  le  régiment  et  offre  de  remettre  sa 
charge  de  grand  maître  de  la  garde-robe  pour  M.  le  duc  de 
Fieiiry.  Ce  qui  est  certaiU,  c'est  qu'il  a  été  chez  M.  le  Car- 
dinal ,  et  que  pendant  ce  temps  on  y  a  vu  entrer  M"®  la 
duchesse  de  Fleury  par  la  porte  de  derrière. 

M.  de  Breteuil  a  travaillé  ce  soir  avec  le  Roi;  au  sortir 
du  travail,  on  n'a  rien  dit  ;  mais  on  a  appris  une  denli-heure 
après  que  le  Roi  a  disposé  du  régiment  et  du  gouverne- 
ment qu'avoit  feu  M.  le  duc  de  Gramont  en  fiâveur  de 
M.  le  comte  de  Gramont  son  frère,  aujourd'hui  duc(l);  il 
paye  500,000  livres  de  brevet  de  retenue  qu'il  y  avoit  sur 
la  charge ,  et  le  Roï  lui  a  donné  un  autre  brevet  de  re- 
tenue, seulement  de  400,000  livres.  Feu  M.  le  duc  de 
Gramont  avoit  non-seulement  le  gouvernement  de  Béarn 
et  de  Navarre,  mais  encore  tous  les  gouvernements  parti- 
culiers qui  y  sont  compris.  Le  Roi  a  donné  les  mêmes  gou- 
vernements à  M.  le  duc  de  Gramont,  excepté  celui  de 
Saint- Jean  Pied-de-Port.  Le  Roi  a  accordé  à  M"*  la  du- 
chesse de  Gramont,  douairière,  une  pension  de  10,000 


(1)  On  pouYoit  cependant  douter  de  cette  nouvelle,  parce  que  le  Roi,  ni 
avant,  ni  pendant,  ni  après  son  souper,  n'en  dit  pas  un  mot  ;  mais  elle  fut 
confirmée  parce  que  M.  le  Cardinal  le  dit,  à  son  coucher,  au  comte  de  NoaiUes. 
(Note  du  duc  de  Luynes.) 


M6  MÉMOIRES  DU  DUC  D£  LUYNES. 

livres  sur  le  gouvernement.  H.  le  duc  de  Gramont  entre 
aujourd'hui  en  possession  de  tous  les  biens  de  M.  son 
frère ,  au  moyen  de  Tarrangement  fait  par  le  testament 
de  M.  de  Gramont  leur  père^  par  lequel  il  institue  le 
comte  de  Gramont  héritier  de  tous  ses  biens  meubles  et 
immeubles  après  la  mort  du  duc  de  Gramont ,  frère  aîné 
du  comte,  à  la  charge  que  ledit  comte  deGramont  donnera 
aux  deux  filles  de  son  frère  1,350,000  livres  et  qu'eUes 
partageront  pour  moitié  entre  elles  dans  la  communauté. 
Il  donne,  par  ledit  testament,  un  an  de  temps  au  duc  son 
fils  aîné  pour  accepter  ou  rejeter  cette  disposition  ;  et  au 
cas  qu'il  n'y  adhère  point ,  il  est  dit  qu'il  n'aura  que  sa 
légitime;,  cet  te  disposition  testamentaire  a  aujourd'hui 
son  exécution. 

Du  samedi  20,  avant  midi,  Marly.  —  M.  le  duc  de 
Gramont  est  venu  aujourd'hui  ici  remercier  le  Roi.  M""*  la 
duchesse  de  Gramont  sera  présentée  demain  par  M""^  la 
maréchale  d'Estrées. 

La  Reine  est  revenue  dîner  ici  (1)  aujourd'hui  et  a  été 
cette  après-dlnée  dans  sa  tribune  fermée  entendre  les 
premières  vêpres  chantées  par  les  chantres  delà  chapelle 
du  Roi.  11  n'y  a  jamais  d'évèque  qui  officie  la  veille  des 
fêtes  de  rOrdre,  et  par  conséquent  le  Roi  ni  la  Reine  ne 
descendent  point  en  bas.  Le  Roi  est  revenu  de  la  chasse 
pendant  les  vêpres  et  n'a  point  été  à  la  chapelle;  il  soupe 
dans  ses  cabinets. 

11  n'y  aura  point  demain  de  promotion  de  chevaliers  de 
rOrdre  ;  on  dit  même  qu'il  n'y  en  aura  point  au  l'"^  jan- 
vier prochain,  mais  seulement  au  2  février^  afin  que 
les  nouveaux  chevaliers  soient  reçus  à  la  Pentecôte  dans 
un  an,  en  même  temps  que  M.  le  Dauphin.  M.  le  duc 
de  Penthièvre,  qui  vient  d'avoir  quinze  ans,  sera  nommé 
à  la  première  promotion. 


(1)  Versailles,  20  mai.  {Noteduduc^de  Luynes,  ) 


n 


MAI   i74i.       S^  397 

Du  mardi  23,  Fersai Wes^  —  Dimanche,  jour  de  la  Pen- 
tecôte, il  n'y  eut  point  de  chapitre.  Le  Roi  recommença  à 
isouper  au  grand  couvert  et  Madame  y  soupa  ;  elle  est  servie 
par  les  gentilshommes  servants. 

Hier,  madame  de  Gastro-Pignano  prit  son  audience  de 
congé;  elle  se  rendit  chez  M""'  de  Luynes  pendant  la  messe 
de  la  Reine;  après  que  la  messe  fut  finie,  M.  de  Verneuil 
vint  l'avertir  ici  et  la  conduisit  chez  la  Reine.  La  Reine 
étoit  dans  sa  chambre,  le  fauteuil  tournant  le  dos  à  la 
cheminée.  M"®  de  Luynes,  avertie  de  l'arrivée  de  M™*  de 
Castro-Pignano,  sortit  dans  le  cabinet ,  salua  et  baisa 
M"*  de  Gastro-Pignano  au  milieu  dudit  cabinet,  et  entra 
ensuite  marchant  devant  elle,  un  seul  battant  ouvert, 
suivant  l'usage.  M"*  de  Luynes  avoit  fait  avertir  des  dames 
qui  étoient  rangées  des  deux  côtés  de  la  Reine.  Après  les 
trois  révérences,  M"*  de  Gastro-Pignano  et  M"'  de  Luynes 
s'assirent  vis-à-vis  de  la  Reine,  M"*  de  Luynes  à  la  gauche 
de  l'ambassadrice.  Après  quelque  temps  de  conversation, 
M.  de  Verneuil  traversa  le  cercle,  passa  par  le  cabinet  et  la 
galerie,  et  alla  chez  le  Roi,  qui  étoit  au  conseil.  C'est  tou- 
jours le  premier  gentilhomme  de  la  chambre,  ou  le  pre- 
mier valet  de  chambre,  qui  entre  au  conseil  pour  avertir 
le  Roi.  Le  Roi  vint  presque  aussitôt,  resta  quelque  mo- 
ment, et  avant  que  de  s'en  aller  salua  et  baisa  M"**"  Tam- 
bassadrice.  M"""  de  Luynes  reconduisit  S.  M.  ;  la  Reine  se 
rassit;  M"* de  Castro-Pignano  et  M"*"  de  Luynes  reprirent 
leurs  places,  et  toutes  les  dames  titrées  se  rassirent  en 
même  temps.  M.  de  Verneuil  avoit  été  reconduire  le  Roi 
jusqu'à  son  cabinet;  il  rentra  par  la  galerie  et  le  cabinet 
dans  la  chambre  de  la  Reine,  et  passa  tout  de  suite  pour 
aller  avertir  M.  le  Dauphin.  H.  le  Dauphin  monta  aussitôt, 
et,  ayant  fait  la  révérence  aux  dames  et  à  M'"''  l'ambassa- 
drice, alla  droit  à  la  Reine,  et  après  quelque  moment  il 
s'avança  vers  M"'  l'ambassadrice,  la  salua  et  la  baisa,  et 
sortit  immédiatement  après,  M"**  de  Luynes  le  recondui- 
sit; la  Reine  et  toutes  les  dames  titrées  se  rassirent.  M.  de 


MEMOIRES  DU  DUC  DE  LUTIŒS. 

Yemeuil  était  allé  recondaire  M.  le  Dauphin  jusque  dans 
son  appartement;  il  me  dit  même  qu'il  aToit  demandé 
pennission  i  M.  de  Chàlillon  de  ne  pas  suivre  M.  le  dau- 
phin jusque  chez  lui  et  que  M.  de  Chàtillon  FaToit  refusé. 
Lorsque  M.  de  Yemeuil  fut  revenu^  Taudience  finit.  La 
Reine  se  leva ,  M**  de  Castro-Pignano  baisa  le  bas  de  la 
robe  et  sortit  en  pleurant  ;  elle  parolt  fort  affligée  de  quit- 
ter la  France  ;  elle  revint  chez  M*^  de  Luynes  d*où  M.  de 
Yemeuil  la  conduisit  chez  Ifesdames.  M.  de  Campo- 
Florido  et  M.  de  Castro-Pignano  étoient  tous  deux  à  Tau- 
dience  chez  la  Reine.  L'usage  est ,  comme  je  Fai  déjà^ 
marqué  ci-dessus^  que  la  dame  d'honneur  donne  à  diner 
chez  elle  ce  jour-là  aux  ambassadrices  de  famille ,  comme 
à  la  première  audience.  M"^  de  Castro-Pignano^  qui  devait 
aller  voir  les  eaux  de  Yersailles  Taprès-dinée,  avoit  de- 
mandé en  grâce  qu'au  lieu  d'un  diner  ce  fût  un  souper; 
elle  soupa  donc  ici  ;  M.  de*  Yemeuil  y  soupa  aussi.  Elle  esi 
allée  aujourd'hui  voir  les  eaux  de  Marly  et  doit  partir  sa- 
medi avec  M.  de  Castro-Pignano^  son  çaon^  qui  n'attend 
point  l'arrivée  de  M.  le  prince  d'Ardore^  son  successeur. 
Aujourd'hui  H.  de  Castro-Pignano  a  eu  son  audience; 
c'étoit  M"*  de  Clermont  qui  avoit  fait  avertir  les  dames. 
C'étoit  ime  audience  particulière^  la  ^eine  debout  auprès 
de  sa  table.  M.  de  Yemeuil  a  été  avertir  H.  de  Ci^tro-Pi- 
gnano  et  Fa  conduit  chez  la  Reine.  11  a  fait  un  compliment 
en  italien  et  a  remis  à  S.  H.  une  lettre  du  roi  des  Deux- 
Siciles,- écrite  en  espagnol;  il  a  ajouté  ensuite  quelques 
mots  en  françois^  et  s'est  retiré  avec  les  révérences  ordi- 
naires. 11  étoit  fort  question  depuis  deux  jours  de  dédider 
si  ce  seroit  M.  de  Yerneuil  qui  conduiroit  M.  de  Castro-Pi- 
gnano à  l'audience.  M.  de  Castro-Pignano  représentait 
qu'à  sa  première  audience  ici^  il  avoit  été  mené  par  H.  de 
la  Mina  et  non  par  l'introducteur,  que  c'étoit  une  dis- 
tinction qui  sembloit  être  accordée  aux  ambassadeurs  de 
famille;  que  H.  de  Puysieux^à  sa  première  et  dernière  au- 
dience à  Naples ,  n'avoit  pas  été  conduit  par  Fintroduo- 


1 


MAI  4744.  zm 

teur;  que  nos  ambassadeurs  en  Espagne  ne  sont  pashon 
plus  conduits  pairies  introducteurs^  et,  qu'en  dernier 
lieu,  M.  de  THôpital  à  Naples  avoit  été  traité  de  même, 
M.  le  Cardinal  parlai  avant-hier  à  M,  de  Puysieux,  lequel 
lui  rendit  compte  du  traitemeut  qu'il  avoit  reçu  à  Naples, 
conforme  à  ce  qu' avoit  dit  M.  de  Castro-Pignano  ;  malgré 
cela  il  a  été  décidé  que  ce  seroit  Tinti'oducteur.  U.  de  Ver*- 
neuil  prétend  que  14.  de  CaittçUar>  ^  toutes  ses  audiences^ 
avoit  été  conduit  par  l'introducteur  des  ambassadeurs^  et 
qu'à  regard  de  la  première  audience  de  M.  de  Castro-Pi<- 
gnano ,  on  n'avoit  çiverti  l'intruduoteur  qu%ine  heure 
auparavant ,  ce  qui  fit  qn'il  ne  put  s?y  trouver. 

L^on  prétendoit  que  SI.  de  Castro-Pigne^no  devoit  pro-t 
digieusement  dansée  pays-ci  ;  il  me  dit>  Is^  veille  quHl  a 
pris  congés  qu'il  avoit  payé  généralement  toutes  sesdettea 
tant  en  argent  que  par  arrangements  faits  avec  le 
S^  Cioya,  banquier,  entre  les  mains  duquel  il  à  laissé  plu-; 
sieurs  effets  et  entre  autres  beaucoup  de  galon  d'or  et 
d'argent,  que  ledit  S'  Cioya  s'est  cb^gé  desdits  effets, 
et  que,  moyennant  l'estimation  par  oQ^mpte  arrêté  entre 
eux,  il  ne  devoit  plus  qu'environ  9S^,QQ0  livres,  q^e  leçlit 
S^  Cioya  s'est  aussi  chargé  d'acquitter  moyennant  une 
lettre  de  change  payable  au  mois  d'août  par  If*  de  Castro- 
Pignano,  lequel  m'a  dit  qu'elle  seroit  acceptée  au  mois 
de  juillet  immédiatement  après  son  arrivée;  que  pour 
faire  ces  payements  il  aVoit  fait  venir  en  dernier  lieu 
14^0,000  livres  de  chez  lui;  que  sa  dépense,  depuis  dix- 
sept  ou  dix-huit  mois  qu'il  était  en  France  ,  montoit  à 
550,000  livres;  que  sur  celg^leroi  des  Deux-Sicilea  lui 
avoit  donné  environ  100,000  livres  par  an  ,  outre 
20,000  écus  qu'il  lui  avoit  donnés  pour  son  ameu- 
blement, et  sans  compter  ses  appointements  de  capi- 
taine général ,  dont  il  étoit  payé  ici  comme  à  Naples; 
et  que  msdgré  cela  il  lui  en  coùtoit  100,000  écus  de  son 
bien. 

Milord  Clare,  neveu  de  feu  M.  le  maréchal  de  Ber- 


400  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

wick  (1)|  a  hérité  depuis  peu  de  20^000  livres  sterling 
d'un  oncle  à  la  mode  de  Bretagne,  mort  en  Angleterre, 
nommé  milord  Woutmout  [?].  Il  devoit  hériter  de  toute  la 
succession  en  vertu  d'une  substitution ,  et  cet  héritage 
montoit  à  phis de  50,000  écus  de  rente;  mais  il  falloit 
changer  de  religion  et  quitter  le  service  de  France. 
Milord  Clare  a  refusé  Tune  et  l'autre  de  ces  conditions  ; 
il  étoit  dit  qu^en  ce  cas  il  n^auroit  que  20,000  livres  ster- 
ling une  fois  payées,  ce  qui  fait  environ  4^50,000  livres  de 
notre  monnoie  y  mais  avec  obligation  de  changer  de  nom 
et  de  prendre  celui  de  Woutmout  [?]. 

La  direction  de  M.  de  Gramont  est  changée  ea  inspec- 
tion et  a  été  donnée  à  milord  Clare. 

Nous  apprîmes  hier  que  M"**^  de  Rupelmonde  avoit  obtenu 
la  permission  de  se  démettre  de  sa  place  de  dame  du  pa- 
lais en  faveur  de  sa  belle-fille,  qui  est  fille  de  M.  le  duc  de 
Gramont  d'aujourd'hui  ;  elle  se  réserve  les  appointements.  ^ 

Nous  apprîmes  aussi  que  M.  de  Terlay,  lieutenant- 
colonel  du  régiment  des  gardes,  qui  se  retire,  avoit  ob- 
tenu le  gouvernement  de  Saint-Jean  Pied-de-Port  qu'a- 
voit  feu  M.  le  duc  de  Gramont;  il  est  sur  l'état  du  Roi  à 
10,il00  livres. 

Quoique  M.  le  duc  de  Gramont  ait  eu  toutes  les  charges 
qu'avoit  M.  son  frère,  hors  le  gouvernement  de  Saint- 
Jean  Pied-de-Port,  il  ne  jouira  pas  des  mêmes  revenus. 
Premièrement,  sur  le  gouvernement  il  y  a  10,000  livres 
de  pension  pour  la  veuve  ;  son  beau-frère  a  sollicité  lui- 
même  cette  grâce.  Outre  cela,  il  y  a  changement 
sur  les  logements  du  régiment.  Toutes  les  maisons  des 
faubourgs  de  Paris,  hôtels  ou  autres,  dès  qu'elles  ne  sont 
point  occupées  par  les  propriétaires,  sont  sujettes  au  lo- 
gement des  gardes  françoises  ;  ce  logement  est  estimé 


(0  II  était  fils  de  Charlotte  de  Bulkeley,  sœur  d'Anne  de  Bulkeley,  du- 
chesse de  Berwick  ;  nous  n'ayons  pu  trouver  le  nom  de  son  oncle  à  la  mode 
de  Bretagne. 


; 1 


] 


MAI  1741.  401 

ordinairement  en  argent^  et  forme  une  recette  très-consi- 
dérable. Un  officier 9  fort  instruit  de  ce  qui  se  passe  dans 
les  gardes  suisses,  m'a  expliqué  un  détail  qui  peut  faire 
juger  à  peu  près  de  la  valeur  de  cette  taxe.  Les  gardes 
suisses  n'ont  que  trois  compagnies  logées  dans  les  fau- 
bourgs de  Paris  ;  leurs  compagnies  sont  de  deux  cents;  ils 
logent  tous  leurs  soldats  et  leur  fournissent  des  lits^  draps 
et  quelques  ustensiles  nécessaii*es  ;  ils  ont  dans  chaque 
compagnie  cinq  officiers  auxquels  on  paye  en  argent 
leurs  logements.  Les  gardes  françoises  ont  sept  officiers 
par  compagnie,  auxquels  il  n'est  payé  aucun  logement, 
et  leurs  compagnies  ne  sont  que  de  cent  dix  hommes;  par 
conséquent  Ton  estime  que  la  dépense  d'une  coopipagnie 
suisse  par  rapport  aux  logements  est  plus  forte  que 
celle  d'une  compagnie  françoise  d'environ  3,000  livres 
par  an.  Malgré  cela,  il  est  constant  que  le  revenant  bon 
des  logements  dans  les  compagnies  suisses ,  toutes  dé- 
penses prélevées,  monte  par  an  à  près  de  &,000  livres 
par  compagnie.  11  y  a  trente-trois  compagnies  dans  les 
gardes  françoises;  il  est  aisé  de  voir  que  le  produit  des  lo- 
gements est  un  objet  très-considérable.  11  est  d'usage  de 
retenir  sur  ce  produit,  tous  les  ans,  une  somme  de  60,000 
livres  au  moins,  que  le  Roi  emploie^  sur  le  rapport  du  co- 
lonel, en  gratifications  pour  les  officiers  du  corps.  Le 
surplus,  indépendamment  des  1,000  écus  de  moins  de 
dépense  que  dans  les  Suisses,  formeroitencore  un  objet  de 
72,000  livres.  M.  le  maréchal  de  Gramontn'avoit  sur  cela 
que  25,000  livres  ;  mais  le  duc  deGramont,  qui  vient  de 
mourir,  avoit  obtenu  peu  à  peu  le  surplus  de  ce  revenant 
bon.  En  donnant  la  charge  à  celui-ci,  on  a  réduit  le  profit 
aux  25,000  francs  anciens;  le  logement  des  cent  dix 
hommes  est  remis  en  argent  entre  les  mains  de  chaque 
capitaine^  lequel  y  gagne  plus  ou  moins  suivant  l'arran- 
gement qu'il  fait  avec  ses  soldats  (1).  Les  appointements 


(1)  M.  le  duc  de  Gramont  me  dit,  il  y  a  trois  ou  quatre  jours,  que  le  total 
T.  m.  26 


4in  MËMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

du  colonel  des  gardes  ne  sont  que  10,000  livres;  il  y  a 
outre  cela  une  pension  de  8,000  francs  attachée  à  la 
charge.  Ces  deux  articles  joints  aux  35,000  livres  dont  je 
viens  de  parler,  en  font  4^3,000 ,  mais  il  y  a  encore  les  six 
deniers  pour  livre ,  ce  que  Ton  estime  encore  pouvoir 
montera  35,000  livres.  Cette  somme  est  regardée  comme 
un  droit  du  colonel  qui  se  lève  sur  la  paye  des  offîcierç 
et  des  soldats. 

M.  de  la  Trémoille  mourut  le  23  au  soir  de  la  petite  vé« 
rôle  (1).  Il  tenoit  de  s!établir  depuis  peu  à  Fhôtel  de  Nesle 
sur  le  quai ,  qu'ils  avoient  loué.  M'"''  de  la  Trémoille  y  a 
eu  la  petite  vérole  dont  elle  s'est  tirée  fort  heureusement. 
M.  de  la  Trémoille  craignoit  beaucoup  cette  maladie;  sa 
femme ,  qui  le  savoit,  lui  avoit  fait  promettre  dans  d'au- 
tres temps  que  si  jamais  elle  Tavoit  il  ne  s'enfermeroit 
point  avec  elle;  M.  de  la  Trémoille,  qui  l'aimoit  beaucoup, 
n'a  pas  voulu  la  quitter  pendant  sa  maladie,  et  M"'*'  de  la 
là  Trémoille ,  à  qui  on  a  toujours  laissé  ignorer  qu'elle 
eût  cette  maladie,  étoit  bien  persuadée  qu'elle  ne  l'avoit  pas 
parce  qu'elle  voyoitM.  de  la  Trémoille  dans  sa  chambre. 
M.  de  la  Trémoille  étoit  dans  sa  trente-quatrième  année; 


ded  logements  roontolt  effectivement  à  160,000  livres  au  moins,  mais  qu'il  y 
avoit  premièrement  à  déduire  80,000  livres  que  l'on  donnoit  aux  capitaines.  11 
me  détailla  aussi  d'autres  diminutions  par  lesquelles  il  paroit  prouvé  claire- 
ment que  le  revenant  bon  des  logements  pour  le  colonel  est  peu  considérable. 
Il  m'ajouta  que  feu  M.  son  frère  n*ea  touchoit  que  20,000  livres,  et  que  lui- 
même  ne  comptoit  point  en  toucher  davantage;  que  le  Roi  accorde  cette 
somme  au  colonel  et  qu'il  ne  peut  pas  même  en  recevoir  une  plus  forte;  que 
depuis  qu'il  avoit  la  charge  il  avoit  proposé  un  arrangement  qui  avoit  été  ac- 
cepté ,  qui  étoit  de  donner  sur  le  revenant  bon  des  logements ,  aux  six  com* 
mandants  de  bataillons,  chacun  2,000  livres  de  pension,  et  que  le  lieutenant- 
colonel  eût  1,000  livres  de  plus  que  les  cinq  autres  ;  que  supposé  que  dans  le 
cas  d'une  augmentation ,  la  dépense  des  logements  seroit  plus  forte  et  le  reve- 
nant bon  des  logements  ne  suffisant  pas  pour  payer  lesdites  1 3,000  livres  de 
pension,  cette  somme  seroit  prise  sur  les  20,000  livres  qu'il  doit  toucher.  (Ad- 
dition du  duc  de  Luynes,  datée  du  3  juin  1741.) 

(1)  On  me  dit,  il  y  a  quelques  jours,  qu'on  lui  avoit  fait  cette  épitaphe  à 
Paris  :  <c  01«>gtt  Tamoitr  martyr  de  l'hymen.  »  (  liote  du  duc  de  Luynea.  ) 


\ 


MAI  1741.  40h 

il  avoit  beaucoup  d'esprit  et  une  jolie  figure.  11  étoit 
premier  gentilbomme  de  la  chambre.  II  laisse  uafils&gé 
de  quatre  ans  et  une  fille.  11  étoit  aussi  de  racadémie 
frauçoise  ;  on  ci^oit  que  cette  place  sera  doiinée  à  M.  l'abbé 
de  Saint-Gyi*y  BOu&-précepteui*deM.  leDauphin,  d'autant 
plusqu'il  en  est  digne  et  que  o^est  assez  Tusage.  L'affaire 
du  gouvernement  de  l'Ile  de  France  n- étoit  pas  entière^ 
ment  consommée^  et  M.  de  là  Trémoille  n'avoit  pas  prêté 
serment  (1).  Il  avoit  le  régiment  de  CShampagne^  qui  sera 
donné  apparemment  en  même  temps  que  la  charge;  mais 
M.  le  Cardinal  est  &  Issy^  d'où  il  ne  reviendra  que  mer- 
credi matin. 

Le  Roi  a  toujours  été  à  Choisy^  d'où  il  revint  hier  au 
soir  souper  dans  ses  cabinets^  et  il  est  parti  ce  matin  pour 
aller  courre  à  Rambouillet^  où  il  couchera^  et  ne  reviendra 
que  mardi. 

Les  trois  premiers  gentilshommes  de  la  chambre  ont 
été  trouver  M.  le  Cardinal^à  Issy  pour  demander  que  la 
charge  fût  donnée  au  fils  de  M.  de  la  Trémoille^  et  offrent 
de  l'exercer  pour  lui.  M.  le  duc  d'Orléans  sollicite  aussi 
fortement  pour  le  fils^  et  l'on  dit  môme  qu'il  a  cité  pour 
exemple  &  M.  le  Cardinal  qu'il  avoit  bien  donné  à  l'âge 
d'un  an  la  survivance  de  capitaine  des  gardes  au  petit-fils 
deM.  de  Béthune.  On  ajoute  que  H.  le  Cardinal  a  nié  que 
cela  fût  vrai^  mais  que^  M.  le  duc  d'Orléans  n'en  est  pas 
moins  persuadé.  Le  fait  est  réellement  faux.  Cela  prouve 
que  M.  le  duc  d'Orléans^  qui  vit  dans  une  grande  retraite, 
et  qui  augmente  tous  les  jours,  est  mal  informé  de  ce  qui 
se  passe  ici.  H.  le  duc  de  Gharost  m'a  dit  que  ni  lui  ni 
M.  le  duc  de  Béthune  n'avoient  seulement  pas  imaginé 
de  demander  cette  survivance.  M"**  de  Mailly  et  de  Vinti- 
mille  se  sont  déclarées  ouvertement  pour  M.  de  Luxem- 


(1)  Il  avoit  assuré  à  M.  le  comte  d*Évreox  sur  tous  ses  bieos,  sa  vie  du- 
rant, 30,000  livres  pour  les  appointeinents^du  gouvernement.  (Note  du  duc  de 
îjuynes,) 

26. 


404  iMÉMOiRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

bourg.  Il  parolt  qne  le  goût  du  Roi  et  de  M.  le  Cardinal 
n'est  pas  de  la  donner  au  fils;  Ton  conclut  de  là  que,  s'il 
Tobtient,  S.  Ém.  aura  cédé  aux  puissantes  sollicitations. 
D'autres  gens  croient  que  M.  le  duc  de  Fleury  pourroit 
bien  avoir  la  charge  ou  au  moins  Fexercice  ;  on  doute 
pourtant  que  ce  soit  le  goût  du  Roi.  A  Tégard  de  M.  de 
Luxembourg,  s'il  l'obtient,  ce  sera  une  grande  marque 
du  crédit  des  deux  sœurs,  et  c'est  ce  qui  pourroit  en  faire 
douter.  M.  leducdeCh&tillondemandeaussi  cette  charge. 
H.  le  Dauphin  a  été  malade  ces  jours-ci  d'une  grande 
fluxion  pour  laquelle  il  a  été  saigné  deux  fois.  La  pre- 
mière saignée  étoit  faite  lorsque  le  Roi  partit  mardi  der* 
nier  pour  Ghoisy  ;  cette  maladie  faisoit  croire  qu'il  pour- 
roit y  avoir  quelque  changement  sur  ce  voyage.  M.  le 
Cardinal  lui-même  n'en  savoit  rien: j'allai  même  à  son 
café,  où  il  me  demanda  s'il  n'y  avoit  rien  de  changé.  Il 
n'y  avoit  au  voyage  de  Choisy  que  les  quatre  sœurs  et 
M""*  la  maréchale  d'Estrées.  J'y  allai  jeudi.  Le  Roi  étoit 
allé  à  la  chasse  à  Sénart  pour  courre  le  daim  avec  les  chiens 
verts.  C'est  un  équipage  qui  a  été  d'abord  au  lièvre  et 
qui  n'est  pas  ceQsé  équipage  du  Roi  ;  c'est  Dampierre  qui  le 
commande,  et  les  piqueurs  sont  habillés  de  vert.  M*"*  de 
Hailly  étoit  allée  avec  le  Roi  ;  elle  étoit  seule  de  femme  ; 
et  lorsque  le  Roi  monta  à  cheval,  elle  monta  dans  une  ca- 
lèche avec  M.  de  Luxembourg  et  M.  de  Meuse;  elle  avoit 
un  habit  vert.  Il  n'y  a  point  d'uniforme  pour  cet  équi- 
page, le  Roi  même  n'en  porte  point.  Le  Roi  avoit  à  Choisy 
deuxou  trois  fois  par  jourdes  nouvelles  de  M.  le  Dauphin. 
Un  page  apporta  le  jeudi  au  soir  à  S.  M.  une  lettre  pen- 
dant qu'iljouoit  àquadrille.  Mademoiselle  et  H"**^  de  Mailly 
jouoientà  cavagnoleet  j'étois  entre  elleô  deux.  M"**  de 
Mailly  parut  avoir  grand  désir  de  savoir  des  nouvelles 
de  M.  le  Dauphin;  le  Roi  lui  envoya  sur-le-champ  la  let- 
tre, qu'elle  lut  tout  bas  aussitôt  ;  après  quoi,  elle  se  leva 
et  la  reporta  au  Roi.  Mademoiselle  demanda  des  nouvelles 
au  page.  M"'  de  Vintimille  ne  joue  point  et  est  toujours 


^         MAI  1741.  405 

assise  auprès  de  la  table  où  le  Roi  joue.  Les  deux  prin- 
cesses ne  sont  pas  du  voyage  de  Rambouillet  ;  il  n'y  a 
'que  les  deux  comtesses  et  point  d'autres  dames.  W^  la 
comtesse  de  Toulouse,  qui  est  incommodée^  n'est  partie 
qu'à  cinq  ou  six  heures  pour  y  aller. 

Ily  a  déjà  quelques  jours  que  M.  de  Bouville,  conseil- 
ler d'État^  ci-devant  intendant  d'Orléans,  est  mort  ;  dette 
charge  va  naturellement  à  M^  de  la  Houssaye  qui  avoit 
depuis  longtemps  une  expectative. 

Il  y  adéjà  longtemps  que  M.  deCampo-Florido  deman- 
doit  avec  instance  à  M.  le  Cardinal  la  permission  de  faire 
présent  au  Roi  d'un  chandelier  de  cristal  qu'il  a  apporté 
avec  lui  de  Sicile.  Ce  chandelier  est  de  cristal  fondu,  ex- 
trêmement grand;  toutesles  branches  sont  de  cristal,  dans 
le  goût  des  chandeliers  d'église.  Il  faisoit  assez  bien  à  la 
fête  de  M.  de  Campo-Florido;  on  l'a  mis  pendant  quelques 
jours  dans  la  chambre  du  Roi,  ici,  où  il  faisoit  très-mal, 
et  on  Ta  porté  au  garde-meuble  ;  c'est  un  présent  fort 
médiocre. 

Ily  adéjàici  quelqueschangementsdans  les  logements. 
Le  Roi  6te  àHM.  les  deux  gentilshommes  de  la  manche 
les  deux  logements  qu'ils  ont  presque  au-dessus  de  celui- 
ci.  Il  a  donné  à  M.  le  chevalier  de  Créquy  le  logement 
de  feu  H.  le  marquis  d'Antin  au-dessus  de  la  salle  du  con- 
seil. On  vient  de  redemander  à  M®**  de  Conflans(l)  celui 
qu'elle  avoit  auprès  de  M°*  la  maréchale  d'Estrées  dans 
.l'aile  neuve  ;  elle  n'en  faisoit  point  d'usage  depuis  deux 
ans,  étant  devenue  totalement  aveugle  ;  on  croit  que  ce 
logement  est  pour  M.  de  Puydion,  mais  cela  n'est  point 
encore  décidé.  Le  Roi  veut  donner  des  appartements  à 
M.  le  maréchal  de  Noailles  qui  a  cédé  le  gouvernement  à 
son  fils,  à  M.  le  duc  d'Ayen,  qui  n'en  a  qu'un  de  garçon, 
à  M"*'  la  duchesse  de  Gramont  la  veuve,  à  M.  et  M™*^  de  Fitz- 


(1)  Mme  de  Ck>nflaD8,  soeur  de  Mme  d'Armentières;  toates  deax  filles  de 
Mme  de  Jussac;  elle  est  attachée  à  S.  Â.  R.  {Note  du  duc  de  Luynes.) 


406  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

James^  f[ui  n^en  ont  point,  et  on  dit  aussi  un  pour  M.  et  M***de 
Mérode,  qui  sont  absents  depuis  longtemps,  mais  qui  sont 
eittrémement  mal  logea.  Le  comte  de  NMilles  j^t  oûng4 
du  Hei,  il  y  a  quelques  jours,  pour  son  régiment.  S.  M.  lui 
dit  en  partant  :  «  Vous  trouvères  à  votre  retour  bien  du 
cbangementdansleslogemensde  Versailles.  »  Gela  prouve 
que  le  Roi  a  dessein  de  faire  ces  changements  sans  tnk» 
vailler  avec  le  gouvern  eui:  •  :.. 

M.  le  duc  de  Chartres  partit  jeudi;  son  voyage  doit  être 
d'environ  six  semaines. 


JQUk 


L'éTèque  de  Laon.  —  Mort  de  M.  de  Chavagnac  et  da  chevalier  Rosen.  — 
Réception  du  duc  de  Gramont  comme  colonel  do  r^iment  des  gardes 
ftrançoisas.  -^  Le  doc  de  Fleory  nommé  premier  gentilhomme  de  la  chambre; 
drooDsiaBces  de  cette  nomination.  ^  Mariage  de  M.  de  Clermout>Tonnerro 
avec  W^  de  Bretenil  ;  maison  de  Clermont-Tonnerre.  —  Entrée  da  nonce. 

—  Revue  des  mousquetaires.  —  Régiments  donnés.  —  Changement  de  lo- 
gements à  Versailles.  — Serment  du  duc  de  Fleury.  —  Mort  de  M<b<^  la  Do- 
chesse.  —  Nouvelles  de  Cartbagène.  —  Présentations  de  M^e  de  Fontahie- 
Martel  et  de  M""^  de  Montmorency.  —  Mort  de  Tabbé  du  Vigean.  —  L*abbé 
de  Rochechouart-Faudoas  nommé  évéqne  de  Laon.  —  Gouvernement  de 
Champagne  accordé  au  prince  de  Soubise.  -*  Eau  bénite  à  M"m  la  Duchesse. 

—  Conseil  de  dépèches.  —  Cérémonial  pour  Teau  bénite  aux  princes  et 
princesses  du  sang.  —  Détail  curieux  sur  le  clergé  à  Tenu  bénite  de  Mip^  la 
Duchesse.  —  Audience  de  Tambassadeur  de  Naples. 

Du  jeudi  V,  Fête-Dieu,  Versailles.  —  Il  y  a  déjà  un 
mois  environ  que  M.  Tëvèquede  Laon  est  mort;  il  étoit 
frère  de  M.  le  marquis  de  laFare^  ci-devant  commandant 
en  Languedoc,  mais  il  ne  lui  ressembloit  point  du  tout, 
car  il  étoit  petit  et  d'une  vilaine  figure.  Il  a  beaucoup  fait 
parler  de  lui  par  son  zèle  pour  la  Constitution.  Ce  senti- 
ment^ quelque  louable  qu^il  soit  et  quoique  très-digne 
d'être  approuvé,  étoit  accompagné  dans  M.  de  Laon  d'une 
si  grande  vivacité  que  Ton  a  souvent  pensé  qu'il  poussoit 
les  choses  à  Texcès. 

Dimanche  dernier,  la  Reine  alla  se  promener  à  Sèvres 


JUIN  17411.  407 

dans  la  maison  de  M*"®  d'Armagnac  (1).  M"*^^  d'Armagnac 
etde  Villar»,  touites  deux  fiUes  de  M, ie  maréchal  de  Noail- 
Im,  qui  sont  Tune  etTautre  dans  la  dévotion^  jouissent 
d'une  des  maisons  dépendantes  de  Saint*Cloud*  M.  le  duc 
d'Orléans,  qui  est  en  grande  liaison  avec  elles,  leur  a 
donné  Tusage  de  oette  maison.  M*"^  d'Acmagnac^  qui  est 
séparée  d'avec  M.  le  prince  Charles  presque  depuis  son 
mariage^  habite  plus  souvent  cette  maison  que  W^  sasœur, 
et  la  Reine  aime  beaucoup  M'"''  d'Armagnac, 

J'ai  marqué  ci*dessus  qu'on  n'avoit  auicune  nouvelle  de 
M.  de  Ghavagnacj  beau-frère  de  M.  de  Tessé^  et  qu'on  le 
croyoit  péri  avec  le  bâtiment  qu'il  montoit.  Ce  bâtiment, 
qui  est  une  corvette  nommée  la  Fée,  est  enfin  revenu> 
et  Ton  a  appris  par  son  retour  que  M.  de  Chavagnac  étoit 
mort  sur  son  bord,  de  malefdie,  le  16  novembre. 

On  apprit,  il  y  a  quelques  jours,  la  mort  du  chevalier  Ro- 
sen.  MU.  Rosen  sont  les  petits-^fils  du  maréchal  de  ce  nom  ; 
ils  étoient  deux  frères-  et  avoient  chacun  un  régiment; 
celui-ci  avoit  un  régiment  gris  de  cavalerie  qui  avoit  été 
LordatetLixin.  Il  est  mort  de  la  petite  vérole  le  douzième 
jour,  â  Strasbourg. 

Le  Roi  revint  ici  mardi  de  Rambouillet,  et  soupa  avec 
les  deux  sœurs  et  la  maréchale  d'Estrées  dans  ses  cabinets. 
Les  deux  comtesses  étoient  revenues  de  Rambouillet  dans 
un  vis-â'Vis  du.  Roi,  de  la  petite  écurie.  Pendant  ce 
voyage,  M"*^  de  Mailly  a  encore  été  à  la  chasse  du. Roi, 
seule  de  femme,  avec  M.  de  Luxembourg  et  M.  de  Meuse. 

Le  Roi  en  arrivant  reçut  une  lettre  de  M.  le  Cardinal, 
lequel  étoit  encore  â  Issy,  et  de  ce  moment  il  parut  de  fort 
mauvaise  humeur  ;  il  passa  chez  la  Reine  avant  de  se 
mettre  â  table  ;  j'y  étois,  et  nous  remarquâmes  tous  qu'il 
étoit  fort  triste.  Le  lendemain  matin,  qui  étoit  hier,  j'al- 
lai chez  M"^  de  Mailly,  qui  me  parut  assez  sérieuse  ;  elle 
I  >  -  .  .  ■    -    -,      ■-....   -  - . .  ..,.,. 

(1)  On  appelait,  dans  la  société  de  la  Reine,  oette  maiflon  :  le  Palais  des 
lHas. 


409  MÉMOIRES  D€  DUC  DE  LUTÎIES. 

ayoit  beaucoup  de  monde  à  sa  toilette,  et  entre  autres 
M.  le  comte  de  Charolo^  et  M.  de  Luxembourg,  lequel 
aToit  l'air  triste.  M.  le  Cardinal  arriva  pour  le  coosrï 
d'État.  Le  Roi  dîna  à  son  petit  courert. 

L'après-dlnée  se  fit  la  réception  de  M.  le  duc  de 
Gramont^  à  trois  heures.  Le  riment  des  gardes  étoit  sous 
les  armes,  dans  la  grande  place  qui  est  entre  les  écuries 
et  le  château,  et  formoit  une  espèce  de  bataillon  carré  on* 
vert  du  c6té  de  la  grille;  tous  les  officiers  en  habit  uni- 
forme. Le  Roi  monta  à  cheval  dans  la  cour,  aceon^pagné 
de  ses  gardes  dont  les  officiers  étoîent  aossi  en  uniforme. 
La  garde  ordinaire  française  et  suisse  étoit  dans  la  cour 
des  ministres.  Le  Roi  s'avança  dans  la  place,  à  trente  pas 
environ  de  la  grille,  M.  le  duc  de  Gramont  en  uniforme 
et  à  pied  auprès  de  S.  M.  Aussitôt  que  le  Roi  fut  arrivé^ 
tous  les  officiers  quittèrent  leurs  postes,  les  sergents  et 
les  tambours.  Les  officiers  firent  un  cercle  autour  dn 
Roi,  les  tambours  derrière.  Le  Roi  dit  suivant  le  style 
ordinaire  :  <%  Vous  reeonnoitrez  M.  le  duc  de  Gramont 
pour  colonel  de  mes  gardes,  et  vous  lui  obéirez  en  ce  qu'il 
vous  commandera  pour  mon  service.  »  Aussitôt  les  tann 
bours  battirent,  les  officiers  se  remiirent  à  leurs  postes  et 
le  Roi  s'avança  à  droite,  du  côté  des  Récollets,  bnmédia* 
tement  après  qu'il  fut  placé,  le  régiment  des  gardes  se 
mit  en  marche  par  compagnie,  H.  le  duc  de  Gramont  à 
la  tét^  de  la  compagnie-colonelle,  suivant  Fusage,  salua 
le  Roi  et  se  plaça  ensuite  auprès  de  S.  M.  Tout  le  régi- 
ment continua  à  marcher  par  compagnie,  et  prit  le  che- 
min de  Paris.  Le  Roi  s'en  retourna  immédiatement  après. 
Il  étoit  resté  six  compagnies  dans  la  place,  à  la  tète  des- 
quelles M.  le  duc  de  Gramont  monta  la  garde  et  renvoya 
sur-le-champ  deux  desdites  compagnies.  L^usage  est  qu'à 
la  réception  du  colonel,  il  est  toujours  de  garde  quatre 
jours  comme  les  capitaines;  que  la  garde  relève  ce  jour- 
là,  et  recommence  par  la  tète.  La  garde  du  Roi  n'est  que 
de  quatre  compagnies;  pour  la  réception  du  colonel ,  il 


JUIN  1741.  409 

en  monte  six,  mais  il  en  renvoie  toujours  deux,  n'ayant 
pas  de  quoi  les  loger.  M"*"  de  Mailly,  de  Vintîmille  et  de 
Gramont  étoient  dans  le  carrosse  de  M"*^  de  Gramont  à  la 
réception.  Aussitôt  que  la  garde  eut  monté,  les  quatre 
compagnies  de  la  garde  nouvelle  se  retirèrent,  le  Roi  ne 
devant  pas  sortir. 

M"*"  de  Lesparre  et  de  Brionne  firent  hier  leurs  révé- 
rences avec  H""*  la  duchesse  de  Gramont-Biron  ;  elles  nV 
voient  point  de  mantes. 

Hier  après  midi,  M.  le  Cardinal  manda  à  H.  de  Maure- 
pas  de  ne  pas  dire  un  mot  de  la  charge  de  premier  gen* 
til  homme  de  la  chambre  dans  le  travail  qu'il  deVoit  faire 
le  soir  avec  le  Roi.  H.  le  Cardinal  fut  à  ce  travail  suivant 
sa  coutume  à  six  heures;  il  fut  enfermé  avec  le  Roi  trois 
quarts  d'heure  avant  Tarrivée  de  M.  de  Maurepas.  On 
comptoit  qu'au  sortir  du  travail  on  sauroit  la  décision 
sur  la  charge,  mais  on  n'en  apprit  aucune  nouvelle,  et  Ton 
dit  même  qu'il  n'en  avoit  pas  été  question.  Ce  matin  le 
Roi,  après  son  lever,  a  dit  àM.  le  duc  deFleury  :  a  Je  vous 
donne  la  charge  de  premier  gentilhomme  de lachambre.  d 
C'étoit  immédiatement  avant  que  de  sortir  pour  aller  à 
la  paroisse,  à  la  procession.  Lorsque  le  Roi  a  été  sur  l'es* 
calier,  il  a  donné  à  H.  de  Fleury  une  lettre  qu'il  lui  a  dit 
de  porter  à  M.  le  Cardinal.  L'on  n'a  su  aucun  détail 
dans  le  moment.  La  procession  s'est  passée  à  l'ordinaire; 
il  a  été  à  la  paroisse  à  deux  chevaux,  suivant  l'usage .  Il 
y  avoit  dans  son  carrosse  M.  le  comte  de  Clermont,  M.  le 
prince  de  Dombes,  M.  le  comte  d'Eu,  M.  de  Béthune  et 
M.  le  duc  d'Ayen;  un  second  carrosse  à  deux  chevaux,  à 
l'ordinaire.  Au  retour  du  Roi,  M.  le  Cardinal  est  venu 
chez  S.  M.  faire  son  remerclment  dans  le  cabinet  des 
perruques,  en  habit  long  rouge.  Le  Roi  Ta  embrassé  ;  il 
est  entré  de  suite  dans  lagarde^robe  du  Roi,  où  il  est  resté 
près  d'un  demi-quart  d'heure  tète  à  tète  avec  S.M.  Le  Roi 
étant  revenu  dans  son  cabinet  de  glaces,  H.  le  Cardinal  a 
présenté  son  neveu  qui  a  fait  son  remerclment;  M.  le 


41 


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JUIN  I74ft.  411 

vaise  hameur  lorsqu'on  alla  lui  faire  des  compliments^  et 
même  lorsque  M"*  de  Luynes  y  fut  et  qu'elle  lui  dit  qu'elle 
craignoit  qu^il  ne  fût  bien  fatigué  de  la  multitude  de  vi^ 
sites  qu'il  recevoit,  il  lui  répondit  :  «  Les  peines  du  corps 
ne  sont  rien,  ce  sont  celles  de  l'esprit.  » 

Depuis  ce  qui  est  écrit  ci^dessus,  j'ai  appris  un  détail  qui 
éclaircit  entièrement  ce  que  j'ai  marqué.  Premièrement, 
la  mauvaise  humeur  du  Roi,  le  mardi,  se  montranon-  seu< 
lement  par  le  sérieus  et  la  tristesse  dont  il  étoit  quand  il 
vint  chez  laReine;  mais  outre  cela  Mesdames,  qui  jouoient 
avec  la  Reine,  lui  ayant  demandé  permission  d'aller  voir 
le  Roi  qui  arrivoit,  à  peine  le  Roi  les  regarda-t-il,  et  il  ne 
leur  donna  point  sa  main  à  baiser  comme  à  l'ordinaire  ; 
il  se  mit  à  table  dans  ses  cabinets,  mais  le  souper  fut 
extrêmement  triste,  et  il  n'y  eut  que  sur  la  fin  que  le  Roi 
commença  à  parler  un  peu. 

A  l'égard  de  H.  le  Cardinal,  du  premier  moment  de  la 
mort  de  H.  de  la  Trémoille,  son  premier  sentiment  fut  de 
ne  point  donner  la  charge  au  fils  ;  mais  les  sollicitations 
pressantes  de  SP^la  duchesse  d'Orléans,  de  M.  le  duc 
d'Orléans  et  plusieurs  autres  l'avoient  enfin  déterminé 
en  faveur  du  fils  ;  il  avoit  même  promis  positivement  par 
quatre  ou  cinq  lettres  de  faire  tout  ce  qui  dépendroit  de 
lui  auprès  du  Roi  en  faveur  du  fils.  11  s'étoit  acquitté  de 
cette  parole  en  écrivant  fortement  au  Roi,  le  mardi,  et  lui 
demandant  la  charge  pour  le  fils,  en  même  temps  qu'il 
donnoit  l'exclusion  formelle  à  M.  de  Luxembourg.  U  n'a- 
voit  aucune  vue  pour  son  neveu,  au  moins  cela  parolt 
clair  par  les  circonstances  ;  et  jeudi  matin,  H.  l'évêque 
de  Hirepoix  le  vit  et  fut  trois  quarts  d'heure  tête  à  tête 
avec  lui  ;  on  parla  de  la  charge,  et  M.  le  Cardinal  ne  pa- 
rut rien  savoir  de  la  détermination  du  Roi.  Cette  même 
matinée,  M.  le  contrôleur  général  travaiUoit  tête  à  tête 
avec  M.  le  Cardinal,  lorsque  M.  de  Fleury  entra,  dit  à 
B|.  le  Cardinal  la  grétce  que  le  Roi  venoit  de  lui  faire,  et 
lui  remit  la  lettre  de  S.  M.  H.  le  Cardinal  fit  répéter  deux 


410  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYINES. 

maréchal  de  Noailles  étoit  présent.  M.  le  Cardinal  adres- 
sant la  parole  au  Roi  lui  a  dit  :  «  M.  de  Noailles  croit  que 
je  voulois  lui  £aire  un  mystère,  V.  M.  sait  que  je  n'ai 
rien  appris  de  la  grâce  qu'elle  a  faîte  à  mon  neveu  que  par 
la  lettre  que. V.  M.  m'a  fait  Thonnenr  dem'écrire«  »  Ou 
peutjuger.de  l'empressement  des  compliments  que  S.  Ém, 
areçus;  entreautresM^^deLuynesVaété  voir  et  il  lui  adit 
qu'il  n'avoit  aucmne  part  à  la  gr&oe  que  le  Roi  venoit  de 
faire  à  son  neveu  et  qu'il  n'en  avoit  appris  la  nouvelle  que 
par  la  lettre  du  Roi  ;  qu'il  étoit  d'autant  plus  touché  de 
cette  lettre  qu'elle  étoit  remplie  de  toutes  sortes  de 
marques  de  bonté.  On  juge  par  toutes  ces  circonstances 
différentes  que  la  lettre  que  le  Roi  reçut  avant-hier  de  M.  la 
Cardinal  étoit  au  sujet  de  cette  charge^  non  pour  la  de- 
mander,  mais  pour  représenter  au  Roi  la  nécessité  dont 
il  étoit  pour  son  service  qu'on  pût  croire  qu'il  avoit  toi;^ 
jours  sa  confiance  ;  et  que  si  le  Roi  donnoit  la  charge  à 
M.  de  Luxembourg,  il  passeroit  pour  constant  qu'il  n'a- 
voit plus  droit  d'espérer  la  continuation  de  cette  même 
confiance^  et  que  dès  ce  moment  il  deviendroit  entière- 
ment inutile  à  S.  M.,  ajoutant  les  instances  les  plus  fortes 
poui*  déterminer  le  Roi  en  faveur  du  fils  de  M.  de  la  Tré- 
moille. 

Il  est  aisé  de  juger  de  la  cause  du  chagrin  dsms  lequel 
le  Roi  parut  être  le  mardi  au  soir.  Vivement  sollicité  par 
les  deux  sœurs  en  faveur  de  M.  de  Luxembourg  et  dési- 
rant lui  donner  la  charge,  la  lettre  de  M.  le  Cardinal  dut 
faire  une  furieuse  révolution  en  lui.  On  a  remarqué  que 
le  jour  que  M.  delà  Trémoille  mourut,  le  Roi  en  apprit  la 
nouvelle  pendant  son  souper,  et  qu'au  sortir  de  table  M*"®  de 
Mailly  fit  parler  M.  de  Luxembourg  au  Roi.  Ce  qui  parolt 
le  plus  difficile  à  expliquer,  c'est  ce  qui  se  passa  dans  la 
matinée  du  jeudi  sur  les  huit  heures.  Il  est  certain  que 
M.  le  Cardinal  ne  savoit  rien  de  la  charge  ;  il  dit  en  avoir 
appris  la  nouvelle  par  la  lettre  du  Roi  ;  il  ajoute  que  cette 
lettre  étoit  charmante,  cependant  il  parut  de  très-mau- 


JUIN  I74ft.  411 

-  •   /  . 

h      ■ 

vaise  hameur  lorsqu'on  alla  lui  faire  des  compliments^  et 
même  lorsque  M*"®  de  Luynes  y  fut  et  qu'elle  lui  dit  qu'elle 
craignoit  qu'il  ne  fût  bien  fatigué  de  la  multitude  de  vi^ 
sites  quUl  rece  voit,  il  lui  répondit  :  m  Les  peines  du  corps 
ne  sont  rien,  ce  sont  celles  de  Tesprit.  » 

Depuis  ce  qui  est  écrit  ci*dessus,  j'ai  appris  un  détail  qui 
éclaircit  entièrement  ce  que  j'ai  marqué.  Premièrement^ 
la  mauvaise  humeur  du  Roi,  le  mardi,  se  montranon-  seu« 
lement  par  le  sérieus  et  la  tristesse  dont  il  étoit  quand  il 
vint  chez  la  Reine  ;  mais  outre  cela  Mesdames^  qui  jouoient 
avec  la  Reine,  lui  ayant  demandé  permission  d'aller  voir 
le  Roi  qui  arrivoit,  à  peine  le  Roi  les  regarda-t-il,  et  il  ne 
leur  donna  point  sa  main  à  baiser  comme  à  l'ordinaire  ; 
il  se  mit  à  table  dans  ses  cabinets,  mais  le  souper  fut 
extrêmement  triste,  et  il  n'y  eut  que  sur  la  fin  que  le  Roi 
commença  à  parler  un  peu. 

A  l'égard  de  H.  le  Cardinal,  du  premier  moment  de  la 
mort  de  M.  de  laTrémoille,  son  premier  sentiment  fut  de 
ne  point  donner  la  charge  au  fils  ;  mais  les  sollicitations 
pressantes  de  SP^  la  duchesse  d'Orléans,  de  M.  le  duc 
d'Orléans  et  plusieurs  autres  l'avoient  enfin  déterminé 
en  faveur  du  fils  ;  il  avoit  même  promis  positivement  par 
quatre  ou  cinq  lettres  de  faire  tout  ce  qui  dépendroit  de 
lui  auprès  du  Roi  en  faveur  du  fils.  11  s'étoit  acquitté  de 
cette  parole  en  écrivant  fortement  au  Roi,  le  mardi,  et  lui 
demandant  la  charge  pour  le  fils,  en  même  temps  qu'il 
donnoit  l'exclusion  formelle  à  H.  de  Luxembourg.  Il  n'a- 
voit  aucune  vue  pour  son  neveu,  au  moins  cela  parolt 
clair  par  les  circonstances  ;  et  jeudi  matin,  H.  l'évêque 
de  Hirepoix  le  vit  et  fut  trois  quarts  d'heure  tête  à  tête 
avec  lui  ;  on  parla  de  la  charge,  et  M.  le  Cardinal  ne  pa- 
rut rien  savoir  de  la  détermination  du  Roi.  Cette  même 
matinée,  M.  le  contrôleur  général  travaiUoit  tête  à  tête 
avec  M.  le  Cardinal,  lorsque  M.  de  Fleury  entra,  dit  à 
M.  le  Cardinal  la  grétce  que  le  Roi  venoit  de  lai  faire,  et 
lui  remit  la  lettre  de  S.  M.  H.  le  Cardinal  fit  répéter  deux 


412  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LtJYNES. 

fois  son  neveu  y  disant  que  cela  ne  pouvoit  pas  ètre^  et  à 
chaque  fois  dit  avec  douleur  et  surprise  :  «t  Me  voilà  com^ 
promis  avec  tous  les  princes  du  sang,  d  Ce  détail  est  aussi 
certain  que  si  je  Tavois  vu,  A  la  seconde  fois  que  M.  de 
Fleury  lui  répéta  la  gr&ce  qu'il  recevoitj  comme  il  s'en 
alloit;  M.  le  Cardinal  le  fit  rappeler  et  lui  dit  devant  le 
contrôleur  général  :  <c  Je  vous  défends  d'en  rien  dire  à 
personne,  d  déterminé  à  ce  que  l'on  croit  à  aller  trouver 
le  Roi  au  retour  de  la  paroisse  et  à  essayer  de  le  &ire 
changer.  Son  neveu  lui  répondit  qu'il  étoit  toujours  prêt 
à  exécuter  ses  ordres^  mais  qu'il  avoit  déjà  remercié  le 
Roi  publiquement  et  reçu  grand  nombre  de  compliments. 
Il  répéta  encore  alors  :  a  Âh  !  me  voilà  compromis  avec 
tous  les  princes  du  sang.  »  Le  moment  d'après^  M"**  de 
Fleury  vint  chez  lui;  elle  se  jeta  à  son  cou^  mais  à  peine 
la  regarda-t-il,  et  lui  dit  à  elle  et  à  quatre  personnes  qui 
la  suivoient  qu'il  avoit  à  travailler  avec  M.  le  contrôleur 
général.   Cette  même  matinée^  il  descendit  chez  M.  le 
Dauphin  ;  mais  il  étoit  dans  un  état  qui  faisoit  peine  à 
voir  ;  il  ne  savoit  ce  qu'il  disoit,  et  ne  pouvoit  pas  même 
trouver  la  porte  pour  sortir,  il  fallut  la  lui  montrer. 
Après  avoir  présenté  son  neveu  à  M.  le  Dauphin,  il  s'en 
alla  ;  mais  après  avoir  fait  quelques  pas  il  revint  et  dit 
qu'il  avoit  oublié  de  dire  à  H.  le  Dauphin  qull  avoit  fait 
fout  ce  qu'il  avoit  pu  pour  déterminer  le  Roi  en  faveur 
du  fils  de  M.  de  la  Trémoille,  et  qu'il  n'avoit  pas  imaginé 
de  demander  la  moindre  chose  pour  son  neveu.  Il  alla 
de  là  chez  Mesdames,  mais  étant  dans  une  telle  conster- 
nation et  un  changement  si  singulier  qu'on  pouvoit  tout 
croire  et  tout  appréhender  dans  ce  moment.  Enfin  cela 
étoit  au  point  que  lorsqu'il  fut  sorti.  Madame  Adélaïde 
dit  à  M"*'  de  Tallard  :   «  Vous  dites,*  maman,  qu'il  faut 
faire  des  compliments  à  M.  le  Cardinal;  il  devroit  donc 
être  bien  aise.  » 

J'oublie  de  marquer  qu'avant  d'aller  chez  Mesdames,  il 
avoit  été  chez  la  Reine  ;  il  y  étoit  arrivé  dans  un  état  d'em* 


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JUIN  1741.  418 

barras  si  grand  que  la  Reine  avoit  cru  qu'il  se  trouvoit 
mal;  il  s'approcha  de  la  Reine^  ayant  peine  à  se  soute- 
nir; elle  étoit  à  sa  toilette^  où  il  y  avoit  même  assez  de 
monde  dans  ce  moment;  il  la  pria  d^ordonner  que  l'on 
passât  ;  l'ordre  fut  donné  sur-le-champ  ;  il  demanda  aus- 
sitôt permission  à  la  Reine  de  s'asseoir,  n'en  pouvant  plus . 
Il  lui  dit  alors  qu'il  lui  arrivoit  le  plus  grand  malheur  du 
monde;  qu'il  étoit  dans  une  grande  désolation,  et  ajouta 
que  le  Roi  venoit  de  donner  la  charge  à  son  neveu.  La 
Reine  lui  dit  qu'elle  ne  voyoit  rien  dans  cette  nouvelle  de 
si  affligeant  pour  lui.  Il  lui  raconta  ensuite  le  sujet  de 
sa  peine  en  faisant  le  détail  des  engagements  qu'il  avoit 
pris. 

Le  fait  est  que  depuis  la  mort  de  H.  de  la  TrémoiUe , 
il  y  avoit  eu  plusieurs  lettres  de  M.  le  Cardinal  au  Roi^  et 
du  Roi  à  M.  le  Cardinal.  La  première  lettre  du  Cardinal 
disoit  que  ses  amis  le  pressoient  extrêmement  dé  de- 
mander la  charge  pour  son  neveu ,  mais  qu'il  étoit  sî 
comblé  des  bontés  de  S.  H.  qu'il  ne  songeoit  nullement 
à  faire  une  telle  demande  ;  qu'au  contraire  il  la  supplioit 
très-humblement  de  songer  au  fils  de  M.  de  la  TrémoiUe. 
Le  Roi  lui  répondit  qu'il  ne  vouloit  point  la  donner  au 
fils  de  M.  de  la  TrémoiUe  ;  qu'il  avoit  bien  songé  à  son 
neveu^  mais  qu'U  avoit  senti  en  même  temps  que  c'étoit 
lui  attirer  plus  d'ennemis  que  d'amis.  Sur  cela,  nouvelle 
lettre  du  Cardinal  dans  laqueUe ,  sans  nommer  M.  de 
Luxembourg;  il  le  désignoit  et  faisoit  sentir  au  Roi  que 
s'il  disposoit  de  cette  charge  suivant  les  conseils  qu'on 
lui  donnoit ,  il  devenoit  lui-même  de  ce  moment  inutile 
au  bien  de  son  service,  puisqu'il  ne  seroit  plus  douteux 
alors  qu'il  ne  seroit  plus  honoré  de  sa  confiance,  et  que 
dès  ce  moment  il  le  prieroit  de  vouloir  bien  lui  permettre 
de  se  retirer,  sentant  même  qu'il  en  avoit  besoin.  Ce  fut 
cette  lettre  qui  mit  le  Roi  de  mauvaise  humeur  (1).  Le 

(1)  Le  Roi  dit  dans  le  moment  :  «  Je  croyois  qae  le  Cardinal  étoit  attaché  à 


414  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Roi  répondit  à  M.  le  Cardinal  (mais  je  ne  sais  si  œ  ne  fut 
pas  verbalement  dans  le  travail)  qu'il  seroit  bien  fftcbé 
de  lui  rien  demander  qui  pût  intéresser  sa  santé^  et  que 
si  elle  demandoit  absolument  qu'il  se  retirât  ^  qu'il  lui 
donnoit  toute  peroiission.  Ce  fut  dans  cet  état  d'agitation 
et  de  peine  que  les  deux  sœurs,  ou  au  moins  H^  de  Mailly , 
déterminèrent  le  Roi  à  donner  la  charge  à  M.  de 
Fleury  (1).  Mais  par  tout  œ  détail  qui  est  vrai ,  il  ne  pa* 
rolt  pas  que  le  Cardinal ,  pour  tirer  le  Roi  d'embarras , 
lui  ait  proposé  d'autres  sujets  que  le  fils  de  M.  de  la  Tré^ 
moille,  quoiqu'il  y  en  eût  plusieurs  qui  demandassent. 
Lorsqu'il  fut  revenu  chez  lui  il  s'y  enferma^  et  personne 
ne  put  y  aborder;  il  dîna  seul  et  dormit  une  demi-heure; 
après  quoi  il  écrivit  quatre  ou  cinq  lettres  à  M"**  d'Or- 
léans et  aux  autres  auxquels  il  avoit  promis  par  écrit  en 
faveur  du  fils^  pour  se  justifier  auprèsd'elle.  Après  cela  il 
vit  tout  le  monde  et  parut  dans  une  situation  plus  ordi- 
naire, quoiqu'il  iùi  encore  abattu.  Deux  autres  circons- 
tances remarquables,  c'est  que  le  Roi  devoit  se  coucher  de 
bonne  heure  le  mercredi,  à  cause  de  la  procession  du  len- 
demain, et  cependant  il  ne  se  coucha  qu'à  deux  heures 
et  demie,  ce  qui  fait  juger  qu'il  y  avoit  eu  une  longue 
conversation  ;  et  le  jeudi,  le  Roi  étoit  encore  fort  sérieux. 
Au  retour  de  la  procession,  en  rentrant,  il  reçut  une  lettre 

ma  personne,  mais  je  vois  qu'il  Test  beaucoup  plus  à  son  crédit  »  {Note  du 
due  dé  Luynes,) 

(1)  L'état  du  Roi  étoit  en  effet  très-violent  ;  la  veille  de  la  fête,  il  resta  après 
souper  tète  à  tête  avec  M"""  de  Mailly,  qui  fut  efTrayée  de  l'agitation  extrême 
de  Tesprit  de  S.  M.  M"*  de  Mailly  envoya  prier  M«ne  de  Vintimille  de  la  venir 
trouver  ;  elle  lui  parla  avec  vivacité  de  Tétat  du  Roi.  Mme  de  Vintimille  lui 
dit  :  «  Ma  sœur,  il  n'y  a  pas  un  moment  à  perdre,  il  faut  que  vous  écriviez 
tout  à  riieure  au  Roi  pour  lui  demander  avec  instance  de  donner  la  charge  à 
M.  de  Fleory.  Nous  pourrions  peut-être  l'emporter  sur  le  Cardinal ,  mais  le 
Cardinal  est  absolument  nécessaire  au  Roi,  et  nous  serions  renvoyées  dans 
trois  jours.  »  M*"®  de  Mailly  lui  dit  qu'elle  étoit  hors  d'^le-même  et  qu'elle 
ne  poorroit  jamais  écrire;  M"""*  de  Vintimille  lui  dicta  la  lettre;  cette  lettre 
fut  rendue  le  soir  même  au  Roi,  avant  qu'il  se  couchdt,  ou  au  plus  tard  le 
lendemain  jeudi  matin  (Note  du  duc  de  Luynes») 


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JUIN  1741.  415 

de  M"*®  de  Mailly  ;  il  fit  réponse  sur-le-champ,  cacheta  lui- 
même  sa  lettre,  et  dès  ce  moment  parut  comme  à  son  oiv 
dinaire.  M.  le  duc  de  Fleury  paye  le  brevet  de  retenue 
qu'avoit  H.  de  la  Trémoille,  et  le  Roi]ùlen  donne  un 
de  4.00,000  livres. 

M.  de  Yarennes  est  devenu  lieutenant -colonel  des 
gardes  par  la  retraite  de  M.  de  Terlay. 

Jeudi  dernier,  le  Roi  avant  que  d'aller  à  la  paroisse 
signa  le  contrat  de  mariage  du  fils  de  M.  de  Clermont- 
Tonnerre  avec  la  fille  de  M.  de  Breteuil.  L'heure  de  la  si- 
gnature des  contrats  de  mariage  est  toujours  après  la 
messe  du  Roi ,  et  c'est  ici  le  second  ou  le  troisième  con«- 
trat  qui  a  été  signé  avant  la  messe.  H.  de  Clernïont  est 
mestre  de  camp  de  la  cavalerie.  MM.  de  Clermont  sont 
originaires  de  Dauphiné  et  en  portent  le  titre  de  premiers 
barons  par  une  concession  de  Humbert.  dauphin ,  en  far 
veur  d'Aynardou  Aymard  de  Clermont,  qui  vi  voit  dans  le 
onzième  siècle.  Le  petit-fils  de  celui-ci,  nommé  aussi  Ay- 
mard ,  commanda  les  armées  du  comte  de  Bourgogne , 
Fan  1120,  et  rétablit  sur  le  siège  pontifical  Calixte  II, 
frère  du  comte ,  après  avoir  chassé  l'antipape  Burdin , 
soutenu  par  l'empereur  Henri  V.  Les  armes  de  Clermont 
étoient  une  montagne  avec  un  soleil  ;  le  Pape  leur  donna 
pour  armes  deux  clefs  d'argent  en  sautoir  avec  la  tiare 
papale,  et  pour  devise  la  réponse  de  saint  Pierre  à  N.-S.  : 
Si  omnes  te  negaverint,  non  te  negabo.  Aynard  de  Clermont, 
le  huitième  de  cette  maison, eut  deux  fils.  C'est  du  second, 
nommé  aussi  Aynard,  que  descendoitla  duchesse  de  Retz, 
qui  mourut  en  1603.  L'alné,  nommé  Geoffroy,  épousa  l'hé- 
ritière de  Montoison .  Geoffroy  eut  pour  fils  Aynard  ;  Ay- 
nard, de  son  second  mariage  avec  une  Seyssel,  eut  deux 
fils;  le  cadet  fit  la  branche  de  Montoison,  d'où  descendoit 
Philibert  dit  le  Brave  de  Montoison,  qui  se  trouva  à  la  ba- 
taille de  Fornoue  en  1495.  Charles  VIII,  dont  il  étoit 
chambellan,  pensa  y  être  pris;  il  appela  Montoison  à  son 
secours  en  lui  criant  :  «  A  la  rescousse,  Montoison  1  r>  Ces 


416  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTMES. 

paroles  sont  devenues  une  devise  pour  cette  famille, 
Philibert  ayant . délivré  le  Roi.  Antoine^  frère  aîné  de 
Philibert;  épousa  une  Sassenage,  petite -fille  de  la  vicom- 
tesse de]Tallard;  Antoine^  par  ce  mariage,  prit  le  titre  de 
vicomte  de  Tallard,  et  eut  pour  fils  Louis  et  Bernardin. 
Bernardin  fut  vicomte  de  Tallard.  Louis  eut  pour  fils  An- 
toine, qui  épousa  ]a  sœur  de  Diane  de  Poitiers^  duchesse 
de  Valentinois;  il  n'en  eut  qu'un  fils,  mort  jeune ,  et  deux 
filles  dont  l'une  épousa  le  comte  de  Saint- Aignan.  Ber- 
nardin épousa  une  Husson,  fille  du  comte  de  Tonnerre; 
il  eut  pour  fils  aîné  Antoine ,  en  faveur  duquel  Cler- 
mont  fut  érigéen  comtéenlSi?.  Henri,  second  fils  d'An** 
toine,  devenu  Fainé,  avoit  épousé  une  la  Marck,  fille  du  duc 
de  Bouillon.  Charles  IX  érigea  en  sa  faveur  le  comté  de 
Tonnerre  en  duché  en  1572.  Cette  érection  n'eut  pas  lieu, 
Henri  étant  mort  en  1573;  MM.  de  Clermont  ont  seule- 
ment gardé  le  manteau.  Charles-Henri,  fils  de  Henri, 
épousa  une  d'Escoubleau  de  Sourdis.  Son  61s  aîné,  François, 
étoit  le  père  de  M.  l'évéque  de  Noyon  et  le  grand-père  de 
M.  TévèquedeLangres.  Son  second  fils,  Roger,  épousa  une 
Pernes,  fille  de  la  comtesse  d'Espinac  ;  il  fit  la  branche  de 
Crusy  et  euiun  fils  qu'on  appeloit  le  marquis  de  Crusy, 
qui  épousa  M"®  de  Massol,  dont  je  parlerai  ci- après ,  mère 
du  mestre  de*  camp  de  la  cavalerie.  Le  troisième  fils  de 
Charles-Henri  s'appeloit  aussi  Charles-Henri;  il  épousa 
l'héritière  de  Luxembourg  et  devint  par  là  duc  de 
Luxembourg  ;  il  en  eut  une  fille  qui  porta  ce  duché  à 
Henri  de  Montmorency,  duc,  pair  et  maréchal  de 
France.  M.  le  marquis  de  Crusy  avoit  fort  peu  de  biens , 
il  étoit  fort  ami  d'un  homme  que  M"^  de  Massol  devoit 
épouser  et  qui  fut  tué  en  Italie,  le  mariage  étant  arrêté. 
M"®  de  Massol  fut  dans  une  très -grande  affliction  et  fit 
tendre  sa  chambre  de  noir.  Elle  ne  voulut  voir  personne  ; 
cependant  M.  de  Crusy,  à  titre  d'ami  de  celui  qu'elle 
devoit  épouser,  eut  permission  de  la  voir  ;  il  lui  plut  et 
elle  l'épousa  et  vécut  fort  bien  avec  lui.  Elle  avoit  du  bien. 


JUIN  i74i.  417 

elle  l'employa  entièrement  à  Téducation  de  son  fils,  et 
après  la  mort  de  son  mari  elle  se  retira  à  la  campagne 
avec  1,000  livres,  de  revenus  seulement.  C'étoit  une 
femme  d'esprit,  respectable  par  son  mérite  et  sa  vertu.  Son 
fils,  qui  est  le  mestre  de  camp  de  la  cavalerie,  vint  à  Pa- 
ris, fit  connoissance  avec  M""  deNovion,  qui  avoitdubien 
et  étoit  maltresse  de  son  sort,  il  l'épousa.  C'est  la  mèi'e 
de  celui  dont  le  contrat  de  mariage  fut  signé  lundi. 

Du  dimanche  h. — Le  Roi  entendit  jeudi,  jour  du  Saint- 
Sacrement,  les  vêpres  dans  sa  tribune ,  chantées  par  sa 
musique.  Tous  les  jours  de  l'octave  il  y  a  un  motet  au 
salut,  et  pendant  Toctave  il  n*y  a  point  de  concert  chez 
la  Reine. 

Le  vendredi,  le  Roi  partit  pour  aller  à  la  chasse  et  de  là 
coucher  à  Rambouillet.  Les  deux  sœurs  partirent  l'après- 
dlnée  dans  un  vis-à-vis  du  Roi  ;  M'"^  de  Mailly  étoit  venue 
la  veille  chez  la  Reine  lui  demander  sa  permission.  Sa 
semaine  commence  aujourd'hui  ;  elle  ne  reviendra  ce- 
pendant que  demain. 

Du  mercredi  7.  —  Hier  le  nonce  (1)  fit  ici  son  entrée; 
il  l'avoit  faite  dimanche  dernier  à  Paris*  C'est  le  jour  de 
son  entrée  à  Paris  qu'il  reçoit  à  Picpus  les  compliments 
du  Roi  et  de  la  Reine;  M.  le  duc  de  Rochechouarty  alla  de 
la  part  du  Roi ,  et  M .  de  Tessé  de  la  part  de  la  Reine .  11  n'y 
a  rien  à  remarquer  sur  l'entrée  du  nonce  ;  il  étoit  conduit 
par  M.  le  prince  de  Lambesc,  suivant  Tusage;  il  eut  l'hon- 
neur des  armes ,  la  garde  rappela  pour  lui  ;  les  Cent- 
Suisses  et  les  gardes  du  corps  prirent  les  armes.  M.  de 
Bé  thune  vint  le  recevoir  à  l'entrée  de  la  salle  des  gardes, 
et  chez  la  Reine  ce  fut  le  chef  de  brigade  ;  lui  et  M.  de 
Lambesc  se  couvrirent  à  l'audience  du  Roi ,  suivant  l'u- 
sage; le  Roi  debout  et  couvert  pendant  la  harangue.  Chez 
la  Reine,  l'audience  étoit  dans  le  grand  cabinet  avant  la 
chambre,  M.  de  Nangis  seul  derrière  le  fauteuil.  Le  nonce 

m    '       '       '  ■■         ■■■■■  ■  I  — ^— ~— «.»^i^^-^ij»— »^^.^iiM   i—i»     ^«.i»»  ■■■      Miiil  »»»«^i^>»»^»^i^i^»«r» 

(1)  Cresccn» ,  archevêque  de  Naziance. 

T    HT.  27 


41S  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

porte,  son  bonnet stir  satèteet  Ty  laissa  on  instant; M.  de 
Lanibesc  porta  anssi  son  chapean  sur  sa  tète^  mais  ne  Ty 
laissa  point.  Après  eette  cérémonie ,  le  nonce  parla  dé- 
couvert^ la  Reine  étant  debont.  L^one  et  Tantre  harangue 
forent  en  italien. 

Hier  i  quatre  heures  après  midi ,  se  fit  la  rerue  des 
deux  compagnies  de  mousquetaires ,  à  l'ordinaire.  M.  le 
Dauphin  ne  descendit  point  en  bas  parce  qu'il  a  été  in- 
cbtnmodé  ces  jours-ci  ;  il  vit  kl  reriie  avec  Mesdames  par 
une  fenèfa*e  de  M.  le  comte  de  Glermont  (prince).  La 
Reine  étoit  sur  le  balcon  de  la  salle  des  gardes  ;  les  offi- 
eiei*8  la  saluent  parce  qu'ils  ne  sont  pliis  alors  à  la  vue  du 
Roi.  Le  Roi  passa  dans  les  rangs  des  deux  compagnies , 
àptès  quoi  il  revint  à  la  cour  de  marbre  ;  alors  M.  de  Ju- 
milhac  vint  prendre  l'ordre  pour  l'exercice,  que  les 
mousquetaires  gris  firent  au  son  du  tambour.  M.  de  Ju- 
milbac  vint  prendre  Tordre  une  seconde  fois  pour  faire 
faire  le  même  exercice  sans  tambours.  H.  de  Montboissier 
fit  de  même  pour  les  noirs.  Les  gris  étoient  allés  pendant 
ce  temps-là  prendre  leurs  chevaux  et  revinrent  passer  en 
revue,  et  les  noirs  ensuite.  La  question  de  l'année  passée 
au  sujet  du  tambour  des  gardes  s'étoit  renouvelée  la 
veille.  M.  le  dtic  de  Gramont  répondit  à  H.  de  Jumilhac 
qu'il  ne  pouvoit  pas  changer  de  son  chef  l'usage  qu'il 
si  voit  trouvé  établi  dans  le  régiment,  d'autant  plus  qu^il 
n'y  avoit  point  d'ordonnance  de  rendue  sur  cet  article, 
mais  qu'il  lui  paroissoit  fort  convenable  que  le  Roi  voulût 
bien  en  rendre  une,  et  qu'aussitôt  que  S.  M.  auroit  dé- 
cide ce  que  son  régiment  des  gardes  devoit  faire,  il  le  fe- 
roit  exécuter.  En  conséquence ,  les  gardes  françoises  et 
suisses  prirent  les  armes  hier  et  ne  battirent  point.  Les 
Itlouisquetaires  battirent  en  allant  et  en  revenant,  ce 
qu'ils  n'avoient  point  fait  l'année  passée.  Apparemment 
que  HH.  les  capitaines  ont  reconnu  que  toutes  troupes 
qui  marchent  doivent  battre,  et  surtout  en  entrant  dans 
le  château  et  en  se  retirant. 


JUm  1741.  419 

Le  Roi  travaiUa  hier  avec  M.  de  Breteuil  et  donna  les 
deux  régitnents  qui  étoient  vacants  :  Champagne,  par 
la  mort  de  M.  de  la  Trémoille;  et  Rosea-cavalerie^  par  la 
mort  du  chevalier  Rosen.  Le  régiment  de  Rosen  j  qui 
étoit  autrefois.  Lordat  et  Lixin^  a  été  donné  à  H.  le 
prince  de  Gavre^  fils  de  M.  le  comte  d^Egmont;  c'est  un 
régiment  de  22,500  livres  >  de  trois  escadrons.  Le  régi- 
medt  de  Champagne  a  été  donné  à  H.  de  Bellefonds, 
brigadier  d'infanterie,  dont  la  femme  est  du  Chàtelet. 
H.  de  Bellefonds  avoit  le  régiment  de  la  Marche,  qui  a 
été  donné  à  M.  de  Saint^Pern  >  capitaine  dans  le  régi- 
ment du  Roi  y  qui  a  fait  le  détail  de  Tinfanterie  en  Italie 
et  dont  on  a  été  fort  content.  M.  de  Saint-Pern  avoit  une 
lettre  de  feu  Mi  d'Ângervilliers  par  laquelle  ce  ministre 
lui  marquoit  que  le  Roi  étoit  très^satisfait  de  sa  conduite 
et  qu'il  {Kiuvoit  compter  sur  le  premier  régiment 
vacant. 

Il  y  a  beaucoup  de  projets  sur  le  changement  de 
logements.  M.  le  duc  de  Gramont  va  occuper  celui  de 
feu  M.  son  frère.  H.  le  maréchal  d^  Duras  demande  à 
changer  le  sien  contre  celui  que  quitte  M.  de  Gramont , 
lequel  est  au-dessous  de  H.  de  Tessé.  Le  Roi  a  donné  à 
M.  le  chevalier  de  Créquy  le  logement  de  feu  M.  le 
marquis  d'Antin,  qui  est  au-dessus  de  la  salle  du  Conseil, 
et  a  fait  redemander  à  H*"^  de  Conflans  celui  qu'elle  avoit 
auprès  de  M""^  la  maréchale  d'Estrées  et  dont  elle  ne  pou» 
voit  plus  faire  usage  étant  aveugle. 

Du  jeudi  S,  Versailles.  —  Le  Roi  a  signé  ce  matin  le 
contrat  de  mariage  de  M.  le  comte  de  Montmorency, 
lequel  quitte  le  nom  de  chevalier  de  Montmorency,  après 
avoir  eu  celui  de  comte  de  Beaumont  et  celui  de  mar- 
quis de  Breval;  il  épouito  la  fille  de  M.  le  premier  prési^ 
dent  (le  Pelletier);  le  mariage  se  fera  dimanche. 

Le  Roi  a  aussi  signé  celui  de  M»  le  président  d'Aligre 
avec  la  fille  d'un  conseiller  :  ce  mariage  est  fait  il  y  a 
quelques  jours;  le  Roi  a  permis  qu'on  ne  lui  apportât  ce 

27. 


490  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNBS. 

contrat  qu'après.  Ces  signatures  se  sont  faites  après  le 
lever,  dans  le  cabiaet ,  à  Tordinaîre.  H.  de  Haurepas  a 
présenté  la  plume  ;  tous  les  pareuts  étoient  à  la  signature. 

Immédiatement  après ^  tout  le  monde  étant  encore 
dans  le  cabinet ,  le  Roi  s'est  mis  dans  son  fauteuil,  près 
la  cheminée ,  le  dos  tourné  au  mur  de  la  galeriB  :  on  a 
apporté  uncarreau  sur  lequel  s'est  misrH.  le  ducde  Fleury , 
sans  épée  ;  le  Roi  son  chapeau  sur  la  tète.  H.  de  Hau- 
repas a  lu  le  serment ,  après  quoi  le  Roi  s'est  levé  et  est 
parti  pour  la  Paroisse  dans  un  carrosse  à  deux  chevaux, 
dans  lequel  étoient  H.  le  prince  de  Dombes  et  H.  le 
comte  d'Eu ,  MH.  de  Béthune  et  de  Fleury .  Nous  étions 
deuxdansle  second  carrosse.  Il  n'y  a  rien  eu  à  remarquer^ 
sinon  que  le  nombre  des  pages  qui  doivent  monter  de- 
vant et  derrière  ce  carrosse  est  fixé,  parce  qu'ils  y  vou- 
loient  tous  monter;  aujourd'hui  ils  étoient  dix-huit.  M.  le 
duc  de  Gramont  s'est  mis,  en  habit  noir,  la  canne  à  la 
main ,  à  la  tète  de  la  garde ,  lorsque  le  Roi  a  passé  , 
pour  lui  faire  sa  cour;  et  la  garde  qui  relevoit  aujour- 
d'hui étoit  en  bat&ille,  dans  la  place  d'armes,  sur  le 
chemin  de  la  Paroisse.  Au  retour  de  Téglise ,  le  Roi  s'est 
habillé  de  chasse ,  a  passé  ensuite  dans  sa  chambre  pour 
diner;  M.  de  Fleury  l'a  servi ,  MM.  de  Gesvres  et  de  Ro- 
chechouart  présents  derrière  le  fauteuil  ;  c'est  apparem- 
ment l'usage  pour  le  jour  du  serment.  Le  Roi  est  parti 
en  calèche  ;  il  y  en  avoit  deux.  L'observation  que  l'on 
peut  faire  par  rapport  atfx  calèches,  c'est  que  celle  où  le 
Roi  est  marche  la  première,  au  lieu  qu'aux  car- 
rosses celui  où  le  Roi  n'est  pas  marche  toujours  le 
premier. 

Du  vendredi  9,  Versailles.  —  Le  Roi  vient  d'arriver  de 
Rambouillet.  M"*  de  Mailly  n'étoit  point  de  ce  voyage , 
parce  qu'elle  est  de  semaine. 

H.  de  Fleury  a  aujourd'hui  pris  ses  grandes  entrées  à  la 
toilette  de  la  Reine. 

Du  mercredi  ik y  Versailles,  —  On  apprit  hier  la  mort 


JUIN  1741.  421 

de  M.  le  duc  de  Phalaris^  à  Constantinople  ;  il  étoit  fils  de 
H.  d'Entraigues  (1)  et  frère  de  feu  M"''  la  duchesse  de 
Béthune  ;  il  avoit  épousé  M"*  d'Haraucourt  ;  c'est  M"*  la 
duchesse  de  Phalaris  d'aujourd'hui. 

Du  jeudi  15,  Versailles,  —  H*"'  la  Duchesse  est  morte 
hier  à  dix  heures  du  matin,  après  une  longue  maladie  ; 
elle  étoit  âgée  de  vingt-six  ans.  M.  le  comte  de  Charolois 
vint  ici  pour  en  faire  part  au  Roi  ;  et  S.  H.  étant  partie 
pour  la  chasse,  d'oùilalloit  couchera  Rambouillet,  M.  de 
Charolois  s'est  rendu  à  Rambouillet,    d'où  il   est  re- 
venu ici  en  rendre  compte  à  la  Reine.   Dans  ces  oc- 
casions ,  c'est  un  maître  de  la  garde-robe  qui  va  faire 
compliment  aux  princes  du  sang  de  la  part  du  Roi;  et  la 
Reine  y  envoie  son  premier  maître  d'hôtel.  On  prendra 
le  deuil  samedi  1 7.  Elle  a  fait  un  testament  par  lequel  elle 
donne  6^000  livres  une  fois  payées  à  chacune  des  dames 
qui  lui  sont  attachées ,  10,000  livres  à  celui  qui  gou* 
vernoit  ses  affaires  et  qu'elle  fait  son  exécuteur  testa-* 
mentaire  y  10,000  francs  aussi  à  une  Allemande  qui  est 
auprès  d'elle.  On  fait  pour  elle  la  grande  cérémonie.  Les 
cours  souveraines    ont  été  lui  jeter  de  l'eau  bénite  ; 
H^^*^  de  Clermont  va  lui  en  jeter  de  la  part  de  la  Reine; 
elle  sera  accompagnée  par  M™®  de  Fleury  etpar  M"*  de  Ru- 
pelmonde,  la  belle-fille.  Son  corps  est  gardé  par  des 
dames  non  titrées.  Il  y  a  eu  des  billets, d'invitation  aux 
dames  qui  ont  été  choisies. 

Du  vendredi  16,  Versailles.  — Il  est  arrivé  ici  plusieurs 
officiers  de  marine,  entre  autres  M.  le  chevalier  d'Es- 
tourmel ,  M.  du  Barrail  et  M.  Bart.  H.  Bart  et  M.  d'Es- 
tourmel  ont  fait  leur  cour  plus  assidûment  et  le  Roi  leur 


(1)  MM.  d'EDtraîgnes  sont  fort  proches  parent<;  de  MM.  de  Luxembourg; 
Mme  (]e  Valence,  sopur  de  M.  le  maréchal  de  Luxembourg,  étoit  mère  de 
]^|me  d'Ëntraigues,  par  conséquent  M.  d'Ëntraigues,  père  de  M.  de  Phalaris , 
étoit  par  sa  femme  cousin  germain  de  M.  le  maréchal  de  Montmorency  d'au- 
jourd'hui. (Note  du  duc  deLuynes,) 


411  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTIŒS. 

a  beaucoup  parlé^  surtout  à  M.  Bart  qui  est  un  officier 

de  beaucoup  de  mérite. 

M.  de  Roquefeuille  doit  partir  inoessamment  avec  une 
flotte  pour  aller  dans  le  Nord; 

On  eut^  il  y  a  quinze  jours,  des  nouvelles  de  Cart)iagine 
par  lesquelles  on  a  appris  que  les  deux  flottes  angloises 
combinées  se  sont  rendues  maltresses  de  Boccaohica  et 
des  autres  Torts  qui  défendoient  Fentréedu  port^  où  ils  ont 
trouvé  deux  cents  pièces  de  canon.  Cette  nouvelle  a  d'»* 
bord  fait  baisser  considérablement  les  actions  (1).  On  ai* 
tend  la  suite  de  cette  première  expédition ,  et  on  gooit 
mence  à  espéra  que  Carthagène  ne  sera  pas  pris. 

Du  dimanche  18^  Ver$€UHe$.  —  M"*^  la  princesse  de 
Rohan  a  présenté  aujourd'hui  M"*^  de  Fontaine-Martel , 
fille  de  11"^'  de  Graville.  M*"^  1&  princesse  de  Rohan  est 
cousine  issue  de  germain  du  premier  mari  de  M"^  de 
Graville.  M*^  la  maréchale  de  Na  vailles  a  voit  eu  troi^ 
filles,  M-^  d'Elbeuf,  de  Pompadour  et  de  Rothelin. 
JH»^  d^Elbenf  n'a  point  eu  d'enfants  ;  M**^  de  Pompadour 
n'a  eu  d'enfants  que  W^  de  Courcillon,  mère  de  M*"*  la 
princesse  de  Rohan  ;  M"*  de  Rothelin  a  eu  une  fille  y  qui 
épousa  M.  de  Glère,  et  ^  plusieurs  années  après  ^  un 
fils  qui  est  M.  de  Rothelin  d'aujourd'hui.  H"*^  de  Gière 
eut  un  fils  qui  étoit  H.  de  Clère,  lequel  avoit  épousé 
M^^'  de  Chamilly  ^  fille  de  M.  le  comte  de  Chamilly.  M.  le 
comte  de  Chamilly  étoit  neveu  du  maréchal  de  Chamilly. 
M^^  de  Chamilly,  après  la  m(»*t  de  M.  de  Clère,  épousa 
en  secondes  noces  M.  de  Graville  ;  c'est  de  son  premier 
mariage  avec  M.  de  Clève  qu'est  venue  M'^*'  de  Fontainor 
Martel. 

Du  lundi  19,  Versailles.  —  M"*  la  maréchale  de  Mont- 
morency présenta  aussi  hier  M°®  de  Montmorency,  sa 
belle-fille  ;  c'est  M"*"  Pelletier,  fille  de  M.  le  premier  pré- 
sident ,  qui  a  épousé  M .  le  chevalier  de  Montmorency, 

(1)  De  la  compagQie  française  des  Indes. 


JUIN  1741.  498 

second  fils  de  H,  le  mapéchal  de  Montmorency^  et  qii'on 
appelle  présentement  le  comte  de  Montmorency. 

M.  le  prince  de  Gavre^  fils  de  M.  le  comte  d'Egmont, 
vint  ici  hier  faire  son  remerciment  pour  le  régiment  de 
cavalerie  que  j'ai  marqué  ci-dessus.  Il  a  pris  le  nom  de 
marquis  d^Egmont  pour  qup  le  régiment  paisse  s^apr 
peler  Egmont. 

M.  Tabbé  du  Vigean  mourut  hier  d'une  inflan^mation 
dans  les  intestins;  il  avoit  dîné  jeudi  dernier^  à  Glatigny, 
chez  M"*^  de  Ventadour  et  tomba   malade  au  retour.  U 
étoit  maître  de  l'oratoire  du  Roi;  c^est  une  charge  sans 
aucune  fonction  présentement  y  mais  qui  donne  les  en- 
trées  de  la  chambre;  elle   s'achète  60^000  livres   et 
vaut  d', 000  livres  de  rente.  M.  du  Vigean  avoit  un  hveve^ 
de    retenue    de   i'O^OOO    livres.   Il  jouissoit  d'environ 
10  ou  12^000  livres  de  rente  de  son  bien ,  sans  compter 
une  petite  abbaye  qu'il  avoit  eue  à  la  mort  de  M.  Té- 
véque  de  Bayeux   (Lorraine);  ce  bien  est  passé  à  un 
cousin ,  à  titre  de  substitution^  lequel  ist  quatre-vingts  ans 
et  n'est  point  marié  ;  c'est  le  seul  qui  reste  de  fiatte  fa- 
mille.  M.  du  Vigean  avoit  quarante-deux  ans;  il  laisse 
une  sœur  qui  est  M""^  Tabbesse  de  Saint-Pierre  de  Mets, 
qui  est  ici  depuis  un  an  avee  M"*®  l'abbesse  de  Sainte- 
Marie  pour  leur  procès  avec  M.  Tévèque  de  Metz.  Le  pèpe 
de  H.  Tabbé  du  Vigean,  mort  depuis  quelquiss  années, 
s'étoit  remarié  étant  fort  âgé  ;  de  ce  Aiariage  est  «^enue 
une  fille  qui  a  neuf  ou  dix  ans  et  qui  est  dans  un  ^souvent 
à  Paris.  L'abbé  du  Vigean  étoit  déjà  prêtre  dans  le  tempi? 
de  ce  mariage  ;  ce  fut  lui  qui  en  fit  la  cérémonie.  U  étpit 
aimable  et  est  fort  regretté  ici.  M.  du  Vigean ,  qui  avoit 
épousé  M"^  de  Dreux ,  avoit  laissé  un  fils,  lequel  ^t  mort 
aussi  depuis. 

Du  samedi  9^kj  Versailles.  —  M.  d'Ecqu«villy  demanda, 
il  a  quelques  jours,  au  Roi,  l'agrément  pour  le  mariage  de 
son  fils  avec  H^^  de  Joyeuse,  fille  de  M.  de  Joyeuse, 
lieutenant  général  de  la  province  de  Champagne.  Le 


434  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Roi  y  en  faveur  de  ce  mariage ,  permet  à  H.  d'Ecquevilly 
de  se  démettre  en  faveur  de  son  fils  du  commande^ 
ment  du  vautrait  et  lui  conserve  l'exercice  encore  pen- 
dant dix  ans. 

Le  Roi  revint  hier  de  Rambouillet  et  y  retourne  lundi 
jusqu'à  mercredi;  après  quoi  il  y  fera  son  dernier 
voyage  le  dimanche  2  juillet  jusqu'au  mercredi  5.  La  s&- 
maine  prochaine  est  celle  de  M*"^  de  Mailly . 

Du  lundi  36,  Versailles.  —  Nous  avons  su  aujourd'hui 
que  le  Roi  avoit  nommé  à  l'évèché  de  Laon  H.  l'abbé  de 
Rochechouart-Faudoas ,  frère  de  H.  de  Faudoas  qui  a 
épousé  la  fille  de  VP^  d'Armentières,  lequel  est  colonel 
du  régiment  d'infanterie,  qui  étoit  Louvigny  en  1702^ 
présentement  Rochechouart.  Cet  évèché  vaut  environ 
i-OyOOO  livres  de  rente,  toutes  charges  déduites,  et  étoit 
vacant  par  la  mort  de  M.  l'abbé  de  la  Fare.  M.  l'abbé  de 
Rochechouart  étoit  grand  vicaire  de  M.  l'archevêque  de 
Rouen  qui  en  dit  beaucoup  de  bien ,  et  ce  choix  paroit 
universellement  approuvé . 

Le  Roi  a  accordé  à  M.  le  prince  de  Soubise  le  gouver- 
nement de  Champagne,  sur  la  démission  de  M.  le  prince 
de  Rohan,  son  grand-père.  Ce  gouvernement  vaut  environ 
72,000  livres  de  rente.  M.  de  Rohan  n'a  pas  demandé  la 
survivance.  Feu  M.  le  prince  de  Soubise,  père  de  celui-ci, 
avoit  la  survivance  de  ce  même  gouvernement. 

Le  Roi  est  parti  aujourd'hui  pour  Rambouillet  jusqu'à 
mercredi.  Les  dames  sont  :  M"®  la  duchesse  d'Antin,  M"*' de 
Saint-Germain  et  de  Yintimille,  laquelle  y  est  allée  seule 
dans  un  carrosse  du  Roi  ;  les  deux  autres  étoient  parties  le 
dimanche.  M*"®  de  Mailly  est  de  semaine  et  n'est  point 
du  voyage. 

Hier  le  Roi  signa  le  contrat  de  mariage  de  M.  d'Ecque- 
villy  le  fils  avec  M"*  de  Joyeuse;  c'estM.  d'Auriac(l),  secré- 


(f)  Castani^r  d'Âuriac,  mattre  des  requêtes. 


JUIN  1741.  425 

taire  des  commandements  de  la  Reine,  qui  présenta  la 
plume  à  la  Reine  pour  signer. 

A  la  signature  du  contrat  de  mariage  de  la  fille  de 
M.  de  Breteuil  avec  M.  de  Clermont^  M.  d'Auriac  étoit  ab- 
sent ;  ce  fut  H.  de  Breteuil  qui  présenta  la  plume  à  la  Reine. 
Il  est  chancelier  de  S.  H.;  cependantilne  présente  jamais 
la  plume  à  aucun  contrat  ;  et  en  Fabsence  du  secrétaire 
des  commandements  c'est  la  dame*d'honneur  qui  présente 
la  plume  à  la  Reine. 

M"*  la  duchesse  de  Fleury  a  été  nomniée  pour  accom- 
pagner M^^^  deClermonten  allant  jeter  de  Peau  bénite  de 
la  part  de  la  Reine  à  M"*  la  Duchesse  deuxième  douai- 
rière ;  elle  m'a  montré  la  lettre  d^nvitation  que  lui  a  écrite 
M.  de  Dreux,  grand  maître  des  cérémonies,  dont  voici  à 
peu  près  les  termes  : 

J'ai  rhonneur  de  vous  donner  avis  que  la  Reine  vous 
a  choisie  pour  accompagner  M"'  de  Glermont  qui  va  jeter 
de  la  part  de  S.  M.  deTeau  bénite  à  feu  VP^  la  Duchesse. 
Ce  sera  un  tel  jour,  àtelle  heure.  Yousaurezlabontéde  vous 
rendre  chez  M"*  de  Clermont,  au  petit  Luxembourg.  Vous 
savez  qu'il  faut  être  en  grand  habit  de  deuil  et  en  mantes. 

Il  y  a  dans  ces  xîérémonies  une  différence  entre  les 
hommes  qui  vont  de  la  part  du  Roi,  et  les  dames  qui 
vont  de  celle  de  la  Reine.  C'est  que,  de  la  part  du  Roi, 
c'est  un  carrosse  à  quatre  places  seulement,  dans  lequel 
sont  :  le  prince  du  sang  dans  le  fond*,  avec  un  de  MM.  les 
ducs  qui  l'accompagne  à  sa  gauche;  un  homme  de  con- 
dition pour  porterie  manteau  du  prince,  et  le  grand  maî- 
tre des  cérémonies,  sur  le  devant.  Etde  la  partde  la  Reine, 
c'est  un  carrosse  à  six  places,  dont  la  princesse  seule  oc- 
cupe le  fond ,  et  les  deux  dames,  titrée  et  non  titrée ,  se 
mettent  sur  le  devant.  M"*'  de  Ribérac,  dame  d'honneur 

• 

de  M"**  de  Clermont,  étoit  aussi  dans  le  carrosse  à  une  des 
portières  ;  cela  a  paru  un  peu  extraordinaire,  d'autant 
plus  qu'on  ne  sait  pas  trop  à  quel  titre  elle  peut  y  être, 
puisque  M"'  de  Clermont  représente  la  Reine.  L'usage  est 


4»  MÉMOIRES  DU  DUO  DE  LUTNES. 

ordinairement  que  oe  soit  deux  dames  du  palais  qui  ae« 
compagnent  la  princesse.  Ces  deux  dames  se  sont  vendues 
che2  M'^*"  de  Clevmont,  laquelle  les  a  menées  dans  son 
carrosse  jusqu'aux  Tuileries  où  elles  sont  deseendues  à  Tap? 
parlement  de  Bontemps,  premier  valet  de  chambre  du 
Roi,  gouverneur  des  Tuileries,  où  elles  ont  mis  leurs  mam 
tes  ;  ensuite  elles  ont  monté  di^ns  le  carrosse  de  la  Reine, 
M*''deCIermont  seule  dans  le  fond,  M^  de  Fleury  et  M*^"^  de 
Rupelmonde  la  belle-fille  sur  le  devant,  etM""^  de  Hibérad 
à  la  portière,  comme  je  viens  de  le  marque»  j  le  carrosse  étoit 
escorté  par  huit  gardes  du  corps  à  cheval.  Étant  arrivées  4 
Phètel  de  Coudé,  H^*'  de  Clermont  a  été  reçue  par  M"''  de 
Charolois  et  de  Sens,  par  W^^  les  j^incesses  de  Pons  et  de 
Guéméné ,  H""^  la  maréchale  de  Duras  et  M*"^  la  comtesse 
de  Tresmes,  et  quelques  autres,  qui  avoient  été  invitées  d^ 
la  part  de  la  maison  de  Coudé  comme  parentes. 

H'^^de  Clermont  marchoit  seule,  sa  queue  porté^  par 
M"^^  de  Rupelmonde,  et  suivie  par  Tofficier  des  gardes. 
Derrière  M'***  de  Clermont  marcboit  Mademoiselle,  ensuite 
M^*^  de  Sens;  immédiatement;  après  W^"  de  Sens,  W^  de 
Fleury,  la  queue  de  sa  mante  portée  par  un  gentilhon^me. 
Il  n^y  eut  que  H"'  de  Clermont  qui  se  mit  à  genoui.  sur 
un  drap  de  pied,  comme  la  Reine,  et  avec  le^  jnèmes  cér 
rémonies;  toutes  les  «autres  dames  4^me^rèrent  debout. 
L^eau  béaite  jetée,  H""  de  Clermont  fat  reconduite  parles 
princesses  et  les  dames  ci-dessus  jusqu^au  ca^prosse,  deU 
iqéme  manière  qu'elle  avoi  tété  reçue.  Elle  revint  djans  Lq 
carrosse  de  la  Reine  aux  Tuileries,  où  elle  est  remoatéis 
dans  son  carrosse  avec  sa  dame  d'honneur  et  les  deux  au- 
tres dames,  et  les  a  remenées  chez  elle,  au  petit  Luxem- 
bourg, d'où  elle  alla  ensuite  en  son  particulier  aveq 
M""^  de  Ribérac  jeter  deTe^u  bénite  à  M°*  la  Duchesse.  * 

Outre  le  carrosse  de  la  Reine,  où  étoit  M"' de  Clermont, 
il  y  avoit  un  carrosse  des  écuyers  dans  lequel  montèrent  le 
grand  maître  des  cérémonies,  Técuyer  de  quartier,  l'é- 
cuyer  cavacaldour  et  le  porte-manteau. 


JUm  1741.  427 

Dimanche  dernier,  M.  d^Aubigné,  directeur  d'infante- 
rie et  ami  particulier  deH.  le  maréchal  de  Belle4sle,  vint 
faire  sa  cour  au  Roi  au  grand  couvert.  S.  M.  lui  dit  :  «  J'ai 
reçu  des  dépêches  de  M.  de  Belle-Isle,  épaisses  de  quatre 
doigts;  cependant  le  style  en  est  concis  et  il  n'y  arien  d^- 
nutile;  je  ne  suis  pas  trop  accoutumé  à  en  recevoir  de 
semblables  ;  j'eii  ai  pourtant  reçu  une  bien  éprite  deH.  de 
Rennes.  » 

U  y  eut  samedi  â&  conseil  de  dépèches  assez  long;  il 
fut  question  de  certains  droits  dont  jouit  le  commandant 
de  la  ville  de  Péronne  (c'est  M.  delà  Pérée  qui  a  épousé 
uneCaulaincourt,  parente  de  MM.  de  Béthune).  M.  de  Saint* 
Florentin  rapportoit  pour  ces  droits.  M.  le  contrôleur  gé- 
néral soutint  qu'ils  étoient  abusifs;  le  Roi  dit  qu'il  y 
avoit  moyen  de  concilier  cette  affaire  :  «  Il  n'y  a,  dit-il, 
qu'à  lui  donner  un  dédommagement  en  attendant  que  je 
lui  donne  une  autre  place  où  il  sera  mieux.  » 

M.  de  Charostme  disoit^  ily  a  quelques  jours,  qu'autre* 
fois  MM.  les  secrétaires  d'État  n'étoient  point  assis  au  con-* 
seil  de  dépèches,  ce  qui  faisoit  qu'ils  n'y  alloient  point  ; 
il  me  fit  même  le  détail  d'une  circonstance  dans  la-r 
quelle  M.  de  Louvois,  protégeant  une  des  parties  qui 
avoient  un  procès  au  conseil  de  dépèches,  y  entra  par  cette 
raison .  Aujourd'hui ,  non-  seulement  les  secrétaires  d'État, 
mais  même  les  conseillers  d'État^  sont  assis  au  conseil  de 
dépèches  et  de  finances  ;  seulement  au  conseil  de  finan* 
ces,  quand  on  fait  entrer  un  maître  des  requêtes  pour  rap- 
porter, il  se  tient  debout.  Les  maîtres  des  requêtes  se 
tiennent  aussi  debout  au  conseil  des  parties  où  le  Roi  n'est 
point;  ils  y  rapportent  appuyés  sur  le  fauteuil  du  Roi. 

Du  jeudi  20.  —  J'ai  raisonné  aujourd'hui  avec  M.  de 
Verneuil,  introducteur  des  ambassadeurs,  par  rapport 
à  la  cérémonie  de  l'eau  bénite  aux  princes  et  princesses 
du  sang;  il  m'a  dit  que  les  ambassadeurs  n'étoient  dans 
l'usage  d'en  aller  jeter  qu'au  premier  prince  du  sang  et 
à  sa  femme;  que  depuis  la  mort  de  Henri  de  Bourbon, 


438  MÉMOIRES  DU  DIJC  DE  LITTNES/ 

prince  de  Gondé^  en  1646 ,  jusqu'en  1709^  à  la  mort  de 
H.  le  Prince^  il  n'y  avoit  point  d'exemj^le  de  cette  céré* 
monie  par  les  ambassadeurs  pour  aucun  prince  du  sang. 
En  17085  l'introducteur  leur  donna  part  de  la  mort  de 
M.  le  Prince,  par  ordre  du  Roi^  et  de  même  à  la  mort  de 
lime  laPrincesse,  sa  femme.  L'usage  du  cérémonial  en  pa- 
reil cas  est  que  les  ambassadeurs  sont  reçus  par  le  maître 
et  les  officiers  des  cérémonies  ;  ensuite  ils  vont  chez  le 
frère  ou  le  fils  du  défunt,  qui  leur  donne  la  main  et  les 
reçoit  et  reconduit,  suivant  l'étiquette.  Le  lendemain  ^  le 
fils  ou  le  frère  va  chez  les  ambassadeurs,  où  il  est  reçu 
avec  le  même  cérémonial .  Dans  cette  occasion-cij  H.  le 
comte  de  Charolois  a  envoyé  de  son  propre  mouvement 
M.  le  chevalier  de  la  Marck  aux  portes  de  tous  les  ambas- 
sadeurs, où  il  a  fait  écrire  par  leurs  suisses  des  billets  à  peu 
près  dans  ces  termes  :  M.  le  chevalier  de  la  Harck  est  venu 
de  la  part  de  H.  le  prince  de  Condé  et  de  M.  le  comte  de 

Charolois  faire  part  à  M.  l'ambassadeur  de de 

la  mort  de  H*"*  la  Duchesse.  M.  le  chevalier  de  la  Marck 
alla  mémechezl'ambassadeur  de  Hollande,  qui,  étant  pro- 
testant, ne  pouvoit  aller  jeter  de  l'eau  bénite.  En  pareil 
cas,  les  ambassadeurs  qui  doivent  faire  une  entrée  et  qui 
ne  l'ont  point  faite  ne  doivent  point  être  invités,  et  même 
il  faut  qu'ils  aient  fait  leurs  visites  au  moins  au  prince  du 
sang  qui  est  le  plus  proche  parent.  Le  nonce,  qui  venoit 
de  faire  son  entrée,  n'avoit  point  encore  vu  M.  le  comte 
de  Charolois;  mais  il  auroit  pu  réparer  cela  en  allant 
chez  M.  de  Charolois  le  matin  du  même  jour. 

Sur  ces  billets  d'invitation,  les  ambassadeurs  s'assem- 
blèrent; on  rapporta  les  exemples  de  part  et  d'autre  ;  tout 
se  passa  avec  honnêteté,  et  les  ambassadeurs  n'ont  point 
été  jeter  d'eau  bénite.  M.  le  comte  de  Charolois  est  con- 
venu qu'il  ne  s'y  étoit  pas  bien  pris,  qu'il  auroit  dû  en 
parler  à  M.  de  Verneuil  qui  lui  auroit  sûrement  dit  que 
ce  n'étoit  paslecas  d'inviter  les  ambassadeurs,  M.  le  Duc 
n'étant  pas  premier  prince  du  sang. 


JUIN  1741  429 

Le  Parlement  a  été  en  corps  jeter  de  Teau  bénite  &  M"*  la 
Duchesse;  il  n'a  point  eu  pour  cela  d'ordre  du  Roi,  mais 
H.  le  premier  président  a  assuré  la  Compagnie  que  le  Roi 
ne  le  trou veroit  point  mauvais.  Les  princes  du  sang  re- 
çoivent en  pareil  cas  le  Parlement  à  la  porte  de  la  cham- 
bre du  dépôt;  c'est-à-dire  où  est  le  corps,  et  le  recondui- 
sent au  même  endroit. 

Le  Clergé,  ayant  M.  l'archevêque  de  Paris  à  la  tête,  y  a 
aussi  été  sans  ordre  exprès  de  S.  M.,  seulement  une  lettre 
de  M.  de  Maurepas,  signée  de  lui,  écrite  à  M.  Tarchevêque 
pour  lui  marquer  que  le  Roi  ne  le  trouveroit  *point  mau- 
vais. Le  Clergé  reçu  comme  le  Parlement  et  reconduit  de 
même.  M.  l'archevêque  de  Paris  avoit  oublié  son  livre, 
un  religieux  qui  étoit  là  lui  donna  le  sien.  Le  caractère 
étoit  si  fin  qu'il  ne  put  lire  dedans,  même  avec  ses  lunet- 
tes ;  il  pria  M.  l'archevêque  de  Tours  de  dire  l'oraison  et 
lui  donna  le  livre  ;  M.  de  Tours  se  servit  des  mêmes  lu- 
nettes sans  pouvoir  lire.  M.  l'archevêque  de  Toursremit  le 
livre  à  M.  de  Saint-Brieuc,  dont  la  vue  se  trouvoit  meil- 
leure et  qui  lut  l'oraison.  Il  se  trouva  que  c'étoit  l'oraison 
pour  un  prêtre. 

M.  de  Yerneuil  m'a  conté  une  circonstance  au  sujet  de 
M.  Vénier,  ambassadeur  de  Venise,  prédécesseur  de  M.  de 
Lezzo,  qui  l'est  aujourd'hui.  Les  ambassadeurs  de  Venise 
sont  dans  l'usage  d'être  faits  chevaliers  de  Tétoile  d'or  par 
le  Roi  à  leur  audience  de  congé.  S.  M.  leur  donne  une  épée 
d'or  et  un  baudrier  :  ils  doivent  se  mettre  à  genoux,  ce 
qui  se  fait  dans  le  cabinet.  M.  Vénier  ne  se  mit  point  à  ge- 
noux et  reçut  l'accolade  debout.  M.  de  Verneuil  lui  de- 
manda pourquoi  il  ne  s'étoit  pas  mis  à  genoux;  M.  Vénier 
répondit  qu'on  ne  lui  avoit  pas  donné  de  carreau.  H.  de 
Verneuil  en  parla  à  M.  de  la  Rochefoucauld  et  sut  que  c'est 
parce  que  l'on  eit  dans  l'usage  de  payer  les  carreaux  à 
chaque  serment  et  cérémonie  qui  se  font  dans  le  cabinet 
du  Roi,  et  que  celui-là  n'auroit  pas  été  payé,  parce  que 
les  ambassadeurs  ne  doivent  pas  payer. 


4M  '     MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUinNËS. 

Aitjourd'htti  jout  de  Saint-Pierre^  le  Roi  a  été  à  vêpres 
à  la  chapelle,  et  n'a  point  retourné  au  salut;  c'est  Yéii* 
quette  que  le  Roi  aille  à  rèpres  les  fêtes  d' Apôtres. 

S.  M.  revint  hier>  jour  déjeune^  de  Rambouillet,  où  il 
avoit  diné  ;  il  arriva  sur  les  sept  heures,  soupa  à  minuit 
etl  gtAS  dans  ses  cabinets  avec  les  deux  comtesses  et  quel- 
ques hommes. 

M.  le  prince  d^Ardore^  nouvel  ambassadeur  de  Naples^ 
a  eu  aujourd'hui  sa  première  audience.  La  question  dont 
j'ai  parlé  ci-dessus  s'est  renouvelée  à  l'occasion  de  M.  d'Ar^ 
dore  ;  il  prétetidoit  ne  devoir  point  être  conduit  par  Tiu'* 
troducteur,  en  qualité  d'ambassadeur  de  famille^  suivant 
ce  qUe  lui  avoit  dit  M.  de  l'Hôpital  et  à  l'exemple  de  ce 
qui  s'éloit  passé  à  Naples  pour  cet  ambassadeur;  mais  on 
a  suivi  la  dernière  décision  qui  a  été  faite  et^  hier  à  huit 
heures  du  soir^  M.  d'Ardore  donna  part  à  M.  de  Yerneuil 
de  son  arrivée.  Aujourd'hui  après  lamesseduRoi^M.d'Ar^ 
doï*e,  M.  de  Campo^Florido  et  H,  de  Yerneuil  se  sont  rendus 
dans  la  chambre  du  Roi  où  j'étois  datls  ce  moment.  M.  de 
Yerneuil  est  entré  dans  le  cabinet^  où  il  a  pris  l'ordre  du 
Roi.  Tout  ce  qui  avoit  suivi  le  Roi  au  retour  de  la  messe 
est  sorti  du  cabinet,  tous  les  secrétaires  d'État  et  même 
M.  le  duc  de  Charost  qui  a  les  entrées  familières  ;  ils  ont 
tous  repassé  dans  la  chambre  du  Roi.  M.  le  Cardinal  et 
M.  Amelotsont  restés  seuls  avec  le  Roi.  M.  de  Yerneuil 
est  ressorti  du  cabinet  pour  venir  prendre  M.  d'Ardore  et 
l'a  conduit  dans  le  cabinetd'où  il  est  ressorti  aussitôt;  l'aU- 
diencea  duré  un  bon  demi-qttart  d'heure.  M.  de  Yerneuil 
attendoit  dans  la  chambre.  Au  sortir  de  l'audience,  les 
deux  ambassadeurs,  avec  M.  de  Yerneuil,  ont  été  chez  la 
Reine  attendre  qu'elle  revienne  de  la  messe.  Au  retour 
de  la  messe,  la  Reine  est  demeurée  debout  auprès  de  la 
table  de  sa  chambre;  M.  de  Yerneuil  est  entré  pour  prendre 
l'ordre  de  S.  M.  ;  il  a  repassé  ensuite  dans  le  cabinet  pour 
prendre  M.  d'Ardore.  M.  de  Campo-FIorido  étoitentré  de- 
vant. Après  les  révérences  ordinaires,  M.  d'Ardore  a  parlé 


JUILLET  1V4I.  ^         4dl 

pendant  quelque  teiDps  à  la  Heine  en  italien,  et  a  remis  à 
S.  M.  une  lettre;  après  qildi  il  s'est  retiré  avec  le  même 
cérémonial.  M.  le  Cardinal  et  Mi  Amelot  n'étoient  point  à 
l'audience  de  la  Reine  j  ils  ù'ont  point  quitté  le  conseil 
d'État  où  ilsétoient; 


JUILLET. 

L'abbé  ci*0ppède  nommé  maître  de  l'oratoire.  —  Tutelle  du  prince  de  Condé. 
■^  Mort  de  l'évoque  fle  Pamiërâ  et  de  M.  de  Livry.  —  Arrivée  de  M.  de 
Beliè-Isle;  détails  sur  le  roi  de  Prusse  et  siir  l'attibassadË  de  Francfort.  — 
Mort  de  la  reine  de  Sardaigne.  —  La  Reine  à  Dampierre.  —  Mouvement  de 
troupes.  —  Appartements  donnés.  —Audiences  du  prince  de  Nassau- Weii- 
boui^  et  de  Mine  d'Ardoré.  —  Changements  daiis  la  màisob  du  Dauphin.  — 
Mariage  de  M.  de  Castries  avec  M'ie  de  ChalmaÉel. 

Du  samedi  V%  Versailles.  —  La  charge  de  maître  de 
Toratoire  de  M.  l'abbé  du  Vigean  a  été  donnée  à  M*  Tabbé 
d'Oppède,  le  plus  ancien  des  aumôniers  du  Roi.  M.  l'abbé 
d'Oppède  a  depuis  longtemps  une  assez  bonne  abbaye; 
il  a  déclaré  il  y  a  longtemps  à  M.  le  Cardinal  qu'il  ne  voun 
loit  point  être  évéque  etqu'il  ne  demandoit qu'une  marque 
de  bonté  du  Roi  en  se  retirant.  MMi  d'Oppède  sont  pro- 
vençaux et  gens  de  grande  condition.  11  paye  le  brevet  de 
retenue  de  40^000  livres  et  le  Roi  lui  en  accorde  un  de 
30^000  livres  ;  outre  cela  le  Roi  a  mis  sur  la  charge  une 
pension  de  1,000  livres  en  faveur  de  M"*  du  Vigean,  qui 
a  huit  ou  neuf  ans,  sœur  de  père  de  feu  M.  Tabbé  du  Vi- 
gean. M"®  de  Chalmazel,  qui  est  leur  parente,  l'a  ame- 
née aujourd'hui  remercier  M.  le  Cardinal  et  M.  de  Mau- 
repas.  La  charge  de  maître  de  l'oratoire  vaut,  à  ce  que 
m'a  dit  M"^  de  Chalmazel,  4,800  livres. 

M™®  la  Duchesse  est  ici  d'hier.  M.  le  comte  de  Charolois 
y  vint  aussi  hier  matin  et  eut  une  longue  conversation 
avec  M.  le  Cardinal.  11  est  actuellement  en  procès  avec 
M""*^  sa  mère  au  sujet  de  la  tutelle  de  M.  le  prince  de  Condé, 


483  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYnES. 

et  ce  procès  fait  grand  bruit.  Feu  M^  la  Duchesse  étoit 
tutrice  avec  M.  le  comte  de  Charolois  ;  M.  le  comte  de 
Charolois  a  demandé  par  une  requête  que  H"*  la  Du- 
chesse sa  mère  fût  chargée  de  l'éducation  de  H.  le  prince 
de  Condé  ;  M'^'la  Duchesse  a  présenté  de  son  côté  requête 
pour  être  adjointe  à  la  tutelle.  M.  le  comte  de  Charolois 
répond  qu'il  n'est  point  nécessaire  d'avoir  deux  tuteurs^ 
que  le  cas  de  pourvoir  à  la  tutelle  n'est  point  arrivé , 
puisque  par  sa  qualité  de  tuteur  il  reste  toujours  chargé 
de  veiller  aux  intérêts  de  M.  le  prince  de  Condé.  Il  cite 
pour  exemple  M.  le  duc  d'Orléans  qui  est  seul  tuteur  de 
M.  le  comte  de  la  Marche ,  et  M""*  la  duchesse  d'Orléans 
et  M'"'  la  princesse  de  Conty,  les  deux  grandes  mères , 
n'ayant  point  demandé  à  y  être  adjointes.  M.  de  Charo- 
lois ajoute  qu'il  est  de  son  honneur  que  l'on  n'adjoigne 
qui  que  ce  soit  à  cette  tutelle.  On  dit  de  la  part  de  M""""  la 
Duchesse  qu'elle  est  blessée  avec  raison  de  la  requête  qui 
a  été  présentée  par  M.  le  comte  de  Charolois  pour  qu'elle 
soit  chargée  de  l'éducation  de  M.  le  prince  de  Condé; 
mais  qu'elle  auroit  encore  plus  juste  sujet  de  se  plaindre 
si,  étant  chargée  de  l'éducation,  elle  n'avoit  aucune  part 
dans  la  tutelle  et  fût  en  quelque  manière  dépendante  de 
son  fils.  On  ajoute  qu'il  n'y  a  point  d'exemple  que,  dans 
le  cas  où  est  M"*  la  Duchesse,  on  ait  refusé  la  tutelle  lors- 
qu'elle  est  demandée.  M.  le  comte  deCharolois  a  demandé 
à  M.  le  Cardinal  que  ce  fût  le  Roi  qui  décidât  cette  ques* 
tion,  et  M.  le  Cardinal  lui  a  répondu  que  le  Roi  ne  vouloit 
point  s'en  mêler.  C'est  M.  de  Charolois  et  M.  de  Lassay  qui 
m'ont  conté  ce  détail  de  part  et  d'autre. 

Il  n'y  a  point  encore  d'arrangement  de  fait  pour  les 
logements  ;  on  a  seulement  donné  à  M.  de  Charolois  l'ap- 
partement de  M.  le  Duc;  et  de  l'appartement  qu'avoit 
M.  de  Charolois  on  en  ôte  une  pièce,  qui  étoit  ancienne- 
ment de  l'appartement  de  H.  le  Dauphin ,  et  qu'on  lui 
rend;  elle  servira  d'antichambre  avant  la  salle  des 
gardes. 


■ite 


JUILLET  174t.  43S 

Le  Roi  a  beaucoup  parlé  ces  jours-ci  à  son  dîner  et  à  son 
souper  aux  officiers  de  marine  ;  il  fit  hier  et  avant-hier 
plusieurs  questions  à  MH.  du  Barrail  et  de  Nesmond  sur 
Garthagène. 

Du  dimanche  2.  —  Jeudi  dernier  on  quitta  le  deuil  de 
M"*^la  Duchesse;  on  devoit  le  prendre  ces  jours-ci  pour  le 
prince  Frédéric,  cousin  du  roi  de  Prusse ,  mort  des  bles- 
sures qu^il  avoit  reçues  à  la  bataille  de  Holwitz;  mais  cela 
est  changé,  on  ne  le  prendra  pas.  Les  parents  de  la  mai- 
son de  Condé  ont  continué  à  porter  lé  deuil  pendant 
quelques  jours. 

Mademoiselle,  M"®  de  Clermont  et  M"*  de  Sens  vinrent 
avant-hier  ici  en  même  temps  que  M"*® la  Duchesse;  elles 
et  M.  le  comte  de  Clermont  sont  réunis  avec  M°®  la  Du- 
chesse dans  le  procès  dont  j'ai  parlé  contre  M.  le  comte 
de  Charolois.  On  a  été  assez  étonné  ici  de  ce  que  le  Roi 
n'a  point  été  chez  M"*  la  Duchesse  ni  chez  les  princesses. 
En  pareille  circonstance,  elles  viennent  ici,  aussitôt  après, 
recevoir  les  visites  du  Roi  et  de  la  Reine  ;  mais  comme  il 
y  a  déjà  quelque  temps  que  M"*  la  Duchesse  est  morte  et 
que  même  le  deuil  est  fini ,  apparemment  que  c'est  cette 
raison  qui  a  empêché  ces  visites.  On  dit  que  c'est  M"*  la 
Duchesse  qui  a  désiré  cet  arrangement. 

11  y  a  déjà  huit  jours  que  M.  Tévèque  de  Pamiers  mou- 
rut à  Paris;  il  étoit  frère  de  M.  le  marquis  de  Fénelon , 
notre  ambassadeur  à  la  Haye. 

M.  le  maréchal  de  Brancas  a  fait  aujourd'hui  sa  révé- 
rence au  Roi  ;  il  arrive  de  Bretagne,  où  il  ne  retournera 
plus,  l'usage  étant ,  comme  je  l'ai  marqué  plus  haut,  que 
MM.  les  maréchaux  de  France  sont  payés  fort  cher  quand 
ils  sont  employés. 

On  parle  beaucoup  de  guerre  depuis  quelques  jours  ; 
il  n'y  a  point  cependant  encore  d'ordonnance  pour  l'aug- 
mentation cTe  la  cavalerie ,  mais  il  y  a  un  marché  de 
fait  pour  fournir  des  chevaux  à  la  cavalerie,  et  outre  cela 
un  arrangement  avec  MM.  Péris  pour  la  fourniture  des 
T.  m,  28 


434  MÉMOIRES  PU  DIJC  DR  LIJYNES. 

vivres;  ils  n^ont  pas  voulu  faire  de  forfait ,  mais  ils  ser^ 
viront  et  compteront  de  clerc  à  maître. 

Du  mercr$di  li,  Dampierré.  —  Je  ne  mettrai  point 
autant  de  détail  sur  ce  qui  se  passe  à  Versailles ,  parce 
que  je  suis  ici  depuis  le  3  de  ce  mois;  cependant  voisi  à 
peu  près  ce  qui  est  arrivé  depuis  mon  départ  : 

Le  Roi  alla  Je  lundi  3  à  Rambouillet;  il  devoit  dans  le 
premier  arrangement  y  rester  jusqu'au  mercredi;  cela 
fut  changé  par  rapport  à  des  arrangements  de  chasse  ; 
il  revint  le  mardi  après  souper,  lies  dames  de  ce  voyage 
étoient  les  deux  comtesses,  M"*"  d'Antin,  M°*  de  Saint-Ger- 
main et  M*"^  la  duchesse  de  Gramont.  Ce  voyage  est  le 
dernier  de  Rambouillet.  M'"''  la  comtesse  de  Toulouse  de- 
voit partir  le  lendemain  pour  aller  à  Forges;  elle  n'y  va 
plus  à  cause  des  maladies  qu'on  dit  être  dans  le  pays  ; 
mais  cela  n'a  rien  changé  au  voyage  du  Roi.  S.  M.  partit 
le  vendredi  à  huit  heures  du  soir  pour  aller  souper  à 
Ghoisy  ;  chassa  samedi  et  lundi  à  Sénart;  le  lundi ,  au  re- 
tour de  la  chasse ,  soupa  dans  sa  gondole  sur  la  rivière^ 
et  revint  ensuite  coucher  à  VersaiDes.  Les  dames  de  ce 
voyage  étoient  les  deux  comtesses. 

Nous  apprîmes  ici ,  il  y  a  trois  ou  quatre  jours ,  la 
mort  de  M.  de  Livry  le  père ,  arrivée  à  Livry  le  3  ou  le 
4  de  ce  mois.  Il  n'avoit  pas  soixante  ans^  mais  il  avoit 
beaucoup  vécu.  Voilà  son  fils  en  possession  de  la  charge. 

M.  de  Belle-lsle  arriva  à  Versailles  le  lundi  10  de  ce 
mois.  C'étoit  un  secret  que  son  arrivée;  il  n'y  avoit  que 
quelques-uns  de  ses  amis  qui  en  étoient  instruits.  On  lui 
a  mandé  de  venir  pour  raisonner  avec  lui  sur  les  partis 
qu'il  y  avoit  à  prendre  dans  les  coi^onctures  présentes. 
Il  n'a  point  entré  dans  Paris  et  n!y  entrera  pas  même  en 
s'en  retournant,  de  sorte  que  son  fils,  qui  a  huit  ou  neuf 
ansetqui  est  au  collège ,  l'est  venu  voir  à  Versailles.  Le  jour 
qu'il  arriva,  M.  le  Cardinal  avoit  couché  à  Vafticresson  (1) 


(1)  Cette  maison,  qui  étoit  à  feu  M.  Hérault,  a  été  rendue  après  sa  mort  à  un 


et  étoit  venu  dîner  chez  IP^  de  Veotadouir  à  Glati- 
gny.  M.  de  Belle-Isle  fat  enfermé  depuis  (^nq  heures  jus- 
qu'à neuf  chez  M.  le  Cardinal  y  tète  à  tète.  Le  lendemain 
il  fut  en  conférence  avec  les  quatre  secrétaires  d'État  chez 
M.  Amelot.  Le  ftoi  lui  donna  aussi  ce  même  jouv  une  au- 
dience qui  dura  une.  demirheure  ou  trois  quarts  d'heure; 
il  n'y  avoit  à  cette  audience  que  M,  le  Cardinal.  Le  ftoi  fit 
as^oirM.  de  Belle-Isle.Ila  eu  depuis  une  longue  conver- 
sation avec  M.  de  Maurepas^  et  plusieurs  avec  M.  de  Bre- 
teuil.  Il  ne  devoit  être  à  Versailles  que  cinq  ou  six  jours  ; 
il  parolt  Q'être  pas  sûr  qu'on  ne  l'y  retienne  quelques 
jours  de  plus. 

Du  dimanche  16^  Dampierre.  —  Je  vis  hier  M.  de  $elle^ 
Isle;  il  me  conta  la  manière  dont  il  avoit  été  reçu  par  les 
électeurs.  Quoiqu'il  p'^At  point  pris  de  caractère ,  le  roi 
de  Prusse  convoya  deux  mille  hommes  au-devant  de  lui^ 
et  lui  donpa  une  garde  de  deux  cents  hommes^  double 
sentinelle  eu  dédains  et  en  dehors.  Il  parolt  content  de  l'es- 
prit et  de  la  vivacité  du  roi  du  Prusse  aussi  bie^  que  de 
la  grande  beauté  de  ses  troupes.  Le  roi  de  Prusse  donne 
tous  les;  jours  à  dîner  à  grand  nombre  d'pfficiers  ;  ce  dîner 
est  copiposé  d'un  grand  plat  de  viandes  bouillies  de 
toute  espèce ,  d'un  plat  de  bouillon  ^  un  grand  plat 
de  rôti  ep  pile  et  un  autre  grand  plat  de  légumes  ;  on  ne 
sert  jamais  de  fruit  sur  sa  table.  Il  reste  trois  ou  quatre 
heures  à  table  à  faire  la  conversatioi^^  ne  buvçmt  que  du 
vin  de  Champagne  avec  de  l'eau  et  très- modérément. 
M.  de  Belle-Isle  a  été  reçu  par  les  électeurs  de  Bavière  et 
Palatin  avec  toute  la  distinction  possible ,  quoique  tou- 
jours sans  caractère^  logé  dans  le  château ,  la  garde  pre- 
nant les  armes  et  battant  au  champ  pour  lui.  Chaque 
électeur  vint  le  recevoir  dans  la  pièce  avant  la  chambre, 
lui  donna  la  main  et  un  fauteuil  pareil  au  sien  ;  à  table , 


conseiller  au  Parlement,  fort  janséniste  à  ce  que  f  ai  ouï  dire,  et  qui  a  prié  M.  le 
Cardioal  de  vouloir  bien  continuer  d'en  faire  usage.  (JVo/e  du  duc  de  liiynes,) 

28. 


486  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

il  eut  un  fauteuil  à  la  droite  de  l'électeur^  un  cadenas 
pareil  et  servi  de  même  par  un  chambellan  ;  à  cette  même 
table^  à  Manheim^  le  duc  et  les  princesses  de  SuHzbachn'a* 
voient  point  de  cadenas  ni  de  chambellan  pour  les  servir. 

M.  de  Belle-lsle  n'a  point  encore  fait  son  entrée.  Les 
maisons  qu'il  a  été  obligé  de  louer  à  Francfort  pour  lui  et 
sa  suite  lui  coûtent  Sih^OOO  livres  de  loyer  ;  il  a  cinquante 
laquais  ^  dont  trente-six  pour  sa  personne  et  celle  de 
M'"'  de  Belle-Isle  ;  douze  pages  avec  gouverneur  et  sous- 
gôuvemeur;  quatre  heiduques^  autant  de  coureurs; 
quinze  personnes  principales  pour  le  secrétariat  y  ce  que 
Ton  appelle  la  chancellerie ,  desquelles  les  deux  plus 
considérables  ont  chacune  2,000  écus  d'appointements  du 
Roi.  Il  y  a  outre  cela  plus  de  cent  personnes  pour  la  cui- 
sine et  l'office .  Il  n'a  encore  demeuré  que  quatorze  ou 
quinze  jours  à  Francfort  en  différentes  fois.  Son  état  or- 
dinaire est  de  deux  tables  de  vingt-cinq  couverts  chacune 
dans  la  même  pièce^  dont  une  est  tenue  par  le  chevalier 
de  Belle-Isle.  J'oubliois  dans  les  traitements  qu'il  a  reçus^ 
que  la  visite  faite  d'abord  par  lui  à  l'Électeur  lui  fut  rendue 
sur-le-champ.  Il  vint  recevoir  l'Électeur  une  pièce  plus 
loin  qu'il  n'avoit  été  reçu,  lui  donna  la  main,  et  le  recon- 
duisit au  même  endroit. 

Ce  n'est  qu'en  arrivant  à  Meaux  que  M.  de  Belle-Isle 
apprit  la  levée  du  siège  de  Carthagène;  il  y  avoit  déjà 
quelques  jours  que  nous  savions  cette  nouvelle;  elle  est 
venue  par  l'Angleterre,  où  l'on  a  fait  tout  ce  qu'on  a  pu 
pour  la  laisser  ignorer.  C'est  le  vice-roi  don  Biaise  qui 
avec  trois  mille  Indiens  a  obligé  les  Anglois  à  lever  le  siège; 
ils  se  sont  retirés  avec  grande  perte  ;  on  dit  que  cette  ex- 
pédition leur  coûte  cent  cinquante  millions. 

On  apprit  il  y  a  quelques  jours  la  nouvelle  de  la  mort 
de  la  reine  de  Sardaigne  (1  )  ;  on  doit  en  faire  part  mardi, 
et  on  prendra  le  deuil  jeudi. 

(1)  Elisabeth-Thérèse  de  Lorraine,  fille  de  Léopold^oseph^Charles ,  duc  de 


JUILLKÏ  4741.  437 

Le  Roi  revînt  lundi  de  Choisy,  comme  j'ai  dit,  après 
avoir  soupe  sur  l'eau;  le  souper  fut  fort  long,  et  il  n'y 
avoit  de  dames  que  les  deux  comtesses.  Il  y  est  retourné 
jeudi,  et  ne  reviendra  que  demain  lundi;  il  fera  toutes  les 
semaines  jusqu'à  Compiègne  un  semblable  voyage. 

La  Reine  nous  fit  l'honneur  de  venir  ici  jeudi  dernier. 
Nous  n'en  fûmes  instruits  sûrement  que  le  mercredi  ma- 
tin ;  elle  arrivaici  à  trois  carrosses  ;  dans  celui  des  écuyers^ 
M.  de  Nangis,  M.  de  Tessé  ;  et  dans  les  deux  du  corps, 
jmmès  (i'A.ntin,  de  Villars,  de  Montauban,  de  Chàtillon,  de 
Tessé,  de  Saint-Florentin  et  de  Rouzols.  Ces  voitures  sont 
desberlines,  que  l'on  vient  de  faire  pour  laReine,  qui  sont 
à  six  places  et  cependant  beaucoup  plus  légères  que  les 
carrosses  dont  elle  se  servoit.  La  Reine  arriva  ici  à  midi 
et  demi.  J'allai  la  recevoir  au  haut  de  la  montagne  avec 
M.  de  Picquigny .  Elle  se  mit  à  table  un  peu  avant  deux 
heures;  M"*'  de  Luynes  lui  présenta  la  serviette ,  j'eus 
l'honneur  de  la  servir  à  table.  La  Reine  me  renvoya  quel- 
que temps  après,  et  M.  de  Picquigny  la  servit  après  moi. 
S.  M.  voulut  que  M.  de  Picquigny  allât  dîner,  et  M.  de 
Vezanne,  qui  est  un  gentilhomme  à  moi,  servit  la  Reine. 
La  Reine  mangea  dans  le  vestibule  avec  les  dames  qu'elle 
avoit  amenées.  M"®  de  Luynes,  M"*"  d'Egmont  et  M™®  de 
Rupelmonde.  Quand  la  Reine  se  mit  à  table,  elle  ne  trouva 
que  son  couvert  seul  ;  elle  ordonna  qu'on  en  apportât  aux 
dames.  Il  y  avoit  ici  le  matin  deux  dames.  M"*®* de  Flava- 
court  (1  )  et  de  Brienne  (2)  ;  elles  s'en  allèrent  avant  l'ar- 


Lorraine  et  de  Bar;  née  en  1711  ;  mariée  en  1737  à  Charles  Emmanuel  Hf, 
roi  de  Sardaigne,  dont  elle  fut  la  troisième  femme. 

(1)  VeuYe  du  maréchal  de  eamp  à  qni  avoit  appartenu  la  terre  du  Plessis- 
Longnau  proche  de  Pont-sur-Oise.  (Noie  du  duc  de  Luynes,) 

(2)  Elle  est  Villate.  M«ne  de  Villate ,  sa  mère ,  épousa  en  secondes  noces 
M.  le  marquis  de  Saumery,  sous-gouverneur  du  Roi,  ambassadeur  en  Bavière, 
dont  elle  a  eu  une  fille  qui  a  épousé  M.  de  Coëtlogon.  De  son  premier  ma- 
riage elle  a  eu  deux  filles;  Tainée  est  Mn»e  de  Guitaut.  M.  de  Brienne,  mari 
de  la  seconde,  est  fils  de  la  sœur  atnée  de  Mme  de  Luynes.  (Note  du  duc  de 
Luynes.  ) 


^     y--      ^ 


JUILLET  1741.  430 

Luynes,  fit  le  tour  de  la  pièce  d'eau,  alla  à  la  ménage- 
rie (1) ,  et  de  là  partout  le  grand  parc.  Elle  revint  à  neuf 
heures,  et  ayant  trouvé  un  marchand  qui  avoit  des  taba- 
tières à  vendre,  elle  en  acheta  une  qu'elle  donna  à  M™*  de 
Luynes.  J'oublie  de  marquer  que  pendant  son  jeu  elle 
avoit  eu  différentes  petites  musiques.  A  neuf  heures  elle 
se  remit  à  cavagnole ,  et  un  peu  avant  dix  heures  on 
servit  son  souper,  et  le  même  nombre  de  tables  que  le 
matin.  Je  ne  mets  aucun  détail  pour  le  service  ;  tout  se 
passa  de  même  qu'à  dîner.  Je  commençai  par  la  servir,  en- 
suite M.  de  Kcquigny ,  puis  M.  de  Vezanne,  et  je  vins  re- 
prendre le  service  après  que  j'eus  soupe .  LaReine  se  remiià 
cavagnole  après  le  souper,  jusqu'à  minuit,  et  partit  un  peu 
avant  une  heure.  Je  montai  achevai  pour  la  suivre ,  mais 
elle  m'ordonna  de  rester.  Elle  parut  être  ici  fort  à  son 
aise,  et  nous  donna  beaucoup  de  marques  de  bonté,  à 
M"*  de  Luynes  et  à  moi ,  les  accompagnant  de  grâces  et 
d'attentions  jusques  sur  les  plus  petites  choses. 

Du  jeudi  20,  Versailles.  — On  ne  prendra  le  deuil  de 
la  reine  de  Sardaigne  que  mardi. 

Le  Roi  est  parti  ce  matin  pour  Choisy.  M*'*  de  Vinti- 
mille  et  M™M'Antin  sont  parties  cette  après-dlnée;  M"*  de 
Hailly  est  de  semaine,  elle  n'y  ira  que  samedi. 

Le  mariage  de  M.  de  Soubise  avec  M"*  de  Carignan 
n'est  pas  encore  absolument  public,  mais  il  est  certain;  il 
se  fera  à  Saverne.M"*'  de  Carignan  doit  arriver  incessam- 
ment; elle  logera  à  Saint-Cloud  dans  la  maison  de  feu 
M.  de  Carignan. 

M.  de  Belle-Isle  travailla  hier  trois  quarts  d'heure  avec 
le  Roi  et  M.  le  Cardinal;  il  avoit  eu  auparavant  une  lon- 
gue conférence  avec  M.  Amelot,  M.  de  Mau repas  et  M.  le 
contrôleur  général  ;  c'étoit  chez  M.  Amelot.  On  a  su  en- 
fin hier  au  soir  et  ce  matin  qu'on  faisoit  marcher  un  gros 
corps  de  troupes  en  Bavière.  Ce  sera  M.  de  Belle-Isle  qui 


(1)  Cette  ménagerie  n'existe  plus. 


440  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

commandera  cette  armée^  lorsque  les  négociations  faites 
ou  rompues  lui  permettront  de  s'y  rendre.  En  attendant 
elle  sera  commandée  par  M.  de  Leuvillcy  le  plus  ancien 
des  lieutenants  généraux.  Je  mettrai  ci-après  la  liste  des 
officiers  généraux  et  particuliers  ;  on  ne  l'a  point  encore. 
Il  y  aura  une  autre  armée  sur  la  Meuse  commandée  par 
M.  le  maréchal  de  Maillebois;  on  dit  aussi  une  en  Flandre^ 
mais  de  dix  mille  hommes  seulement,  sous  les  ordres 
detf .  le  chevalier  de  Givry  ;  et  un  corps  de  troupes,  aussi 
de  dix  mille  hommes,  en  Italie,  sous  les  ordres  de  H.  le  duc 
d'Harcourt,  lequel  se  joindra  aux  troupes  espagnoles 
commandées  par  M.  le  duc  de  Montemar. 

On  sait  actuellement  les  neuf  lieutenants  généraux  des- 
tinés pour  aller  en  Bavière  ;  c'est  Hl)l.  de  Leuville  ,  de 
GassioUy  d'Aubigné,  de  la  Fare,  le  comte  de  Saxe ,  Cler- 
mont-Tonnerre,  mestre  de  camp  général  delà  cavalerie, 
Polastron,  Ségur  et  comte  de  Bavière.  Nous  ne  savons 
encore  de  maréchaux  de  camp  que  MM.  de  Biron,  du 
Chàtelet,  de  Luxembourg,  comte  d'Estrées,  de  Pontchar- 
train,  Champigny ,  capitaine  aux  gardes,  maréchal  de  camp 
et  major-général  de  cette  armée. 

M.  de  Polastron  quitte  M.  le  Dauphin  ;  le  Roi  lui  con- 
serve ses  appointements,  son  logement  et  ses  entrées  ;  il 
avoit  désiré  de  pouvoir  conserver  sa  place,  ce  qui  n'auroit 
pas  été  sans  exemple,  puisque  le  Roi  a  eu  trois  sous-gou- 
verneurs en  même  temps;  mais  M.  le  Cardinal  lui  a  dit 
que  cela  ne  se  pouvoit  pas. 

Il  y  a  eu  ces  jours-ci  plusieurs  arrangements  de  faits  pour 
les  logements.  J'ai  marqué  que  Ton  avoit  rendu  à  l'ap- 
partement de  M.  le  Dauphin  une  partie  de  celui  de  H.  de 
Charolois.  Cet  appartement,  qui  a  deux  pièces  de  moins, 
vient  d'être  donné  à  M.  de  Bouillon.  Celui  que  M.  de 
Bouillon  avoit  en  dernier  lieu,  et  qui  est  au-dessus  de  l'ap- 
partement de  la  Reine  auprès  de  celui  de  M.  Tévèque  de 
Mirepoix,  vient  d'être  donné  à  M.  et  à  M™' de  Fleury  ;  c'étoit 
l'ancien  appartement  de  M.  de  la  TrémoillCé  Celui  que 


JUILLET  1741.  441 

M.  delà  Trémoille  avoit  pris  en  dernier  lieu,  qui  est 
l'ancien  appartement  de  M.  de  Bouillon  ,  vers  celui  de 
M  de  Gesvres  au-dessus  de  M.  le  Cardinal,  a  été  donné  à 
M.  le  Premier  et  à  M.  deVassé.  Celui  de  M.  et  de  M™**  de 
Mérode,  qui  est  ici  dans  Taile  des  Princes,  est  donné  à 
M.  de  Puiguyon.  Celui  de  M.  de  Puiguyon  et  celui  de 
M.  le  chevalier  de  Créquy  à  M.  et  M™*  la  maréchale  de 
Maillebois  ;  c'étoit  l'ancien  appartement  de  M"*^  la  ma- 
réchale de  Rochefort.  Celui  qu'avoient  M.  et  M^'lâma- 
chale  de  Maillebois  (1),  aussi  dans  Taile  des  Princes, 
est  donné  à  M.  et  M"*  de  Mérode.  Celui  de  M.  etM"Ma 
maréchale  de  Duras,  dans  la  même  alle^  à  H.  de  Sou- 
bise.  Il  reste  encore  plusieurs  logements  à  donner  :  celui 
de  M.  le  Premier  dans  Taile  des  Princes,  celui  de  H.  de 
Vassé  dans  le  corridor  en  allant  chez  M.  le  contrôleur 
général,  celui  de  M.  et  M™'  de  Fleury  qui  est  fort  joli 
et  bien  accommodé ,  celui  de  M.  de  Soubise  (2)  dans 
Taile  des  Princes,  et  celui  de  M"**^  de  Conflans  dans  l'aile 
neuve.  Il  y  a  de  personnes  à  loger  :  M"'  de  la  Trémoille, 
M*"^  la  duchesse  de  Gramont,  douairière,  etses  filles,  M.  le 
maréchal  deNoailles  et  M™*"  de  Fitz-James. 

J'ai  oublié  de  marquer  que  la  reine  douairière  d'Es- 
pagne a  été  passer  trois  semaines  à  Compiègne  ;  elle  y  a 
logé  dans  l'appartement  de  H.  le  duc  d'Orléans. 

Outre  M"*''  de  Vintimille  et  d'Antin,  qui  sont  à  Choisy,  il 
y  a  Mademoiselle,  M"*  de  Clermont  et  M"*  la  maréchale 
d'Es  trées .  M .  de  Richelieu  y  est  aussi;  il  est  arrivé  depuis  peu 
de  Languedoc.  J'aurois  dû  marquer  son  entrée  brillante  à 
Toulouse,  maiscelaestdans  toutes  les  nouvelles  publiques. 

M"*  d'Ecquevilly  a  été  présentée  ces  jours-ci  ;  elle  est 
fort  grasse ,  mais  elle  a  le  visage  agréable. 


(1)  M">«  de  Maillebois  n'ayant  point  Yoala  quitter  son  appartement,  celui  de 
.MM.  les  gentilshommes  de  la  manche  a  été  donné  à  M.  et  àMine  de  Mérode. 

(  Note  du  duc  de  Luynes.) 

(2)  Il  YÎent  d'être  donné  à  W^  la  duchesse  de  Gramont  douairière.  (NoCe 
du  duc  dé  luynes,  datée  du  27  août  1741.) 


442  MEMOIRES  DU  DUC    DE  LUYNES. 

Du  jeudi  27,  Versailles.  — Lundi  24  de  ce  inois^  le 
Roi  revint  de  Choisy  après  souper. 

Ce  môme  jour,  M.  le  maréchal  de  Belle-Isle  partit  dHci 
pour  aller  coucher  à  Paris;  il  avoit  dîné  chez  M.  de  Bre- 
teuil  ;  il  lui  arriva  un  courrier  pendant  le  dîner;  il  sortit 
de  table,  alla  chez  M.  Amelot,  où  il  fut  enfermé  quelque 
temps.  6n  ne  sait  rien  des  nouvelles  qu'a  apportées  le 
courrier.  M.  le  Cardinal  étoit  arrivé  ici  pour  dîner;  M.  de 
Belle-Isle  avoit  apparemment  pris  ses  derniers  ordres,  car 
il  partit  sans  le  voir.  Le  mardi,  il  partit  à  cinq  heures  du 
matin  de  Paris  pour  retourner  à  Francfort. 

Mardi  matin,  M.  de  Sainctot  vint  avertir  M"*  de  Luynes 
pour  l'audience,  chez  la  Reine,  de  M.  le  prince  de  Nassan- 
Weilbourg.  ïl  étoit  trop  tard  pour  faire  avertir  des  da- 
»Hies,  ainsi  il  n'y  eut  que  celles  qui  s'y  trouvèrent  natu- 
rellement ;  ce  fut  une  audience  particulière,  la  Reine  do- 
bout  auprès  de  sa  table,  H.  de  Nassau  conduit  par  M.  de 
Sainctot.  C'est  le  gros  prince  de  Nassau  qui  jouoit  gros  jeu 
ici  l'année  passée. 

Ce  même  jour  mardi,  M.  de  Sainctot  dit  à  M"**  de  Luynes 
que  M"®  la  princesse  d'Ardore,  ambassadrice  des  Deux-Si- 
ciles,  devoit  arriver  l'après-midi  et  avoir  le  lendemain  son 
audience  de  la  Reine.  L'usage  est,  comme  je  Tai  marqué 
ci-dessus,  que  la  dame  d'honneur  donne  à  dîner  chez 
elle,  le  jour  deraudience,  aux  ambassadrices  de  famille. 
M"*  d'Ardore  arrivaraprès-dlnée,  et  vint  rendre  visite  à 
M""  de  Luynes,  laquelle  aussitôt  retourna  chez  elle. 
^mt  d* Ardore  parolt  avoir  au  plus  quarante  ans  ;  elle  est 
bien  faite,  elle  est  brune,  le  visage  assez  agréable,  le 
nez  un  peu  long  ;  elle  parolt  vive  ;  elle  parle  fort  peu 
francois.  Elle  a  eu  douze  enfants.  Elle  airois  sœurs,  dont 
l'une  a  éf^ousé  le  prince  de  Stilliano,  une  autre  le  prince 
de  Masseran,  une  autre  le  duc  de  SolCarino. 

Le  mercredi.  M"*''  d'Ardore  vint  chez  M"*  de  Luynes  at- 
tendre Thème  delà  Reine.  M*"*  de Campo-Florido et  M"** la 
marquise  de  Castel-dos-Rios  étoient  avec  elle.  Lorsque  la 


.^adSKik- 


JUILLET  lT4i.  443 

Reine  fat  revenue  de  la  messe ,  W^  de  Campo-Florido 
et  M"*^  de  Castel-dos-Rios  sortirent  d'ici  pour  aller   chez 
la  Reine  à  l'audience.  Fort  peu  de  temps  après,  M.  de 
Sainctot  vint  avertir  M"®  d'Ardore,  et  lui  donna  la  main. 
L'audience  se  passa  à  l'ordinaire.  M"*"  de  Luynes  vint  re- 
cevoir M"*  d'Ardore  à  la  porte  de  la  chambre  de  la  Reine, 
en  dedans  du  cabinet  qui  la  précède  ;  elle  la   salua  et 
rentra  sur-le-champ  avec  elle.  M"®  d'Ardore  fit  ses  trois 
révérences,  baisa  le  bas  de  la  robe,  et  s'assit  ensuite  sur 
un  pliant  vis-à-vis  de  la  Reine ,  et  M™*  de  Luynes  sur  un 
autre  à  la  gauche  de  M"*®  d'Ardore.  Le  Roi  éfoit  au  con- 
seil d'État  et  avoit  permis  qu'on  l'avertit  ;  M.  de  Sainctot 
alla  avertir  le  premier  valet  de  chambre,  qui  entra  dans 
le  cabinet;  le  Roi  vint  aussitôt  et  M.  le  Cardinal  le  suivit. 
S.  M.  salua  et  baisa  M™®  d'Ardore,  et  après  avoir  resté 
quelque  temps  retourna  au  conseil.  M"®  de  Luynes  recon- 
'  duisit  le  Roi,  suivant  l'usage.  La  Reine  se  rassit  et  M.  de 
Sainctot  après  avoir  reconduit  le  Roi  alla  avertir  M.  le 
Dauphin,  lequel  monta  aussitôt,  salua  et  baisa  M"*  d'Ar- 
dore, ensuitealla  baiser  la  main  de  la  Reine.  M"®  de  Luynes 
reconduisit  aussi  H.  le  Dauphin,  et  le  suivit  jusque  dans 
son  appartement.  L'audience  dura  encore  quelques  mo- 
ments; la  Reine  se  leva  et  M"*  d'Ardore  se  relira  avec 
les  trois  révérences  ordinaires;  M"®  de  Luynes  la  recon- 
duisit au  même  endroit  où  elle  l' avoit  reçue.  M"*  d'Ardore 
fut  ensuite  ichez  Mesdames,  où  tout  se  passa  de  la  même 
manière  que  ichez  la  Reine;  ensuite  elle  vint  chez  moi. 
M.  de  Sainctot  «voit  représenté  à  M"*  de  Luynes  qu'il 
étoit  nécessaire  de  prier  M.  de  laTournelle  (1)  à  dîner; 
que  c'étoit  un  droit  de  charge  :  il  fut  prié,  et  dîna  à  une 
petite  table  avec  M.  de  Verneuil,  qui  n'est  point  de  semes- 
tre et  que  j'avois  prié  par  occasion,  M.  de  Picquigny  elle 
chevalier  de  Nicoleiï.  H.  de  Sainctot  étoit  à  la  grande  table, 
à  cause  qu'il  est  de  semestre.  M.  le  prince  d'Ardore , 

(1)  Secrétaire  à  la  conduite  des  ambassadeurs. 


444 


MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 


M"**  de  Campo-Florido  et  M"'  la  marquise  de  Castel-dos- 
Rios  dînèrent  aussi  ici.  M.  et  M""*  Amelot  y  dînèrent  aussi. 
Il  y  avoit  deux  neveux  de  M"*^  d'Ardore,  dont  l'un  s'appelle 
Stilliano;  je  ne  sais  pas  le  nom  de  l'autre.  On  ne  put  se 
mettreà  table  qu'après  leconseil,  parce  queM.  le  Cardinal 
vint  faire  sa  visite  ici,  au  sortir  du  conseil,  àM^M'Ardore. 
Après  le  dîner.  M**  d'Ardore  alla  chez  M.  le  Cardinal. 

Ce  même  jour  mercredi,  l'on  sut  l'arrangement  fait 
pour  la  maison  de  M.  le  Dauphin  ;  M.  le  chevalier  de 
Créquy  déclaré  sous-gouverneur  à  la  place  de  M.  de  Po- 
lastron,  et  H.  le  chevalier  de  Montaigu,  capitaine  aux 
gardes,  a  eu  la  place  de  gentilhomme  de  la  manche  qu'a- 
voit  M.  de  Créquy .  Il  parolt  qu'il  n'y  a  qu'une  voix  pour 
M.  de  Montaigu,  dont  on  loue  fort  la  sagesse^  l'esprit  et  la 
douceur  du  caractère.  Le  Roi  lui  permet  de  conserver  sa 
compagnie  aux  gardes.  Il  restera  seul  auprès  de  M.  le 
Dauphin  pendant  la  campagne.  M.  de  Puiguyon  a  ob- 
tenu la  permission  d'aller  servir  à  la  tète  de  son  régiment, 
qui  marche  sur  la  Meuse;  le  Roi  lui  conserve  sa  place. 

M"^  de  Maillebois  n'a  point  pris  les  deux  appartements 
des  gentilshommes  de  la  manche;  ce  sera  M.  et  M"*  deMé* 
rode  qui  les  auront,  et  M™*  de  Maillebois  reste  dans  le  sien. 

M .  de  Breteuil  travailla  hier  avec  le  Roi ,  et  ce  ne  fut  qu'au 
sortir  de  ce  travail  que  l'on  sut  positivement  queM.  de 
Maillebois  alloit  commander  sur  la  Meuse.  On  ne  donne 
point  de  liste  des  officiers  généraux  ni  des  troupes,  mais 
le  ministre  dit  à  chacun  sa  destination.  Dans  les  lettres 
des  officiers  généraux  destinés  pour  la  Bavière,  il  y  avoit 
que  le  Roi  les  nommoit  pour  servir  dans  l'armée  com- 
mandée par  M.  le  maréchal  de  Belle-Isle;  on  a  fort  désap-. 
prouvé  ce  mot  parce  que  M.  de  Belle-Isle  ne  peut  être  re- 
gardé comme  général  pendant  qu'il  est  ambassadeur.  Les 
troupes  qui  vont  en  Bavière  passent  le  Rhin  sur  plusieurs 
colonnes;  la  première  sera  commandée  par  M.  le  marquis 
de  Leuville,  le  plus  ancien  lieutenant  général  et  qui  doit 
commander  l'armée  jusqu'à  l'arrivée  de  M.  le  maréchal 


JUILLET  1741.  445 

de  Belle-Isle  ;  la  seconde  par  H.  d'Aubigné;  la  troisième 
par  M.  de  la  Fare  ;  la  quatrième  par  M.  le  comte  de  Saxe. 
Elles  passeront  au  fort  Louis;  la  première  passera  le  15^ 
ensuite  tous  les  deux  jours  jusqu'au  21. 

Le  S*^  Chalut^  fils  d' un  négociant  de  Lyon ,  a  été  nommé  tré« 
sorier  de  l'armée  de  M.  de  Maillebois.  Il  avoit  eu  recours  à 
la  protection  de  M"*  de  Mailly;  M"™*  de  Hailly  ne  voulut  point 
demander  cette  place  dans  l'armée  de  M.  de  Belle-Ile  parce 
qu'elle  savoit  qu'il  avoit  un  sujet  à  y  mettre;  elle  s'a- 
dressa à  H.  de  Maillebois,  qui  n'étant  point  engagé^  lui 
donna  sa  parole; elle  écrivit  à  H.  de  Breteuil.  H.  deLaunay^ 
trésorier  de  l'extraordinaire  des  guerres,  s'opposa  à  la  no- 
mination, et  dit  qu'il  en  avoit  nommé  un  autre,  que  c'étoit 
son  droit.  M.  de  Breteuil  convenoit  qu'à  la  rigueur  H.  de 
Launay  avoit  raison  ;  M"**  de  Mailly  sans  se  rebutera  écrit 
à  M.  de  Launay,  parlé  à  M.  de  Breteuil,  et  enfin  l'affaire 
s'est  terminée  suivant  qu'elle  le  désiroit.  Ce  matin  M.  de 
Breteuil  étoit  enfermé  et  avoit  défendu  que  qui  que  ce 
soit  entrât  chez  lui  ;  M"*  de  Mailly  lui  a  écrit  un  mot  pour 
une  affaire  ;  l'instant  d'après  M.  de  Breteuil  est  arrivé 
chez  elle  et  a  passé  avec  elle  dans  son  cabinet,  où  il  a  resté 
un  quart  d'heure. 

Il  parolt  deux  ordonnances,  l'une  pour  défendre  aux 
officiers  généraux  de  se  servir  d'aucun  des  chevaux  d'ar- 
tillerie ni  de  ceux  des  vivres,  l'autre  pour  régler  les  équi- 
pages. Il  n'y  a  que  le  commandant  de  l'armée  qui  est  en 
droit  d'en  avoir  tel  nombre  qu'il  voudra;  les  lieutenants 
généraux  ne  doivent  avoir  que  trente  mulets  ou  chevaux 
en  tout  ;  les  maréchaux  de  camp,  vingt;  les  brigadiers  et 
colonels,  seize;  les  autres  officiers  autant  qu'ils  ont  de 
places  de  fourrage.  Les  fruits  montés  (l)  expressément  dé- 


(1)  Fruit  monté,  dit  le  dictionnaire  de  rÂcàdémie,  signifie  :  fruit  décoré 
avec  des  cristaux ,  des  figures  de  sucre  ou  de  porcelaine ,  posées  sur  un  ou 
plusieurs  plateaux.  Nous  n'affirmerions  pas  qu'en  1741  la  signification  fût  ab- 
solument la  même  ;  mais  fruit  avait  alors  le  sens  du  mot  dessert,  et  com- 
prenait, outre  les  fruits,  les  pâtisseries,  les  confitures,  etc.  Le  fruit,  partie  fort 


446  MÉMOIRES  DU  DVC  DE  LUTNES. 

fendus.  U  y  alieu  dé  eroire  qoe  ces  oidoimaiices  ne  sont 
pas  mieux  exécutées  que  celles  qui  ont  été  rendues  d-de- 
vaot  sur  le  même  s^jet. 

On  apprit  il  y  a  deux  jours  que  la  reine  de  Hongrie 
avoitfait  retirer  ses  troupes  de  Brîsach  et  lait  sauter  les 
fortifications. 

U  y  a  cinq  ou  six  jours  que  le  procès  de  M"*  k  Duchesse 
contre  H.  le  comte  de  Charolois  fut  jugé  ;  elle  perdit  tout 
d'une  voix  ;  il  fut  décidé  que  M.  le  comte  de  Charolois  de* 
meureroit  seul  tuteur,  et  que  cependant  M*"*  la  Duchesse 
seroit  invitée  de  se  charger  de  l'éducation  de  M.  le  prince 
de  Condé. 

M.  de  Verneuil,  secrétaire  du  cabinet,  me  disoit  il  y  a 
quelques  jours  le  cérémonial  des  lettres  du  Roi  et  de  M.  le 
Dauphin  au  grand  maître  de  Malte  ;  il  est  traité  comme 
cardinal;  le  Roi  lui  écrit  :  mon  cousin,  et  ensuite  dans  la 
même  ligne,  sans  aucun  intervalle,  la  fin  est  :  je  prie 
Dieu,  mon  cousin,  qu'il  vous  ait  en  sa  sainte  et  digne 
garde.  M.  le  Dauphin  met  aussi  :  mon  cousin,  mais  en- 
suite deux  doigts  de  blanc;  la  fin  est  :  je  suis  votre  bien 
bon  cousin. 

Le  Roi  est  parti  aujourd'hui  pour  Choisy;  les  dames  de 
ce  voyage  sont  les  quatre  sœurs,  H*"^  la  maréchale  d'Es- 
trées  et  M"®  la  duchesse  d'Antin. 

Du  vendredi  28.  —  On  parloit  depuis  deux  jours  de 
l'incertitude  du  voyage  de  Gompiègne;  M"' de  Hailly, 
hier  matin,  faisoit  semblant  de  ne  rien  savoir,  et  deman- 
doit  à  tout  le  monde  s'il  y  avoit  quelque  changement.  Ce 
matin,  le  Roi  a  mandé  de  Choisy  qu'il  n'iroit  point  à  Com- 
piègne  et  qu'il  retourneroit  jeudià Choisy,  àl'ordinaire. 
Il  a  donné  ordre  ici  que  l'on  retendit  les  meubles  qui 

importante  des  repas,  exigeait  surtouts  et  vaisselle  nombreuse.  Le  luxe  de  la 
table  des  généraux  en  campagne  était  très -considérable ,  et  avait  été ,  depuis 
1672,  l'objet  de  plusieurs  ordonnances  destinées  k  le  réprimer,  en  fixant  le 
nombre  des  couverts  permis  à  chaque  grade  et  en  déterminant  le  nombre  et 
Tespèce  des  mets  que  les  généraux  pouvaient  servir  sur  leurs  tables. 


---r-—    — 


AOUT  1741.  447 

pourroient  avoir  été  déteudusu  Ce  cbangem^aitétoit  si  se- 
cret, ou  si  peu  attendu^  qu^hier  encore  on  emballoit  les 
meubles  des  ministres, 

Du  lundi  31,  Versailles.  —  M.  le  marquis  deCasIries 
épousa  hierM^'^  de  Cbalmazel;  le  souper  fut  cbez  M.  de 
Maurepas  qui  avoit  prêté  à  M.  deChalmazel  une  partie  de 
son  appartement.  Il  y  avoit  deux  tables  dont  on  se  leva,  au 
fruits  pour  aller  se  mettre  à  deux  autres  tables.  On  tira  au 
commencement  du  souper  quelques  fusées  dans  la  grande 
cour;  on  avoit  quitté  le  deuil  pour  la  noce,  non-seule- 
ment le  marié  et  la  mariée,  ce  qui  est  d'usage,  mais  même 
tous  les  parents;  il  n'y  en  avoit  que  trois  ou  quatre  en 
deuil.  Les  fiançailles  furent  faites  un  moment  avant  la 
messe  ;  ce  fut  l'abbé  de  Choiseul,  aumônier  du  Roi,  qui 
la  dit  et  qui  fit  la  cérémonie  dans  la  chapelle,  le  curé 
présent  suivant  la  règle.  La  Reine  vint  à  la  chapelle  in- 
cognito; elle  étoitdans  une  des  croisées,  la  plus  près  de 
l'autel,  sans  drap  de  pied.  Les  mariés  entendirent  la  messe 
sur  le  même  prie-Dieu  où  se  met  le  Roi,  mais  il  n'étoit 
point  couvert;  il  n'y  avoit  que  des  carreaux. 


AOUT. 


AfTaire  de  MM.  de  Goesbriant  et  de  Locmaria.  —  Le  Rorrenonce  pour  l'année 
aux  voyages  de  Fontainebleau,  Marly,  etc.;  dernier  voyage  de  Choisy.  — 

.  Mariages  de  MM.  de  Fresne  et  de  Sourches.  —  Mort  de  M»e  deCIermont; 
suppression  de  sa  charge.  —  Adjudants  nommés  auprès  de  M.  de  Belle-Isle. 

—  Le  bassin  du  Dragon.  —  Le  Roi  donne  Trianon  à  la  Reine.  —  Loge- 
ment de  Mme  deTintimille  à  Versailles.  —  Funérailles  de  M"*  de  Clermont. 

—  Nouvelles  étrangères  ;  perfidies  de  la  diplomatie  autrichienne.  —  Le  comte 
Benne.  —  Les  troupes  françoises  passent  le  Rhin.  —  Appartements  de 
Versailles.  —  Archevêques  et  évoques  nommés.  —  Audience  de  la  Ville.  — 
La  Reine  à  Trianon.  —  Le  Roi  essaie  la  voiture  qui  doit  ramener  Mme  de 
Vintimilie  de  Choisy.  —  M°*e  de  Vintimille  installée  à  Versailles  dans  Tap- 
partement  du  cardinal  de  Rohan  ;  son  humeur,  plaisanterie  du  Roi.  —  Au- 
dience des  Étals  de  Languedoc.  —  Feu  d'artifice  à  Paris  pour  la  fête  du  Roi. 

—  Appartements  de  Versailles.  —  Mort  de  M.  de  Gassion  le  fils;  de  la 
maréchale  de  Brancas.  —  Circonstances  sur  les  armées.  —  Présentations  de 
milord  Chesterfield  et  de  M.  de  Bernachea.  —  Mort  du  chanteur  Théve- 
nard;  de  l'archiduchesse  gouvernante  des  Pays-Bas;  de  M.  de  Montpipeau. 

—  Établissement  du  diiièmc. 


44S  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTNES. 

Du  jeudi  3,  Ver$aiïU$.  — Avanthierl^'^aoùt^  la  grande 
affaire  entre  M*  le  iiiarqoisdeGoêsbriantetM.leiiiarqiuBde 
Locmaria  fut  jugée  au  conseil  de  dépèches,  au  rapport 
de  M.  de  Lucé,  maître  des  requêtes^  qui  parla  pendant 
plus  de  deux  heures  et  dont  on  fut  fort  content.  M.  de 
Goésbriant  avoit  un  arrêt  du  Parlement  en  sa  CsiTear. 
M.  de  Locmaria  avoit  présenté  une  requête  en  cassation 
de  cet  arrêt.  Les  États  de  Bretagne  demandoient  à  inter- 
venir pour  H.  de  Locmaria^  prétendant  que  le  jugement 
rendu  en  faveur  de  H.  de Goësbriantétoit contre  les  usages 
et  la  coutume  de  la  province.  Il  y  avoit  déjà  eu  une  consi- 
gnation de  faite^  en  conséquence  de  cet  arrêt,  de  750,000 
livres.  M.  de  Goésbriant  demandoit  des  biens  en  Bretagne 
que  Ton  appelle  biens  congéables,  c'est-à-dire  que  le 
seigneur  donne  à  des  particuliers  et  dans  lesquels  il  est 
toujours  maître  de  rentrer  en  payant  les  améliorations. 
M.  de  Goésbriant  ne  demandoit  qu'un  seul  de  ces  biens, 
qui  est  de  peu  de  valeur,  mais  s'il  avoit  gagné  ce  chef 
il  auroit  été  en  droit  d'en  demander  pour  20  ou  30,000 
livres  de  rente.  L'affaire  contenoit  en  tout  quatre  chefs; 
M.  de  Goésbriant  en  a  gagné  deux,  a  été  débouté  de 
sa  demande  sur  les  biens  congéables,  et  sur  l'autre  chef  il 
a  été  ordonné  quUl  seroit  fait  une  nouvelle  liquidation. 

M.  le  comte  de  laSuze,  grand  maréchal  des  logis,  fils 
de  M*"^  de  Chalais  et  de  feu  M.  de  Cany,  demanda  avant- 
hier  l'agrément  du  Roi  pour  son  mariage  avec  H^^"*  Mas- 
son^  fille  d'un  président  de  la  première  chambre  des  en- 
quêtes du  parlement  de  Paris  ;  elle  n'a  que  douze  ou  treize 
ans;  on  lui  donne  20,000  livres  de  rente  actuellement; 
elle  a  outre  cela  des  assurances. 

M.  le  chancelier  demanda  hier  l'agrément  du  Roi  et  de 
la  Reine  pour  le  mariage  de  M.  de  Fresne,  son  fils,  avec 
M"MeBret,  qui  a  vingt  ans.  C'est  la  fille  de  M.  le  Bret, 
qui  étoit  intendant  et  commandant  à  Âix,  homme  de 
beaucoup  d'esprit  etde  mérite,  mais  d'un  froid  singulier. 

Le  Roi  déclara  hier  qu'il  ne  feroit  aucun  voyage  cette 


AOUT  1741.  449 

année^  ni  Fontainebleau^  ni  Harly,  ni  Rambouillet;  qu'il 
h'iroit  qu'une  seule  fois  à  la  Heutte.  On  prétend  que  le 
voyage  de  Fontainebleau  coûte  un  million  d'extraordi- 
naire. Un  fait  certain^  c'est  que  la  Reine,  étant  grosse  de 
M.  le  Dauphin  et  voulant  aller  à  Trianon  pendant  une  ab- 
sence duRoiy  feu  H.  deVillacerf,  alors  son  premier  maître 
d'hôtel^  demanda  lOO^OGO  livres  pour  la  transplantation 
de  Versailles  à  Trianon. 

Le  Roi  est  parti  ce  matin  pour  Choisy  ;  c'est  le  dernier 
voyage ,  il  y  restera  jusqu'à  mardi.  Il  n'y  a  de  prin- 
cesses que  Mademoiselle  ;  M*^^  de  Clermont  est  malade  à 
Paris.  Les  deux  comtesses  partent  cette  après-dlnée  pour 
y  aller  avec  M"*  la  maréchale  d'Estrées  et  M"*  la  duchesse 
de  Ruffec.  M"®  de  Saini-Germain  y  vient  de  Paris  avec 
Mademoiselle.  M"*'  de  Ruffec  et  de  Saint-Germain  n'a- 
voie  ut  point  encore  été  à  Choisy. 

Du  jeudi  10,  Versailles.  —  Le  mariage  de  M.  delaSuze 
fut  rompu  la  veille  du  jour  que  le  Roi  devoit  signer  le 
contrat;  la  famille  n'approuvoit  point  ce  mariage  et  n'y 
avoit  consenti  qu'avec  peine;  on  a  profité  pour  le  rompre 
des  difficultés  qui  s'y  sont  rencontrées.  MM.  Masson  au- 
roient  donné  jusqu'à  500,000  livres,  mais  il  y  avoit  deux 
oncles  et  une  tante  qui  nevouloientpas  signer. 

Le  Roi  revint  avant-hier  au  soir  de  Choisy  après  le 
souper.  M"®  de  Vintimille,  grosse  de  huit  mois,  y  est  res- 
tée malade  d'une  fièvre  continue  avec  des  redoublements  ; 
elle  a  déjà  été  saignée  trois  fois.  Le  Roi  est  fort  occupé  de 
son  état  et  en  parle  souvent.  M"*  deMailly  est  restée  auprès 
de  M"®  sa  sœur  ;  toutes  les  dames  qui  y  étoient  sont  res- 
tées aussi,  hors  Mademoiselle,  qui  en  partit  il  y  a  quelques 
jours,  parce  que  M"'  de  Clermont  étoit  en  grand  danger 
à  Paris  d'une  inflammation  d'entrailles.  Ilparolt,  par  les 
nouvelles  d'aujourd'hui,  qu'elle  est  hors  de  danger.  M.  de 
Coigny,  M.  d'Ayen,  MM.  de  Meuse,  père  et  fils,  sont  aussi 
restés  à  Choisy  ;  M.  de  Luxembourg  y  alla  hier  et  M.  de 
Richelieu  y  retourna. 

T.  ni.  29 


4é9  MÉMOIRES  mJ  DUC  ]^£  LUYNES. 

MoD  fils^  qai  ra  oommadder  le»  dragomi  dans  ramée 
de  H.  de  Bette^ble,  offrit  âu  Roi  ion  équipage  de  cfaa»e. 
Le  Roi  lui  dit  i  «  Je  n'en  ai  que  trop  dans  leteireonstances 
présentes^  j'en  auras  à  vous  donner.  « 

Le  Roi  a  signé  aujourd'hui  deux  contrats  de  mariage; 
Tun  de  M.  de  Fresne^  Tantre  de  M**  de  HaiUebins  avec 
M.  de  Sourches,  fils  du  grand  prétôti  H'^''  de  Maillebois , 
fille  du  maréchal  y  a  deux  sœurs  religieuses  et  un  frère 
qui  a  la  survivance  de  la  charge  de  maître  de  la  garde- 
robe.  On  donne  àM^^*  de  Maillebois  10^000  livres  de  rente, 
dont  le  fond  est  assuré^  et  outre  cela  une  assurance  de 
100,000  livres.  M.  de  Sourches  est  veuf  de  M^^  de  Biron , 
dont  il  ne  lui  reste  que  des  filles. 

M"'^  de  Castries  fut  présentée  hier  ;  sa  taille  et  son  vi* 
sage  ne  sont  pas  tels  qu'on  les  pourroit  désirer. 

Du  vendredi  a,  Versaillei,  ^^  On  croyoithier  effecti- 
vement M"*  de  Clermont  beaucoup  mieux  ;  on  la  disoit 
même  hors  de  danger,  comme  je  l'ai  marqué  ;  sur  les 
deux  ou  trois  heures  après  midi  son  état  changea  tout 
d'un  coup;  elle  tomba  dans  un  sommeil  léthargique  qui 
n'étoit  interrompu  que  par  de  fortes  convulsions;  elle  est 
morte  ce  matin  entre  sept  et  huit  heures  ;  elle  a  voit  près 
de  quarante-quatre  ans.  Elle  étoit  polie,  avoitde  Tesprit; 
mais  d'un  froid  singulier,  paroissant  ne  se  soucier  de 
personne;  elle  portoit  cette  indifférence  jusque  sur  elle* 
même.  Elleavoit  été  parfaitement  belle  et  même  elleavoit 
encore  de  la  beauté.  H.  le  comte  de  Charolois  a  été  ce 
matin  à  Choisy  donner  part  de  cette  mort. 

Le  Roi  retourna  hier  à  Choisy  ;  il  partit  sur  les  sept 
heures  immédiatement  après  le  conseil  ;  il  paroissoit  avoir 
grande  impatience  de  s'en  aller  ;  il  ne  vint  point  chez  la 
Reine  avant  son  départ.  La  maladie  de  M*"^  de  VintimUie 
continue  toujours  ;  la  fièvre  subsiste  ;  elle  a  déjà  été  sai^ 
gnée  quatre  fois. 

Du  lundi  14,  Versailles,  —  J'allai  vendredi  dernier 
à  Choisy.  Le  Roi  me  fit  l'honneur  de  me  dire  que  je 


AOUT  1741.  4iKl 

le  remen^iaaBe  ^  qu'il  avcût  8ttp[Nrimé  la  charge  de  su- 
rintendante  de  la  maison  de  la  Reine  qn'avoit  H*'^  de 
Glermont  On  pent  voir  dans  les  mémoires  de  M*^  de 
Motteville  la  dispute  qu'il  y  eut  entre  M"'  la  comtesse  de 
Soissons^  surintendante^et  W^  dé  Navailles^  dame  d'hontr 
Déur.  M"'"  de  Cbevreuse ,  qui  avoit  épousé  en  premières 
noces  le  connétable  de  Luynes ,  avoit  été  surintendante 
de  la  maison  de  la  Reine  mère.  M"'^  la  princesse  palatine 
le  fut  de  la  Reine  et  ensuite  M"*^  la  comtesse  de  Soissons. 
Quand  il  n'y  a  point  de  surintendante  ^  c'est  là  dame 
d'honneur  qui  reçoit  les  serments. 

M.  de  Belle-Isle  a  obtenu  d'avoir  quatre  aides  de  camp^ 
qui  seront  aides  de  camp  du  Roi  auprès  du  général  ;  c'est 
ce  qu'on  appelle  en  Allemagne  adjudant.  Les  aides  de 
camp  avec  cette  qualité  font  à  l'armée  le  service  suivant 
leurgrade.  Ces  quatre  adjudants  sont  M.  de  Castellane  , 
M.  le  chevalier  Gourten ,  M.  Duplessis  et  M.  le  prince  de 
Soubise  (1).  M.  de  Breteuil  porta,  il  y  a  quelques  jours,  cet 
état  à  signer  au  Roi,  et  S.  H.  ajouta  de  sa  main  :  sans  ap- 
pointements ni  fourrages. 

Le  Roi  revint  hier  de  Choisy  après  souper.  M*"*"  de  Vin- 
timille  estmieux^  quoi  qu'elle  ait  toujours  la  fièvre. 

Il  n'y  a  point  eu  aujourd'hui  de  premières  vêpres.  Le 
Roi  est  sorti  à  cinq  heures  et  demie  en  calèches  et  a  mis 
pied  à  terre  au  Dragon  (2) .  Cette  pièce,  une  des  plus  belles 
qu'il  y  ait  ici ,  n'avoit  pas  été  entièrement  achevée  du 
temps  de  Louis  XIV  ;  le  Roi  y  avoit  déjà  fait  travailler^ 
mais  en  dernier  lieu  il  y  avoit  un  ouvrage  considérable 
à  y  faire  et  on  demandoit  500,000  livres,  tant  pour  les 
réparations  que  pour  les  augmentations;  cette  somme  a 
été  réduite  à  100^000  écus  par  M.  le  contrôleur  général. 


(1)  M.  de  Picquigny  a  été  ajouté  à  cet  état;  ainsi  il  y  aura  cinq  adjudants. 
{Note  du  duc  de  £wvw«.«,  datée  du  17  août  1741.) 

(2)  C*e»t  le  bassin  de  VernaïUefi  que  Von  nomme  aujourd'hui  bassin  de 
Neptune. 


t  •«« 


MVMomtcs  nr  niv.  de  Lrnsis. 

>iii  MMi4»r  ï%nioiml^htii  pour  la 

>!,%        i.    .t<*   ::<  iin^r  (laits  1<*  petit  pnr^depsB  Ia 

..    ..,uv      H^rh  ur«qtw»  cterrièrc  Triaiic» ,  et  «à 

N   ^,M4•^^  4t4  hMnps  il  a  tiré  oeDt 

.    ^    .^\»^  <«34«i;iin:es.  est  fini  aDJoarfhm; 
vutc  .^uui  (if*  N^  de  QemiflBl  puur 

•  ^  r  »>•*•. *ri^,  —  ihisut  hierqtieleftn  vroit 

V.  ..:•       .  ;uut  liu  tif  IVianon  ,  c'est  à  dire  la 

.  -X    .»u-«      itt^Liff  i|irtillt*  Yondra.  La  ftône 

u.x  iLioii  lh*  Luetennes  vacant  par  la 

.  .    \     ..:  ..K*.  uiaiii    u  Uoi  lui  a  donné  le  ehoix^  de 
V...        \i. . .  •  «.uuui    lu  llt^iiap:me  ,  et  la  Beioe  s^est 

*  i.uk.ui   v.'/ttr  iié^rociaiion  a  passé  par 

V    ui.v.»:t:. ..  \u  KmuedechoiârTrîanon. 

.*iu-.     h  H»>i  veut  le  garder  ;  on  dit 

.:.  vv.  *i  il  :m  tiurt'  usage  ^  pendant  les 

w«    N     i.^a.   a;\s   soujiers,  parce  qoe  Ton 

,4t   .%«iuupts  dv  Itarly  sont  trop  petits  et 


%  •   «  •  X 


•*. 


« .  •  .1 


'     «i vor.  lit  Choifr^' après  souper;  les  denx 

•  •  .  ..    «.  »,..<4i.:    ivi(tK3s;  il  y  a  eu  aussi  quelques 

» »i»'  »i:  lut' iu*es  }»our  leur  tenir  compagnie,, 

..  .  .  I.  .u..  .  .  i*  Il  lit  Meuiie  et  le  chevalier  deMeuse, 
•  M  I  •  •  •  w.  )*a>  £ti:'Li  ti\  MM.  les  ducs  de  Gramont  et 
•<  (•'  ^*  Ni.  ijii>  ^  iiiii  tsk^  ]u*esque  toujours;  M"***  de 
(  •   <•     >iii  i4  1 ,   lit  Suiiit-Cfcrmain  et  maréchale d'Es- 

•  ».   .'.  H'/î.;  puiiUuiit  un  intervalle  de  voyage.  Ce 
-    •    '  ..   4.  i      i.>  »iii  ijut  M*^  la  maréchale  d^Ëstrées  et 
4       ..  w  t.i.   Ai"  LU   \  luiiUiiUt  compte  venir  lasemame 
.  tuhui  (i'.i    h  Uiii  luj  u  donné  le  logement  de 


«4  t         ^t 


.11.    i.   iiii.  lu .«:  ih  liufir^  lemiHt'  du  ils  «liip  do  dac  deSamt- 
•^ii'  ••<•   •  '  *    >  •  •  (11.  If;  runut  «iiuuut  .(vAii  h'  litn^  lie  UMmnRs  de  Raffec 


J 


AOUT  174i.  45S 

M.  et  de  M"^°  de  Fleury.  Le  Roi  va  trois  ou  quatre  fois 
par  jour  chez  M""®  de  Vintimille,  à  Choisy.  Toutes  les  dames 
soupent  en  bas  avec  le  Roi  y  et  il  reste  toujours  quelques 
hommes  chez  M"*  de  Vintimille ,  de  ceux  qui  ne  veulent 
point  souper^  auxquels  on  envoie  un  morceau  à  manger 
de  la  table  du  Roi.  Hier  au  soir,  quand  le  Roi  eut  soupé^  il 
monta  chez  M™®  de  Vintimille,  et  y  demeura  une  demi- 
heure  à  faire  la  conversation. 

M"^  de  Clermont  ne  fut  enterrée  qu'avant-hier.  M"®  la 
Duchesse  a  été  consultée  pour  savoir-  ce  que  Ton  devoit 
faire,  M*^*'  de  Clermont  n^ayant  point  fait  de  testament  ;  il 
a  été  décidé  que  Ton  ne  feroit  point  la  grande  cérémo- 
nie ;  ainsi  le  corps  n^a  point  été  gardé  et  a  été  porté  dans 
un  carrosse  noir  ;  c'est  Mademoiselle  qui  Ta  conduit  avec 
M"®  de  Marsan  ;  elle  avoit  prié  M"®  de  Luxembourg  de  s'y 
trouver;  mais  M*"®  de  Luxembourg  a  cru  qu'il  étoit  plus 
à  propos  de  s'en  excuser,  pour  éviter  des  difficultés  ou  des 
désagréments.  A  la  mort  de  M"®  la  princesse  de  Conty, 
la  fille  de  M.  le  Prince ,  ce  fut  M"**  sa  belle-fille  qui  la 
conduisit,  et  il  n'y  avoit  point  d'autres  dames;  à  la  mort 
de  M™*  la  princesse  de  Conty,  fille  du  Roi ,  ce  fut  une 
princesse, je  crois  Mademoiselle,  et  sans  autres  danies. 

On  dit  l'électeur  Palatin  fort  mal  ;  il  a  quatre-vingts 
ans  ;  <^e  seroit  le  petit  duc  de  Sultzbach  qui  hériteroit  de 
l'électorat,  comme  plus  proche  parent.  Cet  événement 
pourroit  faire  quelque  embarras  dans  les  conjonctures 
présentes. 

On  dit  aussi  que  le  roi  de  Prusse  a  fait  son  accommode- 
ment avec  la  reine  de  Hongrie.  Il  est  certain  que  M.  de 
Wassenaer,  ministre  de  cette  princesse.  Ta  dit  à  M.  le  Car- 
dinal ;  cependant  on  croit  en  devoir  douter  encore. 

M.  deThiers,  un  des  fils  de  M.  Crozat,  qui  étoit  à  Franc* 
fort  avec  M.  de  Belle-Isle,  arriva  à  Paris  mardi.  M.  de 
Belle-Isle  en  fait  grand  cas.  On  ne  sait  pas  pourquoi  il 
est  venu  à  Paris  ;  il  dit  que  c'est  pour  faire  son  équipage. 

Du  samedi  19,  Versailles.  —  Il  est  vrai  que  M.  de  Was- 


452  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

et  on  Ta  fait  jouer  aujourd'hui  pour  la  première  fois. 

Le  Roi  a  été  de  là  tirer  dans  le  petit  parc^  depuis  la 
grille  qui  mène  à  Marly  jusque  derrière  Trianon ,  et  en 
moins  de  deux  heures  de  temps  il  a  tiré  cent  cinquante- 
trois  coups  et  tué  cent  cinq  pièces. 

Du  mardi  15,  Versailles.  —  Le  deuil  de  la  reine  de  Sa- 
voie^ qu'on  a  porté  trois  semaines^  est  fini  aujourd'hui  ; 
et  Ton  a  pris  tout  de  suite  celui  de  M^  de  Clermont  pour 
onze  jours^  suivant  Fusage. 

Dujmdi  Vî,  Versailles.  —Ou  sut  hier  que  le  Roi  avoit 
donné  à  la  Reine  le  ch&teau  de  Trianon  ,  c'est*à-dire  la 
permission  d'en  faire  Tusage  qu'elle  voudra.  La  Reine 
avoit  demandé  le  pavillon  de  Luciennes  vacant  par  la 
mort  de  M"®  de  Clermont.  Le  Roi  lui  a  donné  le  choix^  de 
Marly^  Meudon^  Trianon ,  la  Ménagerie  y  et  la  Reine  s'est 
déterminée  pour  Trianon.  Cette  négociation  a  passé  par 
M.  le  Cardinal^  qui  conseilla  à  la  Reine  de  choisir  Trianon. 
A  l'égard  de  Luciennes  y  le  Roi  veut  le  garder  ;  on  dit 
que  c'est  dans  le  dessein  d'en  faire  usage ,  pendant  les 
voyages  de  Marly,  pour  des  soupers ,  parce  que  l'on 
trouve  que  les  petits  cabinets  de  Marly  sont  trop  petits  et 
étouffés. 

Le  Roi  révient  ce  soir  de  Choisy  après  souper  ;  les  deux 
^œurs  y  sont  toujours  restées;  il  y  a  eu  aussi  quelques 
hommes  qui  y  sont  demeurés  pour  leur  tenir  compagnie, 
savoir  :  le  duc  d'Âyen,  M.  de  Meuse  et  le  chevalier  de  Meuse, 
qui  n'en  ont  pas  sorti,  et  MM.  les  ducs  de  Gramont  et 
de  Richelieu,  qui  y  ont  été  presque  toujours;  M""  de 
Ruffec-duchesse  (1),  de  Saint-Germain  et  maréchale  d'Es- 
trées  y  sont  restées  pendant  un  intervalle  de  voyage.  Ce 
voyage-ci  il  n'y  avoit  que  M"®  la  maréchale  d'Estrées  et 
M°®  d'Antin.  M"®  de  Vintimille  compte  venir  la  semaine 
prochaine  s'établir  ici  ;  le  Roi  lui  a  donné  le  logement  de 


(i)  C'est'à-dire  la  duchesse  de  Raffec,  femme  da  fils  aîné  du  duc  de  Saint- 
Simon.  Le  second  fils  de  Saint-Simon  avait  le  titre  de  marquis  de  Ruiïec. 


AOirr  1741.  45,^ 

rino  et  M"*^  de  StilHano.  €elle-ci  demeiipe  à  Naples  et 
Tautre  demeure  en  Espagne,  il  y  a  encore  une  cinquième 
sœur,  qui  demeure  à  Naples  et  qui  «'appelle  M'^  de  Laval* 
lès;  elle$B4)at  toutes  i^q  filles  du  prince  deSanto-Euono, 
qui  a  été  longtemps  viee-roi  du  Pérou.  Le  prince  de 
Santo-Buono  vouilant  demner  ocosuBion  à  M.  le  comte 
Benne  d^  faire  une  jEortune  èotisidérable  Femmena  avec 
lui  BJBL  Pérou  comiae  son  capitaine  des  gardes  ;  on  dit  que 
M.  Bamie  est  revenu  de  ce  pays-là  avec  de  grands  biens. 

Nos  troupes  pour  la  Bavière  ont  passé  le  Rhin  le  15  de 
ce  mois.  Outre  l'ordonnaaoe  pour  les  équipages  dont  j'ai 
parlé  ei-dessuSy  le  Roi  a  parlé  fortement  à  M.  de  Luxem* 
bourg.  On  me  dit  hier  qu'en  conséquence  M.  de  Luxemr 
bouig  avoit  renvoyé  vingt-cinq  dbevaux  1  Paris  pour 
étoe  vendus,  et  que  M.  de  Boofflers  en  avo^  renvoyé  une 
vingtaine  en  Flendre. 

Du  dimanche  20.  -*  Le  Roi  disposa  hier  de  plusî^irs 
appartements.  Celui  de  M.  le  Premier  a  été  donné  à  ' 
H.  de  Maillebois  le  fils  ;  eelui  de  M.  de  Vassé,  qui  est  dans 
le  corridor  qui  va  ichez  M.  k  contrôleur  général,  .9,  été 
donné  à  M.  le  président  de  Guâmant,  kueteur  du  Roi  ; 
rapparteoGient  de  M^^^  de  Clermont^.dans  la  surintendanèe, 
qui  est  loprt  beau  et  fort  grand  et  qoi  eompoend  celui  qu'a- 
voit  V''  de  Ribérjac ,  sa  daJOie  d'beoDeur,  a  été  donné  à 
M.  le  matéchal  de  JNoaiUes  pour  lui  ^  H^^  d'Ayen  ;  Iç  lor 
gement  de  H^^''  de  Villeneuve,  fille  d'hoAaejor  de  W^^  de 
£]^rmont,a  été  donné  à  M*'^  de  GhMaa«i'^Ren.aiipd  ;  celui  de 
M.  d'Aye»!  dws  Taile  dm  Piri^cei^;,  à  M.  et  à  M'"^'  de  Fktzr 
Carnes;  c'est  unlogeme^  ua  pea  petit  pour  mari  et  femme  ; 
M.  de  Biebeiieu  Tavoit  eu.  LVppe^rtement  qu'avoitM""®  de 
Yiotimille  etqui  joint  celu^deM'"''  de  iGb^i^iis  a  été  donné 
A  M"**  de  TaUeyran4  ;  oejui  de  H.  4a  Vassé  a  été  donné 
À  M.  de  Ii(oataigu ,  gentiJbomme  de  la  inanche  de  M.  le 
Dauphin.  Pour  celui-lA,  U  y  a  déjà  quelques  jours  ^que 
cela  est  fait;  il  reste  encpre  à  donner  cdui  de  M"*  de 
(Jenflana.et  cçlvii  de  M*"*"  de  Talleyrai^d, 


454  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

senaer  a  dit  à  M.  le  Cardinal  raccommodement  du 
de  Prusse  ;  mais  on  n'a  ajouté  aucune  foi  à.  cette  ni 
velle^  qu'il  a  cependant  publiée  dans  Paris.  Il  y  a  d 
qnelque  temps  qu'il  vint  aniioncer  ici ,  de  mém« , 
traité  fait  et  signé  avec  le  roi  de  Pologne  ;  ce  qui  s' 
trouvé  absolument  faus. 

On  me  «ontoit  aujourd'hui  que  pendant  la  régence 
M.  le  duc  d'Orléans  9  le  ministre  de  rempereur^  pref 
de  rendre  une  réponse  sur  certaine  propositian,  avoit( 
à  M.  le  duc  d'Orléans  qu'il  étoit  obligé  de  lui  représeni 
avant  toutes  choses  qu'il  falloit  exécuter  l'article  27  d'à 
tel  traité  qu'il  lui  nomma  et  dont  il  lui  fit  le  détail  ;  qi 
M.  le  duc  d'Orléans  avoit  envoyé  quérir  M.  de  Morviiie 
lequel  ne  se  remettant  pas  les  conditions  de  cet  article 
en  avoit  parlé  au  deur  Pecquet  ^  son  premiier  eommis 
et  qu'enfin  l'affaire  fut  vérifiée  sur  le  trailé  même;  oi 
avoit  trouvé  qu'il  n'y  avoit  pas  un  mot  de  vrai  ni  rien 
qui  en  approchât. 

Le  Roi  a  été  tirer  cette  après-dinée  du  côté  du  Désert, 
dans  le  petit  parc ,  et  en  moins  de  deux  heures  a  Uié 
cent  cinquante-cinq  pièces.  Il  soupe  ce  soir  au  grand 
couvert  y  va  demain  coucher  à  la  Meutte  ;  a^ès  demaiQ 
lundis  il  va  au  Roule  voir  sa  statue  équestre  (1  )  qui  est  des- 
tinée pour  Bordeaux  ;  il  va  de  là  courre  le  cerf  à  Sénart 
et  coucher  à  Choisy,  d'oA  il  doit  revenir  mercredi  oo 
jeudi. 

Aujourd'hui  au  dîner  de  la  Reine,  il  y  avoit  ufi  moiS' 
tre  d'Espagne  (â)  qui  va  auibassadeiir  en  Russie  ;  c^est  M.  le 
comte  Benne  ;  chef  d'escadfe  ;  il  est  frèiie  du  prince  Mas- 
seran  et  du  comte  Candel.  i'ai  déjà  marqué  ci-dMBBS  qoe 
M""'  la  priocesse  d'Ardoro  étœtsœur  de  M"»'  de  Masserto, 
et  qu'elles  étoîeut  encore  deux  autres  sœurs,  M"^  ik  Solfa- 


(1)  Faîte  par  liemoine,  fondue  par  Vârin. 

(2)  n  n'a  pas  la  qualité  d'ambassadear;  fl  ii*à  qœ  «9eHe  de  imiiiBtrB.  (f^^ 


»cc<HnaiO(leiii     rino  et  M""^  de  Stilliano.  €elle^ci  demeure  à  Naples  et 

aucooeioi  ii     Tautre  demeure  en  Espagne,  il  y  a  encore  unecinquièmé 

e  dans  Itel     sœur,  qui  demeure  à  Naples  et  qui  s'appelle  M^^  de  Laval- 

cer  ici ,  dt  i     lès  ;  elles  Boai  éouies  i^q  filles  du  prince  de  San  to-Buono, 

Poioeoe;»!     q^  a*  été  longtemps  viee-roi  du  Pérou.  Le  prince  de 

Santo-Buono  voulant   demner  occasion  à  M.  le  comte 

pendant  kl      Benne  de  faire  une  fortune  icotiadérable  l'emmena  avec 

de  reapeni      lui  au  Pérou  comme  son  capitaine  des  gardes  ;  on  dit  que 

e  propofltiti      ^'  Banxm  est  revenu  dé  ce  pays-là  avec  de  grands  biens. 

liî:é  delein  ^^^  troupes  pour  la  fiàvière  ont  pq,ssé  le  Rhin  le  15  de 

^Qter  rariii!       ^  mois.  Outre  l'ordonnattoe  pour  les  équipages  d<»it  j'ai 

il  iuiiiiieà      pc^i*lé  ci-dessus,  le  Roi  a  parlé  fortement  à  M.  de  Luxem-* 

ueriri  ikl       l^ourg.  On  me  dit  hier  qu'en  conséquence  M.  de  Luxemr 

dilioœ4*       hooitg  avoit  renvoyé  vingt-cinq  chevaux  i  Paris  pour 

^^iMM       ébre  vendus^  et  que  M.  de  Boufflers  en  avo^  renvoyé  une 

I  inilfS       vingtaine  en  Flandre. 

,    ,  Du  dimanche  29. -^hd  Roi  disposa  hier  de  plusieurs 

appartemeirts.  Celui  de  M.  le  Premier  a  été  donné  à  ' 
M.  de  Maillebois  le  fils  ;  eelui  de  M.  de  Vassé,  qui  est  dans 
le  corridor  qui  va  jchez  M.  k  contrôleur  génécal,  9.  été 
'  °^°^  donné  à  M.  le  président  de  Guâmant,  kueteur  du  Roi  ; 

e  ce  fltf  rapparteoient  de  M^^*^  de  Clermont^^dans  la  surintendance» 
iitte;  ifi  q^^  est  Ibprt  beau  et  fort  grand  et  qoi  eompnend  celui  qu'a* 
estred  f  ^^jl  Hme  ^  Ribérjac ,  sa  deae  d'beoMur,  a  été  donné  à 
rpe  k  («'<  ji^  le  Bftatjjéohal  de  Woailles  pour  lui  ^  M"*^  d'Ayen  ;  le  lor 
venir  0  gement  de  M"*  de  Villeneuve,  fille  d'honaewr  de  M"'  de 
Cl^rmonît^a  été  donnéAM'^^iLe  CbMe9M^}ie^a«d;  celui  de 
I  yavoilfli  j)!.  d'Ayen,  dws  Taile  dô$  Vmo^f^  à  M.  et  à  M*"'  de  Fitx- 
3  Km»^  ^amea;  c'est  unlogeoiei».t  ua  pea  petit  pour  mari  et  femme  ; 
reinf^  H.  de  RidMieu  Tavoit  eu.  L'apps^tameni  qu'avoit M'"®  de 
f(fi  d^  VioAimiUe  etqui  joint  çelu^de  M'"*'  de  Ctiçtiaiis  a  été  donné 
ICde'^  A  W  de  TaUeyi:an4;  oejui  de  H.  4e  Vassé  a  éié  donné 

Bm,f^  À  M.  de  ]l(oataigu ,  gentilhomme  de  la  inanche  de  M.  le 
Dauphin.  Pour  celui-lA^  U  y  a  déjà  quelques  jours  «que 
cela  est  fait;  il  reste  eAcpre  à  donner  celui  de  M"*  de 
Jie  de  1^  (fOnflans .  et  cglui  de  M'"*'  de  Talleyrai^d  f 


doc^tédil 


4$9  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

mevétedi  au  soir  après  souper  ;  j'y  fus  mardi  Paprès-dl- 
née.  Le  Hoi  avoit  fait  yenir  une  litière  et  un'  vi&-à-Tis 
pour  voir  laquelle  des  deux  voitures  conviendroit  mieuK 
è  M^^  d«  VintimiUe  pour  la  ramener  à  Versailles.  Le  Roi 
voulut  en  £a:ir6  Tessai  lut-mème  et  monta  dans  l'une  et 
dws  Fautre  desdites  voitures  ;  ensuite  11  y  fit  monter 
M"^^  de  Mailly  dans  la  litière  avee  M.  le  comte  de  Noailles. 
U  fut  enfin  décidé  que  «ce  seroit  le  visrÀ^vis  dont  on  fe- 
roitusaig^  ;  en  conséquenne  M'^^  de  Mailly  revint  lâerjetidi 
avec  HP*  sa  sœur  dans  ledit  vis-à-vis*  M"**  de  Vinti* 
mille  est  allée  s'établir  dans  Tappartement  de  H.  le  car- 
dinal de  Bioban,  où  elle  doit  aecoucker.  Le  iloi  y  fut  hier 
passer  Iftjsoirée;  aujourd'hui  M.  ledocdeGramont  a  fait 
porter  idlaier  aux  deux  sœurs^et  demain  elles  commen- 
oeront  à  manger  dioz  K"^^  de  Vintîmilley  avee  un  petit 
cuisinier  qu'dles  ont  pris.  M*"^  de  Vintknille  a  toujours  un 
peu  de  fiièvre  les  soirs  «t  est  tof^gours  de  fort  mauvaise 
hun)eur«  Il  y  a  quelques  jours,  à  €lmsy^  que  le  ftoi  Lui  fit 
{4usi^r6  qifaestMHis  pour  savoir  d'où  venoit  cette  mau- 
v^se  humeur;  il  lui  demaada  si  elle  aenUût  du  mal^  ai 
elle  n'ayoit  point  de  cbagria  9  et  iu'ea  put  îamais  avoir 
d^auine  réponse  sinon  qu^elle  ne  se  seaitoit  pas  dans  son 
étet  naiurel.;  à  la  fin  même  die  ne  répondit  plus  aux 
questions  ;  ee  fut  aur  <^  qm  le  Roi  lui  dit  :  «  ie  sais  bien , 
p«dai9»e  la  Comtes$e^  le  rewiiède  qu'il  Caudi^t  employer 
pour  vous  guérir,  ,ee  i^eroit  de  vo^  leouper  la  tète  ;  celii 
ne  voiis  siié|Poj4  méiîi^e  ps^imal,  cm  vous  avu»  le  col  ^ssez 
long;  on  vous  ^teroit  tout  votre  sang  et  an  mettroit  &  U 
place  du  sang  d'agne^u^  et  cela  feroit  i^rt  tikm,  car  vioiUJi 
^es  aigre  et  n^édiante.  »  Ce  discours  fut  tenu  devant  dii; 
ou  douse  per^onaes^  et  l'on  p^t  jug^r  que  M*^  de  Vi«ti- 
p^iUe  ne  TÉçoudii  fas  jun  mot. 

QierylcMiÉtatsde  Languedoce^re^t  audienoe  ;ieefut  daoi 
la  chambre  du  Roi,  le  fauteuil  le  dos  tourné  à  la  ebew* 
née.  M.  l'archevêque  de  Toulouse  (  la  Roche-i^ymcm) 
poiij^  lapaçole;  il  ?»vx>U  à^  drçîÉe  JMiv  le  pri^^^ 


AOUT  1741.  4m 

à  sa  gaœhe  M.  de  Saînt^lm^iitin  et  M.  de  Dreux  le  fil&. 
M.  l'arche vèqtie  de  Toulouse  a  un  son  de  voix  agréable  ; 
il  paria  haut  et  distinctement;  il  rappela  dans  son  dis- 
cours la  situation  où  le  Roi  s^étoit  trouvé  les  années  der« 
nières,  et  dans  lesquelles,  maître  de  l'Europe^  il  Tavoit  été 
encore  plus  de  lui-Hième  et  avoit  mieux  aimé  en  être  le 
pacificateur  et  l'arbitre  que  le  conquérant  ;  il  ajouta  que 
quoique  Ton  put  juger  autrement  de  ses  sentiments  dans 
les  circonstances  présentes,  cependant  les  vues  étoient 
les  mémes^  quHl  n'avoiC  d^autre  objet  que  la  paix  et  la 
tranquillité^  etqu^il  n^^voyoit  ses  trioupes  que  pour  la 
maintenir  ;  il  ajouta  un  mot  pour  H.  le  Cardinal  dont 
S.  Ém.  dut  ètreflattée^  et  finit  par  dira,  que  dans  pareille 
conjoncture,  la  province  de  Laiaguedoe^  quelque  aoeablée 
qu'elle  £ût  par  les  malheurs  qu^elle  avoit  essuyés  Les  années 
d^nières,  se  feroit  toujoui»  un  devoir  de  donner  des 
marques  de  son  zèle  et  de  son  respect.  Il  présenta  ensuite 
au  Roi  le  cahier  des  États,  que  S.  M.  i^mit  sur-le-cfaiMiip 
i  M.  de  Saint*-Floreniin.  M.  le  Cardinal  étoit debout  a^u- 
près  de  S.  M.  M.  Tai^ehevéque  de  Narbonoe,  M.  Taneiien 
évèque  de  Hirepoix,  préceptovir  de  M«  le  Dau{diin,  et 
plusieurs  aotives  «évoques  de  La^igiiedoc  étoient  appuya 
contre  le  balusti^. 

L'audûence  chez  la  Reioa  ^oit  dans  le  grand  cabinet 
avant  lachambre ;  M.  de  Naagis  seul  derarië^e  le  lauiéuiL 
M.  le  CaidiAal  n^y  vint  pas. 

Hier  au  soir,  veillé  de  $aint4jOuÎ8 ,  il  y  eut  un  feu  suf 
la  rivière  ;  ce  soaft  les  artifidkers  de  Paris,  et  entre  autres 
Fan  d'eux  nommé  Guérin ,  qui  ont  demandé  permission 
àlH.  le  duc  de  Roobech<wiart  d'entreprendre  ce  feu  ;  c'est 
le  premier  geatilhcraam^  de  la  chambj^e  qui  a  droit  d'en 
ordonner.  M.  de  Rocheohouart  a  obtenu  au  dit  Guérin 
le  privilège  de  faire  ce  feu  pefidanl;  douze  ans;  il^ 
Bfit  eu  outre  cela  permission  de  lauar  les  places  sur  1q 
quai,  fittérin  avoit  lait  élev<er  sur  deux  bateaxix:  iuti  édi* 
fioe  de  ckarpende  à  peau  près  visiàryisles<i^wtre  Natiyoïia; 


4M  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

m^erépedi  au  soir  après  souper  ;  j'y  fiis  mardi  Paprès-dl- 
oée.  Le  Hoi  avoit  fait  venir  une  litière  et  un'  vifr-à-vis 
pour  voir  laquelle  des  deux  voitures  c(mviendroit  mieuK 
à  M^^  de  Yintimille  pour  la  ramener  à  Versailles.  Le  Roi 
voulut  en  foire  Tessai  luî-méoie  et  monta  dans  l'une  et 
dao6  l'autre  desdites  voitures  ;  ensuite  il  y  fit  monter 
M"^^  de  Nailly  dans  la  litière  avec  M.  le  comte  de  NoaiUes. 
U  fut  enfin  décida  que  «ce  seroit  le  vis-à-^is  dont  on  fe- 
roitnssg^  ;  en  conséquenne  M"'^  de  Mailly  revint  hier  jeudi 
avac  IP^  sa  sœur  dans  ledit  vis-à-vi6«  M*^*  de  Vinèî-» 
mille  est  allée  s'établir  dans  l'appartement  de  H.  le  ear-* 
dinal  4e  Bohan,  où  elle  doit  accouclmer.  Le  iloi  y  fut  hi^ 
passer  la  soirée;  aujourd'hui  M.  ledocdeGramant  a  fait 
porter  i  dlaier  aux  deux  sœurs,  et  demain  elles  oommen- 
œront  à  manger  chez  X"^^  de  VintîmiUe,  avee  un  petit 
cuâsiaier  qu'elles  ont  pris.  M*"^  de  Vintknille  a  toujours  un 
peu  de  fièvre  les  soirs  et  est  toi^ours  de  fort  mauvaise 
humeur.  Il  y  a  quelques  jours,  à  €lmsy,  que  le  ftoi  lui  fit 
plusieurs  quiestûms  pour  savoir  d'où  venoit  cette  mau- 
v^se  humeur;  il  lui  demaada  si  elle  aentoit  du  mal^  si 
elle  n'ayoit  point  de  cbagria  >  «t  jo'ea  put  îamais  avoir 
d^auine  réponse  sinon  qu^elle  ne  se  sentoit  pas  dans  son 
élat  uaAuiel;  à  la  fia  même  elle  ne  répoadit  plus  aux 
questtoQfi  ;  ice  fat  sur  <2da  qm  le  Roi  lui  dit  :  «  Je  sais  bien , 
pi^dflwe  la  Comtesse,  le  remède  qu'il  foudi^t  lemployer 
pour  vous  guérir,  .ce  seroit  de  v<^us  jeoupar  la  tète  ;  cela 
ne  vous  ûé^poU  més»e  pas  mal,  ciir  vous  avw  le  col  assez 
long;  on  vous  /6teroit  tout  votre  sang  ^  on  mettroit  &  la 
place  du  sang  d'agneau^  eA  cela  feroit  &$r%  Ima,  car  vio»usi 
êtes  aigr«  et  «péchante.  »  Ce  discours  £ut  t&mk  devant  dii; 
ou  douze  {kersonoes,  ^tl'on  p^t  jug^r  queM"*^  de  Viati^ 
milte  ^fi  répoudil  f9S  ;uu  mot. 

Q&er,ktf;Étaifi  de  Languedoceurepit  audieooe  ;<eef ut  dani 
ia  chambre  du  Roi,  le  fauteuil  le  dos  tourné  à  la  cbeaâ^ 
née.  M.  l'archevêque  de  Toulouse  (  la  Roche-Aymoa) 
liOiiMt  la^airole;  il  ^voU  à^a  drçile  il.  le  prii^ce  4k  jgM^epfces, 


AOUT  1741.  4«t 

à  sa  gaœhe  M.  de.  Saînt-Flm^iitin  et  M.  de  Dreux  le  fils. 
M.  Tarchevècpe  de  Toulouse  a  un  son  de  voix  agréable  ; 
il  paria  haut  et  distinctement;  il  rappela  dans  son  dis- 
count la  situation  où  le  Roi  s'étoit  trouvé  les  années  der« 
nièreS;  et  dans  lesquelles,  maître  de  l'Europe^  il  Favoit  été 
encore  plus  de  lui-même  et  avoit  mieux  aimé  en  être  le 
pacificateur  et  Tarbitre  que  le  eonquérant;  il  ajouta  que 
quoique  l'on  pût  juger  autrement  de  ses  sentiments  dans 
les  circonstances  présentes,  cependant  les  vues  étoient 
les  mêmes,  qu^il  n'avoiC  d'autre  objet  que  i»  paix  et  la 
tranquillité,  et  qu'il  n'envoyoit  ses  ti^upes  que  peur  la 
maintenir;  il  ajouta  un  mot  pour  M.  le  €ardiiaal  dont 
&,  Ém.  dut  être  flattée^  et  finit  par  dina,  que  dans  pareille 
eonjoncture,  la  province  de  Laiaguedoe^  quelque  aoeablée 
qu'elle  fût  par  les  malheurs  qu'elle  avoit  essuyés  les  années 
d^nières,  se  feroit  toujoui»  un  devoir  de  donner  des 
marques  de  son  zèle  et  de  son  respect.  Il  présenta  ensuite 
au  Roi  le  cahier  des  États,  que  S.  M.  remit  sur-le-champ 
i  M«  de  Saint-4?loreniin.  M.  le  Cardinal  étoit debout  au- 
près de  S.  H.  M.  rarehevêque  de  Narbouoe,  H.  TancÂen 
évèque  de  Mirepoix,  préceptoiâr  de  M.  le  Daupjiin,  et 
plusieurs  autres  «évèques  de  La^igtbedoc  étoient  appuya 
contre  le  balustre. 

L'audience  chez  la  Reine  était  dans  le  grand  cabinet 
avant  la  chambre;  JI.  de  Naagîs  seul  derrière  le  laqiéuih 
M.  le  CardiiiLai  n'y  vint  pas. 

Hier  au  soir^  veillé  de  Saint-Louis ,  il  y  eut  un  feu  sur 
la  rivièpe  ;  ce  sont  les  artificiers  de  Paris,  et  entre  autres 
Tun  d'eux  nommé  Guérin ,  qui  ont  demandé  permission, 
à  M.  le  duc  de  Roohech<wiart  d'entreprendre  ce  feu;  c'est 
le  premier  geatilhoasuzie  de  la  chamore  qui  a  droit  d'en 
ordonner.  M.  de  Rocheohouart  a  obtenu  au  dit  Guàciu 
le  privilège  de  laire  ce  feu  pendant  douze  ans;  il^ 
efit  eu  outre  cela  permission  de  louer  les  places  sur  1q 
quai,  fiuérin  avoit  fait  élever  sur  deux  batea/ux  iua  édi- 
fice de  charpente  à  peau  près  vis-iàrvisles<ièwire  Nations; 


46#  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LDTWES. 

on  le  deseendit  ensuite  vis*à-vis  le  jardin  de  rin&nte.  M.  le 
duc  de  Rochechouart,  qui  étoit  dans  la  maison  de  M.  de 
Fleury,  àrhâteldeHollande,  donnaleagnalàsept  heures 
trois  quarts^  et  le  feu  commença  ausàtùt;  il  dora  douze 
minutes  avec  une  grande  vivacité.  Il  y  avoit  à  droite  et  à 
gauche  de  r édifice,  des  bateaux  chargés  d'artifice  dont  il 
sortoit  des  serpenteaux  qui  s'enfonçoient  dans  Ueauet  en 
ressortoient;  c'est  ce  qu'il  y  eut  de  plus  agréable  dans  ce 
feu,  le  reste  ne  consistant  qu'en  une  quantité  immense  de 
fnsées.  n  y  ent  cependant  un  soleil  au  milieu  de  l'édifice  et 
quatre  jets  de  feu.  Guérin  nous  dit  qu'il  avoit  quatre  cents 
caisses  de  fusées  qai  contenoient  environ  cinq  cents  dou- 
zaines; qu^il  comptoit  que  l'artifice  seul  lenr  reviendroit 
à  10,000  écus,  la  charpente  à  1 0,000  livres,  la  déccwation 
à  0^000,  et  qu'en  sautant  à  cela  les  faux  frais,  comme  la 
musique  et  un  grand  noml^e  de  gens  pour  servir  le  feu, 
ils  estimoient  que  le  total  leur  reviendroit  à  60,000  livres; 
ils  ont  loué  les  places  sur  les  quais  à  tant  la  to^  ;  les 
plus  chères  à  10  livres.  C'étoit  la  Ville  qui  oecupoit  le 
pont  Neuf,  et  les  mousquetaires  le  pont  Royal. 

Aujourd'hui  jour  de  Saint-Louis ,  le  Roi  a  entendu  la 
grande  messe  k  la  chapelle,  et  a  été  Taprès-dlnée  à  vêpres 
et  au  saint  ;  il  n'y  avoit  point  été  les  années  précédentes. 

Mardi  dernier,  qui  est  le  second  jour  que  la  Reine  fut 
à  Trianon,  elle  ne  fut  suivie  que  par  les  seuls  gardes  du 
corps  ;  il  n'y  eut  ni  Cent-Suisses,  ni  gardes  de  la  porte, 
ni  gardes  de  la  prév6té.  M.  de  la  Billarderie,  major  des 
gardes  du  corps,  prétend  que  les  Cent-Snisses  n'ont  point 
le  droit  d'accompagner  la  Reine  partout,  et  rapporte 
un  exemple  du  temps  du  feu  Roi  ;  que  le  Roi  étant  allé 
diner  à  Trianon  avec  M*"^  la  duchesse  de  Bourgogne,  on 
avoit  envoyé  vingt  gardes  pour  la  garniture  ;  que  les 
Cent-Suisses  s'y  étant  trouvés  d'eux-mêmes,  le  Roil'avoit 
trouvé  mauvais  et  les  avoit  renvoyés.  Les  Cent-Suisses 
disent  qu'ils  ont  droit  d'accompagner  toujours  le  Roi  et 
la  Reine  partout  où  l'on  envoie  des  gardes  du  corps  à 


AOUT  i741.  461 

pied,  et  demandent,  si  la  Reine  retourne  à  TrianoD,  qu'elle 
veuille  bien  ne  se  faire  suivre  que  par  des  gardes  du 
corps  à  cheval, 

M.  de  Breteuil  travailla  avant-hier  avec  le  Roi  et  H.  le 
Cardinal  ;  il  fut  question  dans  ce  travail  du  commande- 
ment de  la  gendarmerie  que  M.  du  Cbàtelet,  major,  de- 
mande comme  plus  ancien  brigadier  de  ce  corps  et  en 
conséquence  de  la  nouvelle  ordonnance  qui  donne  le 
commandement  au  plus  ancien  brigadier.  M.  de  Rubem-- 
pré,  capitaine  des  gendarmes  écossois,  le  demande  selon 
Tusage  de  la  gendarmerie  et  le  privilège  attaché  à  la. 
compagnie  écossoise.  M.  du  Chàtelet  a  cité  deux  exemples 
-en  sa  faveur,  dont  Tun  est  H.  Danger,  qui  a  commandé  en 
pareilles  circonstances.  Dans  le  cas  du  commandement, 
le  major  remet  le  détail  à  Faide-major  pour  le  temps 
que  dure  la  campagne.  On  ne  dit  pas  encore  publique- 
ment la  décision  de  cette  affaire,  mais  il  paroit  que  c'est 
H.  du  Chàtelet  qui  a  gagné.  On  croit  que  cette  décision 
ne  sera  pas  agréable  à  la  gendarmerie.  H.  du  Ch&telet  a 
beaucoup  de  probité  et  est  parfaitement  au  fait  de  tout 
ce  qui  regarde  ce  corps  ;  mais  il  est  froid,  et  on  dit  qu'il 
n'y  est  pas  aimé. 

On  a  quitté  aujourd'hui  le  deuil  ;  la  Reine  croyoit  qu'on 
leporteroit  douze  jours  afin  que  les  damesfussent  sixjours 
en  noir  et  sixjours  en  blanc.  Le  Roi  l'a  quitté  ce  matin. 

On  apprit  hier  la  mort  de  Févèque  de  Die  ;  c'étoit  l'abbé 
de  Cosnac  qui  a  été  aumônier  du  Roi. 

La  place  d'aumônier  du  Roi  qu'avoit  l'abbé  d'Oppède  a 
été  donnée  à  l'abbé  de  Grimaldi,  dont  le  frère  est  attaché 
à  H.  le  prince  de  Dombes. 

Le  Roi  a  donné  l'appartement  de  M.  et  de  M"®  de  Tal- 
leyrandàM.  Tabbé  de  Pomponne;  et  celui  de  M.  l'abbé  de 
Pomponne,  qui  est  immédiatement  au-dessous,  a  été 
donné  à  M™'' de  Mailly;  il  est  vis-à-vis  le  sien,  et  on  en  va 
faire  un  grand  cabinet  pour  recevoir  la  compagnie. 

Du  dimanche  27,  Versailles,  —  J'appris  hier  que  le  Roi  a 


4$^  MEMOIRES  IHJ  MJQ  DE  LUYNES. 

•donné  à  IP^  la  dmlMflse  de  firamont  domirière  Tappai^ 
iemeet  qu'avoii  M.  de  Sonhue,  dans  l'aile'des  Princes,  au- 
près de  celai  que  M.  et  M"^  de  Fleury  viennent  de  qoittôr  ; 
il  est  tin  peu  petit. 

Le  fils  unique  de  M.  de  Gassion^  lieutenant  général , 
mourut  hier  dé  la  petite  vérole  ;  il  avoit  environ  vingi- 
six  ans  ;  il  reste  deux  filles  à  M*  de  Gassion  (1)^  qui  sont 
unie»  ^Q  Peyre  etd'Anlesy.  M"**  de  Peyre  est  veuve  et  a  un 
fils.  M"^  d'Anlesy  a  plusieurs  enfants.  M.  de  Gassion  a 
cinquante-cinq  à  soixante  ans  ;  il  a  un  frère  président  au 
parlement  de  Pau^  qui  n'a  point  d'enfants.  On  diaoit 
beaucoup  de  bien  du  fils  de  M.  de  Gassion  qui  vient  de 
mourir  ;  il  avoit  le  régiment  de  Bretagne^  où  il  étoit  fort 
aimé. 

M"*^  la  maréchale  de  Brancas  mourut  hier  presque  su- 
bitement ;  M.  le  maréchal  de  Brancas  a  plusieurs  enfants  : 
M.  de  Forcalquier  et  M.  le  chevalier  de  Brancas  y  W^^  de 
Rochefort;  il  avoit  eu  aussi  une  autre  fille  qui  avoit 
épousé  M.  de  Souvré,  laquelle  est  morte  il  y  a  longtemps. 

Madamela  Duchesse  vint  ici  hier,  M^'^la  princesse  de 
Conty,  Mademoiselle  et  M^^'  de  laRoehe*8ur-Yon.  Le  Roi  a 
été  aujourd'hui  voir  M"^  la  Duchesse  à  cinq  heures; 
H^'^la  princesse  de  Gonty  et  M'^  de  la  Roche-sur-Yon  y 
étoient;  elles  sont  venues  recevoir  le  Roi.  S.  M.  n'étoit 
point  en  deuil;  il  le  quitta  hier  et  ne  Ta  point  pris 
pour  cette  cérémonie.  M*"^  la  Duchesse  étoit  dans  son  lit. 
Le  Roi  s'est  assis  et  y  a  resté  environ  un  demi-quart 
d'heure  ;  toutes  les  dames  titrées  et  non  titrées  se  sont  as- 
sises. Le  Roi  a  été  delà  chez  Mademoiselle^  où  la  visité  s'est 
passée  de  même.  Mademoiselle  étoit  dans  son  lit.  M"**  la 
princesse  de  Conty  et  M"^  de  la  Roche-sur-Yon  s'y  sont 
trouvées.  Le  Roi  va  au  salut  et  de  là  chez  H*"^  la  princesse 
de  Conty.  La  Reine  ira  après  le  salut  faire  les  trois  mêmes 


(1)  Ilétoit  veuf  depais  longtemps.  Sa  femme  étôil  fille  de  feu  M.  d'Arme- 
nonville  et  de  M*i«  Gilbert.  (  Note  du  duc  de  Luîfnes,) 


AOUT  17*1.  «M 

visite^*  M^'Jà  Onôhctose  ni  les  froia  autreâ  ptinoesses  ne 
recevront  point  d'autres  viahes  ea  céiP^oaie. 

Du  iii«rd»  29  >  Fer<aill«».  -^  Le  Roi  fut  hier  eeurre  à 
Verrières  ;  Mesdames  furent  &  la  chasse.  Le  Roi  soupa  k 
soir  chetU!^  de  VintimiUe^  où  il  fit  pwter  le  souper  des 
éabinets;  il  n'y  a^oit  df autres  dames  c^ue  les  deux 
sc^n^et  quelques  hommes^ 

M.  de  Gassiou^  qui  vient  de  mourir^  aroit  le  régiment 
de  Bretagne-cavalerie;  on  eroit  que  ce  régiment  sera 
donné  à  H«  de  Poyatine  i  son  cousin  germain^  fils  d'une 
scBur  de  M.  de  Gaston  le  père.  M.  de  Poyanne  a  une 
chargé  dans  les  gendarmes  de  la  garde  qui  deviendra,  va? 
eante  par  cet  arrangement.  Ce  jeune  homme  f  qui  n'a  ja- 
mais eu  la  petite  vérole ,  s'est  enfermé  avec  son  cousin  ; 
la  première  chose  que  M.  de  Gassionait  faite  après  la  mort 
de  son  fils^  a  été  de  demander  le  régiment  pour  M.  de 
Poyanne.     * 

.  Il  y  a  deux  circonstances  particulières  par  rapport  au 
militaire  qui  méritent  d'être  ici  marquées.  Dans  Tarmée 
qui  doit  servir  sous  les  ordres  de  M.  le  miaréohal  de  Belle- 
Isle  et  qui  est  actuellement  commandée  par  M.  de  Leuville^ 
et  que  Ton  appelle  Tarmée  du  Rhin  ou  de  Bavière  ^  c'est 
H.  le  marquis  de  Clermont,  lieutenant  général  et  mestre 
de  camp  général  de  cavalerie^  qui  coinmande  la  cavalerie, 
et  c'est  mou  fils,  comme  mestre  de  camp  général  des  dra- 
gonSj  qui  commande  le  corps  des  dragons.  Le  régiment 
mestre  de  camp-cavalerie  est  de  cette  armée.  Dans  l'ar- 
mée de  M.  le  maréchal  de  Maillebois^  qu'on  appelle  Tar- 
mée  de  la  Meuse^  U.  de  Bissy,  commissaire  général  de  la 
cavalerie  et  brigadier  des  armées  du  Roi^  commande  la  ca- 
valerie, quoique  le  régiment  (x>mmissaire  n'y  soit  pas; 
c'est  M.  de  Coigny,  colonel  général  des  dragons ,  ^}4y 
commandera  ce  corps.  Son  régiment  y  est  aussi. 

Une  autre  circonstance,  mais  qui  ne  regarde  que  le 
détail  d'une  troupe  particulière  :  dans  les  gendarmes  et 
chevau-légers  il  y  a  deux  des  maréchaux  des  logis  qui 


464  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUTIŒS. 

ontle  titre  d^aide-major.  L'un  d'eoxest  chai^  du  détail  de 
la  troupe^  dont  il  rend  compte  au  commandant  et  prend 
ses  ordres  ;  dans  les  chevau-légers  c'étoit  depuis  longtemps 
M.  de  Fortisson  que  M*  de  Chevreuse,  mon  grand-père, 
avoit  tiré  du  régiment  de  Bonnelles-dragons,  où  il  étoit 
capitaine.  Il  étoit  entré  dans  les  chevaa-lég^irs ,  d'abord 
sur  le  pied  de  simple  chevau-léger,  et  de  là  avoit  été 
avancé  successivement,  mais  promptement ,  par  tous  les 
grades  déporte-étendard,  sous-brigadier,  brigadier,  ma^ 
réchal  des  logis  et  enfin  aide  major.  Lorsque  M.  le  maré^ 
chai  deChaulnes  remit  il  y  aquelque  temps  la  compagnie 
à  M.  le  duc  dePicquigny,  son  fils,  M.  dePicquignyjugeaà 
proposde  faire  un  autre  arrangement  parrapport  au  détail 
de  la  troupe  et  d'en  charger  un  gentilhomme  de  Bour-^ 
gogne  nommé  de  Chauve  de  Yezanne ,  chevau-léger  de- 
puis plusieursannées,  en  qui  il  connoissoitdel'inteUigence 
et  de  la  capacité.  Après  un  an  environ  que  M?  de  Vezanne 
fut  chargé  de  ce  détail,  M.  de  Picquigny,  dans  son  pre- 
mier travail  avec  le  Roi,  qui  fut  il  y  a  environ  un  mois, 
demanda  à  S.  M.  que  M.  de  Vezanne  montât  tout  d'un 
coup  au  grade  de  brigadier,  sans  passer  par  les  grades  de 
porte-étendard  et  de  sous-brigadier,  ce  qui  fut  accordé  ; 
et  le  Roi  me  dit  le  soir  même  qu'il  avoit  accordé  une  grâce 
qui  étoit  très-grande. 

Ce  matin  milord  Chesterfield,  Anglois,  un  des  princi^ 
pauxdu  parti  opposé  à  Walpole,  a  été  présenté  au  Roi  et 
à  la  Reine  par  l'ambassadeur  de  Hollande ,  n'y  ayant 
point  ici  d'ambassadeur  d'Angleterre.  C'est  M.  de  Saine- 
tôt  qui  a  pris  l'ordre  du  Roi  et  de  la  Reine,  mais  c'est 
l'ambassadeur  qui  a  présenté.  Milord  Chesterfield  va  à 
Montpellier  pour  sa  santé. 

M.  de  Campo-Florido  a  présenté  aussi ,  ce  matin,  M.  de 
Bernachea,  Espagnol,  qui  va  ambassadeur  d'Espagne  à 
Stockholm.  M.  de  Bernachea  est  celui  qui  étoit  ambas- 
sadeur ici  y  a  quelques  années  avec  M.  de  Sanla-Cruz. 

Il  y  a  quelques  jours  que  Bannière,  courrier  du  cabinet, 


AOUT  i74i.  465 

est  arrivé  de  Stoclj^olm  ;  il  m'a  dit  n'avoir  été  que  dix 
jours  à  aller,  di;t  jours  de  séjour  et  dix  jours  à  revenir. 
Depuis  son  retour  on  a  su  la  déclaration  de  guerre  de  la 
Suède  à  la  Russie^  et  on  a  vu  le  manifeste  dans  la  gazette 
de  la  Suède. 

Il  n'y  a  que  quatre  ou  cinq  jours  que  M.  de  Stainville 
a  été  déclaré  ministre  du  grand-duc  à  la  cour  de  France* 

Il  y  a  peu  de  jours  que  Thévenard  (1)  mourut  à  Paris; 
il  étoit  connu  par  la  beauté  de  sa  voix  et  par  le  goût  qu'il 
mettoit  dans  son  chant. 

On  attend  incessamment  un  ambassadeur  de  laPorte  ;  il 
s'appelle  Mébémet-Effendi.  Il  est  déjà  venu  en  France 
avec  son  père^  qui  étoit  ambassadeur  ;  on  sait  qu'il  est 
arrivé  à  Marseille  avec  une  nombreuse  suite.  Le  Roi  dit^ 
il  y  a  quelques  jours  ,  qu'il  comptoit  le  recevoir  dans  la 
galerie,  assis  sur  son  trône. 

Du  mercredi  30,  Versailles.  —  Avant-hier,  M*"'  la  Du- 
.chesse,  suivie  de  M°**  la  princesse  de  Conty,  de  Mademoi- 
selle, de  M"®  de  la  Roche-sur-Yon ,  allèrent  remercier  le 
Roi;  elles  furent  ensuite  chez  la  Reine ,  chez  M.  le  Dau- 
phin et  chez  Mesdames. 

Le  Roi  n'a  point  été  tirer  cette  année  dans  les 
plaines;  on  lui  a  rendu  compte  qu'il  y  avoit  peu  de  per- 
dreaux ;  il  va  souvent  tirer  dans  le  petit  parc;  la  dernière 
chasse  il  y  tua  deux  cent  soixante-six  pièces  en  deux 
heures  et  demie  de  temps. 

M"®  la  comtesse  de  Toulouse  vint  hier  de  Bue  ici  ;  le 
Roi  descendit  chez  eUe,  et  lui  dit  qu'il  lui  donnoit  la  mai- 
son de  M"""  de  Clermont  à  Luciennes.  On  dit  que  M^""  la 
comtesse  de  Toulouse  n'avoit  point  demandé  Luciennes. 
Elle  rend  Bue  au  Roi.  La  vue  de  Luciennes  est  char- 


(i)  Gabriel- Vincent  Thévenard,  fameux  acteur  de  l'académie  royale  de  mu- 
sique, mort  le  24  août  âgé  de  soixante-douze  ans.  «  Il  étoit  inimitable  dans 
le  noble  et  le  beau  chant;  il  avoit  fait  depuis  1697  les  plaisirs  du  public,  qui 
a  toujours  honoré  ses  talents  de  beaucoup  d^applaudissements.  Il  avoit  quitté 
le  théâtre  en  1730.  »  {Mercure  de  France,  1741,  page  2120.  ) 

T.  m.  30 


4$e  MÉMOIRES  (HJ  DUC  QR  LUYNES. 

mante^et  la  maison  fq^  jq^^e.  Bucest^^Mmemeot  triste, 
daus  unç  sitq^tioo  yilaiaf^^  çt  la  maison  fprt  dé9agréable 
en  dehofs  ;  iqais  W^""  la  Comtesse  Tavo^t  fait  aocammo* 
der  fort  bien  ^t  avec  ^uooup  ^e  goût  dep^i|  la  mort  de 
M.  le  comte  de  Toulouse. 

On  apprit  hier  \8^  fn^ft  ^^  Varc)^|du(^fv^  gouvernante 
des  Pays-Bas;  elle  s'appelqit  Mari^-Éliçat^eth^  étQitdanssa 
soixante-ufiième  ai^née,  et  était  ^11^  de  l'f  o^pereur  Léopold. 

M.  df\  Breteui^  travs^illa  hier  fiveç  le  Roi  ;  on  sut  que  le 
régiment  de  Bretagne  avoit  été  donné  4  V*  de  Poyanne; 
il  reste  i^  donner  la  place  de  ^.  dç  Px)yann9  dans  les  gen- 
darmes. 

Du  jeudi  Si  y  Versailles.  —  Avant-hier^  pn  apprit  la 
moi-t  4?  M.  de  Montpipeau  (1)  ;  il  étoit  retiré  du  service. 
Son  fr^re  ^st  dans  la  marine. 

Nous  sûmes  hier  que  M.  de  flubempré  avoit  prié 
le  Roi  de  vouloir  bien  accepter  sa  démission  de  sa  com- 
pagnie épossoise  des  gendarmes  ;  le  Roi  lui  permet  de  ^ 
vendre  çt  lui  conserve  sop  rang  de  brigadier.  Dès  le  pre- 
mier moment  de  la  difficulté  ^u  siyet  ducommandemeAt 
entre  lui  et  M.  du  Chàtelet,  M.  deRubempré  avoit  annoncé 
qu'il  quitteroit  s'il  ne  commandoitpas.  M"'  de  Mailly  lui 
avoit  fort  conseillé  de  n'en  rien  faire  ;  mais,  le  voyant  dé- 
terminé, elle  lui  a  s^ement  fort  aidé  à  obtenir  une  grâce 
que  Ton  doit  regarder  comme  grande.  M.  de  Sassepage, 
dans  un  cas  plus  favorable  eu  égard  BAfx  circonstances^  91'a 
pas  été  si  ^ien  traité. 

On  parle  du  mariage  de  M.  ^e  Poyanne  avec  H*^'  ^e 
Montcavrel. 

11  y  a  deux  ou  trois  jours  que  M^^^'delCa^^gnaçi  arriva  à 
Saint-Cloud  chez  M""^  sa  mère  ;  elle  ^^^e  aujourd'hui  chez 
M"**"  de  Ventadour  à  sa  petite  maison  de  Glatigny. 

J'appris  hier  que  le  dixième  avoit  été  établi;  il  commen- 


(i)  Charies  de  Rochechouart,  marquis  de  Montpipeau,  brigadier  des  armées 
dti  Roi. 


SEPTEMBRB  1741.  467 

cei»  du  i^  octobre.  Quoiqu'il  u'y  ait  point  de  guerre, 
les  dépenses  que  le  Roi  est  obligé  de  faire  dans  les  cir- 
constances présentes  ont  donné  lieu  à  cette  imposition. 


flEPTEMBREa 

''4  "'  T  f  '  '  '  "MV" 

Logements  de  Versailles.  —  Accouchement  de  M^^  de  Vintlmille. Arm^ 

de  Bavière.  —  Mort  de  M.  de  Surbeck.  —La  reine  de 'Hongrie  et  le  cardinal 
de  Pleury.  —  Mvérwo«  deUducliesse  d»  Bnçkingtiam.  —  Combat  naval 
d^  çheY^lier  de  Cf^ylvis  cqntre  les  Api;lo^.  —  Çi^rdçA  du  iJ^aTi^kwi.  —  Go«- 
vemement  du  fort  touis  donné  à  M.  de  Meuse.  —  Mort  de  M<ne  de  Vinti- 
mille;  douleur  du  Roi;  son  séjour  à  Saint-Léger.  —  Mort  des  abbés  Roliin 
et  S^Ti«.  —  PKiti^  d«  la  Cour.  —  Yera  sur  les  maréchaux  de  Noailles  et  de 
Coigay.  —  S^tryic^  funèbre  po^ir  la  reine  dç  Si^rdaigne.  —  M^l  de  M.  de 
Belsunce.  —  Nouvelles  de  Suède.  —  Mort  de  MM.  de  Bretonvilliers,  çle 
Pons^et  de  Plainmon. 

Jka  $0meéi  %  Versailles.  —  J^appris  hier  que  M*^^  la  ma- 
récl^ale  de  MaiUeboisavoit  obtenu  pouç  M.  le  maréchal  de 
Maillebois  ranoten  logement  qu^avoit  M.  \e  Premier^  quoi- 
qu'il ne  soit  point  à  la  proximité  de  celui  de  Bf"^  ^e  Mail- 
lebois ;  elle  donne  un  logement  dans  le  sien  à  M.  son  fils. 

Sur  rétat  du  Roi,  le  logement  de  H.  lePremier  estdonné 
à  M.  de  Maillebois  le  fils,  et  M'^^'de  Maillebois^  pour  sa  plus 
grande  commodité^  a  donné  ledit  logement  ^  M.  le  maré- 
chal de  Maillais  et  s'est  chargée  de  Ipger  M.  son  fils 
chez  elle. 

Tous  ces  jours  passéft  le  Roi  a  fait  porter  son  souper  chez 
V"*de  Vintimille.  Hier,  parce  que  c'était  maigre,  il  soupa 
dans  ses  cabinets  et  avec  des  hommes  seulement  ;  après 
souper,  il  fut  chez  M"*^  de  Vintimille,  où  il  resta  jusqu'à 
deux  heures.  M""*  de  VintimiH^  avçit,  4  ce  qu'on  dit,  dès 
lors  des  douleurs;  mais  elle  les  cachoit.  Ce  u^atin,  à  cinq 
heures>  les  douleurs  ayant  augmenté,  elle  a  envoyé 
éveiller  M™*  sa  sœur  et  M.  de  Meuse,  et  à  neuf  heures  elle 
est  accouchée  d'un  garçon,  qui  se  porte  bien.  C'est  la  Pey- 
ronie  qui  l'a  accouchée  ;  on  avoit  ço^iplé  quo  ce  seroit 


468  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

Bourgeois.  Elle  n'a  été  dans  les  grandes  douleurs  qu'en^ 
viron  une  heure  ou  une  heure  et  demie. 

Le  Roi  deYoit  aller  tirer  aujourd'hui  dans  la  plaine  de 
Yillepreux,  un  peu  par  complaisance  pour  MM.  de  Soubise 
et  d'Ayen,  à  qui  il  donne  permission  de  tirer  lorsqu'il  va 
hors  de  ses  parcs;  la  pluie  l'ayant  empêché  d'aller  à  la 
chcûsse,  il  a  fait  porter  son  dîner  chez  M"*^  de  Vintimille. 
M"*  de  Mailly,  le  duc  de  Villeroy,  le  duc  d'Ayen  et  M.  de 
Meuse  y  étoient. 

J'ai  vu  aujourd'hui  une  lettre  [écrite]  de  l'armée  qui 
va  en  Bavière  ;  on  mande  que  nos  troupes  observent  la 
discipline  la  plus  exacte^  payant  tout  très-régulièrement 
et  ne  faisant  aucune  espèce  de  désordre.  Cette  lettre  est 
de  la  seconde  division  qui  a  passé  leRhin.  L^on  ajoute  que 
les  habitants  des  lieux  par  où  l'on  passe^  encouragés  par  ce 
qu'ils  ont  éprouvé  au  passage  de  la  première  division , 
demeurent  dans  leurs  maisons  et  dans  leurs  boutiques 
avec  la  même  tranquillité  qu'en  pleine  paix^  et  ne  songent 
qu'à  apporter  les  vivres  dont  l'armée  a  besoin.  On  mande 
encore  que  ces  vivres  ne  sont  pas  absolument  chers  parce 
que  lés  princes  dont  on  traverse  les  États  ont  eu  soin  d'en 
faire  taxer  le  prix. 

Hier  la  messe  du  Roi  et  celle  de  la  Reine  furent  des 
messes  de  Requiem,  à  cause  de  Tanniversairedelamortde 
Louis  XIY  ;  il  n'y  a  point  de  musique  à  la  chapelle  ce  jour- 
là^  parce  que  toutes  les  voix  et  les  bassons  vont  à  Saint- 
Denis  au  service  qui  s'y  fait  tous  les  ans  pour  le  feu  Roi. 

Du  dimanche  3,  Versailles.  —  Le  25  du  mois  passé, 
M"**"  la  duchesse  de  Duras  (1)^  bellë-fille  du  maréchal^  ac- 
coucha d'un  garçon. 

Du  lundi  4,  Versailles.  —  Il  y  a  quelques  jours  que  M.  de 
Surbeck^  capitaine  de  la  compagnie  générale  du  régiment 
des  gardes  suisses  et  frère  de  feu  M""*  Déranger,  mourut  à 


(1)  Elle  s'appeloit  duchesse  de  Durfort  et  n'a  pris  le  nom  de  Duras  que  de- 
puis que  M.  de  Duras  a  été  fait  marér.hal  de  France  ;  elle  est  fille  de  M.  de 


SEPTEMBRE  i74i.  469 

Paris  ;  il  avoit  un  fils  de  son  premier  mariage  à  qui  on  a 
donné  une  compagnie^  dans  un  autre  régiment  suisse,  de 
laquelle  M.  de  Surbeck  père  étoit  aussi  capitaine  ;  et  l'em- 
ploi deH.  de  Surbeck,  qui  est  regardé  comme  considérable 
dans  ledit  régiment^  a  été  donné  à  U.  le  baron  deRoUe. 

Dans  Tarrangement  qui  avoit  été  fait  des  troupes  des- 
tinées pour  la  Bavière,  il  y  a  eu  quatre  colonnes  qui  ont 
passé  le  Rhin  à  Laulerbourg  et  au  fort  Louis,  le  15,  le  17, 
le  19  et  le  21  du  mois  dernier,  pour  se  rendre  à  Donau- 
werthpar  deux  différentes  routes.  Une  autre  colonne  de- 
voit  passer  sous  les  ordres  de  M.  de  Polastron  le  22  de  ce 
mois  avec  les  caissons,  et  il  y  avoit  outre  cela  un  corps  de 
troupes,  que  Ton  appeloit  le  supplément,  qui  devoit  pas- 
ser le  24' en  cas  de  besoin,  mais  Ton  n^étoitpas  certain  que 
l'on  en  eût  affaire.  J'ai  appris  aujourd'hui  que  ce  dernier 
arrangement  étoit  changé.De  la  division  de  M.  dePolastron 
et  du  supplément  Ton  forme  cinq  divisions  qui  passeront 
par  Lauterbourg  et  le  fort  Louis;  la  première  passera  le  2 1 . 

M.  de  Wassenaer,  ministre  de  la  reine  de  Hongrie,  alla 
trouver,  Tautre  jour,  M.  le  Cardinal  à  Issy,  et  lui  parla  de 
la  façon  la  .plus  pressante  et  la  plus  soumise  sur  Tétat  où 
se  trou  voit  la  reine  sa  maltresse.  M.  Cardinal  ne  lui  ré- 
pondit jamais  autre  chose,  sinon  qu'il  rendroit  témoi- 
gnage en  toutes  occasions  de  la  vivacité  de  son  zèle  et 
de  son  attachement.  Outre  cela,  la  Reine  de  Hongrie  écri- 
vit, il  y  a  quelques  jours,  à  M.  le  Cardinal  pour  lui  repré- 
senter la  situation  où  eUe  se  trouvoit.  Cette  lettre  conte- 
noit  entr'autres  choses  qu'il  étoit  le  père  de  toute  l'Eu- 
rope et  qu'elle  ne  pouvoit  comprendre  par  quel  malheur 
elle  étoit  exclue  du  nombre  de  ses  enfants. 

M"^  la  duchesse  de  Buckingham  fit  hier  sa  révérence  au 


Coètquen  d'on  second  mariage,  et  par  conséquent  sœur  de  père  de  feu  M.  de 
Combourg,  père  de  M"'*'  la  duchesse  de  Rochechouart,  lequel  étoit  (ils  du 
premier  mariage  de  M.  de  Coitquen  avec  M"*  de  Noailles.  (  Note  du  duc  de 
Luynes.) 


470  MÉMOIRES  DU  WJC  Dfe  LUYNES. 

Roi^  à  la  Reine,  à  M.  leDauphita^  qui  la  salua,  ei  à  Mes- 
dames. Oe  fut  H*"*  de  LUyues  qlii  la  mena  accompagnée 
de  M***  de  BbU2o1s^  sa  nièce.  M"^  de  Buckingham  esi  ^œur 
de  iReU  M.  te  mèrëchÀl  de  BéfWick^  maiâ  d^une  autre 
mère;  ils  étbient  tous  deux  bâtards  du  roi  Jacques.  Il  y  a 
quatre  oU  ciiiq  anis  qb^^sllid  Ise  fit  ptésentet*  ici;  ainsi  ce 
n'est  point  une  présentation^  mais  une  révérence.  Le  Roi 
la  salua;  elle  ne  s'y  attendoit  pas  trôp^  ëtiaiit  peu  instruite 
des  USAges  de  ce  pays-ci  ;  Mesdames  la  saluèrent^  et  elle 
ne  leur  baisa  pas  le  bas  de  k  robe  ;  elle  baisëL  le  bas  de  là 
robe  de  la  Reine  et  ensuite  resta  à  faire  sa  cour  &la  Reine 
pendant  tout  le  jeu;  elle  eut  même  pendant  longtemps 
derrière  elle  quatre  écuyers  où  gentilshommes  à  elle^  an- 
glois.  M**  de  Luynes  ne  put  pas  s'empêcher  de  lui  en  dire  ttti 
mot,  et  elle  les  envoya  l'attendre  dans  le  cabinet  qui  est 
avant  la  bhambrede  la  Reine.  Elle  éët  arrivée  ft  Paris  avëe 
un  grand  cortège;  on  he  dit  pdiht  quelle  etlest  la  jraiSoil; 
oh  prétend  qu'elle  vfeut  aller  à  Rome.  Elle  tt'ëst  ni  petite, 
ni  grande;  elle  parolt  avoir  environ citlquanté-élmj  ans; 
son  visage  n'a  rieii  de  désagréable  ;  on  prétend  ijti'ellé 
est  un  peli  extraordinaire  ;  elle  parle  mal  franfcois  et  y 
écrit  encore  plus  mal. 

M""'  de  Vihtimille  est  établie  dattS  le  grand  cabinet  de 
M.  le  cardinal  de  Rohan,  où  on  à  mis  deUï  lits.  Le  Roi  parolt 
très  occupé  de  tout  ce  qlii  régarde  la  santé  dé  M**"  de  Vitt- 
timille  et  entre  dàtistdus  les  détails.  On  a  mis  du  fumier 
depuis  le  haut  de  la  rampe  qui  règne  Ife  lohg  de  l'aile 
neuve  jusqu'en  bas,  et  les  Irois  jets  d'eau  qui  soht  dans  le 
jardih  vis-à-vis  l'aile  neuve  he  jouent  plus  parbe  qu'ils 
faisoient  trop  de  bruit.  Ott  â  porté  l'eîifcint  danS  lès  en- 
tresols ah-dèssus  de  l'appartement  que  doitoebuper  M"^**de 
Vintimille.  Bourgeois,  l'accoucheur,  avoit  été  mandé  dès 
le  premier  moment ,  mais  il  ne  se  trouva  point  de  voiture 
pour  l'amener  ;  il  arriva  cependant  le  soir  du  jour  de  Tac- 
couchement  et  il  y  est  ehcore  actuellement.  Dépuis  (Jue 
M"®  de  Vintimille  est  accouchée  ,  le  Roi  soupe  dans  ses 


SEPTEMBRE  1741.  473 

des  gardes  deM.  le  duc  de  Penthièvre ,  comme  gouver- 
neur de  Bretagne,  a  été  donnée  par  lui  à  M.  de  Saint-Pern, 
homme  de  très-grande  condition  de  Bretagne.  On  dit 
qu'ils  sont  au  moins  aussi  bons  que  les  Duguesclin.  J^ai 
parlé  ci-dessus  de  H.  de  Saint-Pern  ;  il  étoit  dans  le  ré- 
giment du  Roi  ;  il  a  eu  un  régiment  d^infanterie  ;  il 
avoit  servi  en  Italie  sous  M.  le  maréchal  de  Noailles; 
et  on  en  avoit  été  fort  content. 

Le  gouvernement  du  fort  Louis  du  Rhin  étoit  vacant 
par  la  mort  de  M.  de  Permangle;  le  Roi  le  donna  avant- 
hier  à  M.  de  Meuse  ;  ce  gouvernement  vaut ,  à  ce  que  Ton 
dit  y  8,500  livres.  M.  de  Meuse  avoit  une  pension  de 
4,000  livres  qu'il  a  rendue  ;  on  lui  laisse  un  autre  petit 
gouvernement  de  2,000  livres  ;  mais  il  perd  aussi  une 
gratification  annuelle  de  1,000  écus;  il  est  vrai  qu'il  ne 
l'avoit  touchée  qu'une  fois. 

J'ai  mis  ci-dessus  la  mort  de  M.  deCaylus  le  bossu.  Cette 
famille  de  Caylus  n'a  aucune  parenté  avec  celui  qui  es  t  dans 
la  marine.  Celui-ci  et  son  frère  aîné,  qui  a  quitté  le  service 
et  qui  vit  en  philosophe  à  Paris,  sont  fils  de  M"*  deCaylus, 
nièce  de  M*"**  de  Maintenon  ;  au  lieu  que  M.  de  Caylus  qui 
vient  de  mourir  et  son  frère  lieutenant  général  des  armées 
du  Roi,  étoient  fils  d'une  sœur  de  H.  le  cardinal  de  Bonzy. 
M.  le  cardinal  de  Bonzy  avoit  deux  sœurs ,  dont  Tune 
épousa  le  père  de  MM.  de  Caylus,  et  l'autre  M.  de  Ville- 
neuve ;  et  la  fille  de  H.  de  Villeneuve  est  M"**  de  Caylus 
d'aujourd'hui ,  veuve  du  lieutenant  général  et  frère  de 
celui  qui  vient  de  mourir. 

Du  vendredi  8,  Versailles.  ; —  Le  Roi  fut  hier^  après 
le  conseil ,  chez  M"*®  de  Vintimille,  qui  avoit  la  fièvre,  et 
dont  on  étoit  inquiet;  il  dîna  entre  M""^  de  Mailly  et  M.  de 
Meuse,  et  y  resta  jusqu'à  près  de  sept  heures  qu'il  alla  tra- 
vailler avec  M.  le  Cardinal  ;  il  soupa  au  grand  couvert , 
fut  très-peu  de  temps  à  table  et  immédiatement  après  il 
alla  chez  M™*  de  Vintimille  jusqu'à  l'heure  qu'elle  se  retire. 

Aujourd'hui  qui  est  une  fête  de  la  Vierge  le  Roi  va  à 


474  MEMOIRES  DIT  bUC  bE  LUYNËS. 

vèpl*es  (1)  et  au  salut.  La  Reine  a  fait  ses  dévoiions  ce 
matin;  M.  le  Cardinal  lui  a  dit  la  messe  ;  il  lit  sans  lu- 
nettes. Depuis  cinq  ou  six  mois  la  Reine  va  les  fêtes  et 
les  dimanches  à  là  çrdnde  messe  à  neuf  heures,  à  la 
chapelle  ;  ces  jôurs-lâ  et  ceux  qu'élite  fait  ses  dévotions 
elle  retourne  &  là  tnesse  à  la  chapelle ,  cdnlfaié  les  jounâ 
ouvriek^^  à  thidi  et  demi. 

Du  samedi  9,  Versailles,  —  llifeS:»  àti  soit,  il  y  eut  une 
cbtisullàtl'ôh  de  médecins  siir  Tôtat  de  M'^»  de  tintittiille  ; 
Sylva  aVbil  été  ifaandé  de  Patis ,  et  de  Veteaillës  Senac^ 
ttlëdeciti  de  Salhl-Cyr;  il  fdt  tiUahithemëtit  conclu  que, 
vtl  Tardelib  de  la  fièvre,  il  fklldît  la  sàigiieb  dll  pi^à  ; 
cette  cotisultàtidh  fht  faite  peiidàht  ^ûé  le  koi  éohpoit  ad 
gtand  coliVetl.  Lte  souper  flit  fort  court,  et  aussitôt  siprèâ 
te  Roi  retoùtnâ  chez  M*»"  de  Vlntimillë.  Elle  fut  saignée 
du  pied  à  minuit;  le  Roi  y  étoit  et  y  resta  jusqu'à  deux 
hetii^es  qu'il  irint  se  côucller.  tl  ^aroissôit  t[ue  Vi  Isai^ilée 
avoit  fait  Un  bon  eîSéi  ;  M"  dri  Mâilly  étôit  rëtdbrriéë 
chez  elle;  feur  lei  ttois  ou  quatre  heures,  la  fièVrë  âtl^- 
ùieiM  y  M*»*  de  VintimiUfe  dëlliâiidà  SOil  cbhffes^eûr  ;  il  ftit 
assez  longtemps  éhfëi^rlié  avec  elle;  elle  he  ptli;  récë- 
voil»  N.-S.  parce  qu'elle  peJrdil  éohnoissarice  (â),  et  elle  est 
nioHe  be  iilatih  â  sfe£>t  heures  Uh  tjtiart.  M**  de  Màllly  f 
est  toujours  restée,  ofa  ne  put  l'èmbiénerquë  tjlielkjties  mb- 
mènts  avatit  ë^  tuôri.  On  est  ehtré  chez  le  Rdi  ce  nlâtin  â 
dîi  heures.  La  Pèyrohië  y  efet  Veiiù  iè  ^ii-ëiliier;  le  fedi 
lui  a  demandé  des  nouvelles  ;  la  Pë^tbnie  He  lili  à  Ré- 
pondu autre  chose  sinon  qu'elle^  étoiefat  inâùvaiteë.  Le 
Rbi  s'eât  rëtoiH^né  dé  l'autre  doté  et  est  deiliëtirë  entre  ses 


(1)  Elles  ont  été  chantées  pa^  les  chantres  de  \i  chapelle.  {Note  du  due  de 
IMyties.  )  I 

(2)  M «ae  d^  Mâilly  y  étolt  ^  todlot  atidôtahiéai  ît^Mh  all&t  ëtèftier  le  Rôl  \ 
ce  fut  la  Peyrottie  qm  s'y  opposa.  Lui  et  M.  de  Meuseï  quelque  %mfi%  ayUnl 
la  mort,  emmenèrent  M"*'  de  Mailly  dans  Tappartemeot  de  Mme  la  maréchale 
d'Èstréés,  oh  èilÈ  eohciié.  (  ifoU  du  duc  ^  Lu^hts,  ) 


SEPTEMBRE  1741.  473 

des  gardes  de  M.  le  duc  de  Penthièvre,  comme  gouver- 
neur de  Bretagne,  a  été  donnée  par  lui  à  M.  de  Saint-Pern, 
homme  de  très-grande  condition  de  Bretagne.  On  dit 
qu'ils  sont  au  moins  aussi  bons  que  les  Duguesclin.  J'ai 
parlé  ci-dessus  de  M.  de  Saint-Pern  ;  il  étoit  dans  le  ré- 
giment du  Roi  ;  il  a  eu  un  régiment  d'infanterie  ;  il 
avoit  servi  en  Italie  sous  M.  le  maréchal  de  Noailles; 
et  on  en  avoit  été  fort  content. 

Le  gouvernement  du  fort  Louis  du  Rhin  étoit  vacant 
par  la  mort  de  M.  de  Permangle;  le  Roi  le  donna  avant- 
hier  à  M.  de  Meuse  ;  ce  gouvernement  vaut ,  à  ce  que  l'on 
dit ,  8,500  livres.  M.  de  Meuse  avoit  une  pension  de 
4,000  livres  qu'il  a  rendue  ;  on  lui  laisse  un  autre  petit 
gouvernement  de  2,000  livres  ;  mais  il  perd  aussi  une 
gratification  annuelle  de  1,000  écus;  il  est  vrai  qu'il  ne 
l'avoit  touchée  qu'une  fois. 

J'ai  mis  ci-dessus  la  mort  de  M.  deCaylus  le  bossu.  Cette 
famille  de  Caylus  n'a  aucune  parenté  avec  celui  qui  est  dans 
la  marine.  Celui-ci  et  son  frère  aîné,  qui  a  quitté  le  service 
et  qui  vit  en  philosophe  à  Paris,  sont  fils  de  VP^  de  Caylus, 
nièce  de  M"***  de  Maintenon  ;  au  lieu  que  M.  de  Caylus  qui 
vient  de  mourir  et  son  frère  lieutenant  général  des  armées 
duRoi,  étoient  fils  d'une  sœur  de  M.  le  cardinal  de  Bonzy. 
M.  le  cardinal  de  Bonzy  avoit  deux  sœurs,  dont  Tune 
épousa  le  père  de  MM.  de  Caylus,  et  l'autre  M.  de  Ville- 
neuve ;  et  la  fille  de  M.  de  Villeneuve  est  M""*  de  Caylus 
d'aujourd'hui,  veuve  du  lieutenant  général  et  frère  de 
celui  qui  vient  de  mourir. 

Du  vendredi  8,  Versailles.  -—  Le  Roi  fut  hier,  après 
le  conseil ,  chez  M"*®  de  Vintimille,  qui  avoit  la  fièvre,  et 
dont  on  étoit  inquiet;  il  dîna  entre  M*"^  de  Mailly  et  M.  de 
Meuse,  et  y  resta  jusqu'à  près  de  sept  heures  qu'il  alla  tra- 
vailler avec  M.  le  Cardinal  ;  il  soupa  au  grand  couvert , 
fut  très-peu  de  temps  à  table  et  immédiatement  après  il 
alla  chez  M"**  de  Vintimille  jusqu'à  l'heure  qu'elle  se  retire. 

Aujourd'hui  qui  est  une  fête  de  la  Vierge  le  Roi  va  à 


474  MEMOIRES  DIT  bUC  bE  LUYNES. 

vêpres  (1)  et  au  salut.  La  Reine  a  fait  ses  dévoilons  ce 
matin;  M.  le  Cardinal  lui  a  dit  la  messe  ;  il  lit  sans  lu- 
nettes. Depuis  cinq  ou  six  mois  la  Reine  va  les  fêtes  et 
les  dimanches  à  là  grande  messe  à  neuf  heures,  à  la 
chapelle  ;  ces  jôurs-lâ  et  ceux  qu^ellë  fait  ses  dévotions 
elle  retourne  &  là  messe  à  la  chapelle ,  cônlhié  les  jounâ 
oUVriek^^  à  thidi  et  demi. 

Du  samedi  9,  Versailles.  —  lliëS:»  aii  soir,  il  y  eut  Une 
cotisultàtiôh  de  médecins  siir  l'état  de  H^  de  tintimille  ; 
Sylva  aVbil  été  ifaandé  de  l^aids,  et  de  Vet^lllës  Senac; 
ttiédecitt  de  Saihl-Cyr;  il  fdt  tWahithemëtit  conclu  que, 
vtl  r atdelib  de  la  fièvre,  il  fkllôît  la  sàigiieb  dli  {^ifed  ; 
cette  cotisultàtiôh  fht  faite  peùdàht  ^ûé  le  koisohpôit  ad 
gtand  coUVetl.  Lte  souper  ftit  fort  court,  et  àùàèitôt  aprêô 
.  te  Roi  retoiitnà  thez  M^"  dé  Vlntlmillë.  Elle  fut  saignée 
du  pied  à  minuit;  le  Roi  y  étoit  et  y  resta  jusqu'à  deux 
h^Hite^  qu'il  iriht  se  côucfaer.  tl  ^aroissdit  ^ue  là  Salariée 
avoit  fait  Un  bon  effet  ;  M»*  dé  Mâilly  étdit  fétdhrhéë 
chei  elle;  Sur  lei  ttois  ou  quatre  heures,  la  fièVré  ail^- 
itoentà  i  M"«  de  Vintimillfe  dëtoâildà  mû  cdhffes^eùr  ;  il  fdt 
assez  loUgtëtops  éhffei?iiié  avec  elle;  elle  he  pUt  récë- 
voil"  N.-S.  parce  qu'elle  pei*dit  cohnoissarice  (â),  et  elle  est 
Hlôl-te  bê  iilatih  a  sept  heures  Uh  tjtiart.  M**  de  Mailly  f 
est  toujours  restée,  ofa  rie  put  Tembiétier  que  tjlielkjties  mo- 
ments avatit  §a  tnort.  On  est  ehtré  chez  le  Rdi  ce  nlâtih  â 
dik  heures.  La  Pèyrohië  y  efet  Veriù  le  ^ii-ërtiier  ;  le  fedi 
lui  a  demandé  des  nouvelles  ;  la  Pé^l'bnie  lie  llli  à  Ré- 
pondu autre  chose  sinon  qu'elle^  étoieht  ihàùvaitei^.  Le 
Rbi  s'eèï  rëtohl^ilé  de  l'autre  doté  et  est  deriiëtirë  entre  ses 


(1)  Elles  ont  été  chantées  pa^  les  chantres  de  lâ  chapelle.  (Note  du  due  de 
lÀiynes.  )  > 

(2)  M««  de  Mâflty  y  étolt  el  totilot  ftttSotatnèHt  ^Ifdn  alt&t  ëtëillef  le  Rdl  i 
ce  fut  la  Peyronie  qui  s'y  opposa.  Lui  et  M.  de  Meuseï  qdelqae  tenoiils  ay)lht 
la  mort,  emmenèrent  M'"*'  de  Mailly  dans  Tappartement  de  Mme  la  maréchale 
d*Èstréeâ,  oh  tà\è  cbhchë.  (  îfàiè  dû  duc  Ûè  Lu^fés,  ) 


SE1?TËMBAE  1741.  4iS 

quatre  rideaux.  Il  a  dotiné  ordre  que  Ton  disje  la  ttiessé 
dans  sa  chambre.  Là  Heine  a  été  ce  matin  pour  le 
voir  comihë  elle  Va  tous  les  jours  ;  elle  y  a  même 
été  deux  M8>  et  elle  n'a  pas  pu  ehtrer  (1).  M,  le 
Cardinal  y  a  été  aussi  deux  fois  sans  pouvoir  enttei*; 
cependant  à  la  fin  de  la  messe  il  est  entré  avec  ratimô- 
nier  du  Roi^  et  à  ï^^lé  peu  de  tetups  avec  S.  M.  Le  cbnltë  de 
Noailles  est  le  seul  tjui  sbit  ëtitté.  Métne  pendant  la  messé^ 
Taumônier  étolt  dans  le  câbihet  dVant  la  bhanibre ,  IbI  il 
n'y  avoit  dans  la  chaïUbré  qUe  le  ptêtré  el  les  déu*  ëftft^ 
pëlains  pbur  servir.  Apfèëla  messe,  suivant  ruàâ^ë-,  le 
prôtte  a  porté  le  dorporal  à  baii^r  au  Roi  ♦  oh  a  ëntr'ou- 
Vert  poub  cela  un  des  rideàîix  de  là  tuellë  du  lit,  et  l'au- 
mbriier  qui  en  même  temps  à  donné  Teau  bénite  ùi'à  dit 
qu'il  ti'àvoit  pas  VU  le  Roi.  A  cinq  heures  aprèis  midi^ 
Im  dëU5^  pbrtëâ  de  ratitix^hàmbre  à  œil  de  bœuf  étoienf 
encore  ferméelfe  (2),  cottittie  elles  le  sdnf  avaiit  le  lever  dti 
Roi ,  et  on  liè  làisâdit  ehtrét  qtte  pour  trâvei*ser. 

M"*  de  Màilly ,  qUl  à  ëdUbhé  ces  deut  jbUt^-ci  bhei  lé 
màréehale  d'Estrées  pour  donUer  isou  appàtteôiëut  à 
Sylva,  afesté  dàtts  son  lit  jusqii'à  utie  heure  apfès-midi, 
fondant  en  lat*mes>  et  né  voyant  qUë  cëUx  qu'elle  regardé 
comme  ses  amiS;  A  une  heure,  le  duc  de  Villëfoy  est 
venu  lui  dite  Urt  mbt  j  àusëitôt  elle  s'est  levée,  a  tnoUté 
dan^  sa  chaise,  et  a  été  ëbez  M""^  la  comtesse  de  Toulouse 
qui  n'étoil  pas  eUcore  arrivée,  hiais  qU'bU  àttendoit  A 
diner.  Elle  s'est  couchée  dans  la  niche  de  M"*  la  comtesse 
de  Toulouse.  Il  n'y  a  eu  que  le  duc  et  la  duchesse  de 
Gtàbiônt,  MM.  d^Ayeriei  lé  comte  de  Noailles,  M.  de  Meuse 
et  le  duc  de  Villeroy  qui  l'ont  vuei  M"***  la  comtesse  de 
Toulouse  est  arrivée  pour  diner  et  y  est  entrée  ;  M.  dfe 

(1)  On  m'a  assuré,  depuis,  qu'elle  û^  Avoit  point  été;  La  RèiUe  eiivoya  deut 
ftiis  satoir  si  elle  pouvoit  toit  le  Rd)  i  et  oU  t-épondlt  toUjbura  qu'elle  ne  poû- 
toit  pas;  (Note  du  duc  dtB  Rugnès.}- 

(2)  Le  Roi  s'étoit  levé  à  une  heure  et  dehiie,  mais  il  ii'y  eut  que  le  premier 
vélet  de  eliàmbre qui  entt'a.  {Pfoie  du  dne  de  ÎM^në».  ) 


476  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYINES. 

Penthièvre  Ta  vue  aussi  un  moment.  Le  Roi  étoit  toujours 
resté  dans  son  lit.  Il  est  arrivé  un  courrier  de  Francfort  ; 
on  a  apporté  un  paquet  à  M.  le  Cardinal,  qui  a  envoyé 
Barjac  pour  le  faire  donner  au  Roi  ;  Barjac  Ta  porté  ; 
personne  ne  s'en  est  voulu  charger.  Les  premiers  gentils- 
hommes de  la  chambre  n'étoient  pas  entrés  (l),  pas 
même  M.  le  duc  de  Gharost,  qui  a  les  entrées  familières  et 
qui  n'a  pas  pu  voir  le  Roi  dans  toute  la  journée.  Barjac, 
se  voyant  refusé  par  tout  le  monde,  a  pris  le  parti  d'entrer 
dans  le  cabinet  de  glaces  ;  le  duc  de  Yilleroy  y  étoit  qui 
lui  a  demandé  où  U  alloit.  Barjac  a  dit  que  puisque  per- 
sonne ne  se  chargeoit  du  paquet,  qu'il  alloit  le  donner 
lui-même.  Enfin  le  duc  de  Yilleroy  s'en  est  chargé  ;  il 
vouloit  que  Barjac  en  allât  demander  permission  à  M.  le 
Cardinal  ;  Barjac  lui  a  dit  que  cela  n'étoit  pas  nécessaire  ; 
le  paquet  a  été  remis,  le  Roi  y  a  répondu  quinze  ou  seize 
lignes,  et  Barjac  Ta  reporté  àM.le.  Cardinal. 

On  étoit  incertain  jusqu'à  deux  heures  de  ce  que  le 
Roiferoit;  il  devoit  aller  courre  à  Saint-Léger  et  revenir 
le  soir;  c'étoit  l'ordre  d'hier  ;  on  a  contremandé  ce  matin 
les  gardes  du  corps,  et  peu  de  temps  après  on  a 
envoyé  un  ordre  contraire.  M"**  la  comtesse  de  Toulouse 
et  M.  de  Penthièvre  sont  partis  pour  Saint-Léger;  on  a 
su  que  le  Roi  y  alloit  coucher,  et  le  Roi  a  fait  dire  à 
MM.  de  Meuse ,  d'Âyen  et  de  Noailles ,  qu'il  les  y  mène- 
roit  avec  lui,  et  à  M.  et  M"*  deGramont,  de  s'y  rendre.  Le 


(i)  Le  Roi  aVant  que  de  partir  fit  dire  à  M.  le  duc  de  Rochechouart,  qui  est 
en  année,  qu'il'  étoit  fâché  de  n'avoir  pas  pu  se  résoudre  à  le  voir.  Le  len- 
demain M.  le  du^  de  Rochechouart  écrivit  à  M.  de  Nyert ,  premier  Taiet  de 
chambre,  à  Saint-Léger,  et  lui  manda  qu'il  n'avoit  pas  osé  aller  à  Saint-Léger, 
qu'il  avoit  cru  marquer  en  cette  occasion  plus  de  respect  au  Roi  en  n'y  allant 
point  ;  qu'il  prioit  M.  de  Nyert  de  faire  Tusage  qu'il  jugeroit  à  propos  de  sa 
lettre,  et  de  ne  la  montrer  au  Roi  qu'en  cas  que  cela  lui  parût  convenable. 
M.  de  Nyert  lui  répondit  qu'il  avoit  montré  sa  lettre  au  Roi,  que  S.  M.  étoit 
bien  persuadée  de  son  attachement,  et  étoit  bien  fâché  de  ne  l'avoir  pas  mené 
à  Saint-Léger.  Je  ne  mets  pas  les  termes,  mais  c'est  à  peu  près  le  sens  des 
denx  lettres ,  comme  M.  de  Rochechouart  m'a  dit.  (Note  du  duc  de  luynes.) 


I 


SEPTEMBRE  1741.-  477 

Roi^  à  cinq  heures  (1)  s'est  levé,  a  descendu  chez 
M"*  la  comtesse  de  Toulouse  par  le  petit  escalier  ;  tout  le 
monde  est  sortie  il  est  resté  seul  avec  M""*  de  Mailly,  le  duc 
de  Villeroyetces  trois  messieurs  que  je  viens  de  nommer. 
Le  jour  du  retour  est  incertain  (2)  ;  on  dit  mardi  ^  mer- 
credi ou  jeudi.  On  n'avoit  point  donné  d'ordre  pour  la 
garde^  et  elle  n'est  point  entrée.  Cétoit  hier  jour  de  musi- 
que ;  la  Reine  la  contremanda^  sortit  à  six  heures^  alla  voir 
M"'  d'Armagnac  à  Sèvres  (3),  et  revint  à  huit  heures  jouer 
à  cavagnole.  Il  n'y  avoit  point  de  gardes  dans  la  cour. 

Sur  la  nouvelle  de  la  mort  de  M"*  de  Vintimille ,  Made- 
moiselle est  venue  exprès  de  Paris  et  est  arrivée  à  midi  ; 
elle  n'a  pu  voir  M"'  de  Hailly  (4),  qui  cependant  étoit 
encore  chez  elle^  et  elle  est  repartie  à  huit  heures. 

M»'  de  Mailly  a  vu  M,  du  Luc  (5)  et  M.  de  Nicolaï  (6). 


(1)  On  in*a  assuré  que  le  Roi  y  étoit  descendu  dès  trois  heures  et  qu'il  étoit 
chez  Mine  la  comtesse  de  Toulouse  lorsque  Barjac  alla  porter  le  paquet  ;  que 
Barjac  fit  demander  M.  le  duc  de  Villeroy,  et  qu'on  fut  le  chercher  chez 
Mme  la  comtesse  de  Toulouse»  et  que  ce  fut  dans  ce  même  appartement  qu'il 
fit  réponse.  (  Note  du  duc  de  Luynes,  ) 

(2)  M.  le  Cardinal  est  parti  en  disant  aux  ministres  qu'il  ne  savoit  pas  quand 
il  reviendroit.  (  Note  du  duc  de  Luynes,  ) 

(3)  La  Reine  euToya  demander  à  M.  le  Cardinal  ce  qu'elle  dcToit  faire,  et  ce 
fut  lui  qui  lui  conseilla  de  sortir  avant  le  départ  du  Roi  pour  éviter  l'embarras 
où  il  auroit  pu  être  de  ne  point  aller  chez  elle.  (  Note  du  duc  de  Luynes -) 

(4)  Mademoiselle  ne  parla  qu'à  une  femme  de  chambre  de  Mme  de  Mailly. 
(Note  du  duc  de  Luynes.) 

(5)  M.  du  Luc ,  dont  il  est  plusieurs  fois  question  à  propos  de  l'accouche- 
ment et  de  la  mort  de  M"^"  de  Vintimille ,  est  Gaspard-Magdelon-Hubert  de 
Vintimille,  marquis  du  Luc,  né  le  9  mars  t6S7 ,  mort  le  17  mars  1748,  lieute* 
nant  général  les  armées  du  Roi.  Il  était  neveu  de  l'archevêque  de  Paris  et 
fils  de  Charles-François  de  Vintimille,  comte  du  Luc,  mort  à  Savigny  le 
19  juillet  1740,  à  T&ge  de  quatre-vingt-huit  ans.  Le  mari  de  M^e  de  Vintimille 
était  fils  de  Gaspard -Magdelon  Hubert  de  Vintimille,  marquis  du  Luc;  il  s'ap- 
pelait Jean-Baptiste -Félix-Hubert,  comte  de  Vintimille,  né  le  23  juillet 
1720;  marié  le  28  septembre  1739  ;  lieutenant  général  en  1759.  Il  était  petit- 
neveu  de  l'archevêque  de  Paris. 

L'Archevêque  de  Paris,  l'un  des  sept  frères  de  Charles  François  de  Vinti- 
mille, comte  du  Luc,  s'appelait  Charles- Gaspard-Guillaume  de  Vintimille;  il 
était  né  le  i5novembre  1655  ;  il  mourutleSl  mars  1746,  à  quatre-vingt-dix  ans. 

(6)  Armand-Jean  de  Nicolaii,  premier  président  de  la  chambre  des  compte», 


47^  MÈMOIR($  DU  QW  DB  UJYNES. 

|l.  du  liTiç  lui  a  dit  :  «  Je  viens  dç  vcdr  mon  ji^t-fils^  Ib- 
daiQp;  j'ai  dit  à  8a  goi|vermmte  4^  recevoir  ?08  ordres  et 
de  vous  ot](éir  entoQt.  ^  M*^del|aiUy  parolt  fort  contente 
de  s'en  ch^rg^r;  le  petit  g^çon  ii'appeUe  M.  de  Savigny. 

l^  corps  de  M™^  de  Vintimil)^  est  re^té  jusqu'à  huit 
heur^  dans  Tappartement  de  11,  le  cardinal  d$»  Rotiad 
où  elle  est  morte.  On  ne  laissft  jamais  up  cprps  i^ort  à^fis 
]e  cbàteau^  celui  même  de  !(•  le  4^Ç  d'Orléa^f  futem* 
I  port^  $fir-le-champ  (i).  Oq  a  employé  ce  t^mps  à 
peindre  M""*"  de  Vintimi^e  ;  h  )iuit  heures  on  l'^  emportée 
à  rhôtel  dp  Villeroy. 

Du  dimanche  tO,  Versailles.  —  M"'  f|Q  Yjptiflii^e  a 
^té  ouverte  (2)  ce  matiq  à  Vh^M  ^e  Vi^lerpy^  por^e  4  U 
paroisse  Nptre-Dï^ine  Tap^^ç-dUiée^  pt  de  1^  a^ix  I^éçol]|ets 
oà  e^e  ^t  eqterrée  dans  la  chapelle  Saisir (iOiiis.  \l  y  avoit 
soixante-dix  prêtres  et  beaucoup  de  pauvres,  et  il  n'y 
avoit  de  parents  que  H.  deNicolaX. 

Du  l^a(iiii.  —  Ia  l^eine  est  aUéç  aujourd'hui  diper  4 
Trianon  et  y  passer  la  journée  (â) . 

Il  parolt  une  relation  imprimée  de  la  fête  que  N.  de 
Belle-Isle  a  donnée  à  f*^s^pcfort^  pends^nt  trois  jouri^  à 


^tait|e  ^eodrç  de  Gaspard- Magdelon-Hubert,  inarq\iis  du  Luc,  c|ont  il  §Tait 
épousé,  en  1733,  la  fille,  qui  s'appelait  Madeleine-ÇharfoUe-GuilleMniaÇT 
Léonine  de  Vintimille,  sçeur  du  com|e  de  Vintimille. 

(1)  Au  moins  le  lendemain  matin.  (  Note  du  duc  de  Luynes,). 

(2)  Son  corps  étoit  d'une  puanteur  excessive  ;  on  Ta  recousue  après  l'avoir 
ouverte;  il  n'esf  resté  ni  femme  ni  prêtre  auprès  du  corps,  çt  il  %  même  ét^ 
absolument  nu  pendant  q^elquetempS|tout  le  monde  entrant  dans  lachai](il;i|re. 

On  l^i  a  trouvé  une  petite  boule  de  sang  qui  commençoit  mêi^e  à  toucher 
au  cerveau;  M^e  d'Antin  m*a  dit  qu'elle  l'avoit  entendue  $e  p]|aindre  depuis  sa 
grossesse  qu'elle  sentoif  cette  boule  étant  en  carrosse.  £Ue  ma  ajouté  quç 
Mme  de  Vintimille^  avant  d'être  mariée  même,  sentoit  cette  boule.  —  Ç'étott 
une  veine  dilatée  qui  avoit  t'ait  un  petit  enfoncement  dans  le  cerveau;  ce  qui 
lui  paroissoit  être  une  petite  boule.  (  Note  du  duc  de  Luynes,) 

(3)  Il  n'y  avoit  que  les  gardes  du  corps.  Il  y  a  eu  musique  compose  seu- 
lement d'un  détachement  des  musiciens.  Après  la  musique ,  il  y  a  e^  jeu  servi 
par  les  garçons  du  château  qui  receyoient  les  ordres  de  M^Ç  de  Luynes.  Per- 
sonne derrière  \^  fauteuil  de  la  Reinç  que  M.  de  Mangifi  quand  il  voiiioit. 
(Note  du  duc  de  Luynes.  ) 


$EfqpË|i9|i£  4741.  479 

^'oçc^siQft  4fi  1a  Swpt-LQwi?î  eUe  a  été  e^éeutée  »vec 
tflpt  Foi^  Qt  \sl  fl^gpificenç^  ppçsible;;  qn  pUt  qu'elle  w 
revient  ciu^âf  2P,QP0  écu&i  ep  tout. 

t^  rpi  4'f^P^A^  ^  ^  t  ipiprimeir  un§  V^latiop  46  la  lev^ 
du  siège  çle  Cartb^gèue.  ;  çfitte  relatioq  oq^tieut  exacte, 
ment  1^  4é^U  ^e  Vétat  of^  é^oit  cfi^te  plac^ ,  et  fait  par 
conséquent  voir  un  peu  trop  clairement  la  fQi])les9e  des 
forti^c^tions, 

P^  pardi  12,  Yer^aill^.  —  Qo  a  ç.u  d^  pouyelles  de 
Saint-Léger  (1).  Lç  l^pi  y  e3t  ^vÛou^*s  dansun^  grande 
tqstess^  ;  il  pe  maqgçs^  ni  le  samedi  au  soir  ni  le  di- 
manche. Le  lu^di  W  le  pressa  d^aUpr  à  la  chasse  ;  il  y  fut^ 
mais  sans  dire  mot  à  personne;  il  ne  répondit  pa9 
méiV^e  qi^^^d  0^  lui  deo^anda  l'ordre  pour  \a,  première 
chasse.  H"""  dp  Hailiy  est  tpujours  dans  une  e^tr^mp  dou- 
leur et  dans  un  grand  alj^ttempnt;  elle  fut  à  lâchasse  du 
Roi,  lundi)  tonte  seule  daqs  une  calèche  (2). 

Du  samedi  1(6^  Versailles.  —  On  apprit  hier  la  mçvt  da 
M.  floiiin,  celui  qui  a  composé  TBistoirp  ancienne.  Il 
avoitplus  de  quatre-vingts  ans.  Il  avait  coiumeuçé  THisf- 
toire  ropiaine  ;  le  dernier  ouvrage  qu'il  a  fait  est  le 
siûème  volupae  ^e  ladite  histoire.  H.  l'a^iihé  Séviu  ^t 
mort  ces  jours-ci.  Ils  étoient  tpus  les  deux*4p  l'Académie. 

Le  Roi  revint  hier  de  Saint-Léger  après  y  avoir  chassé  ; 
il  avoit  l'air  fort  sérieux.  Il  demeura  quelque  tpmps  dansi 
le  cabinet  aux  perruques  sans  parler  à  personne,  ditseur 
lement  un  mot  à  H.  le  duc  de  Gharpst;  il  envoya  pres- 
que aussitôt  aprèç  avertir  M.  Ip  Cardinal  ^veç  lequel  i^ 
tr^vaiUajusqu'à  neuf  heures  et  demie.  La  llpine  veno^t  de 
se  u^ettre  à  tablp  e^vec  ses  dames  de  semaine,  suivait  l'u- 
sage de  cette  semaiue-ci.  Le  Roi  ne  fut  point  chez  elle  pf 
dpmepra  seul  chez  lui  ;  il  se  coucha  dp  bonne  heure.  Ce 


(1)  M.  le  maréchal  de  Noailles  y  fut  dimanche.  {Note  du  duc  de  Luynes,) 

(2)  ltt°>e  U  duchesse  4e  Gramoat  et  M.  de  lieuse  éloieat  avec  elle.  (  Àédi" 
tion  du  dvc  du  Luynes.  ) 


480  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

matin  le  Roi  a  entendu  la  messe  à  son  ordinaire;  il  y  a 
eu  conseil  d'État,  après  quoi  S.  M.  a  dîné  à  son  petit  cou- 
vert,  ayant  toujours  Tair  sérieux  et  parlant  fort  peu. 
M"*  de  Mailly  est  toujours  dans  une  extrême  douleur;  elle 
a  été  aujourd'hui  aux  Récollets  entendre  la  messe  sur 
le  tombeau  de  sa  sœur,  et  dit  qu'elle  veut  l'y  entendre 
tous  les  jours. 

M.  de  Saint-Aignan  a  fait  aujourd'hui  sa  révérence; 
il  y  a  huit  jours  qu'il  est  arrivé  d'Italie  ;  il  y  a  dix  ans 
qu'il  est  absent  ;  il  paroit  un  peu  changé. 

H.  de  Poniatowski  est  ici  ;  il  est  arrivé  depuis  peu 
chargé,  dit-on^  de  commissions  importantes  de  la  part  du 
roi  de  Pologne/électeur  de  Saxe. 

Du  lundi  18,  Versailles.  —  Le  Roi  est  parti  aujour- 
d'hui pour  Saint-Léger  avec  M""  de  Mailly  et  d'Antin  , 
M.  le  maréchal  de  Noailles,  HM.  de  Noailles,  d'Ayen,  de 
Meuse,  de  Richelieu  et  de  Soubise  ;  outre  cela,  M.  et  W^  de 
Grajnont  y  vont  ;  le  Roi  ne  reviendra  que  vendredi  au 
soir  après  souper.  Tous  ces  jours-ci  il  a  paru  extrêmement 
sérieux  et  même  dans  la  douleur.  Avant-hier,  à  son  pe- 
tit coucher,  il  eut  une  conversation  avec  M.  de  Gesvres, 
qui  fut  assez  longue ,  parce  qu'elle  fut  souvent  entre- 
coupée de  soupirs;  quoique  ce  fût  en  particulier,  il  y 
avoit  pourtant  quinze  ou  vingt  personnes.  Il  dit  à  M.  de 
Gesvres  qu'il  avoit  vu  à  Saint-Léger  les  papiers  de  M™*  de 
Vintimille  ;  qu'il  n'y  avoit  rien  que  de  très-bien  et  de 
très-convenable ,  qu'il  n'y  avoit  qu'une  chanson  et  que 
c'étoit  à  la  louange  de  son  abbesse  (  de  Port-Royal) ,  et 
qu'on  avoit  grand  tort  de  dire  qu'elle  étoit  méchante. 
Aujourd'hui  le  Roi  a  paru  comme  à  son  ordinaire;  il  y  a 
eu  conseil  de  finances  et  ensuite  diner  à  son  petit  cou- 
vert. Comme  il  étoit  au  fruit,  M.  du  Luc  est  arrivé;  il  sor- 
toit  de  chez  M"*  de  Mailly,  qui  paroit  extrêmement  con- 
tente de  lui,  et  qui  se  loue  des  bons  procédés  qu'il  avoit 
à  son  égard.  M.  du  Luc ,  qui  naturellement  a  la  physio- 
nomie riante  et  qui  a  trouvé  au  diner  du  Roi  plusieurs 


J 


SEPTEMBRE  1741.  481 

personnes  de  sa  connoisance,  leur  a  fait  la  révérence  avec 
un  air  de  gaieté  qui  a  surpris  Ja  compagnie.  Le  Roi  a 
rougi  beaucoup,  et  est  sorti  de  table  fort  brusquement. 

Depuis  le  retour  de  Saint-Léger,  M™®  de  Mailly  a  dîné 
tous  les  jours  chez  elle,  hors  aujourd'hui;  c'est  M.  le  duc 
de  Gramont  qui  lui  envoie  à  dîner.  Après  le  dîner,  elle  a 
été  dans  l'appartement  de  M*"®  la  comtesse  de  Toulouse, 
où  le  Roi  descendoitet  restoit  jusqu'à' six  ou  sept  heures. 
Le  premier  jour,  qui  étoit  samedi ,  il  y  fu.t  depuis  trois 
heures  jusqu'à  sept  avec  M"*  de  Mailly,  M.  le  maréchal  de 
Noailles,  M.  d'Ayen,  M.  de  Meuse  et  M.  de  Soubise.  La 
conversation  étoit  fort  sérieuse,  et  l'on  y  parla  peu.  Pres- 
que tous  les  soirs ,  le  Roi  a  été  tête  à  tête  avec  M™^  de 
Mailly.  Hier  il  soupa  avec  elle  dans  l'appartement  de 
M"*  la  comtesse  de  Toulouse  :  ce  fut  M.  le  duc  de  Vil- 
leroy  qui  fit  apporter  son  souper. 

Il  parolt  qu'il  y  a  ici  deux  partis  différents.  MM.  de 
Noailles  en  forment  un  considérable  qui  tient  auprès  du 
Roi  par  le  père ,  les  deux  enfants  et  W  la  comtesse  de 
Toulouse,  et  même  auprès  de  la  Reine  par  M"®*  de  Villars 
et  d'Armagnac..  L'autre  parti  est  celui  de  Bachelier  et  de 
toute  la  chambre  du  Roi.  Le  duc  de  Villeroy  seroit  pour 
ce  parti  plus  que  pour  aucun  autre,  étant  fort  lié  avec 
Bachelier.  On  prétend  que  MM.  de  Noailles  ont  dessein 
d'engager  M.  de  Richelieu  à  épouser  M"®  de  Noailles  (1). 

Je  mets  ici  des  vers  à  la  louange  de  MM.  les  maréchaux 
de  Noailles  et  de  Cojgny. 

Consolez-vous,  Coigny,  Noailles,  et  caetera, 
De  ne  point  voir  inscrits  vos  noms  dans  cette  guerre  ; 
Louis  ne  lait  encor  qu'amorcer  son  tonnerre  ; 
Laissez-le  s'allumer,  et  votre  tour  viendra. 


àSa^M^^V 


(i)  Le  parti  des  Noailles  était  opposé  au  cardinal  de  Fieary,  et  cherchait  à 

le  supplanter  ;  il  avait  l'appui  de  la  maîtresse  du  Roi,  M>ne  de  Mailly,  et  de  la 

comtesse  de  Toulouse,  qui  avait  remplacé  Mademoiselle  dans  ses  tristçs  fonc^ 

tiens  de  complaisante.  (Voy.  ciMr^enson»  édit<  Jannet,  t.  lU,  p*  229  et  230.  ) 

T.  tu.  31 


484  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

On  apprit  avant-hier  la  mort  de  M.  de  Belsunce;  c'é- 
toit  le  fils  aîné  de  M.  de  Castel-Moron  ;  il  est  mort  à  Liège, 
de  la  petite  vérole.  Il  étoit  de  l'armée  de  M.  de  Maille- 
bois  ;  il  avoit  une  compagnie  de  gendarmerie,  et  outre 
cela  la  charge  de  grand-louvetier;  il  avoit  eu  cette 
charge  par  son  mariage  avec  la  fille  de  M.  d'Heudicourt. 
On  croit  que  cette  charge  ne  sera  point  donnée,  parce  que 
M.  d'Heudicourt  s'est  réservé  les  appointements  en  la 
cédant  à  son  gendre.  M.  de  Belsunce  a  un  frère;  il  laisse 
un  fils  dont  M"'  de  Belzunce  vient  d'accoucher,  il  y  a  un 
mois  ou  deux. 

Pendant  tout  le  temps  que  le  Roi  est  resté  ici,  il  a  passé 
toutes  les  après-dlnées  dans  Tappartement  de  M"*  la  com- 
tesse de  Toulouse  avec  M"®  de  Mailly  et  deux  ou  trois 
personnes.  A  ce  voyage  de  Saint-Léger,  il  y  a  à  peu  près  les 
mêmes  gens  que  l'autre  voyage  ;  il  n'y  en  a  de  changé 
qu'un  ou  deux;  M.  de  Rochechouart  n'y  a  point  été; 
il  n'y  a  point  de  premier  gentilhomme  de  la  chambre. 
J'ai  marqué  ci-dessus  qu'au  premier  voyage,  M.  de  Ro- 
chechouart avoit  écrit  à  M.  deNyert.  Une  circonstance  de 
la  réponse  qui  fut  faite,  et  qui  mérite  d'être  observée,  c'est 
que  le  Roi  dit  d'abord  à  M.  de  Nyert  :  «  Mandez-lui  qu'il 
est  le  maître  !  »  De  Nyert  alla  écrire  en  conséquence  ;  le 
Roi  le  rappela ,  et  lui  dit  :  «  Mandez-lui  que  je  suis  bien 
fâché  de  n'être  pas  en  état  de  le  voir,  et  que  je  lui  en  de- 
mande pardon.  »  Ce  sont  les  propres  termes  qui  furent 
mis  dans  la  lettre. 

Il  parolt  qu'il  y  a  dans  l'esprit  du  Roi  un  grand  com- 
bat; sa  santé  donne  quelque  inquiétude  ;  il  doit  se  purger 
demain  à  Saint-Léger. 

M.  le  Dauphin  monta  hier  à  cheval  au  manège ,  pour 
la  première  fois  ;  c'est  sous  M.  de  Salvère ,  premier  des 
écuyers  de  la  grande  écurie. 

On  a  eu  des  nouvelles  de  Suède,  mais  on  ne  les  a  eues 
encore  que  par  la  Russie;  elles  portoient  qu'il  y  a  eu  un 
combat,  que  les  Suédois  ont  été    défaits,  qu'ils  ont 


SEPTEMBRE    1741.  483 

core  fort  sérieux;  il  retourne  lundi  à  Saint-Léger^  pour 
jusqu'à  vendredi. 

Hier,  l'on  fit  à  Notre-Dame  le  service  pour  la  reine  de 
Sardaigne  ;  le  catafalque  est  fait  par  les  ordres  du  pre- 
mier gentilhomme  de  la  chambre  en  année  >  et  sous  lui 
par  l'intendant  des  Menus.  11  y  a  eu  une  oraison  funèbre; 
le  Clergé  a  été  invité ,  et  y  a  assisté  ;  le  Parlement ,  la 
chambre  des  comptes,  etc.  Il  y  avoit  trois  princesses; 
chacune  avoit  deux  hommes  de  condition  pour  porter  la 
queue  de  sa  mante.  Pour  M°*  la  princesse  de  Conty,  c'étoit 
M.  de  Fontanges  et  son  beau-frère  M.  de  Fontaine  ;  — 
M***  delà  Roche-sur-Yon,  M.  de  Sabran  et  M.  de  Chatte;  — 
M"'  de  Sens,  M.  de  Saulx,  frère  de  M.  l'archevêque  de 
Rouen,  et  M.  de  Fimarcon.  Les  trois  princes  du  sang  qui 
leur  donnoient  la  main  étoient  M.  le  duc  de  Chartres^ 
M.  le  comte  de  Clermont,  M.  le  prince  de  Conty.  M.  le 
prince  de  Conty  avoit  déclaré  que  s'il  avoit  manqué  un 
troisième  prince  du  sang  il  auroit  plutôt  fait  marcher 
M.  le  comte  de  la  Marche  ,  son  fils ,  quoiqu'il  n'ait  que 
six  ou  sept  ans,  ne  voulant  point  que  les  légitimés  pussent 
être  admis  avec  eux. 

J'ai  oublié  de  marquer  que  dès  avant  le  dernier  voyage 
de  Saint-Léger  le  Roi  avoit  donné  au  fils  de  M"®  de  Vinti- 
mille  Tappartement  que  M"*  de  Conflans  a  rendu  il  y  a 
a  longtemps  ;  c'étoit  l'ancien  appartement  de  M.  le  maré- 
chal d'Estrées  ;  il  joint  celui  de  M"*  la  Maréchale ,  et  par 
conséquent  est  fort  près  de  celui  de  M"*®  de  Mailly. 

On  apprit  hier  que  l'électeur  de  Bavière  étoit  entré  en 
Autriche  et  avoit  pris  le  titre  d'archiduc  d'Autriche. 

Du  mardi  26^  Versailles.  —  Avant-hier  M.  le  comte  de 
Saint-Séverin  fit  sa  révérence  :  il  arrive  de  Suède ,  il  n'a 
demandé  son  rappel  que  par  rapport  à  sa  mauvaise 
santé  :  il  eiât  extrêmement  maigri  et  changé. 

M™*',  de  Maillebois  présenta  aussi  avant-hier  sa  fille, 
m  me  ^Q  Sourches;  elle  est  assez  grande,  bien  faite,  a  un 
vis€tg'e  agréable  et  un  fort  bon  maintien. 

SI. 


484  MÉMOIRES  DU  DUC  DE  LUYNES. 

On  apprit  avant-hier  la  mort  de  M.  de  Belsunce;  c'é- 
toit  le  fils  aîné  de  M.  de  Castel-Moron  ;  il  est  mort  à  Liège, 
de  la  petite  vérole.  Il  étoit  de  l'armée  de  M.  de  Maille- 
bois  ;  il  avoit  une  compagnie  de  gendarmerie,  et  outre 
cela  la  charge  de  grand-louvetier;  il  avoit  eu  cette 
charge  par  son  mariage  avec  la  fille  de  M.  d'Heudicourt. 
On  croit  que  cette  charge  ne  sera  point  donnée^  parce  que 
M.  d'Heudicourt  s'est  réservé  les  appointements  en  la 
cédant  à  son  gendi'e.  M.  de  Belsunce  a  un  frère;  il  laisse 
un  fils  dont  M"'  de  Belzunce  vient  d'accoucher,  il  y  a  un 
mois  ou  deux. 

Pendant  tout  le  temps  que  le  Roi  est  resté  ici,  il  a  passé 
toutes  les  après-dlnées  dans  Tappartement  de  M"®  la  com- 
tesse de  Toulouse  avec  M"®  de  Mailly  et  deux  ou  trois 
personnes.  A  ce  voyage  de  Saint-Léger,  il  y  a  à  peu  près  les 
mêmes  gens  que  l'autre  voyage  ;  il  n'y  en  a  de  changé 
qu'un  ou  deux;  M.  de  Rochechouart  n'y  a  point  été; 
il  n'y  a  point  de  premier  gentilhomme  de  la  chambre. 
J'ai  marqué  ci-dessus  qu'au  premier  voyage,  M.  de  Ro- 
chechouart avoit  écrit  à  M.  de  Nyert.  Une  circonstance  de 
la  réponse  qui  fut  faite,  et  qui  mérite  d'être  observée,  c'est 
que  le  Roi  dit  d'abord  à  M.  de  Nyert  :  «  Mandez-lui  qu'il 
est  le  maître  !  »  De  Nyert  alla  écrire  en  conséquence;  le 
Roi  le  rappela,  et  lui  dit  :  «Mandez-lui  que  je  suis  bien 
fâché  de  n'être  pas  en  état  de  le  voir,  et  que  je  lui  en  de- 
mande pardon .  »  Ce  sont  les  propres  termes  qui  furent 
mis  dans  la  lettre. 

Il  papolt  qu'il  y  a  dans  l'esprit  du  Roi  un  grand  com- 
bat; sa  santé  donne  quelque  inquiétude  ;  il  doit  se  purger 
demain  à  Saint-Léger. 

M.  le  Dauphin  monta  hier  à  cheval  au  manège ,  pour 
la  première  fois;  c'est  sous  M.  de  Salvère,  premier  des 
écuyers  de  la  grande  écurie. 

On  a  eu  des  nouvelles  de  Suède,  mais  on  ne  les  a  eues 
encore  que  par  la  Russie;  elles  portoient  qu'il  y  a  eu  un 
combat,  que  les  Suédois  ont  été    défaits,  qu'ils  ont 


SEPTEMBRE  1741.  485 

perdu  deux  mille  hommes,  sans  compter  les  prisonniers. 
M.  de  Saint-Séverin  assure  que  ce  détail  est  exagéré,  que 
le  combat  n'est  autre  chose  [que  la  prise  d'un]  poste,  qui 
est  à  trente  lieues  de  Stockholm  ,  c'est-à-dire  environ 
soixante  lieues  de  France,  et  qui  étoit  occupé  par  un  colo- 
nel avec  un  seul  régiment.  Les  régiments  ne  sont  que  de 
quinze  à  seize  cents  hommes.  Le  poste  a  été  emporté^  et 
les  Russiens  ont  pris  l'artillerie  qui  y  étoit. 

Du  vendredi  29,  Versailles.  —  Mardi  dernier,  M.  le 
comte  d'Évreux  tomba  en  apoplexie  à  Saint-Ouen  ;  il  est 
mieux,  cependant  avec  la  bouche  tournée  et  la  paralysie 
sur  la  langue. 

H.  de  Bretonvilliers  le  fils  est  mort  à  l'armée  de  M.  de 
Haillebois.  M.  de  Bretonvilliers  venoit  déjà  de  perdre  de- 
puis peu  de  temps  sa  femme  et  sa  fille. 

M.  de  Pons  mourut  hier;  c'est  celui  qu'on  appeloit 
Pons-duchesse,  sa  femme  ayant  été  dame  d'honneur  de 
feu  M"*' la  Duchesse  (Conty).  M.  de  Pons  laisse  un  fils, 
qui  est  marié  depuis  plusieurs  années  avec  M"*^  de  Brosse. 
M"*  de  Pons ,  femme  de  celui  qui  vient  de  mourir,  est 
fille  de  feu  M.  le  comte  de  Verdun.  Elle  avoit  épousé  en 
premières  noces  M.  de  la  Baume,  fils  aîné  de  M.  le  maré- 
chal de  Tallard  ,  qui  étoit  éon  cousin  et  de  même  nom  ; 
elle  s'étoit  mariée  en  secondes  noces,  malgré  M.  de  Ver- 
dun, son  père,  qui  la  déshérita  et  donna  son  bien  à  M.  le 
duc  de  Tallard  d'aujourd'hui,  qui  n'en  voulut,  point 
profiter,  et  le  rendit  à  M"''  de  Pons. 

M.  de  Plainmon  (1)  mourut  hier  ;  c'étoit  le  troisième  fils 
de  M.  le  chancelier;  il  étoit  avocat  général;  il  est  mort 
de  la  poitrine. 

■  ■     ■      ■  ■  ■  I  ■  I  . 

(i)  Henri-Charles  Daguesseau ,  seigneur  de  Plainmon. 


APPENDICE 


A  LA  NOTE  DE  LA    PAGE  445. 


••••• 


Nous  croyons  devoir  compléter  la  note  que  nous  avons  mise, 
p.  445,  à  l'analyse  de  Tordonnance  du  Roi  que  donne  le  duc  de 
Luynes  dans  ses  Mémoires,  en  ajoutant  ici  le  texte  de  diverses 
ordonnances  destinées  à  réprimer  le  luxe  des  armées  et  une  lettre 
du  maréchal  de  Belle-Isle,  ministre  de  la  guerre,  adressée  au  duc 
de  Chevreuse  à  ce  sujet. 

1.  EXTBAIT  DE  L'0BD0NNAr9CE  DU  ROI,  du  8  avril  1735. 

Art.  IX. 

Nul  colonel  d'infanterie,  mestre  de  camp  de  cavalerie  ou  de  dragons, 
ni  aueuns  capitaines^  officiers  subalternes  ou  volontaires^  ne  pourront 
avoir  dans  leurs  équipages  d'autre  vaisselle  d'argent,  que  des  ouiliers, 
des  fourchettes  et  des  gobelets. 

Abt.  X. 

Défend  Sa  Majesté  à  ceux  desdits  officiers  ou  volontaires  qui  tien- 
dront table  à  Tarmée,  même  aux  lieutenants  généraux,  maréchaux  de 
camp^  brigadiers  et  autres  officiers  généraux  de  faire  servir  autres 
choses  que  des  potages  et  du  rôt^  des  entrées  et  entremets  de  grosses 
viandes;  défendant  Sa  Majesté  toutes  assiettes  volantes  et  hor^ 
d'œuvre. 

Abt.  xi. 

A  l'égard  du  frvU,  veut  Sa  Majesté  qu'il  soit  servi  dans  des  plats 
ordinaires,  et  non  dans  des  porcelaines^  cristaux  ou  autres  vases  de 
cette  nature,  dont  elle  défend  très-expressément  à  tous  sesdits  offi- 
ciers de  continuer  à  se  servir  pour  cet  usage  (1). 


(1)  Tome  I*"  des  Détails  nUUtaires;  par  M.  de  C^ennevfères,  p.  135, 136. 
1«  édit.  ;  1742. 


488  APPENDICE 

3.  ExTiÀiT  PB  i.*oiu>oififAiiCB  du  20  juillet  1741  (1). 

Tables, 

Ait.  IX. 

Défend  Sa  Majesté  à  eeax  deadits  officiers  ou  volontaires  qui  tien- 
dront table  à  Tarmée ,  même  aux  lieutenants  généraux ,  maréchaux 
de  camp,  brigadiers,  et  autres  ofOders  généraux,  de  faire  servir  autre 
chose  que  des  potages  et  du  r6t,  des  entrées  et  entremets  de  grosses 
viandes. 

Abt.  X. 

ATégard  du  fruit,  veut  S.  M.  qu'il  soit  servi  dans  des  plats  ordinaires, 
et  non  dans  des  porcelaines,  cristaux,  ou  autres  vases  de  cette  nature, 
dont  elle  défend  très-expressément  à  tous  lesdits  ofiiciers  de  se  servir 
pour  cet  usage. 

Abt.  XI. 

Enjoint  S.  M.  aux  généraux  de  ses  armées  de  se  conformer  à  ce 
que  dessus  ;  de  faire  entendre  à  tous  ceux  qui  sont  sous  leurs  ordres 
que  l'esprit  militaire  s'accorde  mal  avec  la  mollesse  et  le  luxe ,  et  que 
S.  M.  sera  attentive  à  donner  des  marques  de  sa  satisfaction  à  ceux 
qui  se  contiendront  dans  les  bornes  qu'elle  leur  prescrit;  et  de  l'in- 
former au  surplus,  sans  aucun  ménagement ,  de  ceux  qui  y  contre^ 
viendront  (2). 

3.  ExTBAiT  DE  l'obdonnange  DU  Roi  pour  régler  les  équipages 
et  les  tables  dans  les  armées,  du  3  juin  1758. 

L'article  4  porte  que  le  nombre  des  chevaux  sera  fixé  à  seize  pour  un 
•  brigadier  d'infanterie,  de  cavalerie  ou  de  dragons  employé,  outre  Ce 
qu'il  pourra  avoir  en  sa  qualité  de  colonel,  de  mestre  de  camp,  de  lieu« 
tenant-colonel  ou  de  capitaine. 

Par  l'article  6,  Sa  Majesté  permet  qu'il  y  ait  à  la  suite  de  chaque 
bataillon  et  de  chaque  régiment  de  cavalerie  et  de  dragons  un  vivan- 
dier avec  un  chariot ,  et  à  la  suite  de  chaque  régiment  soit  d'infan- 
terie, de  cavalerie  ou  de  dragons^  un  boulanger  aussi  avec  un  chariot. 

Par  l'article  7,  les  autres  vivandiers  ne  peuvent  avoir  que  des  che- 


(1)  Détails  militaires,  édition  de  1750,  t.  I,  p.  314. 

(2)  L'ordonnance  du  15  avril  1707  presciivait  à  tous  les  officiers  de  ne  pou- 
voir faire  servir  pour  le  dessert  que  des  compotes,  du  fromage,  du  lait,  ou  des 
fruits  crus  ou  cuits,  sans  sucreries,  biscuits,  ni  massepains. 


A  L'ANNÉE  174t.  489 

vaux  de  bât,  et  ceux  qui  ne  seront  point  à  la  suite  des  corps  seront 
obligés  d'aller  camper  au  quartier  général,  dans  les  endroits  qui  leur 
seront  marqués  par  le  prévôt  de  Tarmée. 

L'article  8  défend  aux  commandants  ou  autres  officiers  des  régi- 
ments qui  n*auroient  ni  vivandiers  ni  boulangers  à  leur  suite  avec  des 
chariots  de  substituer  d*autres  chariots  à  la  place  de  ceux  desdits  vi- 
vandiers ou  boulangers,  Sa  Majesté  n'en  permettant  que  pour  le  besoin 
et  la  subsistance  des  régiments. 

L'article  9  prescrit  qu'on  ne  se  servira  dans  les  armées  que  de  cha- 
riots à  quatre  roues  avec  un  timon ,  lesquels  seront  tirés  au  moins  par 
quatre  bons  chevaux  attelés  deux  à  deux. 

L'article  10  permet  aux  chirurgiens  majors  des  régiments  d'avoir 
une  chaise  pour  porter  leurs  médicaments. 

L'article  12  défend  à  toutes  personnes  sans  distinction  de  prendre 
ou  de  se  pourvoir  par  quelque  voie  que  ce  soit  aucune  voiture,  chariot 
ou  cheval  du  pays  que  sur  un  ordre  par  écrit  signé  du  général  et  visé 
de  l'intendant,  lequel  ordre  ne  sera  donné  que  sous  la  condition  expresse 
de  payer  25  sols  par  jour  pour  chaque  cheval  de  trait  et  20  sols  pour 
chaque  cheval  de  selle. 

L'article  15  borne  les  tables  des  lieutenants  généraux  à  dix-huit  cou- 
verts, celles  des  maréchaux  de  camp  à  quatorze^  celles  des  brigadiers 
à  douze  et  celles  des  colonels  ou  mestres  de  camp  des  régiments  à  dix. 

L'article  17  fixe  la  table  d'un  maréchal  de  camp  à  treize  plats  et 
celles  des  brigadiers  et  colonels  à  dix,  en  diminuant  à  proportion  chaque 
service. 

L'article  18  n'admet  d'autre  vaisselle  d'argent  sur  les  tables,  que 
les  couverts,  les  cuillers  à  potage  et  à  ragoût  et  les  gobelets;  les  plats 
et  les  assiettes  doivent  être  d'étain,  de  fer-blanc  ou  d'autre  métal  de 
moindre  prix.  Cet  article  supprime  les  cristaux ,  les  porcelaines  et 
même  la  faïence  ou  autre  terre  cuite  (1). 

4.  Lbttbb  du  haréchàl  de  Belle-Isle  au  duc  de  Cheybeuse. 

Versailles ,  le  26  mai  1759. 

On  ne  peut  être  plus  touché  que  je  le  suis,  monsieur  le  duc,  de  votre 
exactitude  à  me  donner  de  vos  nouvelles.  L'attention  avec  laquelle 
vous  voulez  bien  me  parler  de  votre  exactitude  sur  le  nombre  de  plats 
et  de  couverts  me  fait  voir  tout  le  mérite  que  vous  y  avez,  par  la  peine 
que  vous  en  ressentez  ;  je  suis  charmé  que  votre  estomac  s'en  trouve 
mieux.  Je  vous  exhorte  à  continuer  de  même,  car  outre  le  vif  intérêt 


(1)  Archives  du  château  de  Dampierre  (  Papiers  militaires  du  duc  de 
Chevreuse  )• 


490  APPENDICE 

que  je  prends  à  voire  saatë,  rien  n'est  «utile  que  le  bon  eiempleque 
donnent  des  personnes  de  votre  rang;  et  il  &ut  absolument  que  nous 
venions  à  bout  de  bannir  le  luxe  de  nos  armées;  d'autant  que  je  pré- 
vois avec  bien  de  la  peine  que  les  payements,  même  des  appointe- 
ments des  officiers  gàiéraux,  vont  devenir  fort  difficiles  et  ne  se  feront 
peut-être  point  du  tout  Je  ferai  certainement  tout  ce  qui  peut  dépendre 
de  moi  pour  n'être  pas  réduit  à  cette  extrémité.  Je  vous  assure,  mon^ 
sieur  le  duc,  que  le  métier  que  je  fais  est  bien  pénible. 

Il  parott  que  M.  le  prince  Ferdinand  voudroit  reporter  la  guwre  sur 
la  Westphalie;  nous  serons  édaircis  avant  qu*il  soit  peu.  Je  vois  ce- 
pendant avec  grande  satisfaction  que  les  troupes  sont  en  bon  état. 
Rappeles-vous  celui  où  elles  étoient  il  y  a  un  an,  et  tout  ce  qu'il  a 
fallu  faire  pour  arriver  au  point  où  nous  sommes.  Je  sais  bien  que 
les  chevaux  de  cavalerie  ne  sont  pas  en  aussi  bon  état  qu'ils  devroient 
l'être,  ayant  été  en  repos  tout  l'hiver.  Il  a  fallu  prendre  le  fourrage  où 
on  Ta  trouvé,  le  faire  voiturer  pendant  l'hiver  et  pair  toutes  sortes  de 
temps.  Je  me  trouve  encore  bien  heureux  d'y  être  parvenu  ;  je  n'osois 
en  vérité  pas  l'espérer  au  mois  de  septembre. 

Vous  connoissez,  monsieur  le  duc,  le  tendre  et  inviolable  attache- 
ment avec  lequel  j'ai  l'honneur  d'être  votre  très-humble  et  très-obéis- 
sant serviteur, 

tB  MARECHAL  DUC  DS  BstLK-ISLE  (1). 


(1)  Archives  du  château  de  Dampxene, 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 
DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES 

MENTIONNÉS  DANS  CE  VOLUME. 


A. 

Aboville  (Antoine-Julien ,  clievalier  d'),  brigadier,  167. 

Adélaïde  (Madame).  Voy,  France  (Marie* Adélaïde  de). 

Adresses  au  roi  d'Angleterre  (Forme  des),  88. 

Agde  (Évêque  d')  Voy.  Charleval  et  Châtre. 

Agénois  (Emmanuel- Armand  du  Plessis ,  comte  d'),  105, 106. 

AcoN  (Abbé  d')y  chanoine  de  Notre-Dame,  151. 

Agi)E8sead(D').  Toy.  Dagcesseac. 

Aiguillon  (Armand-Louis  du  Plessis  Richelieu ,  ducd*),  105,  106. 

Albani  (Cardinal),  246,  247,  263,  264,  330,  331. 

Albert  (Louis-Nicolas  d'Albert  de  Luynes,  chevalier  d') ,  mort  en  1701,  148. 

Aldovrandi  (Cardinal),  244,  246,  247,  263,  264,  330,  331. 

Alègre  (Louis-Léonard ,  abbé  d'),  aumônier  de  la  reine,  274. 

Alexandre  ,  premier  commis  du  bureau  de  la  guerre,  142. 

Aligre  (Étienne-Claude  d'),  président  à  mortier,  419. 

Aligre  de  Boislandry  (Étienne-Jean-François-Maried^), conseiller  au  Parle- 

lement,  238,  239. 
Alincourt  (Marie-Joséphine  de  Bouftlers,  duchesse  d'),  dame  du  palais  de 

la  reine,  69,  280. 
Allemans  (Cheyalier  d'),  lieutenant-colonel  du  régiment  du  Roi ,  358,  359. 
Almanach  militaire,  392. 

Amelot  (Jean-Jacques),  seigneur  deChaillou,  ministre  et  secrétaire  d'État  au 
•  département  des  affaires  étrangères,  21,    116,  156,  199,  229,  234,  258, 

304,  366,  371,  431,  435,  439,  442,  444. 
Amelot  (Anne  de  Vougny,  M"*),  femme  du  précédent,  115,  116,  175,  2i27, 

229,  430,  444. 
Angekis  (François-Joseph  de  Béthune,  duc  d'),  capitaine  des  gardes  du  corps, 

61,  62,  64,  86. 
Ancenis  (Marthe-Elisabeth  de  Roye de  la  Rochefoucauld,  duchesse  d'),'dame 

du  palais  de  la  reine,  169,  274,  280,  359,  361. 
Ancezuke  (  Joseph- And  ré  d'Ancezune  d'Ornaison  de  Caderousse,  marquis  d'), 

maréchal  de  camp,  158. 
Andelot.  Voy,  Andlau. 
Andlaij  (Léonor,  comte  d'),  mestre  de  camp  de  cavalerie,  86. 


493  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

Ahdlad  (W^  d'),  149. 

Ancennbs  (M""  d'),  179. 

Angertiluers  (Prosper-Nicolas  Bauyn  d*),  ministre  secrélaire  d^État,  141, 
143,  154. 

ANGKBVILUCR8  (Marie- Anne  de  Maupeou ,  M">«  d'} ,  femme  du  précédent , 
142,  143,  341. 

Angleterre  (Forme  des  jugements  en),  190. 

Angleterre  (Le  roi  d*).  Voy.  Geobgbs  II. 

Anjoht  (Claude  d^Anjony  de  Foix,  marquis  d*),  maréclial  de  camp,  158. 

Anlezt  (Louis-François  de  Damas,  marquis  d*),  gouYemeur  du  prince  do 
Condé,  no,  121;  brigadier,  159. 

Anne  IwAHowNA,  narine  de  Russie,  270,  271. 

Anti-Machiavel  (L'),  266. 

AïiTiN  (Louis  de  Pardaillan  de  Gondrin ,  d^abord  duc  d*Épemon,  puis  d*),  73. 

Antin  (Françoise-Gillone  de  Montmorency-Luxembourg,  duchesse  d'Épcmon, 
puisd'),  dame  du  palais  de  la  reine,  femme  du  précédent,  13,  37,  40,  68, 
71,  74,  98,  103,  104,  109-111,  129,  139,  144,  146,  175,  186,  191,  202, 
308,  211,  212,  215,  264,  266,  268,  273,  280,  281,  290,  293,  29C,  298, 
308,  318,  319,  324,  335,  348,  359,  368,  424,  434,  437,  439,  441,  446, 452, 
480. 

Antin  (Antoine-François  de  Pardaillan  de  Gondrin,  marquis  d'),  vice-amiral 
du  Ponant,  4,  108,  149,  375-378,  382-384. 

Antin  (Françoise-Renée  de  Carbonnel  de  Canisy,  marquise  d*),  femme  du 
précédent,  109, 

Apghier  (Claude-Annet,  chevalier,  puis  comte  d'),  maréchal  de  camp,  64,65. 

Archevêque  (M.  V).  Voy.  Vintihille. 

Ardore  (Prince  d').  ambassadeur  de  Naples,  398,  430,  443. 
/  Ardore  (Princesse  d') ,  442*444. 

Argence  (Pierre-François  Achart  de  Joumare,  marquis  d') ,  mestre  de  camp, 
138,  146,  183. 

Argence  (M""'  d'),  mère  du  précédent,  182. 

Argenson  (Marc-Pierre  de  Yoyer  de  Paulmy ,  comte  d') ,  intendant  de  la  gé- 
néralité de  Paris ,  225,  226. 

Argentré  (Charles du  Plessisd'),  évoque  de  Tulle,  66. 

Arimont  de  Bonlieu  (Abbé  d*),  254. 

ARMÂGN4G  (  Charles  de  Lorraine ,  comte  d^),  dit  le  prince  Charles,  grand- 
écuyer  de  France,  31,  37,  136,  297,  407. 

Armagnac  (Françoise* Adélaïde  de  Noailles ,  comtesse  d') ,  femme  du  précé- 
dent, 407,  477,  481. 

Arhenonville  (Jean- Baptiste  Fleuriau,  marquis  d*),  brigadier,  159. 

Artagnan  (Pierre  de  Montesquiou,  chevalier  d'),  brigadier,  166. 

AsFELDT  (Claude-François  Bidal,  marquis  d'),  maréchal  de  France,  250. 

Assemblée  du  clergé,  196. 

Aster  (Antoine- Adrien* Charles  de  Gramont,  comte  d') ,  165. 

AuBETERRE  (Maric-Françoise-Bouchard  d^£sparbès  de  Lussau-Jonsac ,  vicom- 
tesse d*),  309. 

AuBiGNÉ  (Louis- François  d^Aubigné  de  Tigny,  comte  d*),  lieutenant  général, 
directeur  général  de  Tinfanterie,  335,  427,  440, 445. 


DKS  I90MS  £T  DES  MATIÈRES.  493 

Auguste  III,  roi  de  Pologne,  électeur  de  Saxe,  342. 

AuMONT  (Louis-Marie-Victor-Aagustin,  duc  d'),  premier  gentilhomme  de  la 
chambre  du  roi,  brigadier,  là9,  394. 

AuNEUiL  DE  Charleyal  (M.  d*),  colonel,  160. 

AuRiAC  (Castanier  d'),  secrétaire  des  commandements  de  la  reine,  424, 
425. 

Auvergne  (Cardinal  d').  Voy.  Tour  d'Auvergne  (Henri  Oswalddela). 

AVARAY  (Charles-Théophile  de  Béziade,  marquis  d*),  brigadier,  129>  160. 

Ayéjan  (Jacques  de  Bannes ,  marquis  d') ,  390. 

Ayéjan' (Marie- Angélique  du  Four  de  Nogent,  marquise  d'),  mère  du  pré- 
cédent. 

Avignon  (Guillaume  d'),  major  des  gardes  du  corps,  mort  en  1724,  181. 

Aydie  (L'abbé  d'),  aumônier  du  roi ,  24. 

Aydie  (Le  chevalier  d'),  brigadier,  167,  181. 

Ayen  (Louis  de  Noailles,  duc  d'),  31,  130,  132,  151, 153, 155,  156;  brigadier, 
160,  172,  175,  177,  278,  307,  360,  381,  405,  409,  449,  452,  468,  475,  476, 
480,  481. 

Ayen  (Catherine-Françoise*Charlotte  de  Cossé-Brissac ,  duchesse  d'),  Temme 
du  précédent  ,455. 

B. 

Bacbelier  (François-Gabriel),  premier  valet  de  chambre  du  roi,  56,  481. 

Balbi  (Baron),  227. 

Balincourt  (François  Testu ,  comte  de),  brigadier,  166. 

Bannière,  courrier  du  cabinet,  464. 

Barbarine  ,  danseuse  ,164. 

Barjac  ,  valet  de  chambre  du  cardinal  de  Fleury,  346,  476. 

Barrailh  (Jean  de) ,  chef  d'escadre ,  386, 421,  433, 

Bart  (M.  de),  chef  d'escadre,  386,  421. 

Bassin  de  Neptune  à  Versailles,  451. 

Bastie  (Jean-Joseph  de  Fougasse  d'Entrecbaulx  '  de  la) ,  évéque  de  Saint- 

Malo,  74. 
Baudouin  (Abbé),  74. 

Baudry  (Gabriel  Tachereau  de),  conseiller  d'État,  174. 
Bauffremont  (Louis-Bénigne ,  marquis  de),  lieutenant  général,  298,  299,  304. 
Bauffbehont  (Louis,  marquis  de),  brigadier,  fils  du  précédent,  160. 
Baussan  (François  de),  intendant  de  la  généralité  d'Orléans,  146. 
Bavière  (Charles-Albert,  électeur  de),  268,  269,  272,  277,  284,  303,  436 

436,  483.  ' 

Bavière  (Max  imilien-Ëmmanuel-François- Joseph,  comte  de),  lieutenant  gé- 
néral, 440. 
Basile  et  Quittent,  opéra-ballet,  162. 

BEAUffARNois  (Charles  de  Beauharnois  de  la  Boîsche,  marquis  de),  chef  d'es- 
cadre, ^%Q,  » 

Beauitoat  (Cliristophe  de),  évoque  de  Bayonne,  456. 
Beai/moat-Gibault  (Jean-Hippoly  te,  chevalier,  puis  comte  de),  brigadier,  168« 


494  TABLE  ÀLPHÀBÉTIOUK 

Beacpoil  de  Saint-Aulairb  (Pierre  de),  évèqae  de  Tarbes,  254. 

Beaupré  (M.  de),  intendant  de  Champagne ,  97. 

Bbadvais  (Le  chevalier  de),  brigadier,  167. 

Beadtad  Dto  RivAD  (René-François  de),  archevéqoe  de  Narbonne,  7. 

Bbautao  (Louis-Charles- Antoine,  marquis  de),  inspecteur  de  caTalerie,  161, 

230. 
Beautilliers  (Paul,  duc  de),  mort  en  1714,  288. 
Bbauviixibrs  (Paul-Ftançois ,  dnc  de),  106,  304. 
•  Beauyilliers  (Marie-Françoise-Suzanne  de  Greil,  duchesse  de),  femnie  du  pré- 
cédent, 304. 
Bellangbr,  notaire ,  330. 
Bellay  (Martin  du),  évéque  deFréjus,  99. 

Bbllefonds  (Charles- Bernardin-Godefroy  Gigault,  marquis  de),  brigadier,  419. 
Bellefonds  (Jacques  Bon  Gigault  de) ,  arclievèque  d*Arles ,  456. 
Belle-Isle  (Louis-CliarlesrAuguste  Fpuquet,  marquis  de),  lieutenant  général, 
156, 255;  ambassadeur  à  Fj*ancrort,  788,  291,  308,  318;  maréchal  de  France, 
327-329,  368,  427,  434,  435,  439,  442,  444,  451,  453,  463,  478. 
Bellb-Isle    (Marie-Casimire-Thérèse-GenevièTe-Emmanuelle    de    Béthune, 

marquise  de),  femme  du  précédent ,  436. 
Belle-Isle    (Louis-Charles  Armand    Fouquet,  cheyalier  de),  maréchal  de 

camp,  frère  du  précédent,  207,  436. 
Bei^zunce  (Antonin- Armand  de),  comte  de  Casteimoron,  grand-louvetier,  349, 

350,  484. 
Benne  (Comte),  ministre  d*Espagne  en  Russie,  454,  455. 
Benoit  XIY  (Prosper  Lambertioi) ,  pape ,  244,   246,   247,   263,  330,    333, 

373. 
Berchénv  (Ladislas,  comte  de),  maréchal  de  camp,  grand-officier  du  roi  de 

Pologne,  207. 
Berchiny.  Voy.  Bercbény. 

Bernachea  (M.  de),  ambassadeur  d'Espagne  à  Stockholm,  464. 
BÉRiNGHEN  (Henri-Camille,   marquis  de),   premier  écuyer  du  roi,  appelé 

M.  le  Premier,  31,  55,75-78,  106-108,  132,  169,252,273,  297,  441. 
Bernage  de  Chaumont  (Louis- Antoine  de  Bernage,  comte  de),  brigadier, 

169. 
Bernard  (Samuel- Jacques),  surintendant  des  finances  de  la  reine,  80. 
Berry  (Charles  de  France,  duc  de),  petit^fils  de  Louis  XIV,  288. 
Besançon  (Émeute  à),  260. 
Besenyal  (M*"'  de),  197. 

BÉTHUNE  (Paul-François,  duc  de),  lieutenant  général  des  armées  du  roi,  ca- 
pitaine des  gardes  du  corps,  61,  64,  86,  175,  205,  360,  379,  403,  409,  417, 
420. 
BÉTHUNE  (Julie- Christine-Régine-Georges  d*Antraigues ,  duchesse  de),  femme 

du  précédent,  dame  du  palais  de  la  reine ,  280. 
Beuyron  (Thérèse- Eulalie  de  Beaupoil  de  Saint-Aulaire,  comtesse  de),  69. 
Beyeren  (Comte  de),  117. 

Bezons  (Louis-Gabriel  Bazifi,  marquis  de),  maréchal  de  camp,  216,  226. 
Bibliothèque  du  roi,  168. 
BiGNON  (Jean-Paul),  abbé,  conseiller  d'État  ordinairci  215. 


Hf^ 


DES  NOMS  ET  »«»  MATIÈRES.  49fi 

BiLLARDERii:  (M.  de  la),  major  des  gardes  du  corps,  157,  187,  460. 

BiRKENFELD  (M""  de),  67. 

BiRON  (Charles-Armand  de  Gontaiit,  duc  de),  maréchal  de  France,  189. 
BiRON  (Marie -Ântoninç  de  Bautru,  dachesse  de),  femme dii  précédent,  80, 

169,  340. 
BiROK  (Louis-Antoine  de  Gontaut,  comte,  pais  duc  de),  fils  des  précédents, 

colonel  du  régiment  du  Roi,  138,  139,  227,  440. 
Bmoff  (PaulinC'Françoise  de  la  Rochefoucauld  de  Roye,  duchesse  de),  femme 

du  précédent,  139,  le 9. 
Bis.vGHE  (Thomas- Victor  Pignatelli,  prince  de),  438. 
BissT  (M.  de)  le  père,  120. 
BfssT  (Anne-Louis-Henri  de  Thiard,  marquis  de),  commissaire  général  de  la 

cavalerie,  151,  156,  345,  463. 
BissY  (Henri  de  Thiard  de),  cardinal,  345. 
Blache  (Marquise  de  la),  309. 
Blaise  (Dom),  436. 

Blamond  (François  Colin  de),  surintendant  de  la  musique  du  roi,  152. 
Blés  (Cherté  des),  255. 
Blois  (Capitainerie  du  château  de),  48. 
Bombarde  (M.  de),  surintendant  de  l'Opéra ,  370. 
BoNAG  (Madeleine-Françoisè-Marie-Louise  Bidéde  ia  Grandville,  marquise  de), 

169. 
Bonneval  (Claude- Alexandre,  comte  de),  378. 
BoNNEVAL  (Judith-Charlotte  de  Gontaut-Biron ,  comtesse  de),  femme  du  pré' 

cèdent,  378. 
BoNNEYAL  (César-Phébus-François,  comte  de),  brigadier,  159. 
BoNNEVAL  (M.  4^),  intendant  des  Menus,  10. 

BoNTEMPs  (Louis),  l'un  des  quatre  premiers  valets  de  chambre  du  roi,  gou- 
verneur des  Tuileries ,  336. 
BoNZY  (Cardinal  de),  473. 
BoRDAGE  (René  Amaury  de  Monlbourcher,  marquis  du),  8,  64,  76, 227,  264, 

287. 
BoRio  (Anne-Françoise),  comtesse  de  Lutzelbourg,  330. 
BoRSTEL  (Gabriel ,  comte  de),  brigadier,  167. 
BosmER  (M.),  128. 

BossiÈRE  (M»c  de).  Voy,  Pciguyon  (M™"  de). 
BouGHEFOLiÈRE  (M.  de),  mcstrc  dc  camp,  161. 

BoDFFLERs  (Catherine-Charlotte  de  Gramont,  maréchale;  duchesse  douairière 
de),  251,  281. 

BoDFFLERs  (Joscph-Maric,  duc  de),  gouverneur  général  de  Flandre,  133;  ma- 
réchal de  camp,  158,  292,  455. 

BocFFLERs  (Madeleine-Angélique  de  Neufville-Villeroy,  duchesse  de),  femme 
du  précédent,  dame  du  palais  de  la  reine,  175,  280,  359. 

Bouillon  (Charles-Godefroy  de  la  Tour  d'Auvergne,  duc  de),  grand-chambel- 
lan, 31,  32,  37,  93,  133,  134,  155-157,  191,  205,  206,  259,  296,  316,  347, 
440. 

Bouillon  (Marie-Charlotte  Sobieska,  duchesse  de),  femme  du  précédent,  155, 
191. 


406  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

BociLtON  (Harie-Lonise-Henrielte-Jeaane  de  la  Tour  d'AuT«rgiK,  M>lc  de), 

(ille  des  prÉcédenU,  15S,  316,  346. 
BouLLON-GiiiSE  [M"' de),  3i7. 
Bai'LjtiNVlLUERS  (M.  cie),  capiUme  île  vaisseau ,  3S7. 
Bourbon  (Louise-Françoise  de  Bourbon,  duchesse  douairière  de),  nommée 

Madame  la  Duchene,  3, 19,24,  25,  117,  m,  m,  127, 150,  276,309, 

432. 

BouBSON  (Louis- Henri  de  Bourbon,  duc  de],  prince  de  Coudé,  nomioé  3Ion- 
sieur  le  Duc,  grand-mallre  de  la  maison  du  roi,  2.4,  12,  19,  ga,  117-119, 

121-129.   127,  <2S,  132,  13S,  276,  356,  357. 
BotiRiHiN  (Caroline  de  Hesse-Rliinfels,  ducliesse  de),  nommée  Madame  la 

Duchesse  lajeune,  femme  du  précédent,  3,  4,  12, 23,  59,  60, 85, 117,  ItS, 

122,  123,  I2j-1?7,   150,  151,  355,  384,421,431,433,  446,  4&3,  462,  463, 

465. 
Bourbon  (Louise-Anne  de),  nommée  Mademoiselle,  et  JH""  de  Charolois, 

fille  de  Louis  III,  duc  de  Bourbon,  prince  de  Condé,  2,6, 7, 12,  tJ,  19,  25, 

35,  36,  38,  41,  43-47,  51,  52,  54-5a,  60,  66,  68,  72-76,  S2,  87,  90, 
95,  98,  103, 107,  109-112,  llS-120,  122,  130,  133,  136,  139,  MO,  143,  146, 
150,  153,  154,  157,  168-170,  172,  I7S,  179,  1S14,  186,  191,  193,  195, 
196,  202,  211,  212,  215,  219,  ÎÎ4,  227,  2Î9,  236,  237,  241,  242,  348, 
250,  256,  258-262,  264,  Î66,'  268,  272-274,  279,  287,  290,  293,  294,  301, 
307,  308,  318,  319,  324,  335,  336,  330,  348,  351-.1Ô7,  368,  373,  391,  390, 
391,  394,  404,  426,  433,  441,  446,  449,  453,  462,  465,  477. 

BouBCEDis,  accoucheur,  468,470. 

Bourges  (ArcliévSqiie  de).  Voy.  Rochefouciii'i.d. 

BéuRGocNE  (Louis  de  France,  duc  de),  puis  Dauphin,  mort  en  1712,  238. 

Bourgogne  (Marie-Adélaide  de  Savoie,  duchesse  de),  puis  mupliinei  morte 
en  1712,  150,  460. 

Bourgogne  (Gouvernement  de),  125, 

BouiiN*ïs  (Pierre-Louis  Sénécbal  dee),  maréclial  da  camp,  166. 

BouRMi'LT  (Le  P.),  334. 

BouTEViLLE  (Charles- Paul-Sigismond  de  Monlmorency-Luxembourg ,  d'aliord 

duc  deChlIillon,  puis  de),  maréclial  de  camp,  14 1. 
BouTiLLE  (Louis-Guillaume  Jnbert  de),  conseiller d'Ëtal,  405. 
BuuzoLS  (Marie-Hélène  CharloKe  Caillebot  de  la  Salle,  marquise  de),  dame 

du  palais  de  la  reine,  274,  280,  361,  437,  470. 
BoYER  (Jean-Franfois),  évéqiie  de  Mirepoîn,  précepteur  du  Daii|ililn,  oà,  191*, 
-209,253,256,  265,294,303,  411.456,459. 
Bkancas  (Louis,  marquis  de),  ^T\mi\  d'Iilsjiai^ne ,  lieutcnanl  ;;i'n 

mées  du  roi ,  63,  104,  IlO;  marêdiul  ik'  Kraure,  :i?.T,  l 
Brancas  (Elisabeth-Charlotte  de  Biauca^,  mai 

462. 
Brindebovhc  (Frédéric,  margrave  de),  «3. 
BBET(Marie-Geneïièïe-BosalieCniil:ii  li';,  4ip., 
EnKTEUii.  (François-Victor  le  ToMii 

guerre,  141,  143,154,  156,   iiîi 

337,  391,  892,  395,  419,  425,   '. 
Bretwil  (Marie-Anne-Julie  le  Toliî 


D£S  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  497 

BitBTONTiLUEEts  (Le  Ragoîs  de]  le  Gis,  485. 

Brézé  (Micbel  de  Dreux,  marquis  de),  maréclial  de  camp,  graDil-maltre  des 
cérémonies  en  survivance,  135,  I3S,  329,  330,  337,  240, 345. 

Bii[çoNNET(Al«anâra-Jacqae8),iniendaDtde  la  généralité  de  Montauban,  )S2, 
187. 

finiENNE  (AtineGabridle  Chamillarl  de  Vlllette,  comtesse  de),  437. 

Bhiffe  ( Pierre- Amand  de  la),  intendaul  du  duché  de  Bourgogne,  174. 

Briffe  (Lonis-Aroaud  de  la),  iPtendanl  de  la  généralité  de  Caen,  Bis  du  pré- 
dent, 17S. 

Bhionne  ( Cbarles-Louis  de  Iiorraine,  comte  de),  99,  I02,  loa,  13S,  173, 

2M. 

Brionne  (Louise-Charlotte  de  Gramont,  M"*  de  Gulcbe,  comtesse  de),  99, 

lOÎ,  105,  127,  129,137,409. 
BnisAT  (Louis-Bené  de  Brisa j-Dénonvi lie ,  marquis  de),  maréchal  de  camp , 

16Ï. 
Brissac  (Albert  de  Grillet  de),  major  des  gardes  du  corps,  mort  en  1713. 

ISI. 

ËRresAC  (Marie-Louise  Dechanel  de  Nointel,  duchesse  de),  171. 

Broclie  (Prançois-Marle ,  duc  de),  maréchal  de  France,  248,  249. 

BnocLiE  (François  de),  appelé  le  comte  de  Befel,  Ris  du  précédent,  373. 

Broglie  (L'abbé  de),  106. 

Bhossohë  (M.  de),  maître  des  requêtes,  90. 

Brdk  (Etienne  le),  marédialdecsmp,  106. 

Bhdnet,  251. 

^u**a  {Henri  dllaulerorl,  comte  de),  major  des  gardes  du  corps,  ISU 

Bocunchaii  (Duchesse  de),  469,  470. 

BuRï,  organiste,  211. 

""Met  {François-Lonla-àntoine  de  Bourbon,  comte  de),  393. 


^■*»rAs  "^(^'■srlea-Francus,  roarquisde),  brigadier,  166. 
-^   2/4     (^''■'0/-// enri  Télio  de  ),  eoïojé  eïtraordinaire  du  roi  de  Prusse,  313, 

O,,  *•*•/,,  /ie  comter  de),  ainliassadeur  en  An^eterre,  38, 37,  143- 
^'^'■rj^^:/-3  coiii  tessu  du  ),  318,  31i!,  336. 
<o-^»  .''""/no    (  !-•&   princede),amba6sadeure\trsordÎDaireduroid'Espagne, 
^■*jLji'     *?.  2tay      S2S,  227,  219,  330,  326,  339,  36fi,  3S3,  387,  398,  405,  430, 

..  ^   J*^-/j^ee,sse  de),ïl7,  228,335-537,291,442-444. 
L.  (T^mMs     cleM.  de).  TDS.  V«cui. 

-a^MKtrc  i)e la cliapclle  du  roi,  210. 

-»  ilo  Monlboissier-Ceanrorl,  licomle'lej,  brigadier', 

is.ideuf  Je  Russie,  281. 


498  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

CaricnaiN  (Victoire-Françoise,  lëgiliméede  Savoie»  princesse  de),  femme  du 

précédent,  366. 
C.4KIGNAN  (  Lpuis-Yictor  de  Savoie,  prince  de),  nommé  le  prince  Louis,  fils 

des  précédents,  201,  365,  387. 
Carignam  (Anne-Thérèse  de  Savoie,  M^ie  de),  fille  des  précédents,  439,  466. 
Cablos  (Don),  infant  d'Espagne,  rei  des  Deux-Siciles,  179, 193,  258,  310, 

311,  313,398. 
Castel-dos-Rios  (  Marquise  de  ),  291, 366,  442-444. 
Castbllane  (M.  de),  ambassadeur  du  roi  à  Gonstantinople,  202,  260,  279. 
Castbllanb  (  m.  de  ),  aide  de  camp  de  M.  de  Belle-Jsle,  451. 
Castellar  (  m.  de  ),  399. 

Castribs  (Armand-Pierre  de  la  Croix  de),  archevêque  d*Alby,  7. 
Castries  (Joseph- François  de  la  Croix,  marquis  de  ),  mort  en  i728,  frère  du 

précédent,  165. 
Castries  (Armand-François  de  la  Croix,  marquis  de),  fils  du  précédent, 

447. 
Castries  ( Marie-Louise-Angéliqae  de  Talarti  de  Chalmazel,  marquise  de), 

femme  du  précédent,  445,  470. 
Castro-Pignamo  (  Duc  de),  ambassadeur  du  roi  des  Deux-Siciles,  89,  113, 

116,  192,  193,  223,  257,  258,  270,  271,  369,  389,  398,  399. 
Castro-Pignano  (  Duchesse  de  ),  112-116,  218,  397. 
Catherine  Bnin-Opalinska ,  reine  de  Pologne,  duchesse  de  Lorraine  et  de 

Bar,  190,  197,  201,  207,  210. 
Caudec  (  Baron  de),  362,  363. 
Caumont  (Jacques  Nompar,  duc  de),  313. 
Cavagnole  ou  cavayole  (Jeu  de),  80,  83.  ^ 

Caylds  (M. de),  185. 
Catlus  (Charles  de  Tubières  de  Grimoard  de  Pestel  de  Lévis,  chevalier,  puis 

marquis  de),  471. 
Catlus  (  Henri-Joseph  de  Caylus-Bouairoux,  cheyalier  de  ),  brigadier,  472. 
Caylus  (Famille de),  473. 
Céreste  (Bufile-Hyacinthe- Toussaint  de  Brancas,  comte  de),  conseiller  d'État 

d'épée,  215. 
CÉziLE  (M.  de),  trésorier  des  aumônes,  192. 
Chabannes  (Gilbert  Honoré  de  Chabannes-Marioi, marquis  de),  maréchal  de 

camp,  158. 
Chabannes  (Gaspard-Gilbert  de),'comle  de  Pionzac,  200. 
Chabannes  (  Jean-Baptiste  de  ),  fils  du  précédent,  200. 
Chabot  (Yvonne  Sylvie  du  Breuil  de  Rays,  M"**  de  ),  215. 
Chaise  (M.  de  la),  391. 

Chalais  (  Julie  de  Pompadonr,  princesse  de  ),  364. 
Chalais  (  Loùis-Jean-Charles  de  Talleyrand,  prince  de),  fils  de  la  précédente, 

23,  46,  55,  229,  273, 364. 
Chalais  (  Marie-Françoise  de  Rochechouart-Mortemart,  princesse  de  ),  dame 

du  palais  de  la  reine,  femme  du  précédent,  2,  13,  43,  44,  51,  59,  60,  66, 

82,  87,  90,  95,  110,  130,  133,  143,  172,  261,  264»  2/9,  280,  281. 
Chalmazel  (Louis  de  Talaru,  marquis  de),  premier  maître  d'hôtel  de  la  reine, 

2,  447,  457, 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  499 

CnALiiAZEL(Marie*Marthe-Fr^çoi8e  deBonneval»  marquise  de),  femme  du 

précédent,  175,  431. 
Chalmazel  (  M"e  de  ).  Voy.  Castries  (  Marquise  de  ). 
Chalomer-Ogle,  amiral  anglais,  379. 
Chaloks  (Hardoain  de  ),  évèque  de  Lescar,  240. 
*  Chalut,  trésorier  de  Tarmée  de  M.  de  MaUlebois,  445. 
Chambonas  (M.  de  ),  279. 

CHAnmiBR  (  M. },  ministre  du  roi  de  Pmsee,  262,  267,  36O. 
CoAMPCENETz  (  Jean-Loui8*Quentin  de),  premier  valet  àe  chambre  du  rd  en 

survivance,  375. 
Champeron  (  François-Henri  de  Montbel,  chevalier  de),  brigadier,  159. 
Champignt  (Jean-Paul  de  Bochart,  comte  de),  maréchal  de  eamp,  158,  392, 

440. 
Ghamroiid  (Abbé  de  ),  trésorier  de  la  Sainte-Cbapeile,  49, 86. 
Chancelier  (Le).  Voy,  Daguesseau. 
Chandelier  de  cristal  de  roche,  405. 
Chapitre  de  Notre-Dame  de  Paris,  151. 

Chapt  de  Rastignac  (Louis-Jacques  de),  archevêque  de  Tours,  154,  429. 
Charles  (Le  prince).  Foy.  Armagnac  (Charles  de  Lorraine,  comte  d'). 
Charency  (Georges-Lazare  Berger  de  ),  évêque  de  Montpellier,  254. 
Charles  VI,  empereur  d'Allemagne,  75,  265. 
Charles-Emmanuel  III,  roi  de  Sardaigne ,  366,  387. 
Charles-Philippe  de  Neu^ourg,  électeur  palatin,  435,  453. 
Charleyal  (Joseph-François  de  ),  évêque  d'Agde,  197. 
Charnt  (  Comte  de  ),  192. 
Cbarolois  (Charles  de  fiourbon-Condé,  comte  de),  6,  19,  119,  124,  126, 

127,  136,    146,   150,  164,  219,'241,  257,  352,  353,  356,  408,  421,  428, 

431-433,  446,  450. 
Charolois  (M'^^  de).  Voy.  Bourbon  (Louise-Anne de). 
Charost  (Armand  de  Béthune,  duc  de),  capitaine  des  gardes  du  corps  du  roi, 

58,  237,  268,  269,  274,  278,  282,  288,  289,  359,  371,  403,  427,  430,  476, 

479. 
Charron  de  Ménars  (Jacques),  mort  en  1718,  48. 
Chartres  (  Louis-Phih'ppe  d'Orléans,  duc  de  ),  5, 19,  23,  24,  92,  129,  155, 

173,  176,  185,  192,  257,  297,  360,  367,  406,  483. 
Chastelux  (  Guillaume- Antoine  de  Beauvoir,  comte  de),  lieutenant  général,  86. 
Chateaurenaud  (M™*  de),  455. 

Chatel  (Louis-François  Crozat,  marquis  du),  maréchal  de  camp,  190. 
Chatblet  (Florent-Claude  du  Châtelet-Lomont,  marquis  du),  maréchal  de 

camp,  440. 
Chatelet  (Florent-François,  chevaUer  du),  frère  du  précédent,  major  de  la 

gendarmerie,  96,  461. 
Chatellerault  (Anne-Charles-Frédéric  de  la  TrémoUle,  duc  de),  132,  135. 
Chatillon  (Alexis-Madeleine-Rosalie  de  CliAtillon,  comte ,  puis  duc  de),  gou- 
verneur du  Dauphin,  54,93,  131,  138,  146,  147,  175,  197,  201,  203,  253, 

256,  265,  275,  276,  294,  302,  303,  316,  335,  337,  338,  308,  404. 
Chatillon  (  Anne-Gahrielle  le  Veneur  de  TilUères,  duchesse  de),  2,  loi,  137, 

138,  253,  256,  309,  359,  437. 

32. 


500  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

CHATRE  (  Claude-LouU  de  la  ),  évèque  d'Agde,  191. 

CaATME  (  Marie-Éliàbeth  de  Nicolaï,  marquise  de  la),  230. 

Châtre  (Mlle  de  la  ).  Foy.  Yachi. 

Chatte  (M.  de),  483. 

Chaulmes  (liouis- Auguste  d'Albert  d'Ailly,  duc  de),  lieutenant  des  clievau-lë* 

gers  de  la  garde,  18,  341,  242;  maréchal  de  France,  327,  328,  334,  347, 

464. 

Chaulnes  (Marie-AHie*Romainede  Beaumanoir,  duchesse  de),  femme  du  pré- 
cédent, 236. 
Chauve  de  Vezanre.  Voy,  Yesannes. 
Chauveun  (Germain-Louis),  seigneur  de  Grosbois,  373,  3d3. 
Chacvelim  (Anne  Cahouet,  M^e  de),  femme  du  précédent,  378. 
Chayagnac  (Comte  de),  chef  d*escadre,  388. 
Chavagnac  (Gilles-Henri-Louis-Clair,  marquis  de),  capitaine  de  Taisseau, 

fils  du  précédent,  388,  407. 
Chavignt  (  M.  de  ),  envoyé  extraordinaire  en  Danemark,  4. 
Chayla  (Nicolas  Joseph-Balthasar  de  Langlade ,  vicomte  do),  lieutenant  gé* 

néral,  138. 
Chazeron  (  François-Charles  de  Monestay,  marquis  de  ),  maréchal  de  camp , 

132. 
Chepy  (Jacqnes-Étienne  de  Grouches  de  Gribeauval ,  comte  de  ),  brigadier, 

159. 
Chesterfield  (Milord),  464. 
Chevrbuse  (  Mane-Charles-Louis  d'Albert,  duc  de),  fils  du  duc  de  Luynes^ 

64,  151, 156,  235,  290,  293,  460,  463. 
Chevreuse  ( Henriette-Nicole  d^Egmont-Pignatelli ,  duchesse  de),  femme  du 

précédent,  60,  189,  290,  293. 
Chiffreville  (Louis-François  de  Gauthier,  marquis  de  ),  maréchal  de  camp, 

157. 
Chimay  (Charles-Louis  Antoine-Galéas  Hennin  de  Bossut,  prince  de),  137. 
Choiseul  (L'abbé  de),  aum6nier  du  roi ,  447. 
Choiseul  (Chevalier  de  ),  340. 
Choiseul  (M.  de),  136. 

Choisecl-Beaupré  (Charles-Marie de),  brigadier,  166. 
Choisy  (Acquisition  du  château  de),  51,67;  ses  b&timents  68,  77,  88,  170, 

256,  273. 
Chrétien  YI,  roi  de  Danemark,  4. 

CiLLY  (André  de  Fay  d^Athies,  comte  de  ),  maréchal  de  camp,  157. 
CfOYA,  banquier,  399. 

Clair AMBAULT  (  Pierre  de),  généalogiste  des  ordres  du  roi,  111, 112. 
Clare  (Charles  O'Brien  de),  comte  de  Thomond,  maréchal  de  camp,  399, 400, 
Clavière  (  Claude  de  Chamborrant,  comte  de  la),  brigadier,  167. 
Clément  XII,  pape,  141. 
Clermont  (Louis  de  Bourbon-Condé,  comte  de),  3,  19,  31, 98,  119,  136, 150, 

164,  219-221,  240,  282,  286,  355,  356,  367,  409,  418,  433,  483. 
Cleumont  (Marie* Anne  de  Bourbon-Condé,  Mademoiselle  de),  surintendante 
de  la  maison  de  la  reine,  2,  3,  6,  7,  19,  25,  32,  35,  38,  43-4G,  49,  51,  54, 
59,  60,  06,  68,  72,  74-76,  81,   82,   87,  95,  103,  110,  112,   118,  122,  130, 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  601 

143,  146,  150,  152,  154,  170,  175, 176, 179,  184, 186,  191,  196,202,  211, 
212,  215,  219,  224,  227,  229,  235-237,  242,  248,  250,  252,  258-262,  264, 
266,  268,  273,  274,  279,  287,  294,  305,  307,  308,  318,  319,  324,  335, 
339,  348,  355,  359,  368,  373-375,  381,  390,  391,  394,  398,  421,  425,  426, 
433,  441,  449,  450,  452,  453. 

Clermont  d'Ahboise  (  Jean-Baptiste-Louis  de  Clermont,  marquis  de  Resnel, 
puis  de  ),  maréchal  de  camp,  191,  192,  200, 

Clermont  d'Amboise  (Pierre-Gaspard  de  Clermont,  comte  de),  lieutenant  gé- 
néral, capitaine  des  gardes  du  duc  d'Orléans,  321 . 

Clermont  de  Chaste  (  François- Alphonse  de  ),  premier  gentilhomme  de  la 
cliambre  du  duc  d'Orléans,  105. 

Clermont-Gallerande  (Marquis  de),  colonel  du  régiment  d'Auvergne,  129. 

Clermont-Tonnerre  (  Maison  de  ),  415. 

Clermont-Tonnerre  (Gaspard,  marquis  de),  lieutenant  général,  mestre  de 
camp  général  de  la  cavalerie,  440,  463. 

Clermont-Tonnerre  (Charles-Henri-Jnles  de),  fils  du  précédent,  415. 

Clermont-Tonnerre  (  Marquis  de),  colonel  du  régiment  de  Gesvres,  161. 

Coetlogon  (  Comte  de  ),  Krigad^er,  167. 

CoETLOGON  (M.  de),  premier  écuyer  du  comte  de  Clermont,  283. 

Coetlogon  ('M"e  de).  Voy.  Sabran  (Mme  de  ). 

Coetlogon  (M"«  de),  283,  285.  Voy.  Sabran  (W  de). 

CoGORANi(  M.  de  ),  envoyé  extraordinaire  d'Espagne  en  Danemark,  199. 

CoiGNY  (François  de  Franquetot,  duc  de),  maréchal  de  France,  72. 

CoiGNY  (Jean-Antoine-François  de  Franquetot,  comte  de),  colonel  général 
des  dragons,  gouverneur  de  Choisy,  fils  du  précédent,  67,  76,  77,  89,  112, 
163,  168,  169,  296,  348,  381,  394,  449,  463. 

Comédies  à  la  cour,  349. 

Compiègne  (Usages  de),  225. 

Comtesses  (Les  deux).  Voy,  M\illt  (Comtesse  de )  et  Vintimille  ( Com» 
tesse  de  ). 

Coi^clave  pour  l'élection  d'un  pape,  331. 

CoNDÉ  (Henri  de  Bourbon  11^  prince  de),  mort  en  1646,  128. 

CoNDÉ  (Louis-Joseph  de  Bourbon,  prince  de),  121,  124, 125,  138,  146,  150, 
164,431,432,446. 

CoNFLANS  (Philippe- Alexandre  de  ),  bailli  de  Torde  de  Malte,  279. 

CoNFLANS  (M"*  de),  69,  405,  419. 

CoNTADES  (  Louis-Georges  Érasme  de),  maréchal  de  camp,  129,  158. 

Contrôleur  général  (Le).  Voy.  Orry. 

CoNTY  (Anne-Marie  de  Bourbon,  princesse  de),  fiiie  de  Louis  XIV,  morte  en 
1739,  89. 

CoNTY  (Louise-Elisabeth  de  Bourbon-Condé,  princesse  douairière  de  ),  19,  25, 
.      45,  59,  118,  120,  121,  134,  139,  150,  152,  155,  219,  261,  355,  432,  462, 
465,  483. 

CoNTY  (Louis-François  de  Bourbon,  prince  de),  fils  de  la  précédente,  19,  1 19, 
120,  122,  123,  132,  135-137,  219,  240,355,  483. 

CoNTY  (  Louise-Henriette  de  Bourbon,  M"®  de  ),  sœur  du  précédent,  218. 

CoRioLis  (Abbé  de),  254. 

Corse  (Détails  sur  l'Ile  de),  65. 


503  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

CosNAc  (Danid-Josepli),  évéque  de  Die,  90,  91,  4C1. 

CoflsÉ  (  Hogues-René-Ttiirooléon  de  Cossé-Brissac,  comte  Je  ),  brigadier,  \b9. 

Cotte  (Louis  de),  architecte ,  9. 

CouBciLLON  (  Françoise  de  Poropadour»Laurière ,  marquise  de),  364. 

CoDRLANDE  (Emest-Jeau,  comte  de  Biren,  duc  de),  271,  286,  287. 

CpoBMiir  (M.  de),  capitaine  de  cavalerie,  44,  124,  384. 

CouRBON  (  Urbain-Guillaume  de  Laraoigaon  de),  conseiller  d*État,  196, 197. 

CooRTBBONNE  (  Lools-Jacquea  de  Galouœ,  marquis  dej,  brigadier,  158. 

C!oi7RTBiL  (M"*  de),  143.   . 

CouATEN  (  Maurice,  chevalier  ),  brigadier»  4&1. 

COURTENVAUX  (M.  dc),   160. 

Coui^TCM VAUX  (Marie- Anae-Catherine  d'Estrées,  marquise  de),  378,  388. 

CouRTOMER  (Raoul- Antoine  de  Saint-Simon,  comte  de),  maréchal  de  camp, 
158. 

Creil  (  Jean  François  de  ),  intendant  de  Met^  182. 

Crenay  (  Chevalier  de  ),  capitaine  des  gardes  du  duc  de  Penthièvre,  472. 

Créquy  (Jacques-Charles,  marquis  de  ),  brigadier,  159. 

Créquy  (Robert,  chevalier  de),  gentilhomme  de  lamanclie,  puis  sous-gou- 
verneur du  Dauphin,  55, 405,  419,  444. 

Crescenzi,  archevêque  de  Nazianze,  nonce  du  pape,  56,  417. 

Crillon  (Jean-Louis  de  fierions  de  ),  archevêque  de  Toulouse,  puis  de  Nar« 
bonne,  38, 230,  237»  459. 

Crillon  (Abbé  de),  254. 

Cboissy  ( Jean-Baptiste- Joachim  Colbert  de  Torcy,  marquis  de),  marécltalde 
camp,  158. 

Croissy  (  Henriette-Bibienne  de  Franqiietot  de  Coigny,  marquise  de  ),  femme 
du  précédent,  212. 

Croy  (Emmanuel  de  Croy-Solre,  prince  de  ),  mestro  de  camp,  $24,  328,  330. 

Cbozat  (Chevalier),  190. 

Crussol  (Pierre-Emmanuel,  marquis  de),  colonel,  289. 

Crussol  DES  Sales  (  François-Emmanuel  de  Crussol  d'Uzès ,  marquis  de  ), 
brigadier,  160. 

Cuisine  (  Nouvelle  ),  185,  187. 

D. 

Dacdesseau  (Henri-François),  chancelier  de  France,  228,  240,  316,  448. 

Daguessëau  (Henri-Louis,  chevalier),  brigadier,  159. 

Daguesseau  (  Henri-Charles  ),  seigneur  de  Plainraon,  avocat  général,  48i>. 

Damas  (  Jean-Jacques,  chevalier  de  ),  lieutenant  général,  105. 

Daupierre  (M.  de),  404. 

Danemark  (  Roi  de  ).  Voy.  Chrétien  VÏ. 

Danemark  (Reine  de),  Foy.  Sophie- Mabeleinb  de  Brandebourg-Culurach. 

Danemark  (Frédéric,  prince  royal  de),  4. 

Dauger  (Louis-Philippe,  chevalier),  lieutenant  général,  461. 

Dauphin  (Le).  Voy.  Louis  de  France,  dauphin. 

Desbech  (  M.  ),  57. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  503 

Descajeuls  (  Marie- J'acques,  baron),  chef  de  brigade,  71;  brigadier,  160. 

Desforts.  Voy,  Fors. 

Desgranges,  maître  des  cérémonies,  21,37.  ■ 

Desmazis  ( Henri,  chevalier),  brigadier,  167, 

Dessegorre  (  Abbé  ),  192. 

Deux-Ponts  (  Caroline  de  Nassau ,  dncbesse  douairière  de  Birkenfeld  et  de  ), 
57  ;  sa  lettre  à  la  duchesse  de  Luynês,  58. 

Deux-Ponts  (  Chrétien  IV,  duc  de  Birkenfeld  et  de),  fils  de  la  précédente, 
57,  58,  305. 

Deux- Ponts  (Frédéric,  prince  palatin  de  Birkenfeld  et  de),  colonek  du  régi- 
ment d'Alsace,  frère  du  précédent,  57,  305. 

Deux-Siciies  (Roi  des).  Voy.  Carlos  (Don). 

Deux-Siciles  (Reine  des).  Voy.  MàRiB-ÀMÉLm  deSâxb. 

Devoli  (Abbé),  111,  228. 

DfGoiNE  (Nicolas  de  Bay-Damas,  marquis  de  ),  maréchal  àt  efmp^  158. 

DiLLON,  colonel  irlandais,  brigadier,  160. 

DoDUN  (Charles-Gaspard  ),  contrôleur  général  des  finanees,  mort  en  1726, 48. 

Dombes  (Louis- Auguste  de  Bourbon,  prince  de),  grand-veneur  de  France, 
19,  23,  31,  73,92,  108,  119,  130,  146,  176,  198,  230,  237,  253,  25ô,'258, 
260,  360,  409,  420,  458. 

DoNGEs  (Guy-Marie  de  Lopriac  de  Coëtmadeux,  comte  de),  brigadier,  159. 

Dreux  (Thomas,  marquis  de),  grand-maltre  des  cérémonies,  17,  425,  45^ 

Dreux  (M.  de), fils.  Voy.BhÉzé. 

Drohesnil  <M"®  de),  321. 

Dromesnil  (Charles-François  d'Haliencourt  de  ),  évéqne  ^e  Verdun,  3ai. 

Druy  (  François-Ëustache  Marion,  comte  de),  chef  de  brigade,  mort  en  1712. 
181,  182. 

Dubois  (  Joseph  ),  frère  du  cardinal,  225. 

Duc  (M.  le).  Voy.  Bourbon  (Lonis-Henri  de). 

Duchesse  (M™*^  la).  Voy.  Bourbon  (Louise-Françoise  de  Bourbon,  duobesse 
douairière  de). 

Duchesse  (M""'  la),  la  jeune.  Voy.  Bourbon  (Caroiiiie  éè  Hesse-Riiinfels,  du- 
chesse de). 

Dugué-Bagnols  (M.  ),  369. 

DUGUESCUN.  Voy.  GUBSGLIN. 

Dumoulin  (Jacques),  médecin  consultant  du  roi,  121  • 

DuNOis  (Charles-Marîe-Léopold  d^ Albert  de  Laynes,  comte  de),  169. 

DuPLEssis.  Voy.  Plessis  de  la  Corée. 

Duras  (Jacques-Henri  de  iDurfort,  duc  de),  maréchal  de  France,  mort  en 
1704,  329. 

Duras  (Jean-Baptiste  deDurfort,  duc  de),  fils  du  précédeiit,  260;  maréchal 
de  France ,  327,  344,  350,  385,  419. 

Duras  (Angélique-Victoire  de  BournonTille,  duobessede),  femme  du  précé- 
dent, 79,  80,  105,  131,  154,  329,  426. 

Durfobt  (ËmmanueUFélicité,  duc  de),  puis  de  Duras,  fils  des  précédents, 

329. 
Durfort  (  Louise-Françoiae-Maclovie-Céleste  de  Coetquen,  duchesse  de  ),  puis 
de  Duras,  femme  du  précédent,  79,  80,  131,  468. 


504  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

DimFOiiT(Lo«iis6' Jeanne  de),  fille  des  précédents,  46,  1&4. 

DuRFORT  (  Mile  de  ),  fille  d'honneur  de  la  reine  doaairière  d'Espagne,  307,  308, 

DuvÂL,  340. 

puvAU}(  (lAbbé),  prédicateur,  329. 

E. 


EoQOBTiLLT  (Âugustin-yineent  Hemieqoin,  marquis  d*),  capitaine  du  Taotrait, 

177,  433,  424, 
Ecquethxt  (Aufsustin-LoQis  Hemwqnin ,  marquis  d'),  fils  du  préeédeut,  423, 

424. 
KoQvcTiLLT  (Honorée  de  Joyeuse»  marquise  d'),  femme  du  précédent,  423, 

424,  441. 
Eguont  (Heariet^ulie  de  Dnrfort,  comtesse  d*),  120-122,  280»  437. 
Ëffout  du  Poot-aux-Choux,  212. 
ÉusABsra  Farjièsb,  reine  d^Espagne,  73. 

ÉiJSABcm*TuiftàsE  de  Lobraike,  reine  de  Sardaigne»  436»  ^^2, 4S3. 
Eltv  (Baron  d*),  chanoine  de  Meta,  310. 
Embrun '(Archevêque  d*).  Foy.  Focqcet. 
Empereur  (L*).  foy.  CiunLEs  VI. 
Swipèrê  de  rAwèomr  dans  Fumicers  (L*),  opéra,  211. 
ÉnxAT  (Chetalier  d\  capitaine  de  Taisseau ,  378-380,  386. 
Erlvcu  (M.\  capitaine  aux  gardes  suisses,  brigadier,  166. 

ESCITCCL.  roy.  DCSCAJVCUS. 

Espagne  (GouTeraement  de  H,  6i. 

Espagne  (Le  roi  dT).  Foy.  Pnoim  Y. 

Espagne  (La  reine  d*^.  Foy.  ÊusjkBKiu  Fu^isK. 

Espi^ne  (Reine  douairièfe  tf).  ray.  ilAnn-Assc  ne  Nnaocnc,  cl  Ontûas 

(Lottîse>Ûisabetfa  d^. 
EspiLC^OTE  (Abbé  dr\  2M. 
KsTACvc  (JeaiHBaplîsle-Chaiks  d^,  tt. 
EsmouiT  (PrÙKC5se>,  2S4. 

EsTCTQK*  rcceTenr  d««  bois  et  domaiiws  df  Frantbe-Comié,  2^  23âw 
EsTOSàC  vLQms-FïaBçab*ârBnnd  de  la  RecheiimcanM  de  Mmj€, 

133,  13^13:. 
E$n»4C  (liariedelallnchda«c»ld«éBche»ed7, 


Bsiocvna.  yClMTaBer  dT,  capttmK  de  Tibnnn  ,  379, 366, 421. 

E^iUB   Abbed*,3>4. 

EnuÉB  vD<Kft«s»  dT,  6,  341. 

Esonins  iLnde-FièiKikt  de  Soaflks,  miiiifirhiip  éKlM»f  dr\  €>  sa.  S%.  ^, 
«f^  «6«  ?2.  r4«  T«.  ar.  9*.  9«»  MOL  1IS-1?«.  la»,  lU.  14««  l^T.  IT^ 
I^T^IS»,  IS^  t9U  5**,  *i^  2i*.  ÎW-îi».  36*.  «S».  Î^X  ^73.  «T.  SMs. 
9iU  36'.  3Ks.  3C<^  3tr«  31S>  3»4.  3;»^  3ii,  3».  3r3.  3»,  3WC  «1»^ 

*^\  44U  4«(s.  4t4tK  ♦*%  4*À. 

rrrairn  (lurr  Trirlr  J Tu  lir  Tlmiit wi   rnmii  ÇmiBUiftirf  ii 

THv  I3L  16^  i«r«  r««  s$:r^  3::^  3S(k  tM. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  505 

États  de  Languedoc,  458. 

Éta«i)uère  (Henri-François  Des  Herbiers,  marquis  de  1*)  capitaine  de  vaisseau, 

379,  386. 
£o  (Louis-Charles  de  Bourbon,  comte  d'),  19,  23,  31,  176,  198»  360,  409, 

420. 
ÉvREcx  (Henri-Louis  delà  Tour  d'Auvergne,  comte  d'),  205,  206,346, 

485. 
ExLFORT  (Milord).  Voy.  Melfort. 
UïNARD^CM"*).  Voy.  HÔPITAL  Sainte-Mesme  (M""  de  1'). 


F. 


Fagon  (Louis),  conseiller  d'État,  196-198. 

Fardella  (M.  de),  capitaine  de  dragons  de  la  reine  de  Naples,  111, 113, 
117. 

Fare  (Âbbé  de  la),  aumônier  du  roi,  24,  135. 

F  are  (Etienne- Joseph  de  la),  évéque  de  Laon,  406. 

Fare  (Philippe-Charles  de  la  Fare-Laugère,  marquis  de  la),  lieutenant  géné- 
ral, 45,  224,  227,  440,  445. 

Fare-Tornag  (Antoine-Denis- Auguste,  comte  de  la),  maréchal  de  camp, 
250. 

Fargd^s  (Joseph  de  Madet  de),  évêque  de  Saint-Claude,  456. 

Feedorf.  Voy,  Seedorff. 

Fémelon  (Barthélémy  de  Salignac  de  la  Mothe-),  évêque  de  Pamiers, 
433. 

FÉNELON  (Gabriel-Jacques  de  Salignac,  marquis  de),  lieutenant  général,  am- 
bassadeur à  La  Haye,  104, 118,  129, 185,  215. 

FÉNELON  (Louise-Françoise  le  Pelletier,  marquise  de),  femme  du  précédent, 
177. 

FÉNELON  (François-Louis  de  Salignac,  marquis  de),  fils  des  précédents,  guidon 
de  la  compagnie  des  gendarmes  de  Berry,  161. 

Fernand-Ndnnès  (Pierre- Joseph  de  Los  Bios,  comte  de),  général  des  galères 
d'Espagne,  38. 

Fervaqces  (Marie -Madeleine  Gigault  de  Bellefonds,  marquise  de),  50, 
348.  « 

Fervaqoes  (MU«'de).  Voy,  Laval  (M"''  de). 

Fiennes  (Charles-Maximilien ,  marquis  de),  brigadier,  159. 

FiECBET  (Arnaud-Pierre  de),  brigadier,  159. 

Fille  sauvage,  96. 

Filleul,  concierge  de  Clioisy,  77. 

FiHARCoN  (Aimery  de  Cassagnet  de  TiUadet,  marquis  de),  maréchal  de  camp, 
133,  158. 

Frrz- James  (Charles,  duc  de),  brigadier,  167,  309,  455. 

Fitz-Jahes  (Victoire-Louise-Sophie  de  Goyon  de  Matignon ,  duchesse  de), 
femme  du  précédent,  309,  405,  441,  455. 

FiTz- James  (Edouard,  comte  de),  brigadier,  160. 

Flamarens  (M.  de),  348. 


606  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

Flavacooit  (FrançoiS'Marie  de  Foiiilleusc,  marquis  de),  brigadier,  159. 

Flayacourt  (Hortense- Félicité  de  Mailly-Nesie,  marquife  de),  femme  du 
précédent,  15,  47,  55,  140,  154,  175,  212,  236,  283,  320,  361,437. 

Flègbb  (M.  de),  64. 

Fledry  (André-Hercule  de),  cardinal,  premier  ministre,  grand- aumônier  de 
la  reine,  4-6,  11, 15-18,  20,23, 24, 27-30,  88,  39, 42,  43,  45, 47,  49,  50, 57, 
64,  82,  84-86,  102,  104,  109,  111,  113,  116-118,  120,  124,  141,  142,  148, 
151,  154,  163-165,  173,  175,  186,  187,  189,  194,  196,  200,  t02,  204,  205, 
209,  213,  216,  217,  219,  225,  228,  234,  141  243,  24&,  246,  253-256,  258, 
262,  266,  270,  271,  276,  281,  283,  299,  303,  304,  307-309,  315,  32*1,  323, 
327,  328,336,  340,  341,  344,  346,  350,355-359,  362,  366,  367,  371,  373, 
376,  386,  389,  391,  394,  395,  399,  403-405,  407,  414,  430-432,  434, 
435,  439,  440,  442-444,  452-454,  459,  461,  469,  473-476,  479,  482. 

Fleurt  (André-Hercule. de  Rosset,^iic  de),  brigadier,  160,  162,  16^,  229, 316, 
394,  395, 404;  premier  gentilhomme  de  la  chambre  da  roi,  409,  411, 412, 
414,  415,  420,  440,  453. 

Flecry  (Anne-Madeleine-Françoise  d'Auxy  de  Monceaux ,  duchesse  de), 
femme  du  précédent,  damedu  palais  de  la  reine ,  32,  45, 129, 162,  175,  l87, 
197,  212,  229,  245,  280,  394,  395,  412,  421,  425,  426,440,  453. 

Fleury  (Pierre-Augustin-Bernardin  de  Rosset  de),  abbé,  frère  du  précédent, 
154. 

Florian,  capitaine  de  cavalerie,  161. 

Fontaine  (M.  de).  Voy,  Fontaise-Martei.. 

Fontainebleau  (Bâtiments  de),  68;  dépenses  des  voyages  de  Fontainebleau , 
449. 

Fontaine-Martel  (Charles  de  Martel  d'Émalleville,  comte  de),  brigadier  de 
cavalerie,  241,  483. 

Fontanges  (Abbé  de),  74. 

F02ITANGE9  (M.  de),  483. 

FoNTANiEU  (Gaspard -Moïse  de),  conseiller  d^État,  intendant  et  contrôleur  gé- 
néral des  meUbles  de  la  couronne ,  226. 

Force  (Armand-Nompar  de  Caumont,  duc  de  la),  313. 

FoKESTiEB,  coimnandaDt  les  suisses  des  Douze ,  256. 
finances,  196,  212,  215. 

FoBS  (Michel-Robert  le  PelleUer,  seigneur  des),  ex-contr61ear  général  des 
finances,  196, 212, 215. 

Fors  (Marie-Madeleine  Lamoignon,  M>>^*  des),  Cenune  du  précédent,  2t5. 

FoRTissoN  (Jean-Gpdefroy  de),  maréchal  de  camp,  241,  464. 

Fougières  (François,  marquis  de),  brigadier,  159. 

FouQUET  (Bernardin-François),  évêque  d'Embrun,  253,  361. 

FouRNiER,  maître  d'hôtel  ordinaire  de  la  reine,  80. 

Frange  (Louise-Elisabeth  de),  première  iille  du  roi,  nommée  Madame,  puis 
Madame  Infante,  5,8,  10,  19-22,  24-30,  32,  34-37,  39,   40,69-72,  268. 

Frange  (Anne-Henriette  de) ,  deuxième  fille  du  roi ,  nommée  Madame  Ben- 
riette,  puis  Madame,  8,  X6, 19-22,  24,  25,  27-30,  32,  34-39,  45,  89,  92, 
115,  131,  147,  149,  150,  152,  174,  176,  1$0,  197,  199,  201,  203,  207,  256, 
268,  269,  281,  288,  289,  291,  294,  300,  320,  338,  359,  397,  398,  411,  418, 
443,  463,  465,  470. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  50Ï 

France  (Marie- Adélaïde  de),  troisième  fiile  du  roi,  nommée  Madame  Adé- 
laïde y  9,  16,  19-22,  25,  27-29,  32,  34,  35,  45,  89,  115,  131,  149,  150, 
152,  175,  176,  197,  199,  201,  203,  207,  256,  269,  281,  288,  291,  294,  300, 
338,  359,  398,  411,  412,  418,  443,  463,  465,  470. 

Francs-Maçons  ou  frimassons  (Ordre  des),  183. 

Franquim  (L'abbé),  chargé  des  aiïaires  du  grand-duc  de  Toscane,  24. 

Frédéric-Guillaume  l'^',  roi  de  Prusse,  194,  233. 

Frédéric  II,  roi  de  Prusse,  195,  214,  230,248,  249,  263,  267,  286,  342,  343» 
362,  380,  435,  453,  454,  472. 

Frédéric  (Prince).  Voy,  Brandcboubg. 

Freisch  (M.)>  303. 

Frehbur  (Jean-Toussaint  de  la  Pierre,  marqui&de),  brigadier,  159. 

Fresnb  (Jean-Bapiiste' Paulin  Daguesseau,  seigpeur  de),  conseiller  d'État , 
448,  450. 

Fretoy  (M.  du),  chef  de  brigade,  181, 186. 

Froulay  (Louis-Gabriel,  bailli  de),  ambassadeur  de  Malte,  279,  321,  359, 
371,  372,  386. 

Froulay  (Charles-Elisabeth ,  marquis  de),  neveu  du  précédent ,  359. 

Fdenëlqrra  (M.  de),  ambassadeur  d*£spagne  à  Naples,  312. 

G. 

Gabaret  (M.  de),  chef  d'escadre,  279. 

Gabriel  (Jacques),  premier  architecte  du  roi,  12,  68,  205,  212,  242, 
341. 

Gabriel  (Ange-Jacques),  architecte,  fils  du  précédent,  67. 

Gagnier,  169. 

Gassion  (Jean,  marquis  de),  lieutenant  général,  440,  462,  463. 

Gassion  (Pierre,  comte  de),  mestre  de  camp,  fils  du  précédent,  462,  4Ç3. 

Gauoion  (M.),  102,  104. 

Gavre  (Prince  de)  419,  423. 

Gencienne  (M.  de)«  capitaine  de  vaisseau,  110. 

Georges  II,  roi  d'Angleterre ,  14,  189. 

GÉRARD  (M.),  253. 

Gesvres  (Léon  Potier,  duc  de),  mort  en  1704,  364. 

Gesvres  (Léon  Potier  de),  cardinal,  fils  du  précédent,  141. 

Gesvres  (Jules-Auguste  Potier  de),  chevalier  de  Malte j  369. 

Gesvres  (François-Joachim-Bernard  Potier,  duc  de),  premier  gentilhomme 
de  la  chambre  du  roi,  gouverneur  de  Paris,  3,  6,  8-11,  31,  37,  38,  42,  72, 
80,  83,  84,  136,  229,  236,  238,  239,  363,  365,  368,  392,  420,  456,  480. 

Gilbert  de  Voisins,  avocat  général  au  Parlement,  171. 

Girandole  de  cristal,  374. 

GivRY(Alexandre-Thomas  du  Bois  de  Fiennes,  chevalier  de),  lieutenant  gé- 
néral, 111,  440. 

Glucq  (M.),  28. 

Goesbriant  (Louis- Vincent,  marquis  de),  lieutenant  général,  10 1^  138, 
448. 


508  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

GoNDRiN  (Loaîs  de  Pardaillan  de  Gondrin ,  marquis  de),  387. 

GoMTAUT (Marie-Adëlaïde de  Gramont,  duchesse  de),  dame  dn  palais  de  la 

reine,  17,  32,  39,  245,  280. 
GoDFFiER  (Louis-Charles  de  Gouffier  d*Heilly,  marquis  de),  maréebal  de  camp, 

158,  164. 
GouYON  DE  Lâciiat-Comnats  (Abbé  de),  254. 
GouYON  DE  Yaudcrart  (Abbé  de),  74. 
Gramont  (Louis- Antoine- Armand ,  duc  de),  colon^  dn  régiment  des  gardes 

françaises,  99,  103,  106,  173,  216,  228,350,  392,  393,  395,  401. 
Gramoot  (Louise-Françoise  d^Aumont  de  Crevant  d^Humières,  duchesse  de), 

femme  du  précédent,  179,  218,  237,  393,  395,  405,  441,  462. 
Gramont  (Louis,  comte,  puis  duc  de),  lieutenant  général,  frère  du  précédent, 

102,  119,  132,  162,  335,  348,  393,  394,  396,  400,  408,  418-420,  452,  458, 

475,  476,480,  48  i. 
Gramomt  (Geneviève  de  Gontaut-Biron,  comtesse,  puis  duchesse  de),  femme 

du  précédent,  108,  119,  396,  409,  434,  475,  476,  480. 
Granokt  (Jean-Georges  de  Caulet,  chevalier  de),  brigadier,  166. 
Grand-Duc  (Le).  Voy,  Toscane. 
Grandvillb  (Bidé  de  la),  clief  du  conseil  du  comte  de  Toulouse ,  intendant 

de  Flandre,  182. 
Grasse  (  La  marquise  dé),  dame  d^honnenr  de  la  comtesse  de  Toulouse , 

196. 
Grave  (Henri-François,  marquis  de),  284,  292. 
Greffec  (M.),  152. 
Grignan  (Chevalier  de),  64. 
Grignan  (Marquis  de),  64. 
Grimaldi  (Abbé  de),  aumônier  du  roi,  461. 
Grimbbrghem  (Louis-Joseph  d'Albert  de  Luynes,  prince  de),  277,  303. 
Grisard  (Le  P.),  74. 
Grosbois  (Abbé  de),  178,  2.54. 

GoÉBRiANT  (Le  président  de),  lecteur  du  roi,  80,  81,  455. 
Gueling  (Baron  de),  314. 

GoÉHEKÉ  (Louise-Gabrielle- Julie  de  Rolian ,  princesse  de),  426. 
GvER  (Jean-François  de  Marnières ,  chevalier  de),  brigadier,  159. 
GuBRCHOis  (Pierre- Hector  le),  conseiller  d'État,  171. 
GuERGHY  (Claude-Louis-François  de  Reguier,  comte  de),  180. 
GuERCHY  (Gabrielle-Lydie  de  Harcourt,  nommée  M"*'  de  Messe,  comtesse  de), 

180,  288. 
GuÉRiN,  artificier,  459. 
GuEscLiN  (Bertrand-Jean-René  du  ),  aumônier  du  roi ,  333;  évêque  de  Cahors, 

456. 
GuEscLiN  (Bertrand-César,  marquis  du),  premier  gen6lbomme  de  la  chambre 

du  duc  d'Orléans,  105. 
GoicHE  (Mii^  de).  Voy.  Brionne. 
GuiCHE  (M.  de  la),  85,  164,  276. 
GuiLLAUME-AvGusTE,  prlncc  de  Prusse,  248. 
Guise  (M.  de),  317. 
GuisTEL  (Abbé  de),  aumônier  du  roi,  253. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  509 


H. 


Haddool,  amiral  anglais,  14. 

Harangue  de  la  yiile  de  Paris,  238. 

Hârcodrt  (  Marie- Anne-Claude  Brulart ,  maréchale  d'),  288. 

Harcocrt  (François,  duc  d*  ),  capitaine  des  gardes  du  corps  du  roi,  (ils  de  la 
précédente,  52,  54,  58,  92,  93,  95,  186,  197,  273,  297,  324,  360,  440. 

Harcotjrt  (  Henri- Claude,  cheyalier  d'),  brigadier,  frère  du  précédent,  159. 

Harcourt  (Angélique-Adélaïde  de),  288,324,328;  princesse  de Croy,  330. 

Harlav  (  Louis- Auguste-Achille  de),  conseiller  d'État,  intendant  de  la  gé- 
néralité de  Paris,  89,  98, 171. 

Hautefort  (Emmanuel-Dieudonné,  marquis  de),  brigadier,  133;  maréchal 
de  camp,  158,  164. 

Helvétics,  premier  médecin  de  la  reine,  2741 

HBLVÉncs  (M"«),  302. 

Hennesy  (Richard  d'),  brigadier,  167. 

Hérault  (René),  lieutenant  général  de  police,  (  1  ;  intendant  de  Paris,  98,  225. 

HÉRicoDRT  (Le  P.  d'),théatin,  334. 

Hertbnrerg  (  Baron  de  ),  314. 

Hesse-Darmstadt  (  Louis  lY  ou  Ernest  Louis ,  landgrave  de),  56,  305. 

Hessb-Darmstadt  (Louis  Y,  landgrave  de  ),  fils  du  précédent,  306. 

Hesse-Darmstad  (Louis,  prince  de  ),  fils  du  précédent,  305,  306,  314,  334. 

Hesse-Darmstadt  (  Georges-Guillaume,  prince  de  ),  frère  du  précédent,  306, 
310,  314,  334. 

Hesse-Darmstadt  (Georges*Frédéric-Charles ,  prince  de),  frère  cadet  des  pré- 
cédents, 306,  310,  314,  322,  323. 

HessB'Rhinfels  (François- Alexandre,  prince  de),  12. 

Hesse-Rhinfels  (Christine-Henrietle ,  princesse  de),  201. 

Heodicodrt  (M.  d'  ),  484. 

Hongrie  (  Reine  de).  Voy,  Marie-Thérèse  d'Autriche. 

Hôpital  (Paul-François  de  Gallucci,  marquis  de  T),  ambassadeur  à  Naples, 
4,  56;  maréchal  de  camp,  158. 

Hôpital  (Elisabeth-Louise  de  BouUongne,  marquise  de), femme  du  précédent, 
149,  173,  175,  176,  348. 

Hôpital  (  Jacques-Raimond  de  Gallucci  de),  comte  de  THôpilal-Sainte-Mesme, 
56,  324,  328,  399,  430. 

Hopital-Saimte-Mesme  (Louise-Constance  Eynard  de  Ravannes,  comtesse 
deT),  324,  328,  348. 

HosTUN  (Marie-Joseph,  duc  d'  ),  49,  64. 

Houllier  (  L^abbé  ),  aumônier  des  mousquetaires,  74. 

HoussAYE  (  Félix-Claude  le  Pelletier  de  la  ),  conseiller  d*État,  226,  405. 

HtiART,  avocat,  123, 126. 

Hugues  (Guillaume  d'  ),  évoque  de  Nevers,  253. 

HuMiÈRES  (Louis-François  d'Aumont,  duc  d'),  228. 

HuMiÈRES  (Anne-Louise- Julie  de  Crevant,  duchesse  d'),  femme  du  précédent 
218,  228,237. 


510  TABLB  ALPHABÉTIQUE 

I. 

IBERVILLE  (  M.  d'  ),  367. 

IMBERT  (Le  P.!),  théatin,  359. 
Incendie  au  Tieux  Louvre,  167. 
Inondation  de  la  Seine,  295. 

ISENGHiBN  (Louis  de  Gand-Villain,  prince  d^),  maréchal  de  France,  327, 328, 
334. 

J. 

Jabldnowski  (M.  de },  303,  304. 

Jaunat  (François  de),  maréchal  de  camp,  166. 

Jeux  de  l'hôtel  de  Soissons  et  de  Phôtelde  GesTtes,  363;  jeu  de  M.  de  Ca* 

rignan,  365  ;  défense  des  jeux,  374. 
JoLY  DE  Fledry  (  Guillaume- Frauçoîs  ),  procureur  général  au  parlement  de 

Paris,  85,  283. 
JoLY  DE  Fleurt  (GuiUaume-FrançoLs-Louis),  fils  du  précédent,  avocat  général 

au  parlement,  283. 
Joyeuse  (M"»  de).  Voy.  Ecquevilly  ( M*"'  de). 
JuMiLHAC  (  Pierre- Joseph  de  Chapelle,  marquis  de  ),  lieutenant  des  mousque* 

taires,  6  ;  maréchal  de  camp,  158, 418. 

L. 

Laiclë  (Louis-Gabriel  des  Acres,  comte  de),  brigadier,  159. 

Lalau  (M.  de),  352,  353. 

Lamassais.  Voy.  Massays. 

Lamberti  (  Marquis  de  ),  chambellan  et  capitaine  des  gardes  à  cheval  du  roi 
de  Pologne,  197. 

Lambesc  (  Louis  de  Lorraine,  prince  de  ),  52, 173,*  417,  418. 

Languet  de  Gergy  (Jean-Baptiste- Joseph),  curé  de  Saint-Sulpice,  123. 

Lanhary  (Marc-Antome  Front  de  Beaupoil-Saint-Aulaire,  marquis  de),  maré- 
chal de  camp,  ambassadeur  en  Suède,  456. 

Lannoy(M. de),  372. 

Lansac  (Abbé  de  ),  254. 

Laon  (Évêque  de  ).  Voy,  Fare. 

Lassa  Y  (  Léon  de  Madaillan  de  Lesparre,  comte  de),  85,  276,' 384,  432. 

Latovr  (  Maurice-Quentin  de  ),  peintre  de  portraits  au  pastel,  90. 

Launay  (  M.  de),  trésorier  de  Pextraordinaire  des  guerres,  445. 

Lautensthausen  (M.  de),  57. 

Lauzun  (Geneviève-Marie  de  Durfort,  duchesse  de),  188,  201. 

Laval  (  Guy- André-Pierre  de  Montmorency,  marquis  de),  284,  292. 

Laval  (Jacqueline-Hortense  de  BulUon-Fer  vaques ,  marquise  de),  femme  du 
précédent,  284,  292,  348. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  611 

Laval  (Guyonne-Marie-Chri&tine  de  Montmorency,  M^^^  de  ),  soeiir  du  précé- 
dent, 284,  292. 
Layardin  (  M.  de),  ambassadeur  à  Rome,  192.  * 
Laterdy,  avocat,  365. 
Legendre,  brigadier,  160. 
Lbmagnan,  joaillier,  7. 
Lemaure  (  M'^^  ).  Foy»  Maore. 
Leheau  de  la  Jaisse,  392. 
LÉON  (Abbé  de),  254. 

LéoN  (Françoise  de  Roquelaore,  princesse  de),  38,  391. 
Lercari  (\bbé),  39. 

LfiRouGE  (Abbé ),  chapelain  de  la  reine,  254. 
Lesdiguières  (  Gabrielle- Victoire  de  Rocbecbouart-Mortemart,  duchesse  de), 

165. 

Lesparrb  (Antoine-Antonin  deGramont,  duc  de),  160,  162,  348. 

I^esparre  (Marie-Louise- Victoire  de  Gramont,  comtesse  de),  cousine-germaine 

et  femme  du  précédent,  103, 237,-  409. 
Lesseville  (Le  Clerc  de),  182. 
Leuville  (Louis-Thomas  du  Bois  de  Fiennes,  marquis  de),  lieutenant  gé* 

néral,  440,  444,  463.' 
LÉvis  (  François-Charles  de  Lévis-Chàteaumorand,  comte  de  ),  brigadier,  159.  , 

LÉvis  (Marie-Françoise  d^ Albert  de  Luynes,  duchesse  de),  morte  en  1734, 

236. 
Lévis-Leran  (Henri-Gaston  de  ),  évêque  de  Pamiers,  456. 
Letde  (M°**  de  ),  camerera-mayor  de  M"®  Infante,  71,  72. 
Lezonnet  (M.  de),  126. 
Licbtenstein  (Prince  de),  ambassadeur  de  l'empereur,  84,  110,  117»  129, 

145,  214,  217,  237,  238,  266,  269,  271,  272,  310,  314,  316,  389. 
Lightenstein  (Princesse  de),  23,  145,  215,217,  226,  252. 
LmiÈREs(LeP. de),  jésuite,  confesseur  du  roi,  176. 
LiSTENOis  (  M.  de  ),  129. 
LivRY  (Louis  Sanguin,  marquis  de  ),  premier  maître  d'hôtel  du  roi,  101,  124, 

434. 
LivfiY  (Louis-Paul  Sanguin,  marquis  de),  fils  du  précédent,  294,  307,  434. 
Loch  aria  (Marquis  de  ),  4484 
Logements  des  compagnies  suisses,  401. 
LoGNY-MpisTHORENCT  (Philippe-Frauçois,  chevalier,  puis  comte  de),  brigadier, 

159. 
LoHELLim  (  M.  de),  envoyé  de  Gènes ,  227, 244. 
Lomellini  (Chevalier  de),  frère  du  précédent,  227. 

LoRGEs  (Comte  de),  189.  ! 

Lorges  (Duchesse  de  ),  307. 
Lorraine  (Duc  de),  102. 

Lorraine  (Elisabeth-Charlotte  d'Orléans,  duchesse  de),  284. 
Loterie  (Publication  d'une  ),  317. 

Louis  XIV,  58,  80,  150,  181,  236,  287,  288,  312,  354,  363,  367,  460,  468. 
Louis  XV,  9-25,  29-61  ;  sa  lettre  à  M"""  de  Ventadour,  62,  63,  66-79,  83,  | 

86-99,    102-105,    108-114,117-135,139-157,    161-165,168-219,224,  228, 


513  TABLE  ALPHABfiTIQUE 

236-243,   248-300,  303-319,   322-329,    333-342,    34A-348,  351,   355-357, 

360-363,  366-374,  380-387,  390-392,395-397,403-421,  424,427,430-476, 

479-484. 
Louis  de  France,  Dauphin,  fils  de  Louis  XY,  9,  19-25,  32-37,  45,  51,  54, 

75,  92,95,  98,  102,  104,  110,  115,  131,  147-152,  162,  173-176,  180,  189, 

197-203,  207-212,  228,  237-242,  249,  253,  256,  264,  265,  269,  275,  281, 

288,  291,  294,  297,  300-303,  320,  329,  333-338,  360,  367,  396-398,  404, 

412,  418,  432,  440,  443-446,  465,  470,  484. 
Loms  (Le  prince).  Voy,  Carignan  (  Prince  de). 
Locvois  (François- Michel  le  Tellier,  marquis  de),  mort  en  1691,  427. 
Luc  (Charles-François  de  Vintimille,  comte  du),  conseiller  d'État  d'épée,  47 > 

193,  194,  211,  215. 
Luc  (Gaspard'Madelon-Httbert  de  Vinlimille,  marquis  du),  lieutenant  général, 

fils  du  précédent,  47,  52,  60,  111,  471,  477,  478,  480. 
Luc  (  Marie-Charlotte  de  Refuge,  marquise  du  ),  femme  du  précédent,  51. 
Lucé  (M.  de),  maître  des  requêtes,  448. 
Luciennes  (Pavillon  de),  452,  465. 
LuGEAG  (Charles- Antoine  de  Guérin,  marquis  de),  capitaine  au  régiment  de 

dragons  de  la  Suse,  41,  349. 
LussAN  (Charles-Claude-Joachim  d'Audibert,  comte  de  ),  colonel  du  régiment 

de  la  Sarre,  65;  brigadier,  129,  160. 
LussAN  (Chevalier  de),  guidon  de  la  compagnie  des  gendarmes  de  Bretagne, 

161. 

LUSSEBOURG.  Voy,  LUTZELBOUBG. 

LuTZBLBouRG  (Marie-Josepb-Françoîs  de  Velter,  comte  de),  mestrede  eamp 
de  cavalerie,  329. 

Luxembourg  (Charles-François  de  Montmorency,  duc  de),  maréchal  de  camp, 
8,  23,  41,  170,  224,  227,  259,  261,  264,  296,  307,  381,  382,  384,  390, 
394,  404,  407,  408,  410,  411,  413,  440,  449,  455. 

Luxembourg  (Marie-Sophie-Émilie-Honorate  Colbert  de  Seignelay,  duchesse 
de),  femme  du  précédent,  453. 

LtVNES  (Charles-Philippe  d'Albert,  duc  de),  27,  31,  64,  88,  125,  134,  170, 
237,  287,  348,  351,  375,  420,  437-439,  450. 

LUYNES  (Marie  Brularl,  duchesse  de),  dame  d^honneur  de  la  reine,  femme 
du  précédent,  2,  3,  15,  19,  23,  24,  32,  42,  45,  49,  56-60,  80-84,  93,  105, 
109,  113-117,134,  135,  139,  151-153,  161,  162,  177,  187,  200-203,  218, 
227-229,  234-237,  248,  251,  257,  274,281,  284,  290,  291,  294,  297-305, 
310,  314,  318,  323,  324,  328,  329,  334,  336,  345-348,  351,  360,  366,  367, 
389,  391,  394,  397,  398,  410,  411,  437-439,  442,  443,  456,  470,  471,  478. 

LuTNEs  (Paul  d'Albert  de),  évèque  de  Bayeux,  251,  293. 

Luzerne  (François  de  Briqueville,  comte  de  la),  vice-amiral,  384, 386. 


M. 


Maboul  (M.),  63,  67. 
Macei  (Cardinal) ,  264,  330. 
Macheco  de  Prémaux  (Abbé  de),  254. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  513 

Madame.  Voy,  France  (Louise-Elisabeth  et  Ânne-Henrieite  de). 

Madame  Infante  Voy,  Francb  (Louise-Elisabeth  de). 

Mademoiselle.  Fo^.  Bourbon  (Louise-Anne  de). 

Magnifique  (Le),  comédie,  205. 

Maillebois  (Jean-Baptiste-François  Desmaretz,  marquis  de),  maréchal  de 
France,  31,37,  133,  327,  440,  441,  444,  445,  463,  467. 

Maillebois  (Marie-Emmanuelle  d'Alègre,  marquise  de),  femme  du  précédent, 
13,  49,  50,  329,  441,  444,  467,  483. 

Maillebois  (Marie- Yves  Desmaretz,  comte  de),  fils  des  précédents ,  69, 
455. 

Maillebois  (M>*e  ^e).  Voy,  Sodrckes  (Mme  de). 

Mailly  (Louis -Alexandre  de  Mailly  Rubempré,  comte  de),  183. 

Mailly  (Louise-Julie  de  Mailly-Nesle,  comtesse  de),  femme  du  précédent, 
dame  du  palais  de  la  reine,  2,  8,  6,  7,  13,  32,  35-38,  41-56,  59,  60,66, 
68,  72-78,  82,  83,  87,  90,  95,  98,  99,  103,  107-112,  118-121,  130-135, 
139-141,  149,  153,  154,  157,  164,  168-179,  182-186,  191-196,  202,'  208- 
212,  215,  220,  223-229,  237,  242,  248-256,  258-269,  272-274,  278-290, 
293,  296,  298,  301,  307-310,  316-319,  323,  324,  327-329,  334,  335,  339- 
341,  345-348,  351,  361,  365,  368,  370,  373,  375,  381-384,  387,  390-394, 
403,  404,  407,  409,  410,  414,  415,  417,  420,  424,  484,  439,  445,  449,  458, 
461,  466-468,  472-484. 

Mailly  (François  de  Mailly-Rubempré,  chevalier  de),  colonel  du  régiment  de 
dragons  de  Condé,  beau- frère  de  la  précédente,  148, 183. 

Maine  (Anne-Louise-Bénédicte  de  Bourbon-Condé ,  duchesse  du),  353,  356. 

Maine  (Louise-Françoise  de  Bourbon,  Mademoiselle  du),  19,  21,  23,  25. 

Maintenon  (Mme  de),  289. 

Malause  (Armand  de  Bourbon ,  comte  de),  brigadier,  160. 

Mancini  (Anne-Louise  de  Noailles,  M>°ecle),  388. 

Manerbe  (Pierre-François-Tliomas  de  Borel ,  chevalier,  puis  Comte  de),  briga* 

dier,  166* 
Maniban  (M.  de),  premier  président  au  parlement  de  Toulouse,  307. 
Maniban  (MUe  de),  294,  307. . 
Mans  (Jacques-Emmannel  de  Vaftsé ,  vidame  du)»  106* 
Marbedp  (L^abbé  de),  lecteur  du  Dauphin,  265. 
Marbres  d'Italie  (Collection  de),  374. 
Marche  (Louis-François-Joseph  de  Bourbon-Conty ,  comte  de  la),  198,  432, 

483. 
Marciëu  "(Chevalier  de),  64. 
Marck  (  Louis- Pierre,  comte'de  la),  lieutenant  général,  ambassadeur  en  £s« 

pagne,  73,  112  226,  284. 
Marcr  (Louis-Engilbert,  comte  de  la)  brigadier,  fils  du  précédent,  158. 
Marck  (François-Marie ,  chevalier  de  la),  officier  du  prince  de  Condé ,  42d. 
Marie-Amélie  de  Saxe,  reine  des  Deux-Siciles,  257. 
Marie'-Anne  de  Neubourg,  reine  douairière  d'Espagne ,  veuve  de  Charles  II, 

222. 
MARiE-ÉusABBtR-LcciE ,  archiduchesse  d'Autriche  et  gouvernante  des  Pays* 

Bas  autrichiens ,  466. 
Marie  LecKinsila,  1-3,  8,  9, 15, 16, 19,21,  24,  2â)  32,  35,80,  âÔ»  42-46,  49, 
t»  tlU  33 


514  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

60,  75,  76,  80-84»  89-9)|  95«  98«  101-105,  110»  114,  Itô,  123,  124,  189- 
135,139,140, 144,  147-153, 155,  157,  161,  162,  171-177^  180, 185-187,  197, 
300-203,  210-218,227-230,  236-242,  246,  248,  251,253,  257,  258,261, 
268,  269,272-278,281,  284-291,294,  295,299,  800-305,  308-310,  318, 
819,  322,  323,  327,  329,  335-339*  345,  346,  Soi,  859-363,  871,  372, 
380,  381,  384,  390-892,  396-398, 406,407,  411  413,  417-420,  430,  437-439, 
442,  443,  447,  449,  4'52,  456-465,  470,  474479,  482. 
MAiUE-THÉRÈsB-Âim)iNBTTE-RAPHAELLB,  infante  d'Espagne,  12,  18. 
Marie^Th^rèss  d'Autriche,  grande-duchesse  de  Toscane,  reine  de  Bohème  et 

de  Hongrie,  265,  269,  284,  350,  362,  446,  453,  469,  472. 
Marignakb  (Joseph-Marie  de  CkMiet,  marquis  de),  maréchal  de  camp, 

166. 
Marion  Delorme,  91. 

Marivaux  (Louis- Jean- Jacques  de  Plsle,  marquis  de),  brigadier,  158. 
Martel  (Charles  de  Martei  d'Ëmalleyiile ,  chevalier  de),  man^hal  de  'camp, 

158. 
Marsam  (Charles-Louis  de  Lorraine,  comte  de),  15^  20,  21,  348. 
Marsan   (Elisabeth  de  Roquelaure,  comtesse  de),  femme  du  précédent, 

453. 
Martin  ,  apothicaire ,  276,  47 1. 

Marvillb  (Claude-Henri  Feydeau,  seigneur  de),  lieutenant  général  de  po- 
lice, 99. 
BlAssATs  (Henri-Gabriel  Amproiix,comtedela),  colonel  du  régiment  de  Pié- 
mont, 160. 
Masson  (MM.),  449. 
Masson  (M"«),  448. 
Matignon  (£dmée-Cbark)tte  de  Brenne  de  Bourbon,  marquise  de),  dame  du 

palais  de  la  reine,  111, 175,  215,  280,  281,  309,  318. 
Matignon  (M»'«  de).  Voy,  Laval  (M"«  de). 
Maulevrier  ( Louis-Kené-Édouard  Colbert,  comte  de),  maréchal  de  camp, 

158. 
Madpeou  (René-Théophile ,  marquis  de),  maréchal  de  camp,  158. 
Maupeou  (Louis-Charles-Âlexandre,. chevalier  de),  colonel  du  régiment  de 

Bigorre ,  160. 
Maupertuis  (Pierre-Louis  Moreau  de),  de  TAcàdémie  française,  388,  389. 
Maure  (M"e  Le),  cantalrice,  164,  168,  205. 

Maurépas  (iean-trédéric  Phélypeaux,  comte  de),  secrétaire  d'État,  5,  27, 
48,  87,  105,  143, 196,  199,238-240,251,  261,  289,  294,295,  299,300,  304, 
341,  358,  359,  366,  370,  371,  376,  383,  409,  420,  429,431,  435,  439, 
447. 

MAUREPAS  (Marie- Jeanne  Phélypeaux  de  la  Yrillière,  comtesse  de),  cousine 

et  femme  du  précédent,  83, 260. 
MAZARitv  (Françoise  de  Mailly,  duchesse  de),  dame  d'atours  de  la  reine,  19,  23, 

24,  32,  45,  55,  103,  150,  154,  161,  200,  212,  218,  229,  237,  248,  281,  300, 

305,391. 
Mazis  (Des).  Fo^.  Desmâzis. 
Meaux  (Évéque  de).  Voy.  Roche  de  Fontenille. 
MéHÉHBT-ËFFENDi ,  ambassadeur  de  la  Porte ,  465. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  515 

MfitFORT  (Milord) ,  345, 349. 

MelI'N  (Louis-Gabriel ,  Yicomte  de),  lientenaiit  général ,  18. 

MÉNARs  (Jean-Baptiste  Charron,  marquis  de),  47. 

MÉNARS  (Marquise  de),  48. 

MÉNARS  (Michel- Jean-Baptiste  Charron,  marquis ^de),  fils  des  précédents, 

48,  ÔO. 
Menod  (Louis  de  Menou  de  Cuissy,  comte  de),  maréchal  de  camp,  166. 
Mercier  (M™«),  nourrice  du  roi  et  première  femme  de  chambre  de  la  reine , 

337. 
MÉRiNYiLLE   (François-Louis-Martial  de  Monstiers,  marquis  de),  maréchal 

de  camp,  157. 
MÉRODE  (Alexandre-Maximilien-Bathazar-Dominique  de  Gand-Yillain,  comte 

de),  maréchal  de  camp,  406,  441,  444. 
MÉRODE  (Paulioe-Louise-Marguerite  de  la  Rochefoucauld  de  Roye,  comtesse 

de),  femme  du  précédent,  dame  du  palais  de  la  reine,  280,  281, 318,  406, 

441,  414. 
Mesdames.  Voy,  France  (Louise-Elisabeth,  Anne-Heoriette  et  Marie-Adé- 
laïde de  ). 
Mescay  (Urbain-Pierre-Louis  Bodineau,  baron  de),  brigadier,  167. 
Mesgrigny  (M.  de),  373. 

Mesmes  (Le  bailli  de),  ambassadeur  de  Tordre  de  Malte,  320,  373,  386. 
Messé  (Mlle  de).  Voy.  Gcercht. 
Metternich  (M.  de),  233. 
Metz  (ÉYèque  de).  Voy,  Saint-Swon. 
Meuse  (Henri-Louis  de  Choiseul,  marquis  de),  lieutenant  général,  108, 119, 

130,  173,  296,  307,    381,  382,  390,  404,  449,  452,  467,  468,  473,  476» 

476,  480,  4?1. 
Meuse  (François-Honoré  de  Choiseul,  cheYalier  de),  fils  du  précédent»  449, 

452. 
MÉZIÈRES  (Eugène- Eléonor  de  Béthisy ,  marquis  de),  brigadier,  166. 
Milices  de  Bretagne  ,110. 
Mina  (Le  marquis  de  la),  ambassadeur  d^Ëspagne,  5»  6,  10, 11,  15,  16,  18, 

20-25,  27-30,  61,  82,  84,  89,  101,  112,  114,  117,  126,  152,  200,  204,  210, 

222,  389,  390,  398. 
Mina  (La  marquise  de  la),  23,  29,  30,  82,  112,  116,  152, 161,  162. 
MirepoiK  (ÉYêque  de),  Voy,  Boyer  (Jean-François). 
Mirepoix  (Pierre-Louis  de  LéYis,  marquis  de),  ambassadeur  à  Vienne,  307, 

320,321. 
MoDÈNE  (Marie-Tbérèse-Félicité  d'Esté,  princesse  de),  219. 
Molwitz  (Bataille  de),  380,  388. 

Monaco  (Honoré-Camille-Léonor  Grimaldi ,  prince  de),  56, 64,  3(6,  346. 
MoNDONYiLLE  (Josepb),  compositcur  de  la  musique-chapelle  du  roi,  210. 
MoNGARDiN  (M.  de),  387. 
MoNNiN  (François  de),  maréchal  de  camp,  158. 
MoNTAiGUT  (Pierre-François ,  comte  de),  brigadier,  166,  444,  455. 
MoNTAL  (Louis-Charles  de  Montsaulnin,  marquis  de),  250. 

MONTANÈGRE  (DUC  dc),  228. 

MoNTAUBAN  (Éléonore-Eugéuîe  de  Béthisy,  princesse  de),  dame  du  palais  de  la 

33. 


516  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

reine,  16,  50,  110  111, 129,  144,  202,  215,  274»  280,  318,  360,  367,  4S7. 

MoNTACBAN  (Eléonore  Iibuise-CoDstance  de  Rohàn),  fille  aînée  de  la  précé- 
dente, 16. 

MoRTÂUBAii  (Louise-Julie-Constance  de  Rohan-},  seconde  fille  de  la  précé- 
dente, 289.  « 

MoirrooissiER  (Philippe-Claude  de  Montboissier-Beaurort,  marquis  de),  lieu- 
tenant général,  418. 

MoKTCAVREL  (Diaue-Adélaidc  de  HaiUy-Nesle,  [W^  de),  depuis  duchesse  de 
Lauragii«s,  154,  283,  466. 

MoTTEMAR  (M.  de),  ministre  delà  guerre  en  Espagne,  440. 

Monténégro  (Duc  de).  Ht,  113. 

MoNTESPAN  (M*^  de),  108. 

MoNTBSQUiou  (Abbé  de),  74. 

MoNTGiRACT  (Bertrand  de),  maréchal  de  camp,  158,201,  203. 

MoMTUo  (Comte  de),  ambassadeur  d'Espagne  à  Francfort,  318,  319,  338, 
339. 

MoirnnRAiL  (François-Michel-César  Le  Tellier,  marquis  de),  capitaine-colonel 
des  Cent-Suisses,  378,  388. 

MoTmiREL.  Voy.  Mohtmirail. 

MoNTMOREKCT  (Christiau-Louis  deMontmorency-Luxemboorg,  prince  deTingry, 
appelé  le  maréchal  dé),  maréchal  de  France ,  317. 

Montmorency  (Louise-BIadeleine  de  Harlay,  maréchale  de),  femme  du  précé- 
dent, 422. 

Montmorekct  (Joseph-Maurice-Annibal  de  Montmorency-Luxembomig,  comte 
de),  nis  des  précédents,  296,  419,  423. 

Montmorency  (Françoise-Thérèse-Marline  Le  Pelletier  de  RosambQ,  comtesse 
de),  femme  du  précédent,  419,  422. 

MoNTMORENCY-LiGNY  (Ânue  de  Montmorency-Luxembourg,  comte  de),  mare- 
clial  de  camp ,  oncle  do  précédent,  129,  158,  295, 296. 

MoNTMOBix  (M.  de),  348. 

MoNTMORiN  (M"«  de),  95,  112,  118,  215,  224,  229,  258,  272. 

Montpellier  (Évéque  de).  Voy.  Charenct. 

MoNTPiPEAt;  (Charles  de  Rochechouart,  marquis  de),  brigadier,  466. 

MoRANCiÈs  (Pierre  de  Molette,  marquis  de),  brigadier,  160. 

MoRTEMART  (Jeau-Victor  de  Rochechouart,  marquis  de),  colonel  du  régiment 
de  Navarre,  160. 

MoRTiLLE  (Charles-Jean-Baptiste  Fleorîau ,  seigneur  de),  secr^aire  d*Élat  des 
affaires  étrangères,  mort  en  1732,  289,  454. 

MoRYiLLE  (Charlotte-Elisabeth  de  Vienne ,  M"^  de),  femme  du  précédent , 
289. 

MoRYiLLE  (Charlotte-Marguerite  Fleuriàtt  de),  marquise  de  Crussol ,  fille  des 
précédents,  289. 

MoTTE-GoÉRiN  (Joseph,  comte  de  la),  brigadier,  159. 

MoTTE-TiBERGEAo  (M.  dc  la),  brigadier,  167. 

MoTTETiLLE  (MémoIres  de  M*^  de),  4dl. 

Mdrich  (Le  général),  286. 

Mut  (Jean-Baptiste  de  Félix,  tnvqliis  du),  «oos-gOuYCtilear  du  Dauphin,  Sa, 

215,275,276. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  517 

Mu  Y  (Marguerite  d*Arniand  de  Miron,  marquise  du),  femme  du  précédent,  sous* 

gouvernante  des  enfants  de  France,  37, 40, 131. 
MvY  (Josepli-Gabriel  Tancrède  de  Félix,  marquis  du),  brigadier,  166. 


N. 


NAN6i8(Louis*Ârmand  de  Brichantaan,  marqnis  de),  chevalier  d^honneur  de  la 
reine,  15,  93,  161,  274,  276,  286,  300;  maréchal  de  France,  327,  334, 
335,  417,  437,  438,  459,  478. 

Nangis  (Mine  de),  16,  329. 

Narbonne  (Archevêque  de  ).  Voy.  Grillon. 

Nassau-Weilbodrg  (Prince  de),  53,  59,  246,  305, 442. 

NÉELDE  Cristot  (Louis-Frauçois),  évéque  de  Séez,  184. 

Neiss  (Bataille  de),  389. 

Nemours  (Marie  d'Orléans-Longueville,  duchesse  de),  morte  en  1707, 233. 

Nbsle  (Louis  de  Mailly,  marquis  de),  père  deM°>es  de  Mailly,  de  Yinti- 

mille,  etc.,  63,  67, 154,  235. 
Nesle  (Armande-Félice  de  la  Porte-Mazarin ,  marquise  de),  femme  du  précé- 
dent, dame  du  palais  de  la  reine,  morte  en  1729,  85,  280. 
Nesle  (M»»  de).  Voy,  Vintimille. 
Nbshond  (M.  de),  officier  de  marine,  433. 
Nestibr  (M.  de),  brigadier,  160. 
Nbufchatel  (Louis-Henri  de  Bourbon-Soissons,  prince  de),  mort  en  1703, 

233. 
Neufchatel  (Angélique-Gunégonde  de  Montmorency-Luxembourg,  princesse 

de),  femme  du  précédent ,  morte  en  1736 ,  234. 
Neufcbâtef  (Principautés  de)  et  de  Vallengin ,  233 . 
Neuperg  ,  général  de  Tempereur,  75,  389. 
Neuville  (Le  P.),  jésuite,  129, 153,  163, 175, 176, 334. 
Nicolai  (Aimard-Jean  de),  premier  président  de  la  chambre  des  comptes,  47, 

200,  477,  478. 
Nicolai  (Madeleine-Charlotte-Guillelmine-Léonine  de  Vintimille,  M*"*  de), 

femme  du  précédent,  51. 
Nicolai  (Antoine-Chrétien),  chevalier  de  Malte,  brigadier,  frère  du  précédent, 

160,  443. 
NiDA  (Comtes  de).  Voy,  Hesse-Darmstadt. 
Noailles  (  Adrien-Maurice,   duc  de  ),  maréchal  de  France,  capitame  des 

gardes  du  corps  du  roi,  50,  109, 126,  177,  iSl,   182,  243,  244,  301,  313, 

342,  405,  441,  455,  480-482. 
Noailles  (Françoise-Charlotte-Amable  d*Aubigné,  maréchale-duchesse  de) , 

femme  du  précédent,  14,  54,  55,  69. 
Noailles  (Philippe,  comte  de),  gouverneur  de  Versailles ,  fils  des  précédents , 

8,  23,  36,  49,  50,  119,  130,  134,  243,  244,  287,  301,  307,  313,  381,  390, 

458,  475,  476,  480. 
Noailles  (Marie-Anne-Françoise  de),  sœur  du  précédent,  69, 
NoGEHT  (Louis- Armand  de  Bautru,  comte  de),  lieutenant  général,  mort  en 

1736,  340. 


Ô1S 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


RoGiirr  (Bcariette-Émmede),  fille  du  précédent,  339-341. 

NoisEiTB,  commis  de  M.  d'AngerfîHiers,  207. 

NccERT  (iett  de  Nngnt  de  Westmeath ,  comte  de),  brigadier,  166. 

Noi!(Ès  (FernaDdo).  Voff,  Ferkand  Ncnkès. 

Htut  (Âleundre-Deiiis  de),  premier  valet  de  chambre  du  roi ,  476,  4S4. 


0. 


Œls  (Baron  d').  Vog,  Elti. 

Oijuc,  capitaine  saxon,  33,  42. 

Opède  de  Forbik  (Abbé  d'),  anmdnierdu  loi,  21,  431. 

Opter  (M"<:  d*).  Voy.  ADaETESBE. 

Oracle  (V),  comédie ,  20». 

Ordres  étrangers  en  France,  205. 

Orital  (Alphonse-Théodore  de  Rienoourt,  marquis  d'),  brigadier,  166. 

OujUhs  (Philippe,  doc  d*  ),  rég^t  du  royaume,  mort  en  1723,  107,  108, 

151,  289,  454. 
Qrléaks    (Françoise-Marie  de   Bourbon,   dodiesse-douairière  d'),  fiile  de 

Louis  Xi  y  et  de  W^  de  Montespan,  femme  du  i»récédeat,  16,  245,  2^3, 

356,411,  414,  432. 
OtiLÉàss  (Louis,  duc  d^),  fils  du  régent,  premier  prince  du  sang,  19-21,  24, 

58,  96, 155, 164,  1S5,  219,  257,  315,  352,  403,  407,  411,  432. 
ORLBAKis  (Louise-ÉlisabeUi  d'  ),  fille  du  régient,  reine  douairière  d'Espagpie,  26, 

308,  441. 
OaiiEssoK  (Henri-François  de  Paole  le  Fèvre,  seigneur  d'  ),  conseiller  au  conseil 

royal  des  finances ,  174,  196. 
Obbt  (Philibert),  contrôleur   général  des  finances,  9,  43,  68,  87,  88,  174, 

196,  240,  315,  328,  371,  411,  412,  427,  439,  451. 
OasouiiSKA  (La  duchesse),  304. 
OsioiiB  (Doc  d'),  389. 
OrroMBu  (Cardinal),  doyen  da  sacré  Collège,  156. 


P. 


Pajot  (Pierre),  seigneor  de  Nozeau,  maître  des  requêtes,  intndant  d'Or- 
léans, 163. 

Palatin  (Électeur).  Voy.  Charles-Philippe  de  Nedbogbg. 

Pamiers  (É¥éqiie  de).  Voff.  Fénelor. 

Parabère(Mik  de),  107,  204. 

Parabère  (  MU«  de  ),  286. 

PARnAïuAw  (M.  de),goaTerBeor  du  dnc  de  Penthlèrre,  capitaine  de  vaisseau, 
471. 

Paris  (Archevêque  de).  Voy.  Ylviuolle. 

Paris  (MM.),  433. 

Parlement  de  Paris,  255,  429. 

Padhier,  valet  de  chambre,  253. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  519 

Pecquet;  premier  commis  des  affaires  étrangères,  2ô9,  4à4. 

Pelletier  (Louis  le),  premier  président  au  parlement  de  Paris,  429. 

Pelletier  des  Fors  (Michel-Robert  le).  Voy,  Fors. 

Pelletier  de  Rosambo  (  M  i^c  Le).  Voy.  Momthorbng¥. 

Pendules  du  roi,  385. 

Penthièyre  (  Louis- Jean-Marie  de  Bourbon,  duc  de),  19,  28,  92,  126,  176, 
218,  355,  356,  360,  396,  472,  476. 

Perdriguier  (David  do  Larry  de),  brigadier,  167. 

Pbrée  (M.  de  la),  commandant  de  la  ville  de  Narbonne,  427^ 

Permangle  (  Gabriel  de  Chouly  de  ),  lieutenant  général,  473, 

Pernault,  huissier  de  l'antichambre  du  roi,  217; 

PÉROusE  (M.  de  la  ),  ministre  de  Bavière  à  Vienne,  277. 

Perussis  (Louis-Élisabeth,  marquis  de),  brigadier,  167. 

Pëvrard,  accoucheur,  1S9. 

Petronie  (François  Gigot  de  la  ),  premier  chirurgien  du  roi,  9i},  207,  467, 
474. 

Phalaris  (Duc  de),  421. 

Phalaris (Duchesse  de),  421. 

Philippe  V,  roi  d'Espagne,  40,  70,  73,  222,  288,  367,479. 

Philippe  (  Don),  infant  d^Ëspagne,  16,  72. 

PiCQuiGNY  (Michel-Ferdinand  d'Albert  d'Ailly,  duc  de  ),  54f  1^1|  lâ6i  briga- 
dier, 160,  241,  437,  439,  443,  451,  464. 

Pillage  du  bois  des  Célestins,  145. 

PiNON  (Bernard-Louis),  brigadier,  166. 

PiNTo  (Emmanuel),  grand-maître  de  Tordre  de  M^lte,  330, 

Piosw  (  Chevalier  de  ),  capitaine  de  vaisseau,  377,  ^79,  380,  3§6. 

Plessis  de  La  Corée  (Simon-Louis  du  ),  maréchal  g^nér^)  de^  logis,  45^. 

Porcelaine  de  Réaumur,  184. 

Planta  (Baron de),  gentilhomme  des  princes  dfi  Ee^se,  305,  300,  814,  32?, 
323. 

Plelo  (M"*  de),  105,  106. 

PoLASTRON  (Jean- Baptiste,  comte  de),  lieutenant  général  des  armées  du  roi, 
sous-gouverneur  du  Dauphin,  40,  55, 131,  440,  469. 

PoLASTRON  (Chevalier  de),  161. 

PoLASTRON  (Louis-Gaspard,  abbé  de),  254. 

PoLiGNAC  (Melchior,  cardinal  de),  141. 

PoLiGNAC  (  Chevalier  de  ),  185. 

Polissons  ou  salonistes  de  Marly,  183,  386. 

Pologne  (Frédéric-Chrétien-Léopold,  prince  royal  de  ),  électeur  de  Saxe,  311. 

Pologne  (Roi  de).  Voy,  Stanislas  Leczinski  et  Auguste  III. 

Pologne  (Reine  de).  Voy.  Catherine  Bnin-Opal^nska. 

Pomponne  (L'abbé  de),  chanceliier  de  l'ordre  du  Saint-Esprit,  |02,  144,  215, 
461. 

Ponce  (Le  P.),  jésuite,  66,  79. 

PoNiATOwsKi  (M.  de),  envoyé  d'Auguste  III,  roi  de  Pologne,  303,  480. 

Pons  (Charles-Louis  de  Lorraine,  prince  de),  maréchal  de  camp,  136,  485. 

PoNS  (Elisabeth  de  Roquelaure ,  princesse  de),  femme  du  précédent,  426;  485. 

Pons  (Emmanuel-Louis- Auguste  de  Pons  Saint-Maurice,  chevalier  de),  129. 


S20  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

Poiis  (Vicomte  de  ),  brigadier  de  cavalerie,  159. 

PdNs-CHATiGMY ( Claiide-Looig  de  Bouthillier  de  Chavigny,  comte  de),  129, 
157, 

PoNTAc  (Abbé  de),  aumônier  de  la  reine,  254. 

PoNTCHARTRAiN  (Louis  Phélypeaux,  comte  de),  cbanceiter  et  garde  des  sceaux 
de  France,  mort  en  1727, 143. 

PoNTCHARTKAiN  (Jérôme-Pbélypeaux,  comte  de),  fils  do  précédent,  143. 

PoNTCHARTRAiN  (Paul- Jérôme,  marqnîe  de),  maréchal  de  camp,  fils  du  précé- 
dent, 158,  440. 

Poht-Saint-Pierre*  (Michel-Charles-Dorothée de  RoncheroUes ,  marquis  de), 
brigadier,  159,  314. 

Portraits  de  vieillards,  237. 

Pot  royal  (Le),  44.' 

PoTARNB  (Charles-Léonard  de  Baylens,  marquis),  mestre  de  camp,  463,  466. 

Praigne  (Chevalier  de),  brigadier,  86. 

PRAT  (Abbé  du),  vicaire  général  de  Montpellier,  254. 

Premier  (M.  le).  Voy,  Beringhen. 

Premier  Président  (Le).  Voy,  Pelletier  (Louis  le). 

PRBS8URE  (M.  de),  mestre  de  camp,  86. 

Prévôt  des  marchands  (Le).  Voy.  Tcrgot. 

Prie  (Agnès  Berthelot,  marquise  de),  morte  en  1729, 123,  280. 

Prieur  (Le),  chapelain  du  roi,  385. 

Prophétie  du  onzième  siècle,  323. 

Promotion  d*ofiiciers  généraux ,  157. 

Prusse  (Roi  de).  Voy.  Frédéric-Guillaoub  V^  et  Frédéric  IL 

PciGUYON  (Charles-François de  Granges  de  Surgères,  marquis  de),  gentil- 
homme de  la  manche  du  Dauphin,  55, 89,  405,  441,  444. 

PuiGUYON  (M"®  de  la  Boëssière,  marquise  de),  femme  du  précédent',  89,  316. 

PuisiEux  (Louis-Philogène-Bruiart,  marquis  de  ),  ambassadeur  à  Naples,  7, 
204,  310-313,  398,  399. 

PpYBioN.  Voy,  PuiGinroN, 

Q. 

Quénaut  pe  Clermont  (Armand-François),  maréchal  de  camp»  166, 

R. 

Rambouillet  (Voyages  de),  195. 

Rambures  (Louis-Antoine  de  la  Roche-Fontenille,  marquis  de),  maréchal  de 

camp,  1 58, 330. 
Randan  (Guy-Michel  deDurfortde  Lorges,  duc  de),  maréchal  de  camp,  158, 

188,  344. 
Rannes  (Anne-Françoise d'Argouges  de),  baronne  de  Tréville,  6. 
Rare  (M"**  de  la  ),  femme  de  la  reine,  471. 
Rasaud  (Joseph  de),  brigadier,  167. 
Ravannes  (Michel-Gabriel  Petit  de),  abbé,  conseiller  d'État,  215. 


m 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  621 

Razilly  (Armand-Gabriel,  comte  de  ),  brigadier,  159. 

RÉ.\uiiUR(René-Ântoine-Cerchault  de),  de  TAcadémie  des  Sciences,  184. 

Rklingue  (Cliarles- Antoine, comte  de),  brigadier,  159. 

Reine  (La).  Voy.  Marie  Leczinssa. 

Reliquaire  de  Péglise  de  Dampierre,  237. 

Renaud  (  Le  P.  ),  dominicain,  268. 

Rennes  <ÉYêque  de).  Voy,  Yâuréal. 

Resnel  (Marquise  de),  280. 

Rhodes  (M""*»  de),  131. 

RiBÉRAc  (M"**  de),  dame  d'honneur  de  M>ic  de  Glermont,  425,  426. 

Richelieu  (Le  cardinal  de),  91,  92. 

Richelieu  (Louis-ii'rançois- Armand  de  Yignerot  du  Plessis,  duc  de),  roaré* 
chai  de  camp,  46,  224,  441,  449,  452,  480,  482. 

Richelieu  (Elisabeth-Sophie  de  Lorraine,  duchesse  de  ),  femme  du  précédent, 
205,  224. 

Ridels  (Raron  de),  314. 

RiOH  (Sicaire-Antonin-Armand-Auguste-Nicolas  d'Aydie,  comte  de),  350,  359, 

Rivière  (Charles- Yves -Thibault,  comte  de  la),  maréchal  de  camp,  166, 

Roghambeau  (César-Gabriel  de  Yimeur  de  ),  chef  d'escadre,  386. 

Rogheallart  (  m.,  de  la  ),  chef  d'escadre,  375-377  ;  lieutenant  général  des  ar- 
mées navales,  386. 

Roche-Aymon  (Charles- Antoine  de  la),  évéque  de  Tarbes,  puis  archevêque 

de  Toulouse,  108,  193,  458,  459. 
Roghebonne  (  Charles-François  do  Châteauneuf  de  ),  archevêque  de  Lyon , 

149. 
Rochechouart  (Charles-Auguste,  duc  de),  premier  gentilhomme  de  la  chambre, 

133,  160,  298,  299,  314,  339,  417,  420,  459,  460,  476,  484. 
Rochechouart  (Augustine  de  Coëtquen-Combourg,  duchesse  de),  femme  du 

précédent,  144. 
Rochegbouart-Faudoas  (Jean-François-Joseph  de),  évéque  de  Laon,  424. 
Roche  de  Fontenille  (Antoine-René  de  la),  évéque  de  Meaux,  176. 
Rochefoucauld  ( Frédéric«Jérôme  de  Roye  de  la),  archevêque  de  Bourges, 

138. 
Rochefoucauld  (Alexandre,  duc  de  la),  grand-mattre  de  la  garde*robe  du 

roi,  31,  32,  375,  [395,  429. 
Roche-sur- YoN  (Louise- Adélaïde  de  Bourbon-Conty,  Mademoiselle  de  la), 

2,  19,  25,  32,  139,  355,  462,  465,  483. 
Rocozel  (Pons  de  Rosset,  marquis  de  ),  lieutenant  général,  85. 
Roger,  notaire,  126. 
RoHAN  (Armand-Gaston  de),  cardinal,  grand- aumônier  de  France,  21,  93, 

135,  141,  192,  263,  321,  329-331,  333,  335,  367,  374,  458. 
RoHAN  (Hercule-Mériadec  de  Rohan,  duc  de  Rohan-Rohan,  appelé  le  prince 

de  ),  23,  80,  229,  335,  424. 
RoHAN  (Marie-Sophie  de  Courcillon,  princesse  de),  femme  du  précédent,  132, 

422. 
RoH AN  (Charlotte-Rosalie  deChâtillons  duchesse  de),  293. 
Roi  (Le).  Voy,  Louis  XV. 
Roi  de  Cocagne  (Le),  comédie,  164. 


532  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

RoLLE  (Baron  de),  469. 
RoLLi»,  liistorien,  479. 
RoQCEFEciLLE  (Comte  de),  chef  d'escadre,  383;  Ueiiteoant  général  des  armées 

navales,  386,  422. 
RosEN  (Anne-Armand,  marquis  de),  brigadier,  160,  384. 
RosEN  (Éléonor-Félix  de),  chevalier  de  Malte,  frère  da  précédent,  407. 
RoTTEMBOtHG  (M.  de),  286,  380. 
RoTTEUBouRG  (M°'''.de),  ICI. 
Rocre(M.  du),  167. 
RouRE  (M"«du),  279. 

RoDssEAC  (Jean-Raptiste  ),  sa  réponse  à  Voltaire,  233. 
RoossitLON  (M.  de  ),  178. 
Rote  (Mlle  de).  Voy.  Biron  (Docbessede). 
RuBEMPRÉ  (M.  de  ),  capitaine  des  gendarmes  écossais,  461,  466. 
RuFFEC  (Catlierine-Charlotte-Tbérèse  de  Gramont,  duchesse  de),  13,  41,43, 

44,  46,  49,  50-52,  66,  74,  75.  264,  268,  449,  452. 
RuFFEc  (Armand-Jean  de  Saint-Simon,  marquis  de),  maréchal  de   camp, 

177,  229. 

RuFFEc  (Marie-Jeanne-Lonise  Bauyn  d^AngiarvilUers  ),  marquise  de),  fenune 

du  précédent,  113,  177. 
RuMAUf  (M.  do),  160. 
RupELMOROE  (Marie-Marguerite-Élisabeth  d'Alègre,  comtesse  de.),  dame  du 

palais  de  la  reine,  175,  212,  258,  280,  281,  345,  360,  400. 
RcpeuioRnE  (Marie-Olirétienne-Christine  de  Gramont,  comtesse  de),  dame  da 

palais  de  la  reine  et  belle-tille  de  la  précédente,  400,  421,  426,  437. 


S. 

SABRàH  (M.  de),  158,  283,  285,  286,  483. 

S4BRAN  (M^  de),  285,  309. 

Sade  (  M.  de),  185;  envoyé dn  roi  près  de  réieotenr  de  Cologne,  314. 

SACfCTOT  (  M.  de  ),  introducteur  des  ambassadeurs,  24,  52,  57,  58,  213,  227- 

229,246,  250,  281,  442,443,  464. 
SAiirr-AiG!iA!(  (Paul-Hippolyte  de  Reauvilliers,  duc  de),  amhassadcqr  à  Ronae, 

lientenaot  général,  82,  106,  125,  480. 
SAisT-ÂLBUf  (Charles  de),  archevêque  de  Cambrai,  295. 
Sai!«t- André  (Roié-Ismidon-Nicolas  Prunier,  comte  de),  btigadicr,  159. 
Saixt-Anoré  (  Chevalier  de  ),  chef  de  brigade,  438. 
Sawt-Amdré  (  Marédiale  de  ),  128. 
Saikt-Aclaub  (François-Joseph  de  Beaopoil,  Marquis  de),  de  rAcadéoaîe 

française,  69. 
SAiyT-AvB!fT(  Comte  de),  161. 
Saint-Brîeuc  (Évéqne  de  ).   Yo^,  ¥itet  de  Moriguis. 

SAIVr-CHAHANT  (M**  d«  ),  336. 

Saint^Chalmo^t  (M.  de),  369. 

Saoct-Cohtest  (M.  de),  178. 

Sairt-Ctr  (Abbé  de),  soos-préoepteor  do  Dauphia»  40S. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  528 

Sàint-Florentin  (M.  de),  secrétaire  d'État,  105,  148,  230,  393,  427,  459. 

Saint-Florentin  (M™"  de),  111,437. 

Saint-Germain  (M.  de),  452. 

Saint-Germain  (M^ne  de  ),  68,  98,  262,  .264,  424,  434,  449. 

Saint-Hilairb  (  M.  de),  281,  284. 

Saint-Jal  (Jean-Claude  de  Lastic,  marquis  de),  maréchal  de  camp,  158. 

Saint-Jean  (M.  de),  gentilhomme  de  la  chambre  du  roi  d'Espagne,  73. 

Saint-Migaolt  (M.  de  ),  298. 

Saint-Onésime  (  Châsse  de  ),  256. 

Saint-Pern  (M.  de),  419,473. 

Saint-Pierre  (  Abbé  de  ),  254. 

Saint-Pierre  ( Comtesse  de),  146, 162. 

Saint-Sacyeor  (  Abbé  de),  254. 

SAiNT-SéVERiN  (M.  de'),  ambassadeur  en  Suède,  370,  456,  483,  485. 

Saint*Sihon  (Claude  de  Rouvroy  de),  évêque  de  Metz,  142,  285,  306,816, 

322,  423. 
Saint-Simon  (Louis  de  Rouvroy,  duc  de),  13^,  316. 
Saint-Simon  (Geneviève^Françoise  de  Du rfort,  duchesse  de),  137,  189. 
Saint  Simon  (Charlotte  de),  princesse  de  Chimay,  fille  des  précédents,  137* 
Sainte-Hermine  (Abbé  de),  aumônier  de  la  reine,  523. 
Sainte-Maure  (Louis-Marie,  comte  de),  maréchal  de  camp,  158. 
Sainte-Maure  (M.  de),  vice-amiral,  384,  385. 
Sainte-Mesme  (  M.  de  ).  Voy,  Hôpital. 
Saissac  (M™c  de),  188. 
Salonistes  ou  polissons  de  Marly,  183,  386. 
Salyère  (M.  de),  premier  éciiyer  de  la  grande  écurie,  484. 
San-Estevan  (Comte  de),  312. 
Santo-Buono  (Prince  de  ),  456. 
Sardaigne  (Le  roi  de).  Voy.  Charles-Emmancel  IIL 
Sardaigne  (Reine  de).  Foy.  Élisabetu-Thérèse  de  Lobraine. 
Sassenage(  m.  de),  167,  466. 
Sassenage  (Mme  de),  49,  132,  309. 
Saujon  (M.  de),  156,  173. 
Saojon  (M'nede),  336. 
SAUJONfiIs(M.  de),  174. 

S'aulx-Tavannes  (Charles-Nicolas  de),  archevêque  de  Rouen,  438. 
Saulx-Tavannes  (Charles-Michel-Gaspard,  courte  de),  brigadier,  160,483. 
Saumery  (Alexandre  de  Johanne  de  la  Carre,  chevalier  de),  brigadier,  159, 
Sauroy  (Joseph  Durey  de),  marquis  du  Terrail,  200. 
Savoie  (Reine de).  Voy.  Elisabeth-Thérèse  de  Lorraine. 
Saxe  (Prince  électoral  de).  Voy.  Pologne. 
Saxe  (  Arminius-Maurico,  comte  de  ),  lieutenant  général,  440,  445. 
ScHMERLiNG  (Baron  de),  ministre  de  l'empereur  en  France,  167. 
ScHMiDBERG  (M.  de),  brigadier,  167. 
ScnwART/BOURG  (Comlc,  puis  prince  de),  314,  315. 
Sédition  à  Versailles,  243. 

Seeooritf  (Jean-BalthazarFegelin  de),  brigadier,  166. 
Segaud  (Le  P.),  prédicateur,  224. 


594 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


y 


S^CH  (M.  de),  291,  440. 

6ÉGUR  (Mme  de),  6,  13,  35,  38,  54,  57,  59,  66,  68,  76,  83,  110,  ll2,  118, 

119,  144,  146,  147, 179, 182,  184,  193,  208,  224,  248,  368. 
8ELLE  (M.  de),  iotendant  des  Menus,  10. 
SÉNAC,  médecin  de  Saint-Cyr,  474. 
Sbnozan  (  M.  de),  receveur  général  du  clergé,  211. 
Sf»s  (ÉUsabetb-Aleiuindrine  de  fioarbon-'Ck>ndé,  Mademoiselle  de),  19,  25. 

32,  44,  118,  122,  127,  128, 131,  150,  152,  219,  261,  426,433,  483. 
50n<(£e5),  opéra,  205. 
Setin( Abbé),  479. 

8ILVA,  médecin,  121,  122,  141,  142,  474,  475. 
Sœurs  (Les deux).  Yoy,  MAiLLYetYiNTiiiiLLE(Mnttde). 
Sœurs  (Les  quatre),  74.  Voy,  Bodrbon  .(Louise- Anne  de  ),  Clermokt  (M^^  de), 

Mailly  (M*"**  de)  et  YiNTmiLLc  (M«e  de  ). 
SoiAE  (Le  commandeur  de),  ambassadeur  de  Sardaigne,  52,  366,  380,  387. 
SotFERiNo  (M.  de  ),  majordome  major  de  M™«  Infante,  71. 
SoDBisB  (  Cbarles  de  Rolian,  prince  de),  capitaine  des  gendarmes  de  la  garde, 

23,  69,  76,  141,  151,  176  ;  brigadier,  160,  172,   187,  229,  384,  439,  441, 

451,468,480-482. 
SoDBisE  (Anne-Marie-Lonise  de  la  Tour  d'Auvergne,  princesse  de),  femme  da 

précédent,  47,  49,  80. 
SoçRCBES  (Marquise  de),  13,  87,  108,  119,  196,  208,  209. 
SouBCHES  (Louis  du  Bouche!  de  ),  fils  de  la  précédente,  brigadier,  167,  450. 
SopscPEs  (M*^  de),  née  Maillebois,  femme  du  précédent,  450,  483. 
8M(Mllede),  15,  367. 
Staffort  (Milord),  292. 
Staihville  (  M.  de  ),  465. 
Stanislas  Leczinski,  roi  de  Pologne,  duc  de  Lorraine,  190,  197,  201,  205, 

207,  210. 
Statue  équestre  de  Louis  XY,  454. 
Stiluako  (M.  de),  444. 
Stolberg  (  Comtes  de),  53, 57. 
Suisses  des  Douze,  256. 

SoLLT  (Louis-Pierre-Maximilien  de  Béthome ,  duc  de),  304. 
SvLTZBACH  (Duc  dc ),  436,  453. 
SoLTZBAGH  (  Prince  de),  58. 
SoLTZBACH  (Princesses  de),  436. 
SiaBEOL  (M.  de)),  408. 
SczE  (Louis-Michel  de  Chamillart,  comte  de  la),  brigadier,  grand-maréchal 

des  logis,  160, 448,  449. 
SvzT  (Charles-François  de  Ronty,  vicomte  de  ),  brigadier,  159. 


T. 

Tallard  (Duc  de),  41,  56,  62,  44,  71,  74,  201. 

Tallard  (Marie-Élisabetli-Angélique-Gabrielle  de  Rohan,  duchesse  de),  goa- 
vemantedes  enfants  de  France,  5,  16,  24,  29,  30,  37,  40,  62,  68,  71,  7s, 
74,  115,  131,  149,  201,  203,280,  294,  300,  337,  338,  412. 


DES  NOMS  ET  DES  MATIÈRES.  525 

TALLEYRAifD(M'"*  de),  13,  43,  44,  51,  66,  72,  75,  82,  90,  98, 119,  252,  279, 
dame  du  palais  de  la  reine,  280,  281,  301,  455. 

Talmond  (Prince  de),  86. 

Talmond  (Princesse  de),  197,  304. 

Tapisseries  des  Gobeiins,  282. 

Tavannes  (Abbé  de),  74.  ^ 

Tencin  (Pierre Guérin  de),  cardinal,  archevêque d*£mbrun,  82,  245;  archevêque 
de  Lyon,  253. 

Terlay  (M.  de),  lieulenant*colonel  du  régiment  des  gardes,  400,  415. 

Terme  du  Saux  (M.  de),  brigadier,  160. 

Terrail  (M.  du  ).  200.  Voy,  Sacroy. 

Terrisse  (Abbé),  74. 

Tessé  (René-Marie  deFroulay,  marquis  de),  premier  écuyer  de  la  reine,  138, 
160,  167,  168,  229,  257,  278,  302,  417,  437,  438. 

TÉssÉ  (Marie-Charlotte  de  Béthune,  marquise  de),  femme  du  précédent,  37^ 
40,71,  74,  229,  274,  359,  437. 

Tessé  (Chevalier  de),  129. 

Tessin  (Comte  de))  15^  225. 

Tessin  (Comtesse  de),  15,  367. 

Testament  de  Ferdinand  1*^,  empereur  d'Allemagne,  271, 277. 

Thévenard,  acteur  de  POpérâ ,  465. 

Thibodtot  (Louis-François,  marquis  de),  brigadier,  167. 

Thiers  (M.  de),  453. 

Thurette,  directeur  de  TOpéra,  363, 365. 

TïLuÈRE  (M""  de),  152. 

TitLY  (Dom  de),  254. 

TiLLY  (Jean-Baptiste  Roussel ,  marquis  de),  brigadier,  166. 

TiNGRY  (Anne-Charles-François-Chrétien  de  Montmorency-Luxembourg,  prince 
de),  brigadier,  160, 212. 

TiNGRY  (Princesse  de),  211. 

Tonnerre  (Accident  causé  par  le),  325. 

ToRcY  (Jean-Baptiste  Colbert,  marquis  de),  secrétaire  d'État,  367  •« 

ToRELA  (Prince  de  la  ),  ambassadeur  extraordinaire  du  roi  des  Deux-Siciles,  73, 
84,  112,  117. 

ToRiLLiÈRE  (La),  comédien,  146. 

ToRRÈs  (M.  de),  383. 

Toscane  (François-Etienne  de  Lorraine,  grand-duc  de),  265»  267,  362, 389. 

Toscane  (Grande-duchesse  de).  Voy.  Marie-Thérèse. 

TooLocBE  (Archevêque  de).  Voy.  Roche-Aymon. 

TotJLOtsE  (Louis-Alexandre  de  Bourbon,  comte  de),  351,  355. 

TooLObSE  (Marie- Victoire-Sophie  de  Noailles,  comtesse  de),  12-14,  38,  87, 
95,  106,  108,  109,  lld,  124,  130,  135,  144,  148,  153,  168,  172,  177,  196, 
208,  219,  258,  259,  262,  283,  287,  290,  293,  309,  310,  313,  317-319, 
824,  334,  351-357,  370,  376,  382,  394,  405,  434,  465,  475-477,  481, 
484. 

ToOR  D^AvvERGNE  (Henri  Oswald  de  la  ),  cardinal,  archevêque  de  Vienne,  pre- 
mier aumOnier  du  roi,  nommé  le  cardinal  d^ Auvergne  ^  93,94,  134,  135, 

141. 


696  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

TouBNELLE  (M.  de  la),  sous-introducteur  des  ambassadeuni,  246,  278,  279, 283, 

334,  335,  443. 
TouRfiELLE  (Marie-Anne  de  Mailly-Nesle,  marquise  de  la),  39, 47, 65, 140,  154, 

164,  175,212,  236,  278,391. 
Tours  (Archevêque  de).  Voy.  Chàpt  de  Rastignag. 
Tracn  (Comte  de),  215. 

TfiAVEAs  (Jean -Victor,  baron  de),  brigadier,  159. 
Trémoille  (Charles -Armand-René,  duc  de  la),  premier  gentilhomme  de  la 

chambre  du  roi,  113, 114,  116,  117,  133,  157,  163, 164,  205,  210,  217,219, 

229,  336,  290,  291,  301,  317,  346,  394,  402,  403. 
TRéMoi  LLE  (Marie- Victoire- Hortense  de  la  Tour  d'Auvergne,  duchesse  de  la)» 

femme  du  précédent,  152,  402,  441. 
Tresmes  (François-Bernard  Potier,  duc  de),  363. 
Tresh ES  (Louis-Léon  Potier,  comte  de),  maréchal  de  camp,  fils  du  précédent, 

158. 
Tresmes  (Éiéonore-Marie  de  Montmorency-Luxembourg,  comtesse  de),  femme 

du  précédent,  426. 
Tressan  (Louis-Élisabeth  de  la  Vergne,  comte  de),  brigadier,  166,  176. 
Trévillb  (Jean  de  Moneins,  baron  de),  6. 

Trianon  (Dépenses  des  voyages  de),  449  ;  Trianon  donné  à  la  reine,  462. 
Triplet  (M.),  339. 

TRtDAlNE  (M.),  156. 

TuRBiLLY  (Marquis  de),  161. 
Turenne  (Vicomte  de),  155,  206. 
TuRENNE  (Prince  de),  205,206. 

TuRGOT  (Michel-Etienne),  prévôt  des  marchands  de  Paris,  33-35,  42, 78,  225, 
238,  239,  295,  365,  456. 

TuRGOT  fils  (M.)|  avocat  au  CbAteiet»  42. 

u. 

XJlysae  (Démolition  de  la  galerie  d*),  à  Fontainebleau,  55. 

Ur8.  Foy.  Ursbl. 

Ursbl  (Conrad-Albert-Charles  Schets,  duc  d'Hobokes  et  d'),  117. 

UiÈs  (Comte  d'),  348. 

UiÈs  (Comtesse  d'),  347. 

Uzàa  (Duchesse  douairière  d'),'347. 

V. 

VAUxxmT  (Jean-François  de  Qoesse  de),  maréchal  de  camp,  157. 

VALEmcAU  (M.  de),  brigadiff,  167. 

VALEimiiois  (Dac  de),  316,  317. 

VALETTE-THonAS  (M.  de  la),  chef  d'escadre,  386. 

Vàixiàafi  (Doc  de  la  ),  14;  brigadier,  159. 

Tandcvil  (M.  de),  brigadier,  159 

Vummc  (M.  de  la),  brigadier,  166. 


DES  NOMS  BT  DES  MATIÈRES.  S27 

Varennes  (M.  de),  415. 

Vassé  (Marquis  de),  106,  365,  369,  441* 

Vassb  (  Vidame  de),  112,  brigadier,  160,  f74,  296»  807,  32«,  372. 

Vatan  (M.  de),  238,  239. 

Vaoban  (Maréchal  de),  278, 279. 

Vaobecourt  (M.  de),  160. 

Vaubourg  (M.  de),  179. 

Vaubrdh  (Abbé  de),  164. 

Vaucresson  (  Maison  de),  134. 

Vauguîon  (M«>«  de  la  ),  176. 

Vaoréal  (Lodis-Guy  Guérapin  de),  évéque  de  Rennes,  matire  de  la  chapelle- 
musique  du  roi,  284,  427. 

Vence  (Chevalier  de),  13. 

Veneur  (M.  Le),  372*  * 

VÉNIER,  ambassadeur  de  Venise ,  22,  53, 429. 

Ventadour  (Armand  de  Rohan-Sonhise,  abbé  de),  88,  329. 

Ventadour  (Charlotle-ÉIéonore-Madeleine  de  la  Mothe-Houdancourl,  du- 
chesse-douàirière  de),  gouvernante  des  enfants  de  France,  47,  338,  423, 

435,  466. 

VÉRAC  (MM.  de),  430. 

VÉRAc  (Marquis  de),  327. 

Verdun  (Évoque  de),  roy.  Dromesnil. 

Verneuil  (M.  de),  introducteur  des  ambassadeurs,  secrétaire  du  cabinet,  39, 
71,  111,  113-117,  153,  161-163,  199,  202,  203,  225,  305,  310,  314,  319, 
334,  339,  345,  363,  371,  372,  397-399,  427-430,448,  446. 

Vernecil  (Mn»«  de),  354. 

Vernedil  (M»«  de),  90,  276. 

Vernon,  amiral  anglais,  377. 

Vers  à  la  louange  des  maréchaux  de  Noailles  et  de  Coigny,  481. 

Vezannes  (Georges-Philippe-Léon  de  Channes  de),  4a7, 439»  4«4* 

ViERuE  (M.  de  la),  438. 

ViEuviLLE  (Marquise  de  la),  203. 

ViGEAN  (Abbé  du),  423. 

ViGEAN  (Mlle  ,iu)^  431^ 

ViGiER  (François- Joseph-GuiUaume),  brigadier,  158. 
Vigne  (M.  de  la),  médecin,  274. 

Vigny  (M.  de),  lieutenant  général  des  bombardiers ,  172. 
Vigny  (M.  de)  fils ,  écuyer  du  roi ,  172, 173. 
ViLLARs  (LouisHector,  ducde),  maréchal  de  France,  223. 
ViLLARs  (Jeanne-Angélique  Roque  de  Varengeville,  maréchale  duchesse  douai- 
rière de),  veuve  du  précédent,  dame  du  palais  de  la  reine,  27,  28,  30, 

259,  280. 

VaiARs  (ffonoré^Armand,  duc  de),  fils  des  précédents,  261. 

ytiLARs  (Amab/e-Ga5rielle  de  Noailles,  duchesse  de),  dame  du  palais  de  la 

reine,   femme  du  précédent,  54, 110,  175,  274,  280,  357, 359,  437,  481. 
^iLLEFORT  (Marie-Suzanne  de  ValicourtjM^'de),  sous-gouvernante  des  en- 
fants de  France, .167. 
ViLLEMDR  (JeanBapeisU^-François,  marquis  de),  129;  maréchal  de  camp,  158,